Colloque international « Les cinq sens et les textes »
Nancy, 29-31 mai 2013, Campus Lettres et Sciences Humaines
Laboratoire Littératures, Imaginaire, Sociétés (EA 7305)
Organisation : Paul DIRKX
Renseignements – réservations
Isabelle VILLERMAIN-LÉCOLIER, LIS : 03 54 50 50 85
isabelle.villermain-lecolier@univ-lorraine.fr
Programme
Mercredi 29 mai 2013
Salle des actes (G 04)
14h30 Ouverture du colloque
14h30 Christian Chelebourg (Université de Lorraine, Directeur du laboratoire Littératures, Imaginaire, Sociétés) :
Mot d’accueil
14h40 Paul Dirkx (Université de Lorraine) :
Introduction
15h Conférences (présidence : Christian Chelebourg, Université de Lorraine)
15h Jean-Yves Laurichesse (Université de Toulouse 2 - Le Mirail) :
« Donner du sens à l’olfactif dans le texte moderne : l’exemple de Claude Simon »
15h40 Bernard Andrieu (Université de Lorraine) :
« L’embodiment chez Joyce et Angot »
16h20 Pascal Durand (Université de Liège, Belgique) :
« Poétique et politique des sens. De Vigny à Mallarmé »
17h Débat
Salle des conférences (A 104)
17h45 Verre de l’amitié
Jeudi 30 mai 2013
Salle des conférences (A 104)
8h45 Accueil
9h15 Les textes dans tous leurs sens (présidence : Marie-Anne Macé, Université de Bretagne Sud)
9h15 Julien Lebreton (École doctorale « Concepts et Langages », Université Paris 4 - Sorbonne) :
« L’éveil et le plein des sens chez Rabelais »
« Voir le monde », telle est la devise de la Renaissance. Elle apparaît dans un dialogue entre Panurge et Dindenault dans Le Quart Livre de Rabelais. Le fossé qui sépare Gargantua du Tiers Livre ne tient pas uniquement à une évolution dans l’attitude de l’auteur et dans le mode de relation qu’il tente d’instaurer avec le lecteur. Il concerne surtout le rôle assigné aux sens en tant que modes de perception et d’appréhension du monde. Cette contribution soulignera ainsi la place privilégiée que les sens occupent chez Rabelais.
9h50 Alain Montandon (Institut de France, Université de Clermont-Ferrand 2 - Blaise Pascal) :
« Polysensorialité du goût »
La description de l’organe gustatif chez les écrivains révèle la multifonctionnalité du sens du goût dans l’écriture littéraire. Le goût appelle une finesse de la sensibilité toute particulière. Si Diderot y voyait un toucher plus subtil, la vue (Gautier), l’ouïe (Maupassant) et surtout l’odorat et l’imagination participent du goûter. L’exemple de la madeleine proustienne est certes célèbre, mais d’autres écrivains ont célébré la richesse littéraire de ce sens. Le genre nouveau d’orgue imaginé par Polycarpe Poncelet préfigure l’orgue à bouche de Huysmans ou le piano-cocktail de Boris Vian. E.T.A. Hoffmann, puis Nerval, Musset, Vigny, Maupassant ou Baudelaire ont repris les correspondances liées au goût. Lequel sera ainsi analysé dans sa richesse polysensorielle.
10h25 Pause café
10h45 Les sens de la narration (présidence : Alain Montandon, Institut de France, Université de Clermont-Ferrand 2 - Blaise Pascal)
10h45 Elsa Chaarani (Université de Lorraine) :
« La sensorialité dans Expédition des Deux-Siciles de Maxime Du Camp »
Dans le récit que fait Maxime Du Camp de l’expédition garibaldienne de 1860 dans le sud de l’Italie, les notations sensorielles sont pléthoriques. Au delà de la volonté de témoigner des impressions reçues à la découverte du pays, cette sensorialité est liée à la vision subjective des lieux traversés. Le but de Du Camp est de suggérer le mouvement physique des garibaldiens en déplacement, mais encore le mouvement historique accompli dans le sens du progrès et de la liberté, entendue comme le droit des peuples à l’indépendance nationale. On note aussi la récurrence de cette sensorialité dans les écrits d'autres garibaldiens, ce qui pose le problème des traits de ce sous-genre italien de la littérature de voyage que sont les mémoires garibaldiens.
11h20 Stefana Squatrito (Université de Catane, Italie) :
« L’ivresse sensorielle dans les récits de jeunesse d’Henri Bosco »
Dans les récits d’Henri Bosco, la sensorialité revêt un rôle qui est loin d’être secondaire. Les perceptions sensorielles pullulent dans ces pages qui donnent une représentation de la vie intérieure du protagoniste plus qu’elles ne portent un regard objectif sur la réalité. Dépourvue de toute fonction réaliste et surexcitée parfois par une véritable ivresse sensorielle, la description bosquienne renvoie, le plus souvent, à la subjectivité d’un sujet de conscience qui perçoit et interprète le monde. C’est cette exaltation perceptive et ses modalités qui seront ici examinées.
11h55 Rachel Monteil (Université de Lorraine) :
« Une rééducation sensorielle, facteur de renaissance et vecteur de résistance dans Le Voyageur nocturne de Maurizio Maggiani »
L’écrivain contemporain, l’homme moderne peut-il, doit-il encore se laisser guider par ses expériences sensorielles ? C’est la question à laquelle on tentera ici de répondre en présentant un roman de Maurizio Maggiani. Il s’agira de rendre compte de l’hypersensibilité qui caractérise l’instance narrative, afin de dévoiler comment l’éveil et l’expression des cinq sens peuvent permettre de relever un défi diégétique, tout en répondant à une nécessité existentielle, d’une part, et à un enjeu social, d’autre part.
12h30 Déjeuner
14h15 Sens interdits : du narrateur à l’auteur (présidence : Jean-Yves Laurichesse, Université de Toulouse 2 - Le Mirail)
14h15 Cæcilia Ternisien (Université du Littoral) :
« Sensorialités et tonalité littéraires chez André Pieyre de Mandiargues »
Dans son œuvre polygraphique, André Pieyre de Mandiargues bâtit une phénoménologie du corps en faisant s’échelonner les relations du corps conscient avec le monde. Quel est l’impact du cadre générique sur la représentation des cinq sens dans ses textes ? Quel peut être celui de la sensorialité sur la production scripturale – sensorialité qui, étant au cœur de la médiation entre monde réel, monde possible et monde fantasmé, façonne un ethos, une attitude existentielle de l’auteur et structure ainsi les tonalités littéraires entendues comme catégories esthétiques ?
14h50 Justine Feyereisen (Fonds national de la recherche scientifique de Belgique, Université Libre de Bruxelles) :
« Histoire du pied et autres fantaisies de J. M. G. Le Clézio, histoire de sens »
Attendu avec impatience après la remise du prix Nobel 2008, Histoire du pied et autres fantaisies de J. M. G. Le Clézio ravive le débat des exégètes relatif à l’art de l’auteur à combiner dans ses textes brefs la plus grande diversité avec l’unité la plus forte. Les cinq sens seraient-ils une source possible de cohésion de ce recueil, dont la fragilité – ou la force – des personnages semble provenir de leur habileté à ressentir le monde, une capacité dont userait aussi l’écrivain au niveau de la composition ?
15h25 Pause café
15h45 Martina Stemberger (Université de Vienne, Autriche) :
« Au-delà de la (chose) vue : le dispositif sensoriel du récit de voyage comme genre "frictionnel" »
Le récit de voyage se distingue traditionnellement par un « oculocentrisme » prononcé – dont l’analyse littéraire se rend souvent complice, privilégiant, elle aussi, la « chose vue » (« chose lue » ?) aux dépens des autres sens. Or, l’étude de ceux-ci permet de contextualiser la mise en scène du voyageur-voyeur. À partir d’un corpus de textes français consacrés au voyage en Russie soviétique, seront analysées les fonctions narratives et idéologiques du dispositif sensoriel dans ce genre « frictionnel ».
16h20 Élise Montel-Hurlin (Université de Toulouse 2 - Le Mirail ; LIS, Université de Lorraine) :
« Les sens des Écritures, l’essence de l’écriture : Erri De Luca »
Afin d’analyser le traitement narratif et la démarche poétique fondés sur l’expérience sensorielle et sensuelle d’Erri De Luca, trois voies d’accès à l’œuvre peuvent être privilégiées. Une analyse « auctoriale », tournée vers l’amont, vers l’écriture intime d’un ouvrier, alpiniste, écrivain-traducteur-commentateur qui propose une poétique des sens comme essence de l’écriture. Une analyse diégétique centrée sur les personnages et les thématiques, interrogeant ainsi non seulement la corporéité fictionnelle mais également la corporéité divine, et les sens des Écritures, dans les Écritures. Une analyse « lectorale », tournée vers l’aval, vers la réception, les cinq sens étant une catégorie d’analyse littéraire et critique nécessaire à l’étude de l’œuvre déluchienne.
17h00 Fin des travaux
19h30 Dîner
VENDREDI 31 MAI 2013
Salle des conférences (A 104)
8h45 Accueil
9h15 Les sens et la création de sens (présidence : Alain Génetiot, Université de Lorraine)
9h15 Laurence Denooz (Université de Lorraine - Université libre de Bruxelles) :
« La traversée des sens érotico-pornographique : émancipation ou reniement identitaire ? »
Dans L’amande et La traversée des sens, la romancière marocaine Nedjma met en scène des femmes arabes présentées comme scandaleusement dépravées. Revendiquant une filiation avec la tradition mystico-érotique arabophone, Nedjma suggère que les femmes n’ont, pour se libérer de l’ordre social et de la tradition sclérosante, que la voie d’une sexualité débridée. Celle-ci ne peut toutefois se vivre qu’au travers d’une pérégrination spatiale et temporelle. On verra si les cinq sens sont vecteurs de réappropriation d’une liberté corporelle et d’une identité féminine propre ou, au contraire, sources de reniement de la culture originelle et donc d’une renonciation identitaire renforcée par une obsession sexuelle aliénante.
9h50 Laurence Kohn-Pireaux (Université de Lorraine) :
« Les sens aux prises avec l’impossible livre borgésien : de la déception infâmante à l’authenticité de l’acte d’écrire »
Un des paradoxes fondateurs de l’œuvre de Borges est le traitement des cinq sens, déficients et pourtant bien présents. Les narrateurs sont dotés de sens partiels et partiaux, revus par une mémoire imparfaite. Lorsqu’ils se voient mis en présence d’un objet impossible contenant l’univers, aleph, zahir, livre de sable, versions spéculaires du texte absolu, une expérience fantastique est mise en scène, qui dépasse les sens jusqu’au non-sens. Borges dénonce la vanité des croyances relatives aux sens et se fait alors « artisan », pour que nous fassions de la « misérable circonstance de notre vie » ce qui « aspire à l’éternité ». La mise en scène des sens, en dépit de leur caractère déceptif, s’affirme alors comme nécessité vitale.
10h25 Ferdaous Bouaine (Université de Carthage, Tunisie ; École doctorale « Lettres, Langues, Linguistique et Arts », Université de Lyon 2) :
« L’imagination créatrice, un sixième sens ? »
Dans Phantasia et Tombeau d’Ibn ‘Arabî de l’écrivain franco-tunisien Abdelwahab Meddeb, l’écriture se fait investissement des sens dans l’espace à travers la découverte de ce qui s’offre à la vue, au goût, au toucher, à l’ouïe, à l’odorat, au corps en somme. La saisie des choses se réalise aussi selon d’autres modalités : dans la transfiguration, dans la captation de ce qui échappe aux sens, par le rêve et l’éveil à ce qui se réserve. Comme si les cinq sens étaient mus par une volonté de fonder un sixième, destiné à saisir un au-delà dont la présence semble transparaître à travers ce qui grouille dans l’espace du monde et de l’écriture : l’imagination créatrice.
11h Pause café
11h20 Les sens du récepteur (présidence : Alain Génetiot, Université de Lorraine)
11h20 Camille Venner (École doctorale « Langages, Temps, Sociétés », Université de Lorraine) :
« Les Poësies chrestiennes d'Antoine Godeau, une pastorale contre les sens ou par les sens ? »
Les Poësies chrestiennes (1633-1660) sont l’œuvre d'un poète mondain devenu évêque, qui met ses talents au service de la foi catholique, dans le cadre de la Contre-Réforme. Appeler le croyant à la dévotion, grâce à la poésie, implique un traitement singulier des cinq sens : bien que l'édification du lecteur suppose une condamnation du primat des sens sur la raison, Godeau ne cesse, par des moyens rhétoriques, de solliciter les sens du lecteur. Comment ce paradoxe fonctionne-t-il dans le recueil ? Comment celui-ci tente-t-il de le légitimer ?
11h55 Atsushi Kumaki (Université Waseda, Japon) :
« Enjeux de la poésie multi-sensorielle de Bernard Heidsieck »
Le 20e siècle est une époque où la poésie devient multi-sensorielle. C’est Bernard Heidsieck qui, en passant de la poésie sonore à la poésie action, a poussé à l’extrême cette tendance de la poésie contemporaine. Rejetant la poésie sonore en tant qu’elle est encore enfermée dans un support matériel, il en est venu à la poésie action : la poésie doit se communiquer comme performance aux spectateurs, performance où le poète lui-même — et non le comédien ou le lecteur public — met en commun ses cinq sens et ceux des spectateurs, dans un même espace poétique. Cette mise en action de la poésie sera ici développée, mais aussi illustrée par l’écoute de poèmes sonores.
12h30 Déjeuner
14h15 Les sens au-delà des textes (présidence : Laurence Denooz, Université de Lorraine - Université libre de Bruxelles)
14h15 Marie-Anne Macé (Université de Bretagne Sud) :
« Bernard Noël : toucher le regard »
Bernard Noël, poète et romancier qui inventait, dans le roman Le 19 octobre 1977, le monologue extérieur fondé sur un pronom « je » conçu comme une figure optique, s’est toujours montré fasciné par le questionnement du regard, y compris dans notre société où, en raison de la puissance des médias, il l’estime « parasité ». Lorsqu’il regroupe, dans Romans d’un regard, les textes initialement conçus pour accompagner des livres sur les peintres, il amène le lecteur, sans le support de l’image, à revisiter l’expérience, «dans le toucher les yeux ». Puis, avec Le Roman d’un être consacré au peintre Roman Opalka, il dessine le chemin de l’émotion issue de l’organique qui trouve une résolution inouïe dans le livre mimétique.
14h50 Sandrine Bédouret-Larraburu (Université de Pau et des Pays de l’Adour) :
« Le poème ou faire ressentir »
Des correspondances de Baudelaire à l’art de suggérer de Mallarmé, les poètes symbolistes ont durablement modifié nos conceptions de l’art poétique et du poème. Le poème est devenu le lieu où le langage ne se contente pas de dire, mais doit faire ce qu’il dit. À partir d’un corpus de poèmes contemporains (Philippe Jaccottet, Gustave Roud, Robert Marteau), on verra à l’œuvre les moyens linguistiques et poétiques qui permettent de faire passer des sensations autrement qu’en les nommant.
15h25 Pause café
15h45 Hélène Aubriet (École doctorale « Langages, Temps, Sociétés », Université de Lorraine) :
« Les transpositions sensorielles au service de l’étude des personnages de "Geraint and Enid" d’Alfred Tennyson : les illustrations de John Byam Shaw et d’Eleanor Fortescue Brickdale »
L’illustration ne peut être étudiée indépendamment de son texte. Elle peut lui être fidèle mais également le remettre en question en dépit d’une apparente conformité. L’étude des personnages de « Geraint and Enid » tentera de rendre compte des stratégies de la transposition des sens, lesquels contribuent à la caractérisation dans le poème. Elle montrera que cette transposition s’effectue à plusieurs niveaux. Puis, elle abordera la question des éléments non illustrés, en suggérant que ceux-ci participent à une réévaluation du texte.
16h20 Flore Garcin-Marrou (University of Columbia, Paris ; Laboratoire des Arts et Philosophies de la Scène) :
« D’une "dramaturgie olfactive" à une "dramaturgie gustative" au théâtre »
Le théâtre, par son étymologie, est principalement placé sous le régime du « voir ». Mais dès son origine, il mobilise l’ouïe par les chants qu’il fait entendre, l’odorat par les fumigations et l’encens qu’on y disperse. C’est surtout à partir des années 1970 que l’on peut identifier une « dramaturgie olfactive » en cours de constitution, tant sur le plan théâtral que sur le plan conceptuel et sémiologique. Plus récemment, la dramaturgie gustative permet d’inventer une nouvelle éthique relationnelle.
17h Paul Dirkx (Université de Lorraine) :
« Conclusion : Les cinq sens et l’autonomie littéraire »
17h30 Clôture du colloque
Avec le soutien du LIS, de l’UFR Lettres, de l’Université de Lorraine,
de la Région Lorraine et de la Communauté Urbaine du Grand Nancy