Appel à Communications
Journée d’études
organisée par le Laboratoire de Recherche en Audiovisuel (LARA)
Université de Toulouse II Le Mirail
- 16 mai 2014 -
Le cinéma classique hollywoodien
au risque de l’accident
« A book might be written about the accidents, some tragic, some happy, which sometimes happen during the production of a film »
(Cecil B. DeMille, The autobiography of Cecil B. DeMille)
Le cinéma classique américain a souvent eu à cœur de réinventer la réalité à des fins proprement fictionnelles et spectaculaires. Son industrie s’est ainsi longtemps vouée à ménager pour l’imaginaire un milieu-refuge, c’est-à-dire une représentation mensongère et incomplète du monde véhiculant le fantasme de sa complétude à un public complice et fasciné. « Linéaire, narratif, mimétique, clos, spectaculaire et empathique » (Pierre Berthomieu), le cinéma classique repose sur la transparence de la mise en scène, impératif de croyance et d’identification. Composition, découpage ou montage s’aventurent rarement à dénier les vertus du primat narratif, et tout ce dont la réalité se voit délestée pour que soit parfaite l’artificielle harmonie filmique est alors souvent relégué au rang de scorie indésirable. Parce qu’il véhicule l’expérience d’une pragmatique du réel, faussant l’ambition d’emprise totalisante par laquelle est régie la mise en scène classique, tout accident devient dès lors l’ennemi déclaré du système de production présidant au bon ordre du tournage (la précision scrupuleuse des story-boards hitchcockiens en étant l’exemple le plus commun). Étant donné qu’elle prend a priori le contre-pied d’une praxis attachée à ordonner le chaos, la notion d’accident se voit traditionnellement rattachée aux cinémas dits de la modernité (Bazin), ouvertement sensibles aux sollicitations du hasard, plutôt qu’au cinéma classique et industriel. Pour autant, dans le souci de nuancer les oppositions dogmatiques, les études sur le cinéma classique hollywoodien ne gagneraient-elles pas à considérer l’incidence de ces hiatus, de ces ratages, rencontres, imprévus, maladresses ou autres insuccès qui incidemment nourrissent sa fabrique, par ailleurs obsédée par le contrôle ? Sur un plan historique, certes le conflit entre l’ordre et l’imprévu dans le cinéma hollywoodien s’est-il particulièrement cristallisé aux deux bornes de son âge classique, notamment lorsque les burlesques du muet se sont heurtés à des studios désormais hostiles à leurs improvisations d’antan (Buster Keaton), ou lorsqu’à l’orée des années cinquante l’influence du documentaire a commencé à nettement imprégner la mise en scène (Fred Zinnemann). Mais n’est-ce pas l’ensemble de cette période que nous pourrions lire à la lumière de cette dualité ? Il s’agira alors de considérer l’accident, non pas comme un élément thématique, comme un sujet de représentation, mais comme l’opérateur d’une contingence formelle. Au cours de cette journée d’études, nous voudrions donc inviter à penser la question de l’accident dans le cinéma américain classique en dépassant son statut d’anecdote de tournage pour mettre au jour les possibles déplacements, anomalies et tensions esthétiques qu’il provoque.
Plusieurs axes de réflexions, non exclusifs, seront envisagés :
Hasard et instrumentalisation
Malgré la logistique du plateau et la hiérarchie spécifique au tournage, par essence rétifs aux impondérables, quand et comment l’accident ou l’improvisation ont-il pu alimenter l’inspiration créatrice d’alternatives inattendues, de hasards productifs ? Pourront être considérés ici les accidents de l’apparence récupérés par la mise en scène à titre d’événements figuratifs, ajoutant par exemple au drame une valeur emphatique, tels que les éclairs orageux striant le fond de l’image chez John Ford (Young Mr Lincoln ; She Wore a Yellow Ribbon).
Invention et institutionnalisation
Quand elle se nourrit d’anecdotes et de légendes, l’histoire des techniques cinématographiques, rapporte souvent comment l’invention côtoie l’accident. De nombreuses trouvailles lui sont parfois attribuées (le montage alterné, le gros-plan, le backlighting). Elles devraient leur existence au hasard et leur pérennité à l’aisance avec laquelle le public les a acceptées, encourageant leur reproduction et leur intronisation dans le répertoire des formules. Mais, quelle réelle marge de liberté l’industrie hollywoodienne accorde-t-elle à ces hasards et ces atermoiements techniques alors même que la volonté permanente d’inédit affronte le contrôle créatif le plus sûr ?
Planification et déviation
La genèse des grandes œuvres hollywoodiennes nous informe le plus souvent sur le parcours chaotique et aléatoire ayant conduit à l’aboutissement de l’objet formel tant célébré : conflits créatifs, éviction, démission, voire décès du metteur en scène en cours de tournage (That Lady in Ermine), bouleversements du casting, accidents de jeu etc. Dans quelle mesure l’œuvre achevée porte-t-elle la trace de cette somme de décisions et de hasards qui l’ont quelquefois déviée de sa course initiale ?
Représentation et débordement
L’accident peut aussi désigner l’irréductibilité de certaines figures au cadre et au texte qui leur est assigné. Il convient alors de dépasser le simple constat de ce qui advient à l’image et dans le récit pour étudier en quelles occurrences le regard peut se trouver déstabilisé, de manière fortuite, par ces effets de présence figurale qui mettent en danger l’harmonie figurative de l’image. Indiscipline de la lumière, jaillissements de couleur, persistance d’un motif, peuvent dévoiler les potentialités et les puissances de l’image filmique en la soumettant à la dissemblance, à une puissance de défiguration qui déjoue le discours. Ce pouvoir imageant n’est-il pas d’autant plus saisissant qu’il se joue au sein d’un système formaté qui tend à orienter l’imaginaire ?
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Modalités de soumission :
Les propositions devront être transmises par courrier électronique avant le 23 mars 2014 à Vincent Souladié : souladie.vincent@gmail.com
Elles comporteront en fichiers attachés la proposition de contribution en français (titre et résumé d’environ 2000 signes), ainsi qu’une notice bio-bibliographique incluant le domaine de recherche de l’auteur, ses principales publications et son appartenance institutionnelle.
La Journée d’Études se déroulera le vendredi 16 mai 2014 à l’École Supérieure d’Audiovisuel, 56 rue du Taur, 31000 Toulouse.
http://lara.hypotheses.org/731