LA SOCIETE DES ETUDES POSTCOLONIALES FRANCOPHONES
En collaboration avec Liverpool University Press
Appel à contributions
Les archives (post)coloniales francophones: commémoration, préservation et censure
Vendredi 18 et samedi 19 novembre 2022
Institute of Modern Languages Research, University of London, Senate House, Malet Street, London WC1E 7HU
Les archives coloniales sont souvent le reflet des préjugés et des intérêts de ceux qui les ont créées: des individus puissants, des collectionneurs, et l'État impérial. Elles sont des lieux de savoir complexes et controversés puisque l’existence de nombreuses collections est le résultat direct ou indirect de la colonisation. Loin d'être des répertoires « objectifs » et fiables des événements historiques, les archives sont souvent l'agrégat des voix de quelques individus privilégiés. Les individus dont l’autorité s’étend sur les archives ont le pouvoir de déterminer les événements à répertorier, ceux à commémorer et ceux à ignorer. Ils sont les juges de ce qui a le mérite d'être préservé, de comment les collections sont organisées, cataloguées, utilisées et interprétées. Quoi qu'aux yeux du public les archives contiennent un important savoir public, leur consultation n'est pas un processus sans entraves car les droits d'accès y sont souvent limités. Bien que l'on puisse consulter certaines archives en obtenant une permission préalable, la plupart des documents « sensibles » ou hautement confidentiels n'admettent qu'un accès limité ou sont complètement scellés. Ainsi, les archives peuvent, à dessein ou involontairement, devenir des lieux de dissimulation ou de suppression.
Dans le cas de la France, le débat sur l'utilisation, l'accessibilité et la déclassification des archives a atteint son point culminant le 15 janvier 2020 lorsque la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale, Claire Landais, a instauré une nouvelle politique selon laquelle tout document classifié « secret » ou « top secret » entre 1940 et 1970 doit être formellement déclassifié par l'agence qui l'a produit avant qu'il ne soit communiqué au public. Cette décision a des conséquences profondes sur l'accès et l'utilisation des archives ayant trait à, entre autres, les divisions militaires pendant la deuxième guerre mondiale (1940-1945), la première guerre d'Indochine (1940-1956), la guerre d'indépendance d'Algérie (1940-1964). La mise en place de cette mesure, qui oblige désormais les chercheurs à faire une réservation et obtenir une autorisation au préalable auprès du Service Historique de la Défense, a été largement décriée en France et à travers le monde. Plus d'un an plus tard, en mars 2021, Emmanuel Macron a annoncé qu'il accélérerait la déclassification des archives de plus de 50 ans, une action qui devrait aider la France à assumer son passé colonial. Les ramifications de cette annonce sont encore à venir et la question de l'accès sans entraves aux archives demeure incertaine.
Cette conférence, qui aura lieu les 18 et 19 novembre 2022, vise à explorer les débats contemporains et historiques entourant les archives coloniales francophones. Nous accueillons avec plaisir les réflexions théoriques et critiques sur la question des archives en lien avec les études francophones ainsi que les propositions d’interventions ou de panels sur des sujets* tels que les suivants:
1. Les archives et la production de la mémoire publique: quels rôles les archives jouent-elles dans la construction de la mémoire sociale et des discours historiques hégémoniques? Les musées et bibliothèques peuvent-ils remplacer les archives?
2. La lecture des archives: dans quelles mesures la subjectivité des chercheur.se.s influence-t- elle leur sélection et interprétation des archives?
3. L'accès aux archives: qui a accès aux archives? Qu'est-ce qui en entrave l'accès? Quels rôles les archives digitales peuvent-elles jouer dans la facilitation de l'accès aux archives?
4. La censure/l'affichage des archives: qu'est-ce qui explique la disparition récurrente des archives ayant trait au passé colonial? Quels recours les chercheur.se.s peuvent-ils/elles adopter pour atténuer la perte ou la dissimulation des ressources? Quels enseignements tirer des « silences » dans les archives coloniales?
5. La politisation des archives: comment les archives dans le monde francophone ont-elles été construites, manipulées ou politisées? Comment les archives ont-elles été utilisées pour légitimer (ou délégitimer) des systèmes politiques?
6. La décolonisation des archives: la décolonisation des archives est-elle possible? Quelles possibilités l'utilisation de certaines archives « anti-coloniales » offrent-elles?
7. Les archives alternatives: dans quelles mesures les archives « alternatives » (tels que la littérature, les œuvres d'art culturelles, les histoires orales, la presse, les tableaux, les cartes postales, l'héritage intangible, etc.) peuvent-elles contester les histoires hégémoniques archivées? La dissimulation des archives coloniales offre-t-elle une opportunité de construction de discours historiques nouveaux par le biais des archives « alternatives »?
8. Le rapatriement des archives: les archives coloniales doivent-elles être rapatriées dans leur pays d'origine? Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour envisager le rapatriement des documents historiques?
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Veuillez soumettre vos propositions de communication, entre 200 et 250 mots en anglais ou en français, ainsi qu'une petite note biographique de 100 mots à Sara Mechkarini et Dega Sian Rutherford (SFPSconference2022@gmail.com). Veuillez noter que bien que la conférence de cette année se tienne en personne, nous explorons également des options hybrides pour permettre aux membres associés qui ne peuvent pas se déplacer de présenter en ligne.
La date butoir pour soumettre vos propositions est le 31 mai 2022.
*Veuillez noter que bien que cette conférence se focalise sur le monde francophone, nous acceptons volontiers toute proposition qui aborde les thématiques clés avec une approche comparative.