Compte rendu publié dans Acta fabula (Septembre-octobre 2015, vol. 16, n° 6) : "Le goût des savoirs : formes de l’encyclopédie en littérature contemporaine" par Estelle Mouton-Rovira.
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Dans l'Atelier de théorie littéraire: lire un extrait correspondant aux p.9-29 de l'Introduction.
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Les fictions encyclopédiques. De Gustave Flaubert à Pierre Senges
Laurent Demanze
Paris : Corti (Editions José) coll. "les essais"
EAN : 9782714311405
352 p.
Ce livre, je voudrais le placer sous le signe de Bouvard et Pécuchet. Car bien des écrivains contemporains leur ont emboîté le pas pour braconner avec gourmandise sur les territoires de la science. « Une encyclopédie critique en farce », c’est ainsi que Flaubert désignait son roman pour dire que la pulsion de savoir ne va pas sans le soupçon du scepticisme ni le rire de l’idiotie. À la manière de l’autodidacte ou de l’amateur, l’écrivain répond aujourd’hui à l’ambition autrefois revendiquée par Italo Calvino : il relie les champs du savoir, renoue ensemble les disciplines dispersées et oppose à l’intimidation des discours spécialisés une curiosité vagabonde. Manière de dire que la littérature, si elle a renoncé à son magistère d’autrefois, affirme contre l’autorité du savant une démocratie du savoir.
Dictionnaires capricieux et encyclopédies lacunaires, ivresse de la liste et folie de l’inventaire : l’époque cède volontiers à l’encyclomanie. À rebours du désir de totalité et de la frénésie de l’archive, les écrivains contemporains composent des encyclopédies fragmentaires et ouvertes pour dire l’exigence de la lacune et la nécessité de l’inachevable. Raymond Queneau et Georges Perec, Gérard Macé et Pascal Quignard, Olivier Rolin et Pierre Senges : voilà quelques-uns des auteurs que je réunis dans cette collection de lectures, qui font de l’encyclopédie un puissant fictionnaire et rappellent la teneur de savoir de la littérature. À défaut de rassembler la totalité des savoirs, ces fictions encyclopédiques élaborent un art de l’oubli, qui a sans doute partie liée avec la sagesse.
Sommaire :
Bouvard et Cie
Encyclopédisme de la littérature
Le généraliste, le spécialiste, et l’autodidacte
Du Livre au réseau
L’encyclopédisme à la lisière du roman
Première partie : Le vertige encyclopédique
Chapitre I. L’arbre et le labyrinthe
Jorge Luis Borges : le labyrinthe encyclopédique
Chapitre II. L’indirect et l’oblique : une poétique des marges
Gérard Macé : « Une écriture en marge »
Le livre des vertiges : Roland Barthes, Georges Perec et Hubert Haddad
Chapitre III. Listes, catalogues et collections : la totalité impossible Olivier Rolin : l’invention de la totalité
Pascal Quignard : le collectionneur mélancolique
Deuxième partie : Les mots de la tribu
Chapitre IV. Dictionnaire : l’ossuaire et le fictionnaire
Le dictionnaire palimpseste d’Annie Ernaux
Les idées reçues au présent : Gérard Genette, Camille Laurens et Stéphane Audeguy
Chapitre V. Bêtise et idiotie : la condition de l’homme moderne
Pierre Senges : « le chasseur d’idiots »
Raymond Queneau : l’encyclopédiste des sciences inexactes
Chapitre VI. Copie et plagiat : le syndrome de l’imposteur
Georges Perec : « le seul frisson du faire-semblant »
Camille Laurens à l’index
Troisième partie : Portrait de l’encyclopédiste en collectionneur
Chapitre VII. Le périple encyclopédique : les lieux de savoir
Didier Blonde : un encyclopédiste du carrefour
Chapitre VIII. Le cabinet de curiosités : une fabrique de l’imaginaire
Les savoirs anachroniques : Roger Caillois, Stéphane Audeguy et Jean-Marie Blas de Roblès
Patrick Mauriès : « la passion du disparate »
Chapitre IX. Miroirs encyclopédiques
Roland Barthes : l’anatomie encyclopédique
Pierre Bergounioux : « Une poignée de mots »
Épilogue
Note bibliographique
Indications bibliographiques
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