Questions de société
Sorbonne Gate (Paris IV et Abu Dhabi) : articles de Bakchich.info, Rue89 et NouvelObs.com, 29/04/2009

Sorbonne Gate (Paris IV et Abu Dhabi) : articles de Bakchich.info, Rue89 et NouvelObs.com, 29/04/2009

Publié le par Bérenger Boulay

Bakchich.info:

La Sorbonne vendue « en exclusivité » aux Emirats Arabes Unis

Sorbonne Gate / mercredi 29 avril par Eric Laffitte

 http://www.bakchich.info/La-Sorbonne-vendue-en-exclusivite,07554.html

Des accords secrets entre Paris IV et Abu Dhabicautionnés par le Quai et l'Elysée provoquent une fronde grandissantedans le monde universitaire.

Tandis que Valérie Pécresse assure la promotion de « l'autonomie » des universités et alors qu'étudiants et profs sont dans la rue, le Quai d'Orsay et l'Elysée négocient en douce la commercialisation dans le Golfe de la plus prestigieuse des universités françaises, la Sorbonne. Tractations occultes ou accord secret ? Des professeurs d'université évoquent déjà une « Sorbonne Gate », d'autres une véritable « bombe à retardement ».

Oukase de l'Elysée

La « franchisation » de la marque Sorbonne, uneuniversité fondée en 1257 sous Saint-Louis, au terme d'un accord« exclusif » avec Abou Dhabi, a été négociée par Paris IV avec labénédiction de Chirac et Sarko.Trois universités parisiennes sont légalement autorisées à porter lenom de Sorbonne dans leur appellation officielle : Paris-Sorbonne(Paris IV), Sorbonne Nouvelle (Paris III), et Panthéon-Sorbonne (ParisI). On perçoit mal sur quels fondements juridiques, Paris IV, souscouvert d'une « exclusivité » négociée sous le tapis, en interdiraitl'usage aux deux autres au Moyen-Orient. C'est pourtant l'oukaseactuellement imposé par l'Elysée.

À l'origine de l'implantation de la Sorbonne à Abu Dhabi, c'est Gilles de Robien,alors ministre de l'Education nationale de Jacques Chirac, qui, le 19février 2006, parraine, en qualité de « témoin », un accord departenariat international pour l'implantation d'une annexe – privée –de l'Université de la Sorbonne. Ce 19 février, le ministre n'omet biensûr pas, dans son discours, de faire l'éloge tant de la coopérationfranco-émirienne que de « notre vieille et belle Sorbonne (…) héritière d'une tradition d'excellence multiséculaire ».

Mystérieux accords

Les accords passés, valables pour 10 ans, entre lesémirats et le président de l'époque de Paris IV, Jean-Robert Pitte,restent mystérieux. On sait seulement que cette annexe de ParisSorbonne sera privée, et que le projet initial prévoyait d'accueillir àterme 1 500 étudiants. Ceux-ci sont soumis à des droits d'inscriptionsrelativement élevés – 13 000 dollars par an – dont Paris IV doitpercevoir 15 %.

Pour l'année 2007-2008, l'université de « Paris -Sorbonne Abu Dhabi » n'accueillait que 273 étudiants. Des inscriptionsqui ne génèrent donc que des « royalties » fort modestes pour cetteannexe nichée dans le riche émirat. Autre souci, « Paris - Sorbonne AbuDhabi », pour satisfaire aux exigences des Emirats, a entrepris dedélivrer – aussi – des diplômes en droit, une compétence non reconnue àParis IV. Pour y pallier, Paris IV s'est adressée à ses « consoeurs »,et en particulier à sa voisine du quartier latin, Paris I(Panthéon-Sorbonne), mais en lui proposant un simple rôle desous-traitant. Pour des raisons de prestige, Paris I refuse de jouerles supplétifs… Pour honorer son engament de délivrer des diplômes endroit (licences et masters) « Paris - Sorbonne Abu Dhabi » estcontrainte de passer un accord de sous-traitance avec Paris II puisParis V. Ce qui suscite dans la sphère universitaire quelquesricanements relatifs au « bricolage », comme à « l'improvisation », ayant présidé à l'internationalisation de Paris IV.

Dans la sphère universitaire, on se plait à qualifier de « chiraquerie » cet accord de coopération. À l'origine, c'est en effet Pascal Renouard de Vallière, un consultant international, qui a eu l'idée d'une Sorbonne implantée aux Emirats. Cet ancien de chez Dassaultdoit à Chirac son titre de Chevalier national de l'Ordre du mérite.Pour sa peine – la coopération universitaire franco émirate – Renouardde Vallière était supposé encaisser deux millions de dollars, croitsavoir un professeur de Paris I au fait du dossier. Mais il semble quele versement de la somme promise se soit heurté à des difficultésimprévues.

Les mirages du golfe

En 2007, également alléchée par la manne potentielleque représente le Golfe persique, comme par le désir des'internationaliser, c'est Paris I (Panthéon-Sorbonne) qui négocie avecle Qatar,un des Etats pétroliers les plus dynamiques de la région. Lequelcherche à attirer des universités françaises. Des discussions s'ouvrentpar ailleurs entre le Qatar et l'école militaire de Saint-Cyr oul'Ecole Nationale de la Magistrature.

Côté Qatari, c'est le procureur général, M. Al Mari,qui est l'interlocuteur du Président de Paris I, Pierre-Yves Hénin. AlMari devait connaître une notoriété inattendue dans l'hexagone cesderniers mois pour avoir été désigné, dans le livre Bel ami, comme le père de la fille de Rachida Dati… Ce qu'il a fermement démenti !

Le haut magistrat peut toutefois se prévaloir d'autresaffinités avec la France, en particulier celle d'être docteur en droit,diplômé de Paris I… En février 2008, le procureur général invite lePrésident de Paris I au Qatar pour « la mise en place la mise en place d'un programme de coopération académique ».


« Objections d'opportunité »

Parallèlement aux discussions avec le Qatar, Paris Ientre en négociation avec Bahreïn, toujours avec le projet d'implanterdans ce Royaume une antenne de Panthéon Sorbonne… Là aussi lesdiscussions sont suffisamment avancées pour qu'une invitationofficielle soit adressée à Pierre-Yves Hénin début février 2009, àl'occasion d'un voyage officiel de Nicolas Sarkozy. Subitement, le Quaid'Orsay et l'Elysée interviennent et interdisent ( !) sans aucuneexplication – dans un premier temps – au Président de Paris I de signerun accord avec le Qatar ou avec Bahreïn.

L'ambassadeur de France à Bahreïn, Yves Oudin, adressealors un courrier savoureux à Pierre-Yves Hénin : après consultation duministère des Affaires Etrangères, « il m'est revenu que votre visite à Bahreïn soulevait des objections d'opportunité, je l'ai donc dit aux autorités bahreiniennes »,explique l'ambassadeur. En clair, le Quai a pris l'initiative d'annulerle déplacement du président de Paris I ! Au nom « d'objectionsd'opportunités » ! Diable …

Les dirigeants de Paris I tentent de comprendre, maisla ministre de tutelle, Valérie Pécresse, n'est manifestement aucourant de rien. Un courrier au chef de l'Etat demeure sans réponse(officielle). On comprend toutefois que le dossier relève avant toutdes compétences conjuguées de Claude Guéant et de Jean-David Lévitte.

Kouchner n'explique rien

Deux courriers de Paris I s'avéreront nécessaires pour obtenir de Bernard Kouchner une réponse le 18 février 2009. Le ministre finit par faire savoir que « les autorités françaises sont liées par l'accord Franco-émirien », signé en février 2006, lequel « comprendune clause précisant que l'université sera l'unique implantation del'Université Paris-Sorbonne au Proche et Moyen-Orient. Dans ce contexteet compte tenus des enjeux actuels de notre coopération avec les Emirats Arabes Unis, il n'apparaît pas possible de reprendre une deuxième fois l'appellation « Sorbonne » dans cette région du monde. »

La réponse du ministre laisse totalement incrédules lesacteurs du dossier. Lesquels ne parviennent pas à croire que la« marque » Sorbonne ait pu être ainsi abandonnée aux Emirats enexclusivité pour l'ensemble du « Proche et Moyen-Orient », en échanged'une simple redevance de 15 % sur les droits d'inscriptions de 250étudiants…

Rappelons que la transaction passée entre ces mêmes Emirats pour l'ouverture d'un musée du « Louvre Abu Dhabi » porte sur 400 millions d'euros…

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Etrange mic mac autour de la Sorbonne à Abu Dhabi

Pour lire cette enquête sur le site du NouvelObs


C'est un lobbyiste proche d'Olivier Dassault, PascalRenouard de Vallière, qui a monté l'opération d'implantation de Paris-4Sorbonne à Abu Dhabi ( Emirats Arabes Unis), signée par Gilles deRobien, à l'époque ministre de l'Education Nationale, en 2006. Pourcette opération qui lui a demandé, dit-il, « deux ans de travail », ilavait négocié une commission de 2 millions de $, que devait lui payerles Emirats. Mais il ne l'a jamais touchée. D'après lui, c'est le Quaid'Orsay qui s'y oppose. Mais l'affaire se complique du fait que, pourjustifier ces honoraires, le protocole d'implantation de la Sorbonne àAbu Dhabi, qui a été rédigé en anglais, contient une claused'exclusivité pour le Moyen Orient au profit de « The Sorbonneuniversity ».

Problème : outre l'université Paris-4 « ParisSorbonne », deux autres universités portent aussi le nom Sorbonne :Paris-1 « Panthéon Sorbonne » et Paris-3 « Sorbonne Nouvelle. » Ellesse voient interdire tout partenariat pédagogique dans le Moyen Orient.Paris-1 refuse cette interprétation et est décidé à dénoncer lavalidité juridique de l'accord signé par Paris-4. Mais - autre problème- il s'avère que le contenu du protocole de cet accord est jusqu'iciresté secret. En tout état de cause, l'affaire a déjà conduit récemmentà un incident diplomatique avec Bahrein, qui s'est vu interdire unpartenariat pédagogique avec Paris-1, au nom « d'intérêts supérieurs ».A l'heure où Nicolas Sarkozy s'apprête à inaugurer, fin mai, la basemilitaire française à Abu Dhabi, l'exclusivité de la marque« Sorbonne » aurait-elle été accordée aux Emirats Arabes Unis afin defaciliter des contrats avec ce pays ? Voici le récit de cetteténébreuse affaire.

La magie de la « marque Sorbonne »

Seule la France ne se rendait pas compte, jusqu'à unpassé récent, que le mot « Sorbonne » - comme « Louvre » ou « Dior » -exerce une attraction magique sur toute la planète. En voici une preuvesupplémentaire : trois émirats se battent pour tenter de bénéficier dela prestigieuse marque. Mais l'affaire a tourné à l'imbroglio et mené àun incident diplomatique. Car nul ne sait qui est juridiquementdépositaire de la marque Sorbonne. Rappel historique : après lesévénements de Mai-68, quelques technocrates découpent la Sorbonne -coupable d'agitation incontrôlable - en trois universités différentesbaptisées Paris-1 ( ex fac de Droit et Economie), Paris 3 (ex fac deLettres), et Paris 4 ( idem). En fait ils commettent un crimeéquivalent à débaptiser Chanel ou Renault . D'ailleurs ces universitéscherchent vite à renouer avec leur patrimoine, et il en résulte uncompromis tordu. La fac de lettres Paris 4, qui occupe le bâtimenthistorique du boulevard Saint Michel hérite de l'appellation « ParisSorbonne ». La fac de droit et d'économie qui occupe le bâtimentmitoyen, très prestigieux aussi, au pied du Panthéon, n'hérite que de« Panthéon Sorbonne », mais contre le privilège de s'appeler Paris-1 .Pas négligeable quand on sait que Paris 6 a récemment été pris par unedélégation asiatique pour la 6 ème fac parisienne, alors qu'elle est lapremière au Classement de Shanghai sous le nom de « Université Pierreet Marie Curie ». Enfin est créé la « Sorbonne Nouvelle », alias Paris3, logée dans un préfabriqué miteux dit « Censier . »

C'est dans ce contexte qu'en 2003, le remuant et plutôtdroitier Jean-Robert Pitte, décroche la présidence de Paris 4. Ildécide, sans consulter les autres facs, de valoriser la marqueSorbonne, confiant à un opérateur extérieur une licence« multiproduits ». Tant que c'est pour vendre des vêtements griffésChristian Lacroix ou des tasses à café, ses rivaux de Paris 1 et Paris3 se contentent de sourire. « Nous n'usurpons en rien le nom Sorbonneplaide Pitte à l'époque. La Sorbonne, c'est un bâtiment, et Paris 4porte ce nom. »

Les choses se compliquent le 19 février 2006 quandPitte, en compagnie de Gilles de Robien - alors ministre de l'EducationNationale - signe une « convention d'implantation » de « The Universityof Sorbonne at Abu Dhabi », en présence du prince héritier, CheikhMohammad Ben Zayed, chef adjoint des forces armées Emiraties , et deSheickh Nahyan bin Mubarak Al Nahyan, ministre de l'enseignementsupérieur et de la recherche scientifique des Emirats Arabes Unis (EAU). Cet accord prévoit que Paris 4 percevra 15 % des droitsd'inscription de 13 000 $ par an. A terme sont prévus troisamphithéâtres et 45 salles de cours, une bibliothèque de 50 000volumes. Pitte explique qu'il n'est pas question d'associer Paris 1 etParis 3 à l'opération, « ce serait trop compliqué administrativement. »La première rentrée se fait en octobre 2006 avec 170 étudiants. A termeil est prévu de monter à 2000 étudiants ( 400 actuellement), ce quireprésenterait une recette d'environ 2 millions d'E pour Paris 4. A peuprès la moitié de ce que rapportent les 25 000 étudiants inscrits àParis ! « Avec la marque Sorbonne, on dort sur une mine d'or » lancePitte.

La Sorbonne à Abu Dhabi : un accord exclusif, et secret

L'affaire irrite au plus haut point son collègue etvoisin immédiat Pierre-Yves Hénin, à l'époque président de Paris 1Panthéon Sorbonne, qui se met en quête de connaître le contenu exact dela convention signée avec Abu Dhabi, pour voir ce qui pourraitl'empêcher, lui « Panthéon Sorbonne » d'en faire autant. Malgré toutesses demandes au Quai d'Orsay, il ne parvient pas à obtenir copie ducontrat. Pas étonnant, et voici pourquoi. Quand, à la mi 2008, Pittepaye sa surexposition médiatique et perd la présidence de Paris 4, sonsuccesseur, le discret mais pugnace Georges Molinié, professeur destylistique française, opposant farouche à la loi Pécresse, ne remetpas en cause la signature de Pitte. Mais il découvre et s'étonnepubliquement que le protocole d'implantation soit « un accord secret »- ce que récuse Pitte - mais que confirme Michel Fichant, membre du CAde la Sorbonne Abu Dhabi, professeur d'histoire de la philosophie àParis 4 . Molinié s'étonne aussi que l'antenne implantée s'appelle,dans le protocole, rédigé en Anglais, « The Sorbonne » et pas « Paris4 ». Enfin il confirme qu'il y a une clause d'exclusivité concernant "la région Moyen Orient".

Ce qui signifie que les deux autres facs portant le nomSorbonne se voient fermer toute possibilité de coopération avec cetteaire très importante, qui va de Dubaï au Caire en passant par Beyrouthet Téhéran. Pitte nie cette interprétation : « cette clause ne concerneque Paris 4, je me réjouirais que mes collègues de Paris 1 ou Paris 3en fassent autant. » Mais il manie volontiers le double langage . D'uncoté il dit : « Une université s'appelant « Paris Sorbonne » et dont lesiège se situe dans le bâtiment de la Sorbonne, à l'ombre de lachapelle de Richelieu, est tout simplement la Sorbonne et les démentisn'y font rien » et de l'autre il admet, avec sa casquette degéographe : « Que Paris-Sorbonne ne soit pas toute la Sorbonne, c'estune évidence. »

Hénin préside une université réputée notamment en droitet en économie, qui aspire à monter des partenariats étrangers. Al'époque, il voit dans cette subtile nuance entre « The Sorbonne » et« Paris 4 » un évidente source de malentendu juridique . Ses craintesvont très vite se confirmer. Dès l'élection de Sarkozy, il sollicitel'Elysée pour clarifier l'affaire. On lui répond, raconte-t-il : « Ah,c'est encore une « chiraquerie ». On va régler ça, ne vous inquiétezpas. » Deux mois plus tard le ton a changé du tout au tout : il reçoitune fin de non recevoir. Têtu, il est reçu deux fois au cabinet deBernard Kouchner et deux fois chez Pecresse. Il ne rencontre que desinterlocuteurs embarrassés qui disent en substance : écrasez-vous et ontrouvera une solution.

Paris 1 Panthéon Sorbonne interdite d'implantation au Qatar

En novembre 2007, l'ambassade de France au Qatarsignale à Hénin que le procureur général du Qatar, Ali Bin Fetaisal-Marri, qui est un diplômé de Paris 1 Panthéon Sorbonne, voudrait queParis 1 monte à Doha une formation en droit. La proposition estséduisante car le Qatar a créé une Fondation pour l'Education, dotée deplus de 5 milliards d'E, qui bâtit un méga campus de prestige« Education City », destiné à accueillir les meilleurs cursus du monde.On y trouve déjà 6 université américaines. Suite à la visite de NicolasSarkozy au Qatar les 14 et 15 janvier 2008, Hénin monte dans l'urgenceune maquette de Droit et Affaires Internationales . Parallèlement leprocureur Al-Marri, confirme directement sa demande à Hénin. Pouréviter tout problème avec Paris 4, Hénin informe Pitte de son projet,avec copie au recteur. Il lui est alors répondu que Paris 4 va délivrerdes diplômes de droit a Abu Dhabi ! Alors même que, fac de lettres,elle n'est pas habilitée à le faire. Il découvre que, pour tourner ladifficulté, Pitte a passé une accord de sous-traitance avec Paris 5,qui, elle, est habilitée mais … ne s'appelle pas Sorbonne.

En bon juriste, Al-Marri flaire un lézard et relanceParis-1 par mail : « je veux savoir si vous êtes juridiquementautorisés à signer le partenariat que nous sollicitons ? » Hénin réponden termes strictement juridique : « oui : nous ne sommes pas Paris 4 .Nous ne sommes donc tenus par aucun accord d'exclusivité. »

Invité à se joindre à la délégation qui se rend ausommet de ministres de la justice à Doha, emmenée par Rachida Dati, enavril 2008, il part muni d'un solide dossier d'implantation monté avecl'APIE (Agence pour le patrimoine immatériel de l'Etat), créée parThierry Breton pour défendre les marques publiques. Il part confiant,fort d'un mail reçu du ministère de l'Enseignement Supérieur qui dit :« la marque Sorbonne n'est pas la propriété de Paris 4, donc rien nes'oppose à ce contrat. » Dans l'avion, il questionne quand même RachidaDati : existe-t-il un doute pouvant gêner l'implantation de Paris 1 ?La grande amie du procureur général du Qatar lui répond enthousiaste :« pas de problème, je prends ça sur moi, nous signerons ! » A peinearrivé à Doha, Hénin consulte quand même divers interlocuteurs, dontBernard Belloc, le conseiller université à l'Elysée. Réponse cocasse àsa démarche : « tu peux signer si tu n'utilise pas le mot« implantation », mais seulement « collaboration universitaire . » Unedemi heure à peine après l'arrivée à Doha, Dati a changé de mine« Désolé, on ne signe plus, il y a un véto absolu de l'Elysée. Pourcause d'intérêts supérieurs… »

Hénin rentre bredouille. Le Quai d'Orsay tenteraensuite de rattraper le coup en proposant que le signataire de l'accords'appelle « Paris-1 Panthéon », sans le mot Sorbonne. Ce faux compromisn'intéresse pas le Qatar. Puis lors d'une réunion aux AffairesEtrangères, Hénin découvrira effaré la dernière idée du Quai d'Orsay« on va proposer au Qatar une implantation sous le nom Paris 1Panthéon, mais les diplômes seront signés Paris-1 Panthéon Sorbonne. »Tribulations restées pour l'instant sans suite car les Qatariscomprennent bien qu'on les promène.

Incident diplomatique avec Bahreïn

Fin 2008, le président de Paris-1 a à peine digéré levéto opposé à son implantation au Qatar qu'il apprend que le roi HamadBin Eisa Al Khalifa du Bahrein est intéressé par un partenariat avecParis-1 . Mieux : que la chose figure à l'agenda de la rencontre du roiavec Nicolas Sarkozy le 5 décembre 2008. Le 6 décembre, en gros titre,« The Gulf » annonce « Apres sa visite à Nicolas Sarkozy, le roi duBahreïn annonce qu'il accueille une antenne de la Sorbonne ». Cettefois, Hénin est sur de son coup . Une délégation russe de passage àParis le félicite : « Alors, vous vous installez à Bahreïn ! »précisant que l'information a été annoncée par la Banque Mondiale.Hénin se borde en consultant par mail Jean Daniel Levitte, conseillerdiplomatique à l'Elysée, sachant que Sarkozy se rend en visiteofficielle dans ce pays les 11 et 12 février. Le 4 fevrier, il a lasatisfaction de recevoir une lettre personnelle à en tête du roi duBahrein, l'invitant à être présent lors de la visite de Sarkozy « afinde discuter les possibilités de la création d'une annexe del'université de Paris 1 Panthéon Sorbonne au Bahrein. » Il informenotre ambassadeur à Bahreïn qui répond « je peux attester de laréaction extrêmement positive du roi au projet de l'implantation deParis 1 Panthéon Sorbonne. Mon voeu le plus sincère est de voir aboutirce projet » « Implantation » : le mot magique est prononcé. « Bêtementrépublicain, j'informe Sarkozy et lui demande avec qui je dois traiterça » raconte Hénin. Aucune réponse. Le 9 février, billet d'avion enpoche, il apprend qu'il y a un problème. L'ambassadeur de France atotalement changé d'avis « votre venue soulève une objection, j'aiprévenu les autorités de Bahrein. » Hénin annule son voyage. Ce qui estun affront pour Bahrein : « on ne refuse pas une invitation du roi. »C'est un incident diplomatique. Le 18, Bernard Kouchner envoie unelongue lettre embarrassée à Hénin : « nous sommes liés par l'accordFranco Emirien . Il comprend une clause précisant que ce sera l'uniqueimplantation de l'université Paris-Sorbonne au proche et Moyen Orient .Il ne parait donc pas possible de reprendre une deuxième fois cetteappellation dans cette région. Concernant Bahrein, votre projet n'a pasété évoqué lors de l'entretien du roi Hamad avec Nicolas Sarkozy. »

Où l'on découvre un intermédiaire floué, qui réclame 2 millions de $

Mais un autre problème vient encore compliquer cetteaffaire et la rendre plus ténébreuse . C'est en fait un importantlobbyiste proche des familles royales du Moyen Orient, et grand amid'Olivier Dassault, Pascal Renouard de Vallière, qui est à l'origine del'idée Sorbonne à Abu Dhabi. Il l'a apportée « sur un plateaud'argent » à Pitte, après, dit-il, deux ans de travail, ce que confirmePitte et tous les témoins de la cérémonie à Abu Dhabi. « C'est lui quia payé de sa poche le premier voyage d'exploration sur place de Pitteet d'une adjointe, qui étaient méfiants » se souvient un témoin.Renouard de Vallières, surpris par le renom de la Sorbonne, ira mêmejusqu'à travailler, à l'époque, sur un projet d'opération « Sorbonne àBoston ». Ce « consultant en affaires internationales » sera récompenséde son intermédiation le 5 novembre 2007 en étant fait chevalier dansl'Ordre National du Mérite, en grande pompe, dans le grand amphithéâtrede la Sorbonne, par Olivier Dassault « qui a joué un rôle trèsimportant dans l'affaire » dit-il.

Mais voilà : le reconnaissance morale n'est pas tout.Dans le journal Al Ahram International, on a pu lire, le 4 févrierdernier, ce curieux entrefilet, publié après accord de Renouard deVallière : « Monsieur Renouard de Vallière vit avec perplexité etétonnement le fait qu'aucune espèce de reconnaissance, ni morale niautre, ne lui ait été manifestée par les décideurs à Abu Dhabi, ce quiest en totale contradiction avec la politique des héritiers du regrettéCheikh Zayed. A tel point qu'il s'étonne beaucoup et n'arrive pas à lecroire. Il est persuadé de faire les frais d'intrigues tramées contrelui. »

Renouard de Vallière récuse le qualificatif « d'hommed'affaires », et se dit « conseil en relations internationales ». Enfait c'est un lobbyiste qui monnaye ses hautes relations, tisséesdepuis plus de 20 ans, au Moyen Orient. Il travaille notamment pourDassault. Il demandait 2 millions de $ pour le montage de l'opérationSorbonne, à partager entre Paris et Abu Dhabi. Mais la Sorbonne n'ayantpas un sou, il a eu l'idée d'introduire la clause d'exclusivité et dedemander, en contrepartie, que les 2 millions soient à la charge d'AbuDhabi. Ce qui a été accepté mais… verbalement. Problème : cettecommission n'a jamais été payée. Renouard de Vallière accuse le Quaid'Orsay de faire obstacle, et pire, de vouloir sa faillite, car ildésormais mal vu dans les Emirats. Il faut dire que ni lui ni Pitten'avaient associé les Affaires Etrangères à l'opération Abu Dhabi...Etait-ce pour justifier sa commission et ne pas se faire courtcircuiter ?

De Vallière insinue en tous cas que Patrice Paoli,ancien ambassadeur à Abu Dhabi, promu depuis patron du Moyen Orient auQuai, se serait attribué la paternité de l'opération Sorbonne ,laquelle a été suivie par l'opération Louvre à Abu Dhabi... De là àdire que l'opération Louvre aurait été inspirée par lui, il n'y a qu'unpas qu'il ne récuse que mollement. Et là, on parle de très grosintérêts, puisque le Louvre s'est « vendu » pour 700 milions d'E, dont370 pour la seule marque, et le reste en royalties ( cf plus loin)

Furieux d'avoir été mis à l'écart, Renouard de Vallières'active beaucoup, et a été jusqu'à inspirer un petit article duFigaro, le 28 mars dernier, titré, en caractères gras : « La Sorbonnede Renouard de Vallière. »

Ce personnage jovial et imposant ( il mesure presquedeux mètres), qui aime souligner son parcours d'autodidacte, suscitedes appréciations diverses en raison de ses facettes mystérieuses.Qualifié ici ou là d'aventurier ou d'affairiste, il fait l'objet dequalificatifs plus raides du coté du Quai d'Orsay. Il se donnevolontiers une apparence de naïveté. On ne traite pourtant pas desaffaires au Moyen Orient pendant des décennies sans un solide blindage.Parti pour l'Arabie Saoudite dés l'âge de 19 ans, il ouvre un bureaud'affaires à Ryad en 1983 puis le transfère au Caire en 1996. Il parlecouramment Arabe et se flatte d'avoir vécu comme un bédouin sous latente. Surtout, son site internet l'atteste, il possède unimpressionnant portefeuille de relations, notamment politiques, aupremier rang desquelles figure Olivier Dassault . Qu'il se soit faitflouer aussi bêtement sur cette opération Sorbonne intrigue. Sa versionconsiste à dire que l'affaire serait due « au mépris des élites de lahaute administration française, qui ont voulu écarter un autodidacte. »L'argument paraît court : même si il écrit « diplômatie » avec unaccent circonflexe, les faciliteurs d'affaires comme lui, diplômés oupas, dotés de beaucoup d'entregent, ont toujours été prisés en hautlieu.

Une seule chose est sûre dans cette affaire : seul leQuai d'Orsay brandit la fameuse clause d'exclusivité. « Chez Pecresse,ils sont au contraire pour la multiplication des partenariats àl'étranger » explique un informateur proche du dossier. « C'est doncqu'il y a d'autres intérêts en jeu que ceux de l'éducation. » Le mêmeinformateur fait remarquer que c'est la même branche familiale régnanteà Abu Dhabi qui contrôle les intérêts militaires et l'opérationSorbonne . L'Elysée défend-il l'exclusivité Abu Dhabi pour favoriser defutures ventes d'armes et la toute prochaine ouverture, fin mai 2009d'une base militaire française dans ce pays ? Si cette suppositions'avérait exacte, ce serait une façon inédite de valoriser le renomd'une université.

A Abu Dhabi, la marque Sorbonne a-t-elle été bradée ?

En cette fin avril 2009, Pierre-Yves Hénin, qui aterminé son mandat de président de Paris 1, estime avoir recouvré saliberté d'expression. Il est excédé par le fait qu'un récent courrier,adressé à Bernard Kouchner le 13 mars demandant communication ducontrat Abu Dhabi est encore resté sans réponse.

Hénin accuse : « Je porte une accusation ciblée etconstituée : la « Sorbonne à Abu Dhabi », c'est un accord contenant uneclause d'exclusivité aux yeux du Quai d'Orsay alors que cela ne tientpas juridiquement. S'il y a des choses secrètes, je veux que cela soitclarifié. S'il y a exclusivité sur la marque Sorbonne, alors des droitsdoivent être payés. Mais s'il y a une commission non honorée, quereste-t-il de l'exclusivité ?... Je veux que l'on m'explique quels sontles intérêts qu'on protège dans cette affaire . » Et un de sesprofesseurs de droit, Maître François Ameli, spécialiste en contratsinternationaux, est encore plus formel : « Rien, absolument rien,juridiquement, ne s'oppose à ce que Paris-1 monte des programmes auMoyen-Orient comme cela nous a été demandé par ces interlocuteurs detrès grande qualité et porteurs d'avenir comme le Qatar. »

Il est en effet piquant que Paris 1 Panthéon Sorbonne,université d'excellence en droit et en économie ( avec l'IAE de Paris),se voit interdire de créer des partenariats au Moyen Orient parce queParis 4, fac de Lettres, y exerce un monopole. Pour Hénin, limiterl'excellence de la Sorbonne à Paris 4, donc aux Lettres et SciencesHumaines, c'est brader le renom de la marque, qui s'exerce dansd'autres disciplines. Paris 1 qui gère des partenariats internationauxde haute qualité avec Le Caire, Thessalonique, Galatassaray, mais aussiColumbia à New York, et Oxford, enrage de se voir fermer la porte desétats du Golfe dont les projets éducatifs sont énormes et pour lesquelselle dispose de compétences que d'autres universités n'ont pas. Nousavons rencontré le président de la Qatar Foundation, le Dr MohamedFathy Saoud, qui investit 5 milliards de $ dans sa « City ofEducation ». Il est très clair : « nous voulons signer avec lesmeilleures institutions françaises. Nous sommes très ouverts à toutesles opportunités, et nous parlons aussi avec les grandes écoles. » Oncomprend vite dans ses propos que si ce ne sont pas les universités quiy vont, ce seront les grandes écoles.

Enfin, si vraiment une exclusivité a été accordée à AbuDhabi sur l'utilisation du mot « Sorbonne », pour tout le Moyen Orient,Hénin conteste alors les conditions financières du contrat conclu, ens'appuyant sur la jurisprudence du contrat Louvre à Abu Dhabi . En Mars2007, le droit d'utiliser la marque « Louvre » a été vendu 370 millionsd'E aux Emirats, sans compter une somme équivalente en royalties àvenir. Le contrat a été conclu avec l'aide de l'APIE ( l'Agence pour lepatrimoine immatériel de l'Etat), créée à Bercy par Thierry Breton dansle but de défendre les marques publiques. « Le non respect de cetteprocédure, et donc la non valorisation de la marque Sorbonne dans lesmêmes conditions que Le Louvre pose un vrai problème » argumente Hénin.

La Sorbonne à Abu Dhabi : 1000 étudiants dans 5 ans ?

Le 14 mars 2008, Jean Robert Pitte, ayant sans doutetrop roulé les mécaniques, était battu aux élections pour la présidencede Paris IV par Georges Molinié, un distingué professeur de stylistiqueFrançaise qui affiche haut et fort ses idées de gauche et sonopposition farouche à la réforme LRU de Valérie Pécresse. Depuis 18mois il a fait de Paris IV le bastion de la lutte anti réforme del'université. Ce qui produit ce résultat piquant, qui n'avait sûrementpas été anticipé ni par Sarkozy ni par Abu Dhabi : l'émirat estactuellement lié par un contrat d'exclusivité avec la fac la plusrebelle de France aux réformes universitaires de Nicolas Sarkozy. Désmai 2008, Molinié déclarait à Challenges « l'idée qu'on puisse vendrele nom Sorbonne, qui en plus ne nous appartient pas, c'est d'unplouc ! » Et il dénigrait le contrat Abu Dhabi : « là bas 90 % desétudiants sont arabophones ou anglophones : nous nous contentons de lealphabétiser en français » , parlant de « bricolage indigne de laSorbonne » et suggérant que Pitte avait été très peu exigeant sur lesconditions du contrat : « c'est des cours de Français amélioré ». Al'automne 2008, il alla à Abu Dhabi pour imposer des nouveaux contenuséducatifs « plus dignes de la Sorbonne », dans les programmes :histoire, géographie, histoire de l'art etc, dans le cadre d'unelicence en Lettres. Allant jusqu'à obtenir la tête du général Omar AlBitar qui était vice président du conseil d'administration de SorbonneAbu Dhabi. Aujourd'hui, la Sorbonne délègue 8 directeurs de filière surplace, plus des profs qui font des vacations de 8 à 15 jours. Pourautant, le projet est loin d'atteindre son objectif de 2000 étudiants :« on l'a révisé à 1000 étudiants dans 5 ans explique le professeurMichel Fichant, membre du conseil d'administration de la Sorbonne AbuDhabi qui ajoute : monter une université entièrement francophone danscette zone totalement anglophone était un pari risqué . » Il estimequ'il faudrait un bureau de recrutement pour attirer des candidats.D'autant que la New York University va inaugurer un campus à la rentréeprochaine délivrant elle aussi des cours de lettres et scienceshumaines.

Actuellement l'effectif Sorbonne Abu Dhabi est de 400étudiants, dont 120 en « année zéro », c'est-à-dire en initiation auFrançais. En revanche il faut souligner un point fort négocié parPitte, et lié à l'ouverture régnant dans les Emirats : la mixité et lalaïcité, impliquant même qu'il n'y ait pas de salle de prière sur lecampus.

Enquête de Patrick Fauconnier

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Comment la Sorbonne a bradé son nom au Moyen-Orient

Par Hélène Decommer | Étudiante en journalisme | Rue 89 - 29/04/2009

http://www.rue89.com/2009/04/29/comment-la-sorbonne-a-brade-son-nom-au-moyen-orient

Paris-IVSorbonne ayant cédé à Abu Dhabi l'exclusivité du nom dans la région,Paris I-Panthéon Sorbonne ne peut plus s'y implanter.

La Sorbonne à Abu Dhabi,belle vitrine de la culture française dans le Golfe. Il y a trois ans,le projet est conclu entre les Emirats arabes unis et l'universitéParis IV-Sorbonne par un accord, « secret » à l'époque, qui prévoitl'exclusivité de l'usage du nom La Sorbonne au Proche et Moyen-Orient.Sauf que ce titre n'est pas la propriété de Paris IV.

Pierre-Yves Hénin se sera battu jusqu'aubout. Son mandat de président de l'université Paris I-Panthéon Sorbonnes'achève aujourd'hui, et malgré son acharnement, impossible d'instaurerune antenne de son université au Moyen-Orient. Il a tenté le Qatar,puis le Bahreïn, mais s'est systématiquement heurté à un refus desautorités françaises.

En avril 2007, le procureur général du Qatar, l'équivalent duministre de la Justice, Ali Bin Fetais Ali Marri, propose à Pierre-YvesHénin de créer un institut affilié à l'université Paris I-PanthéonSorbonne au Qatar. Les deux hommes montent le dossier et lecommuniquent à la garde des Sceaux Rachida Dati. Pierre-Yves Héninraconte :

« Fin avril 2008 s'est tenue au Qatar la conférence de Doha surla justice, en présence de Rachida Dati. Elle nous a dit : “Je prendssur moi pour signer l'accord de coopération.” Avant la conférence, ellea reçu un coup de fil de l'Elysée qui lui interdisait de signer quoique ce soit. »

Rebelote au Bahreïn, au début de l'année 2009. Pierre-Yves Héninreçoit une invitation du ministre de la Cour royale Al-Khalifa pourdiscuter d'une éventuelle implantation de Paris-I au Bahreïn, àl'occasion d'une visite de Nicolas Sarkozy dans le pays prévue enfévrier. Il y répond favorablement. Le 9 février, un courriel del'ambassadeur de France au royaume du Bahreïn l'informe que :

« Vérification faite auprès de mon ministère, il m'est revenuque votre visite à Bahreïn soulevait des objections d'opportunité. Jel'ai donc dit aux autorités bahreiniennes. »

Furieux et voulant comprendre lesraisons de son éviction, le président de Paris-I écrit à ValériePécresse, Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner. Seul ce dernier luirépond et livre l'explication :

« Les autorités françaisessont liées par l'accord franco-émirien signé à Abou Dhabi le 19 février2006 par Monsieur Jean-Robert Pitte, alors président de l'universitéParis IV Sorbonne et par Monsieur Gilles de Robien, alors ministre del'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche,ce dernier l'ayant paraphé comme témoin.

« Cet accord, qui formalisel'implantation de l'université Paris-IV Sorbonne aux Emirats, comprendune clause précisant que l'université sera l'unique implantation del'université Paris-Sorbonne au Proche et Moyen-Orient. »

Or, la prestigieuse appellation Sorbonnen'est pas l'apanage de Paris-IV. Après les événements de mai 68, treizeuniversités sont créées dans l'académie de Paris. Plusieurs portent lenom Sorbonne dans leurs titres. Le terme n'appartient donc pas à uneuniversité en particulier et ne peut pas être déposé.

Pierre-Yves Hénin demande alors à Bernard Kouchner, par courrierdaté du 13 mars, le texte de cette convention entre Paris-IV et lesEmirats, afin « d'apprécier la teneur et la portée des dispositions qui(lui) seraient opposables. » Pas de réponse. Le président del'université s'insurge :

« Il n'est pas normal qu'il existe un caractère secret dans unaccord sur une université. Il n'y a aucune transparence dans cetteaffaire. »

De plus, Paris-IV ne touche que 15 % desdroits d'inscription des quelques 400 étudiants de La Sorbonne à AbuDhabi, qui s'élèvent à environ 13 000 dollars par an et par élève.Pierre-Yves Hénin poursuit :

« Lorsque le musée du Louvres'est installé à Abu Dhabi, la clause d'exclusivité pour le nom s'estnégociée à 400 millions d'euros par an. Là, 15 % c'est ridicule,surtout qu'il y a peu d'élèves. On sacrifie l'université française soitpour des intérêts financiers, qui là sont minimes, soit pour garantirdes intérêts supérieurs. »

En 2006, c'est Pascal Renouard de Vallièrequi avait servi d'intermédiaire entre l'université Paris IV et lesEmirats Arabes Unis. Conseiller en relations internationales et amid'Olivier Dassault, il se présente lui-même comme un lobbyiste :

« J'ai passé vingt ans de mavie à nouer des relations au Moyen-Orient. C'est moi qui ai eu l'idéed'implanter une grande université française à Abu Dhabi et le présidentde Paris IV, Jean-Robert Pitte, a été le seul à me suivre.

« Pour la clause d'exclusivité, nousavons peut-être mal négocié, mais nous n'avions pas les moyens de fairemieux. Nous sommes arrivés avec un sac de billes dans les poches. Doncnous avons cédé la clause d'exclusivité contre les frais defonctionnement et de construction. »

Au passage, Pascal Renouard de Vallière reconnaît aussi n'avoirjamais touché les deux millions d'euros promis pour avoir assuré latransaction :

« Selon un engagement verbal, c'était aux Emiriens de me payer.Mais à l'époque, l'ambassadeur de France aux Emirats Arabes étaitfurieux que j'ai réussi à monter ce projet. Il s'est débrouillé pour medécrédibiliser aux yeux des Emiriens, leur demandant de ne pas mepayer. Evidemment, ils ont suivi ses recommandations. »

Du côté de Paris IV, on reconnaît quel'accord de coopération a été mal rédigé. Michel Fichant, professeurdélégué et membre du Conseil de direction de La Sorbonne Abu Dhabi :

« L'accord a étéinsuffisamment élaboré et négocié. Jean-Robert Pitte a voulu allerbeaucoup trop vite. Les Emiriens ont acheté une marque, sans êtrevraiment informés de ce qu'elle recouvrait. Mais notre gouvernement,qui fait de gros efforts de rapprochement, ne veut pas leur déplaire etdonc leur donne raison. »

La question de la marque va d'ailleursse poser dès les remises de diplômes aux étudiants. Habilitée àdélivrer des diplômes universitaires uniquement en Lettres et Scienceshumaines, Paris IV s'est associée à Paris V-Descartes pour lesformations en Droit et en Economie. C'est cette dernière qui attribuerales licences, masters et doctorats dans ces matières. Sans mention LaSorbonne, puisque le terme ne figure pas dans le nom de l'université.

Les Emiriens s'en inquiètent déjà. Avecle Quai d'Orsay, ils réfléchissent à la manière de faire tout de mêmeapparaître la prestigieuse mention Sorbonne.