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Louis Machon, apologiste de Machiavel

Louis Machon, apologiste de Machiavel

Publié le par Emilien Sermier (Source : Cécile Soudan)

Louis Machon, apologiste de Machiavel

Demi-journée d’études organisée par le Grihl, CRH-EHESS – EA 174

samedi 15 mars 2015, 9h-13h

Paris 3 Sorbonne Nouvelle, salle de l’École Doctorale, Max Milner,
17 rue de la Sorbonne, Paris, escalier C, 2e étage

 

Louis Machon est l’auteur de la seule défense directe et systématique de Machiavel en langue française du XVIIe siècle : Apologie pour Machiavelle. La politique des Rois, et La science des souverains en faveur des Princes et des Ministres d’Estat. Il nous reste deux états autographes complets du texte, composés à 25 ans d’intervalle (1643 et 1668).

Il s’agit d’une entreprise ambitieuse et de grande ampleur (985 pages manuscrites), visant à la réhabilitation politique de Machiavel, chaque chapitre ayant pour titre une « maxime » tirée des Discours sur la première décade de Tite-Live (premier livre) ou du Prince (deuxième livre). Les maximes sont les plus scandaleuses et censurées prêtées à Machiavel mais de fait composées par les innombrables ennemis de Machiavel.

Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir les six premières maximes du premier livre : 1- Qu'il est permis d'usurper, et conquerir des Estats par la force des armes; 2- Que le prince doibt entretenir les seditions et dissentions parmy ses sujets, pour le bien de son Estat; 3- Qu'il fault appaiser les seditions, et emotions populaires, par la force et la violence; 4- Que la cruauté qui tend a bonne fin n'est blasmable ; et que celle qui profite est louable; 5- Qu'il fault suivre la Religion par raison d'Estat, quoy que fausse et erronée, comme son principal appuy; 6- Qu'il fault accommoder la Religion a l'Estat, pour le bien et conservation d'iceluy; 7. Que l'Eglise Romaine apporte la confusion dans ses Estats. etc.

Après l’énoncé de chaque maxime, Machon cite des passages du texte original de Machiavel en italien (édition dite de la Testina), puis il donne leur traduction française (Jacques Gohory pour les Discours et Garpard d’Auvergne pour le Prince). C’est sur cette base philologique que Machon argumente pour défendre la philosophie politique de Machiavel, sans pour autant nier la pertinence des maximes machiavéliques, ceci à travers l’exploitation d’une immense bibliothèque : historiens et philosophes anciens, Bible, pères de l’Église, conciles, droit romain et canonique, casuistes, théologiens et de nombreux auteurs modernes dont, selon les cas, les noms sont donnés ou tus (Lipse, Montaigne, Charron, Grotius, Le Vayer, jusqu’au Pascal des Provinciales...). Le texte, véritable patchwork de citations avouées ou non, mais accompagnées d’interventions tranchées et décisives de l’auteur lui-même, produit une doctrine radicale de la raison d’État au profit du souverain absolu et de son ministre d’État.

La stratégie argumentative consiste dans un premier temps à dénoncer les abus des interprétations qui forcent les textes machiavéliens pour démontrer qu’ils ne sont pas autre chose que le catéchisme diabolique d’une politique tyrannique et impie, alors que l’auteur se propose au contraire de démontrer la compatibilité de l’enseignement machiavélien avec celui des Écritures, des Pères de l’Église et de la théologie la plus orthodoxe. Mais ce faisant, il entend tout autant démontrer que Machiavel, dans ses maximes les plus scandaleuses, ne fait pas autre chose que présenter de la façon la plus aigüe et la plus concentrée l’essentiel de la pensée politique de tous les temps, aussi bien païens que chrétiens, ses ennemis eux-mêmes s’empressant de le piller sans répit. Apparaît alors un substrat naturaliste mal camouflé, dont dépend et dérive toute juste théorie et bonne pratique politique, à commencer bien sûr par l’enseignement même de Machiavel.

La rencontre a pour objectif de conduire une première approche de ce texte déroutant, paradoxal, érudit et subversif, rapsodique et brutal.

 

Interviendront dans cette demi-journée d’étude :

Jérémie Barthas (Queen Mary University of London - School of History) : « Remarques sur l'Anti-Gentillet de Machon »

Laurie Catteeuw (CNRS, Paris) : « La raison d’Église aux pieds impies Une lecture de l’Apologie pour Machiavelle (I, 5)  »

Jean-Pierre Cavaillé (Grihl-EHESS Toulouse) : « Forme, desseins et enjeux de l’Apologie pour Machiavelle »

Frédéric Gabriel (CNRS, Institut d’histoire de la pensée classique, ENS de Lyon) : « Des pontifes machiavéliens ? La grande mutation de la catholicité latine vue par Louis Machon »

Sophie Houdard (Grihl-Université Paris 3) : « Machon et les évangiles apocryphes de Beata Julia »

Les interventions ne dépasseront pas 20 minutes afin de laisser une large place à la discussion.

Journée organisée par Jean-Pierre Cavaillé, Sophie Houdard et Cécile Soudan dans le cadre du projet européen ENBaCH (European Network for Baroque Cultural Heritage, www.enbach.eu)

Contacts : cavaille@ehess.fr, sophie.houdard@univ-paris3.fr, csoudan@ehess.fr