SADE EN JEU
Colloque international
(Paris, 25-27 septembre 2014)
Organisateurs
Jean-Christophe Abramovici, Pierre Frantz (Paris-Sorbonne)
Florence Lotterie, Éric Marty (Paris-Diderot)
Commémorer Sade en 2014, comme on a pu le faire ces deux dernières années avec Rousseau et Diderot, ne va pas de soi et pourrait même poursuivre les malentendus nés de sa récente dédiabolisation. Son statut d’exclu, d’éternel prisonnier, avait fait sa gloire au XXe siècle, depuis les célébrations surréalistes jusqu’aux relectures « sérieuses » de tous les grands penseurs de la modernité dont Éric Marty a récemment et minutieusement raconté l’histoire (Pourquoi le XXe siècle a-t-il pris Sade au sérieux ?, Seuil 2011). À l’inverse, les approches plus philologiques et littéraires qui ont succédé, dans les années 1980, aux lectures philosophiques, ont participé de la trompeuse et paradoxale normalisation de l’œuvre sadienne. Sade est bien aujourd’hui un classique, pléiadisé, et à ce titre a le triste privilège de ne plus être connu que de nom, à la satisfaction de censeurs et essayistes auxquels le sadisme sert de prêt-à-penser. Sade est à la fois le chiffon rouge des pudeurs anciennes et (plus encore peut-être) celui des libertarismes modernes, du moins sous nos cieux démocratiques.
Or, outre que Sade continue d’être interdit et censuré dans de nombreux pays, lire ses romans n’est pas davantage devenu un acte facile et anodin. C’est en d’autres termes à l’anormalité sadienne, à son irréductible originalité que le présent colloque voudrait se consacrer, en l’envisageant sous deux perspectives apparaissant volontairement éloignées, même si elles peuvent entretenir des rapports, de manière à faire valoir une large territorialité sadienne, contre l’image mythologique du sombre monolithe Sade, que le tableau fameux de Man Ray a si bien contribué à figer.
a) Points de résistance et problèmes d’interprétation, réceptions à l’étranger, nouvelles lectures (gender studies, par exemple) et enjeux contemporains.
- Qu’est-ce que le champ des sciences humaines peut apporter aujourd’hui à la lecture de Sade ? Quelles sont les approches théoriques nouvelles qui permettraient de repenser ou d’éclairer sous un nouveau jour l’extrême singularité sadienne ?
- À quels discours de dévaluation ou de mécompréhension Sade est-il aujourd’hui soumis, de quels contextes sont-ils tributaires, comment envisager de leur répondre, y compris dans le champ de l’enseignement ? Quelles analyses, par exemple, produire du texte qui sache faire pièce aux questions toujours pendantes de la pornographie, de la politique, de l’humour (le « Faut-il brûler Sade ? » s’étant modifié en « Peut-on rire avec Sade ») ? Comment lire concrètement Sade, ici et maintenant ?
- Comment s’enregistre l’impact des nouveaux « effets de corpus » (redécouverte plus systématique des pans de l’œuvre qui mettent en évidence les stratégies de l’homme de lettres en quête de reconnaissance, notamment : écrivain des Historiettes, dont une édition de poche toute récente due à Stéphanie Genand, ou auteur de théâtre, auquel le second volet du colloque entend se consacrer ; le Sade de la correspondance) ? Comment se construit une réception renouvelée de Sade à cette aune ?
- Mais aussi : Sade est-il vraiment (re)lu, par qui, et pourquoi ? Où, dans quels champs de la culture peut-on aujourd’hui surprendre quelque chose d’une imagination sadienne du monde ?
b) Enjeux dramaturgiques : depuis plusieurs années, des études sérieuses ont remis en lumière le théâtre de Sade, dont on sait qu’il fut sa vraie passion. Comment articuler la radicalité sadienne avec ce pan de l’œuvre qui, à première vue, apparaît comme le plus lisible et le plus soucieux de l’être ? De quelle dramaturgie les pièces de Sade relèvent-elles, quels projets dramaturgiques peuvent-elles encore appeler ? Le théâtre est-il un de ces lieux où se produit quelque chose de plus « sadien » que Sade lui-même, justement ?
Sade en jeu se déroulera dans les Universités de Paris-Sorbonne, de Paris-Diderot et “hors les murs” pour une proposition de mise en jeu contemporaine.
Les propositions détaillées sont à envoyées avant le 15 mai 2014 à:
Jean-Christophe Abramovici (Jean-Christophe.Abramovici@paris-sorbonne.fr),
et Florence Lotterie (florence.lotterie@univ-paris-diderot.fr)