Journées d’études 18 et 19 novembre 2016
Université Paris Ouest Nanterre La Défense
André Beucler par voie d’affiche :
littérature, cinéma, radio, publicité
Journées organisées par l’axe « Interférences de la littérature, des arts et des medias » (CSLF EA-1586, Université Paris Ouest-Nanterre), le « Centre Jacques-Petit » (ELLIAD EA-4661, Université de Franche-Comté) et l’ANR LITTéPUB (« Littérature publicitaire et publicité littéraire de 1830 à nos jours »), en collaboration avec l’Association André Beucler (www.andrebeucler.com)
Responsables
Myriam Boucharenc et Bruno Curatolo
Comité scientifique
Roland Beucler, Myriam Boucharenc, Bruno Curatolo, Claude Leroy.
Argumentaire
André Beucler (1998-1985) est sans doute aujourd’hui plus connu du grand public pour avoir partagé l’affiche avec Jean Gabin (en tenue de Spahi) dans le film de Grémillon, adapté de son roman Gueule d’amour, que comme romancier-phare des Années folles. Entré en littérature en 1925 par la grande porte des éditions Gallimard avec La Ville anonyme, ce jeune auteur du groupe des « moins de trente ans » enchaîne alors nouvelles et romans : Entrée du désordre (1925), Le Pays neuf (1927), La Belle de banlieue (1927), Le Mauvais Sort (1928), À droite par quatre (Émile-Paul, 1930)... Aussitôt salué par la critique comme un « incomparable montreur d’images » (Georges Poupet), un « extraordinaire tempérament de rêveur » (Pierre Bonardi), il s’attire l’admiration enthousiaste de Paul Morand et de… Charlie Chaplin, qui reconnaissent tous deux en lui un puissant maître du hasard. L’attrait de ses personnages pour le fortuit, l’errance et parfois la dérive, un sens de l’insolite et du désaxement amoureux qui ne va pas sans un certain goût de la perte, en font un écrivain en phase avec la modernité romanesque des années vingt, entée sur l’ethos poétique. Pourtant lorsque paraît à la date peu opportune de septembre 1939 son roman à clé, La Fleur qui chante, André Beucler n’est déjà plus le « grand romancier de demain » pressenti dix ans plus tôt par André Rousseaux.
Habité depuis toujours par la passion du cinéma, il cède bientôt aux séductions du journalisme et s’éprend au passage de la « fée Publicité ». Dès le début des années trente, son nom côtoie celui des stars de l’époque (Pierre Brasseur, Charles Boyer, Brigitte Helm…) sur les affiches des films auxquels il participe en tant que scénariste, dialoguiste ou co-réalisateur pour la société de production cinématographique allemande UFA, tandis que dans les colonnes de Marianne ou même de Paris-Soir, il se fait un nom comme grand reporter, plus lucide que rêveur, s’agissant de consigner la montée du péril nazi. Chez Gallimard, il lance l’éphémère collection « Les rois du jour », première du genre, destinée à associer la littérature à la glorification des grandes entreprises françaises : il compte ainsi, avec Cendrars et Mac Orlan, parmi les plus fervents promoteurs de la « littérature publicitaire ». Au faîte de son succès médiatique, cet écrivain couvert d’affiches, s’apprête à donner libre cours à une vocation de témoin qui, sous la forme du reportage, puis de la biographie, du portrait et, pour finir, des « plaisirs de mémoire », ne le quittera plus.
Au lendemain de la seconde guerre, il se tourne vers la radio, aux côtés de ses complices Paul Gilson et Albert Rièra, où il animera de nombreuses émissions, dont, pendant plus de vingt ans, le Bureau de poésie sur Paris-Inter. En 1955, sa remarquable série de textes radiophoniques dédiée aux « Modes et travers de ce temps » dans une veine proche de celle des savoureuses chroniques de La Montagne d’Alexandre Vialatte, fait écho au pamphlet de Julien Gracq, La Littérature à l’estomac (1949) et préfigure dans une certaine mesure les Mythologies de Barthes (1957). Par la sévérité des jugements qu’il porte sur son époque, Beucler, comme bien d’autres auteurs de l’entre-deux-guerres, semble être devenu le contemporain d’une époque révolue. Son nom a quasiment disparu de l’affiche littéraire, lorsqu’il signe en 1948, Les Instants de Giraudoux et quatre ans plus tard, Vingt ans avec Léon-Paul Fargue. Cette étrange préférence pour l’écriture à la deuxième personne, fera de lui celui qu’il est resté pour l’histoire littéraire : le passeur considérable de Giraudoux et de Fargue, l’écrivain qui a œuvré à la postérité de ses amis plutôt qu’à la sienne.
Bien que renouant sporadiquement avec le roman (29 bis troisième étage en 47, Le Carnet de vengeance en 52, Charmante en 56, Ténébrus en 68), dans une veine différente de sa première manière, il n’affiche que mépris pour ce que Fernand Divoire nommait la « stratégie littéraire », qui aurait pu lui permettre de relancer sa notoriété d’écrivain. Mais Beucler, n’en est pas à un paradoxe près : ce chantre de l’affiche et du slogan publicitaire dans les années 20, n’a de cesse après-guerre d’en dévoiler l’envers, celui du « bluff », de « l’hyper-épicerie » et de la « plastromanie ».
« Je n’ai jamais de projets, je n’ai que des désirs, des élans, une passion pour la vie », confiait-il sur le tard. Cette préférence pour la liberté d’allure s’est traduite dans le refus de se fixer à un genre, à un talent ou à une posture littéraires. Préférant à la gloire en solitaire, la notoriété « composite » sous toutes ses formes, André Beucler n’a pas joué le jeu de l’histoire littéraire selon les règles que celle-ci impose à l’homme de lettres. Il appartient aujourd’hui à l’abondante famille des écrivains qui se méritent, vers lesquels on se retourne, non par la force du battage, mais parce qu’ils laissent paraître, mieux que de plus connus, sans doute, les implacables rouages de renommée littéraire.
On s’interrogera donc sur les différentes manières, contrastées, paradoxales, ambiguës parfois, mais toujours intenses, qu’André Beucler a eu de décliner le motif de « l’affiche », au propre comme au figuré, dans ses romans comme dans ses articles ou ses émissions de radio, que ce soit sur le ton de l’éloge ou du sarcasme, d’en sonder le recto et le verso et d’en tenir le haut comme le bas, de la partager ou de s’y dérober, pour y revenir à l’occasion de ces deux journées d’études, les premières que l’université lui consacre.
Bibliographie
Œuvres d’André Beucler
On trouvera une bibliographie complète des œuvres d’André Beucler sur le site de l’Association André Beucler : www.andrebeucler.com
Articles et éditions critiques
Curatolo Bruno, « André Beucler (1898-1985) : un talent composite », Nuit Blanche (Québec), no 102, printemps 2006.
– « André Beucler et Jean Giraudoux. Une histoire composite de l’entre-deux-guerres littéraire », dans Les Écrivains auteurs de l’histoire littéraire : du récit à la théorie, B. Curatolo (dir.), Annales littéraires de l’université de Franche-Comté, octobre 2007.
– « André Beucler, de Gontcharov à Dostoïevski », dans Dostoïevski et le roman russe dans l’entre-deux-guerres, François Ouellet (dir.), Tangence (Université du Québec), no 86, hiver 2008.
– « Écrire ou ne rien faire : une métaphore de la vacuité romanesque », Riens et petits riens. Université de Bourgogne, 2008 [partiellement consacré au Mauvais sort].
– « Le fantastique politique dans le roman des années vingt. Autour de La Cavalière Elsa », Roman 20-50, no 47, juin 2009 [comparaison entre le roman de Mac Orlan et La Ville anonyme].
– André Beucler – Léon-Paul Fargue. Correspondance 1927-1945, Presses Universitaires de Paris Ouest, 2013.
– « Square des Batiplantes… André Beucler et Léon-Paul Fargue », Ludions, Bulletin de la Société des Lecteurs de Léon-Paul Fargue, no 14, 2014.
Genevray Françoise, « L’ombre de la Russie dans les fictions (1925-1930) d’André Beucler », dans Représentation des Russes et de la Russie dans le roman français des XXe et XXIe siècles, Éditions Universitaires Européennes, Sarrebruck (Allemagne), 2012.
Houssais Yvon, « Fantastique et déréliction, deux nouvelles d’André Beucler », Roman 20-50, no 43, juin 2007.
Leroy Claude, « Les instants d’André Beucler », dans Réinventer le roman dans les années vingt, Myriam Boucharenc et Emmanuel Rubio (dir.), Revue des Sciences Humaines, no 298, 2/2010.
Katayama Masaki, « André Beucler, une saga franco-russe », Bulletin annuel des études françaises, Faculté des Lettres de l’Université Kwansei Gakuin à Nishinomiya (Japon), 2003.
Katayama Masaki et Picot Marie-Laure, « André Beucler aux origines de la modernité narrative », Faculté des Lettres de l’Université Kwansei Gakuin à Nishinomiya (Japon), 1994.
Renard Paul, « Exercices d’amitié : André Beucler et Léon-Paul Fargue », dans Fargue… variations, Pierre Loubier (dir.), Revue des Sciences Humaines, no 274, 2/2004.
Plaisirs de mémoire et d’avenir, Cahiers de l’Association André Beucler nos 1, 2, 3 et 4 + hors-série (Correspondances. André Beucler–Maurice Barthélémy 1979-1984 ; André Beucler–Anita de Madero 1981-1982. Édition établie et annotée par B. Curatolo, 2014).
Les propositions de communication (une trentaine de lignes) ainsi qu’une courte bio-bibliographie sont à adresser avant le 30 avril 2016 à Myriam Boucharenc (mboucharenc@sfr.fr) et Bruno Curatolo (bruno.curatolo@wanadoo.fr), pour une réponse à partir du 30 mai 2016.