Compte rendu publié dans le dossier critique d'Acta fabula "L'aire du témoin" (Juin-Juillet 2013, Vol. 14, n° 5) : "De la critique littéraire considérée comme un exercice de mépris" par Luc Rasson et "Éthique & politique du témoignage littéraire" par Bruno Védrines.
***
Charlotte Lacoste, Séductions du bourreau
Paris : Presses Universitaires de France, coll. "Intervention philosophique", 2010.
EAN 978213058430.
Prix 29EUR
Présentation de l'éditeur :
Comment devient-on un bourreau ? Comment expliquer que dans les périodes sombres de l’histoire, des hommes ordinaires se transforment en assassins – criminels de bureau ou tortionnaires de terrain ? Cette question qui formait la clef de voûte des Bienveillantes, le best-seller de Jonathan Littell, revient comme un leitmotiv dans la production littéraire et artistique contemporaine, et elle y reçoit souvent la même réponse, en forme de syllogisme :
Tous les bourreaux sont des hommes ordinaires
Or les hommes ordinaires, c’est nous tous
Donc nous sommes tous des bourreaux.
De fait, on ne compte plus les auteurs qui, détournant la thèse de Hannah Arendt sur la banalité du mal ou celle de Stanley Milgram sur la soumission à l’autorité, exploitent le motif du jaillissement du monstre (que tout un chacun nourrirait en lui-même), dédouanant d’autant les vrais coupables (qui ont simplement eu la malchance de pouvoir donner libre cours à leur nature destructrice…).
En se basant sur l’analyse d’une quinzaine d’ouvrages récents (romans, essais, pièces de théâtre, films), Charlotte Lacoste enquête sur les présupposés idéologiques des oeuvres qui mettent en scène la figure du meurtrier de masse (officiers nazis, génocidaires rwandais, tortionnaires en Algérie), et démontre qu’au gré d’une inversion radicale des valeurs, le bourreau se trouve aujourd’hui érigé en modèle d’humanité. C’est ce qui explique l’apparition, sur la scène artistique, littéraire et médiatique, de la figure mi-sublime mi-pathétique du bourreau gentilhomme, pris au piège des circonstances, sorte de meurtrier malgré lui, censé nous représenter tout un chacun, et nous révéler à nous-mêmes notre potentiel de destruction massive…
C’est contre ce traitement dépolitisant de la question du crime de masse que s’élève l’auteur de cet essai.
***
On peut lire sur le site BibliObs.com un article sur cet ouvrage: "Comment devient-on un bourreau?"