Congrès Médias 19.
La presse et les journalistes au XIXe siècle : identités et modernités
du 8 au 12 juin 2015
Le projet scientifique franco-québécois Médias 19, financé par l’Agence nationale de la recherche (France) et le Fonds de recherche québécois – Société et culture sur la période 2011-2015, achève sa phase 1. Articulé autour de la plateforme numérique www.medias19.org, le projet a été le cadre de développement d’une réflexion sur les pratiques journalistiques au XIXe siècle, sur la valorisation et l’analyse des corpus, ainsi que sur l’étude du développement de la culture médiatique dans l’espace francophone. Ce congrès est l’occasion tout à la fois de dresser un bilan des activités (notamment en exploitant les données disponibles sur la plateforme Médias 19) et de convier les chercheurs à faire état de la recherche actuelle. Organisé en cinq journées de travail, du 8 au 12 juin 2015, le congrès se fonde sur cinq grands axes qui ont été au cœur de l’action scientifique de Médias 19.
Le congrès se déroulera à Paris (le lieu exact sera confirmé en automne 2014). Les communications seront de 20 minutes. Les propositions (250 mots, quelques lignes de curriculum vitae, coordonnées complètes et mention de l’institution d’attache) seront à envoyer par courriel à l’adresse suivante, avant le 1er janvier 2015 : congresM19@gmail.com
Les chercheurs intéressés à soumettre une proposition sont informés que pour tous les axes du congrès, les études transversales et générales seront préférées aux sujets purement monographiques.
Axe 1. Être journaliste : identités, pratiques et trajectoires
Responsables : Marie-Ève Thérenty et Anthony Glinoer
Définir la pratique des journalistes au XIXe siècle est difficile, alors que la professionnalisation s’amorce tardivement dans le siècle et que le plus souvent, les journalistes cumulent les activités (littéraires, scientifiques, politiques, religieuses…). Qu’est-ce qu’être journaliste au XIXe siècle ? Comment le devient-on ? Qui cesse de l’être ? Quelles sont les identités collectives qui s’y rattachent, forcément diversifiées en fonction des époques, des régimes politiques ou encore des types différents de journalisme pratiqués ? Le congrès sera l’occasion de réfléchir aux moyens d’appréhender des éléments tels que les trajectoires professionnelles, les populations concernées, les profils sociaux, les sociabilités ou encore les effets de reconnaissance sociale (hiérarchies, distinctions, rapports au politique, etc.). On privilégiera les approches transversales et collectives aux enquêtes centrées sur une seule figure. Le journalisme de la francophonie sera lui aussi privilégié, et des approches comparatives ou transnationales pourraient être envisagées. Si leur sujet s’y prête, les participants de cet axe du congrès seront invités à fonder leurs interventions sur le répertoire des notices biographiques des journalistes qui ont été constituées sur www.medias19.org. Parmi d’autres, ces différents sujets pourraient être abordés : discours et définitions du journalisme au XIXe siècle, étude des pratiques et des identités collectives, caractéristiques des trajectoires et des catégories professionnelles (patrons de presse, reporters, chroniqueurs…), sociabilités, syndicats et associations, influence des sensibilités et des représentations, formation, rapports avec d’autres professions (avocat, artistes), questions de gender, etc.
Axe 2. La mondialisation des imaginaires médiatiques
Responsables : Marie-Ève Thérenty et Yoan Vérilhac
Le projet Médias19 dans sa phase 1 s’est penché sur la manière dont le roman Les Mystères de Paris d’Eugène Sue paru dans le Journal des débats en 1842-1843 a circulé à l’échelle planétaire sous la forme de traductions et d’adaptations (Mystères de Montréal, Mystères de New York, Mystères de Mexico…). Des centaines et des centaines de romans produits dans toutes les régions du monde ont manifesté à la fois la force de la mondialisation médiatique dès le XIXe siècle mais aussi l’importance des métissages qui transforment une matrice médiatique lors de son implantation locale. Les équipes internationales qui ont étudié le phénomène ont aussi souligné la nécessité de fabriquer de nouveaux outils théoriques et méthodologiques pour construire une histoire littéraire et médiatique transnationale envisageant les anachronies, les mutations radicales des formes, etc. Le congrès voudrait étudier dans le même esprit d’autres phénomènes de circulation des imaginaires médiatiques au XIXe siècle et dans le premier XXe siècle, que ce soit des modèles romanesques (le roman de machines extraordinaires, le western, le roman du journalisme), des imaginaires de presse (le type du reporter), des transferts de formats journalistiques (les périodicités et les rapports à la temporalité, les rubriques, les modèles de mise en page et de typographie, les usages de l’illustration et de la photographie) et des imaginaires y afférant. On privilégiera les propositions audacieuses faisant émerger des transferts globaux et celles qui aborderont les questions méthodologiques et théoriques. Parmi d’autres, ces sujets pourraient être abordés : diffusion des modèles de presse dans le monde, des grandes figures (le chroniqueur, le reporter…), fictions du journalisme en Occident (romans, théâtre, voire cinéma des premiers temps), importation de modèles étrangers (discours sur le reportage comme genre américain en France, représentations de la chronique française à l’étranger), nouveaux rapports au réel, circulation de la case-feuilleton, circulations dans le monde colonial, spécificité francophone, etc.
Axe 3. Culture médiatique et culture numérique
Responsables : Guillaume Pinson et Pascal Brissette
La plateforme scientifique www.medias19.org en est la démonstration en actes, de même que la multiplication des ressources et des bibliothèques en ligne (telles que Gallica, Canadiana, BAnQ, National Digital Newspaper Program et British Newspaper Archive dans le monde anglo-saxon, etc.) : ces dernières années, le numérique a transformé la recherche sur la presse et les campagnes de numérisation, lancées par les grandes institutions de conservation, ont fait remonter à l’attention du grand public et des chercheurs les corpus de presse, désormais perçus comme bien patrimonial. Mais par-delà l'intégration des nouvelles technologies à la recherche, à la conservation et à la diffusion de la presse, le numérique contribue aussi à transformer le regard que nous portons sur la culture médiatique et permet d’envisager un nouveau dialogue entre XIXe siècle médiatique et XXIe siècle « digital » : avènement de nouvelles catégories de « publics » et de consommateurs, essor de nouvelles technologies, pratique de formes d’écritures inédites, modifications dans les perceptions de l’espace et du temps, accélération et intensification des flux d’information, dynamique conjointe de décloisonnement et de consolidation des frontières… Indéniablement, les pratiques de la recherche scientifique s’infléchissent sous l’effet de ces échos entre médiatique et numérique, ainsi que de la logique de « remédiation » que suppose le passage de la presse ancienne à l’écran. Cette section du congrès sera donc l’occasion d’explorer ce que le numérique fait au/du médiatique. Parmi d’autres, ces différents sujets pourraient être abordés : enjeux actuels de la recherche et formulation de nouvelles hypothèses, relations et tensions entre médiatique et numérique, usages des nouvelles technologies et chantiers collectifs, stratégies de numérisation et de patrimonialisation des corpus, défis technologiques (modes de consultation, de recherche, d’indexation…), études sur les pratiques des jeunes chercheurs (qui souvent ne connaissent de la presse ancienne que son existence numérique), chantiers d’avenir, etc.
Axe 4. Le rire médiatique
Responsables : Alain Vaillant et Pascal Brissette
Si la scène littéraire du XIXe siècle est envahie par les poètes poitrinaires ou maudits, l’espace médiatique l’a été par le rire, sous toutes ses formes. Qu’il s’agisse de caricature, de parodie, de blague, d’ironie, d’humour, de calembour ou de mystification, tout se passe comme si le rire était devenu le mode principal, voire hégémonique et obligé, de la communication sociale. Ce rire omniprésent et protéiforme est aussi profondément ambivalent. Il est à la fois l’instrument de toutes les contestations et un code relationnel qui se prête à tous les conformismes ; il use jusqu’à la corde des procédés hérités de la culture populaire la plus ancienne, mais il est en même temps un extraordinaire laboratoire pour l’invention esthétique, où se forgent tous les instruments littéraires des avant-gardes à venir. Bien sûr, la petite presse du XIXe siècle est le lieu privilégié de ce rire par vocation paratopique ; cependant, les analyses pourront aussi porter sur d’autres formes médiatiques du comique (jusqu’à ses dernières métamorphoses à l’aube du XXe siècle), sur les figurations littéraires de ce rire médiatique et sur les personnages qui en sont tantôt les auteurs, tantôt les cibles. Parmi d’autres, ces formes, motifs ou thèmes pourront être abordés : la parodie et l’autoparodie, la paratopie de la bohème, le rire sériel, l’ironie, l’auto-représentation, les jeux polyphoniques, le rire de combat, les fantaises (typo)graphiques, la brevitas journalistique, etc.
Axe 5. La modernité médiatique de la « petite presse »
Responsables : Alain Vaillant et Olivier Bara
La « petite presse » a prospéré dans l’ombre de la censure qui a bridé les journaux d’information ou d’opinion jusqu’à la loi de 1881, mais elle a longtemps été la grande oubliée de l’histoire des médias. On connaît surtout d’elle son versant satirique et fantaisiste ; cependant, c’est d’elle aussi, ou dans ses parages, qu’est né un nouveau regard sur le monde, curieux des réalités sociales, des modes et de la vie urbaine, soucieux de satisfaire un public, parisien ou provincial, de plus en plus segmenté en catégories de lecteurs (les familles, les demoiselles, les enfants, les touristes, etc.). Se tenant à distance des enjeux politiques (au moins en apparence), elle a accompagné le développement des villes, l’industrialisation de l’économie, le progrès du consumérisme, l’évolution vers une culture des loisirs gagnant de nouvelles couches sociales. En fait, la « modernité » n’est rien d’autre que le nom donné au puissant mouvement de modernisation impulsé par cette culture médiatique de la « petite presse ». L’objectif de cette section sera de repenser cette modernité – ses origines, ses formes, sa diffusion et son histoire –, en la replaçant dans son véritable contexte historique, donc en lien avec la « petite presse » dont l’exploration, le repérage et la description ont été l’un des objectifs majeurs du projet Médias 19. Parmi d’autres, ces formes, motifs ou thèmes pourront être abordés : écritures et rubriques spécifiques à la petite presse, la mode, la société du spectacle, la publicité, l’urbanisme, le sport, le fait divers, la littérature panoramique, consensus idéologique et cliché médiatique, le récit du monde, presse et consumérisme capitaliste, presse et espaces privés (presse des familles, des enfants, etc.).
Comité scientifique de Médias 19
Ruth Amossy, Université de Tel-Aviv, Israël
Marc Angenot, Université McGill, Canada
Paul Aron, Université Libre de Bruxelles, Belgique
Edward Berenson, New York University, États-Unis
Lucia Granja, Université de Sao Paulo, Brésil
Dominique Kalifa, Université de Paris 1, France
Catherine Nesci, Université de Californie, États-Unis
Guillaume Pinson, Université Laval, Canada
Yannick Portebois, Université de Toronto, Canada
Laura Suarez de la Torre, Institut Mora, Mexique
Marie-Ève Thérenty, Université de Montpellier 3, France
Alain Vaillant, Université de Paris 10, France