Traduire, interpréter et enseigner les realia dans le discours littéraire
26 mai 2017, Inalco, Paris
Toute langue fait partie de la réalité et sa fonction est d’offrir une construction du réel, de le réinventer en quelque sorte. Les langues ne sont pas des nomenclatures universelles. Composantes essentielles de la part de l’Autre notamment dans le discours littéraire, les realia marquent, selon Galisson (1999) dans ce qu’il appelle La Pragmatique lexiculturelle, la présence de l’altérité, forgeant l’identité et la langue de l’étranger. Autant de facteurs nécessaires pour faire un usage approprié de la langue, et plus nos codes correspondent à ceux de nos interlocuteurs, mieux notre propos passera.
Dans l’enseignement des langues étrangères on ne saurait faire l’économie de la prise en compte des contextes géographiques, historiques, idéologiques et institutionnels divers dans lesquels on utilise et apprend des langues (Zarate, Lévy & Kramsch, 2008 : 435)
Il apparaît dans le même temps, que les realia peuvent constituer l’intraduisible du texte, s’ils n’ont pas d’équivalents dans la langue cible ; aussi la traductologie doit s’y intéresser pour en décliner les stratégies adéquates susceptibles de les faire apparaître sémantiquement et formellement dans les langues cibles.
La notion de culture, par ailleurs, comporte divers aspects qui méritent d’être explicités comme l’altérité elle-même. L’altérité dans le discours littéraire est composée de repères ou de marqueurs de tous genres tels que les mots y compris les noms propres, les énoncés qui les organisent, le texte lui-même, sans oublier les métaphores et les connotations (composantes essentielles de l’identité de l’Autre en particulier dans le cadre d’un texte littéraire appelé à jouer un rôle essentiel dans l’ancrage des représentations culturelles, dans un contexte social et historique donné.
Il y a probablement des données et des phénomènes du monde extralinguistique présents dans toutes les cultures mais que chaque langue interprète à sa manière. Bien souvent, les références culturelles circulent en vase clos : « by their very nature, cultural references tend to circulate in a vacuum and are obvious only to those who have been socialized and educated in the given culture » (Szende, 2014: 210).
En apprenant sa langue maternelle, le locuteur acquiert la conceptualisation du monde caractéristique de cette culture et accède aux traits de la réalité extralinguistique jugés pertinents par les membres de la communauté.
Ces repères constituent la part de l’autre, ou plus précisément ce que Ballard (2001) appelle les culturèmes, c’est-à-dire les désignateurs culturels qui appartiennent à une culture quelconque et qui forment en même temps un système de codes complexes différent de celui de l’autre langue. Le texte littéraire est par là même une mine qui regorge de realia – une composante d’une autre forme d’intertextualité littéraire- qui relèvent bien souvent d’un imaginaire lointain et qui s’inscrivent dans un univers culturel et inédit. La littérature offre un espace privilégié pour entrer dans la réalité de l’autre et, par effet de miroir, dans sa propre réalité. La sensibilité particulière de l’écrivain dans l’évocation des realia et les réseaux d’implicites qu’il mobilise dans son écriture demandent une analyse spécifique.
Révélateur de contextes historiques, politiques et sociaux, le texte littéraire ouvre des portes, à travers une conscience individuelle et une écriture singulière, sur des modes de pensée, des modes de vie, des rapports au monde, autant de révélateurs d’un imaginaire social et culturel collectif (Gohard, 2004 : 6-11).
Dans cette même perspective, les lexicultures apparaissent comme transdisciplinaires et touchent à la littérature, la traduction et la didactique. C’est pourquoi plusieurs questions s’entrecroisent : comment la traductologie envisage-t-elle la transposition des realia, dans une approche de transfert culturel ? En littérature, faut-il garder les modèles littéraires du texte source ou privilégier la cible pour rendre compte au mieux des realia ? Et enfin, dispose-t-on de stratégies particulières en didactique des langues étrangères pour surmonter la traduction de ces unités lexiculturelles?
Ce projet est un carrefour de questionnements, donnant l’occasion d’apporter des éléments de réponse dans les différents champs concernés par les realia.
Nous vous invitons à soumettre des propositions (en français ou en anglais) de 250 mots avant le 1er avril 2017, ainsi qu’une courte notice biographique, à Malek AL-ZAUM, ( malekalzaum@gmail.com. Vos propositions peuvent porter sur un ou plusieurs des grands axes ci-après. Aussi seront-elles examinées par le comité scientifique.
Axes
- La traduction de l’altérité, la traduction littéraire, les désignateurs culturels, l’onomastique, les techniques de traduction, les malentendus culturels, l’intertextualité ;
- La traduction littéraire : fiction vs les realia ;
- Enseigner les realia, les écueils et les stratégies de didactique des langues.
Bibliographie
- Affergan, F., (1987), Exotisme et altérité, Paris, Puf, coll. Sociologie d’aujourd’hui, 295p.
- Affergan, F., (1991), Critiques anthropologiques, Paris, Presse de la Fondation Nationale.
- Bakhtine, M, (1977), Le marxisme et la philosophie du langage, Ed. De Minuit.
- Ballard, M., (2001), Le nom propre en traduction: anglais ́français, Gap, Paris, Ophrys.
- Ballard, M., (2011), Censure et Traduction, Artois Presses Universités, 396p.
- Barthes, R. (1970), S/Z, Paris, Seuil, coll. Tel quel.
- Barthes, R., (1964), Essais critiques, Paris, Seuil, Points.
- Bourdieu, P. (2000), Esquisse d'une théorie de la pratique, points Essais, 429p.
- Bourdieu, P., (2000), Esquisse d'une théorie de la pratique, Paris, Points. Coll. Essais, 429p.
- Bruner, J. ( 2006), La culture, l’esprit, les récits, PUF, 122p.
- Cary, E., & Ballard, M., (1986), Comment faut-il traduire, Lille, Presses universitaires de Lille, 2e éd. 94p.
- Cordonnier, J.L., (1995), Traduction et culture, Paris, Didier, Crédit, 236p.
- Delisle, Jean et al.Terminologie de la traduction. Amsterdam /Philapdelphia, John Benjamins Publishing Company, 1999
- Galisson, R., (1999), « La Pragmatique lexiculturelle pour accéder autrement à une autre culture, par un autre lexique ». in. Mélange Crapels n°25, Université de la Sorbonne, p.(47-73).
- Gary-Prieur, M.N., (1994), Grammaire du nom propre, Paris, Puf.
- Genette, G., (1982), Palimpsestes, la Littérature au second degré, Paris, Seuil, 573p.
- Gohard-Radenkovic, A. (2004), « Pourquoi l’analyse de l’’altérité et des identités’ dans les littératures en français ? », Altérité et identités dans les littératures de langue française, Le français dans le monde. Recherches et applications, CLE International, 2004, 6-13.
- Hurtado Albir, A., (1990), L notion de fidélité en traduction, Didier Erudition, 236p.
- Israel, F., (1991). « Traduction Littéraire : L’Appropriation du texte”. Liberté en traduction La): Actes du Colloque International à l’ESIT (Ed. Marianne Lederer/Fortunato Israel, le 7,8,9 1990
- Kerbrat-Orecchioni C., (1986), L'implicite, Paris, A. Colin.
- Kristeva, J., (1969), Sémiotikè, recherches pour une sémanalyse, Paris, Seuil, 384 p
- Ladmiral, J.R. Lipiansky, E.M.(1989), La Communication Interculturelle, Armand Colin, 318p.
- Magri-Mourgues V., (2009), Le voyage à pas comptés : Pour une poétique du récit de voyage au XIXe siècle, Paris, Honoré Champion.
- Pasquali, A., (2000), Le Tour des Horizons, Critique et récits de voyage, Klincksieck, 179 p.
- Zarate, G, Lévy, D. & Kramsch, C. (2008). « Conclusion générale », G. Zarate, D. Lévy & C. Kramsch (Eds), Précis du plurilinguisme et du pluriculturalisme, Editions des archives contemporaines, p. 435-440.
- Szende, T. (2014), Second Culture Teaching and Learning: An Introduction, Bern: Editions Peter Lang.