L'adaptation théâtrale et la réécriture: expérimentations scéniques et puissances de contestation
« L’adaptation théâtrale et la réécriture : expérimentations scéniques et puissances de contestation »
Appel à communications
Colloque international
Université d’Artois, Arras, 16-17 octobre 2008
Coordonné par Véronique Bontemps
Equipe d’accueil « Textes et cultures »
Axe « Praxis et esthétique », Université d’Artois
L’adaptation et la réécriture sont deux formes d’écriture théâtrale que l’on retrouve tout au long de l’histoire du théâtre, dès les origines : la tragédie grecque s’est inspirée des épopées d’Homère, les Mystères du Moyen-Age sont des illustrations vivantes de la Bible et la plupart des œuvres de Shakespeare tirent leur source de nouvelles, de ballades, de chroniques. Quant à la réécriture, elle est pratiquée dès l’époque romaine, puis très largement dans le classicisme français, à partir des pièces de la tragédie grecque antique.
Au vingtième siècle, les metteurs en scène vont très largement pratiquer l’adaptation et la réécriture : Jacques Copeau, Charles Dullin, Gaston Baty et surtout Jean-Louis Barrault adopteront pour la scène divers romans ou nouvelles, tout comme Erwin Piscator ou plus récemment Krystian Lupa. La pièce « Hamlet » a, à elle seule, entraîné nombre de réécritures, parmi lesquelles on peut citer, à la fin du vingtième siècle, celles de Heiner Müller, Peter Brook, Carmelo Bene ou Robert Wilson.
Pourtant ces deux pratiques entraînent toujours des objections, des réticences très sérieuses, des accusations de déformation, de simplification, de réduction, de détournement du sens, de trahison par rapport à l’œuvre d’origine, qu’elle soit un roman ou une pièce de théâtre. Le passage d’un langage à un autre par l’adaptation, comme la transformation née de la réécriture, semblent ainsi se confronter à des principes très ancrés chez leurs détracteurs, se heurter à une certaine conception des formes établies.
Pourquoi adapter ? Pourquoi réécrire ? Quelles nécessités poussent ainsi les praticiens de la scène, tout au long du vingtième siècle, à redire autrement, sous une nouvelle forme, avec d’autres moyens d’expression, ce qui a déjà été dit ? L’absence de répertoire à la mesure de l’époque contemporaine fut, dans les années 1920, l’une des réponses apportées par le théâtre politique de Piscator ou de Meyerhold. L’adaptation et la réécriture sont alors des formes de contestation d’une pensée et d’une culture qui sont à dépasser, tout autant que d’une forme dramatique qui ne correspond plus aux transformations de la société
Trahison et détournement du sens initial ne sont donc pas des défauts par rapport à l’œuvre d’origine, des ratés dans l’écriture qui induiraient simplification et réduction, mais l’affirmation d’un positionnement politique ou philosophique, d’un acte de création autonome et affranchi de toute nécessité d’une quelconque fidélité par rapport à l’œuvre initiale.
Par ailleurs, le passage d’un langage à un autre entraîne la recherche de nouveaux moyens d’expression comme de nouvelles formes de narration : l’adaptation opère un redécoupage du roman qui tienne compte des spécificités du théâtre et a besoin d’expérimenter de nouveaux dispositifs scéniques, de nouvelles techniques, permettant de donner à voir, de mettre en images différents épisodes du roman, des descriptions tout comme des passages parlés. Jean-Louis Barrault souligne ainsi sa découverte des scènes parallèles permettant de jouer simultanément plusieurs moments, Piscator celle de l’arrière-plan qui ouvre la scène sur le monde.
Les metteurs en scène qui pratiquent la réécriture sont aussi ceux qui mettent en question et en crise la mise en scène-illustration d’un texte et qui inventent des potentialités scéniques permettant de créer de nouvelles formes, des écritures scéniques mettant en jeu les nouvelles technologies : Kantor, Wilson ou Bene sont de grands inventeurs de formes, et de grands critiques quant à la forme dramatique, qu’ils appellent à dépasser.
Adaptation et réécriture sont donc deux formes d’écritures qui permettent l’exploration et l’expérimentation de nouvelles techniques et de nouveaux dispositifs scéniques, la découverte de nouveaux modes de narration.
L’objet de ce colloque est d’interroger les différents types d’adaptation et de réécriture dans la pratique scénique du vingtième siècle, de cerner les expérimentations scéniques qu’elles entraînent, les transformations de l’écriture et le dépassement de la forme dramatique qu’elles impliquent, enfin d’analyser les modes de contestation (esthétique, politique, philosophique) qui les rendent nécessaires.
Les analyses pourront porter sur les pratiques scéniques françaises et étrangères.
Les propositions s’attachant au théâtre jeune public seront également les bienvenues : l’adaptation de contes, de nouvelles, y est une pratique courante, tout comme l’intérêt porté à l’expérimentation scénique et à la découverte de nouvelles formes.
Nous proposons les pistes de réflexion suivantes :
L’adaptation théâtrale :
- les équivalences d’expression permettant le passage d’un langage à un autre, les moyens scéniques mis en œuvre pour prendre en charge les descriptions ou se substituer à un épisode parlé
- le nouveau découpage : suppression d’épisodes, ellipses, focalisation, création de nouvelles scènes, flashback, utilisations de vidéos, d’images ou de textes extérieurs au roman, à la nouvelle
- le dépassement de la forme dramatique, l’invention de nouveaux modes de narration
- les expérimentations scéniques et les inventions techniques qui en découlent
- les transformations, les actualisations, les détournements liés à la volonté d’être à la mesure de l’époque contemporaine
La réécriture théâtrale :
- les transformations formelles par rapport à la pièce d’origine (passage du dialogue au monologue, amputation de scènes, de personnages, apports de nouveaux textes…)
- les fonctions d’actualisation, de contestation…
- la trahison comme recherche, scénique et esthétique : dépassement de la mise en scène comme fidélité-illustration du texte, questionnement sur l’écriture scénique, sur les puissances de la scène et ses potentialités, invention de nouvelles manières de faire du théâtre (la « machine actoriale » de Carmelo Bene par exemple)
- la trahison comme position politique ou philosophique : mise en crise d’une idéologie, d’un système de pensée, d’une conception du monde…
Composition du comité scientifique :
- Amos Fergombé, Professeur, Université d’Artois
- Françoise Heulot-Petit, Maître de conférences, Université d’Artois
- Francis Marcoin, Professeur, Université d’Artois
- Philippe Tancelin, Professeur, Université Paris 8-Saint-Denis
- Véronique Bontemps, Maître de conférences associé, Université d’Artois
Les propositions de communication (une page et un titre) sont à adresser avant le 15 mars 2008 par courrier électronique à :
veroniquebontemps@wanadoo.fr