Les incertitudes du roman
1Que faire des récits de Jean Paulhan ? C’est une question embarrassante, comme Paulhan les aimait. Certes, ces récits ne font pas masse. Mais ils sont rassemblés depuis près de cinquante ans dans l’édition Tchou, et les historiens de la littérature ou poéticiens du roman ont eu le temps de s’y intéresser. Ils ne se sont pas empressés de le faire. On compte une thèse publiée, qui est décevante – celle de Bernard Baillaud, restée inédite –, et une poignée d’articles, dont aucun n’est décisif1. La question de la Terreur dans les lettres a monopolisé l’attention de la critique, au détriment de l’œuvre et même de l’auteur : les biographies disponibles ne sont pas non plus à la mesure de leur sujet. Or ces récits ne sont pas seulement essentiels pour la compréhension du projet de Paulhan et de ses réalisations : ce sont en eux-mêmes des textes de premier ordre, très originaux, riches de sens et d’émotion, dignes d’un lecteur averti – un lecteur qui en vaut deux.
2Tâchons donc de comprendre pourquoi ils ont été délaissés. Il me semble qu’on peut avancer quatre types d’explications : historique, générique, génétique, herméneutique (pardon pour ces suffixes envahissants).
3Historique : il est difficile de faire entrer les récits de Paulhan dans une histoire du roman. Ils sont d’ailleurs absents ou peu s’en faut du livre de Michel Raimond, La Crise du roman2. Ils ne s’inscrivent en effet de façon satisfaisante dans aucun des paradigmes qui commandent la représentation de l’histoire du roman moderne, ni en tant que tel, ni de manière particulière au roman français : la description du monde réel et les techniques « illusionnistes » qui l’accréditent, comme l’affirme clairement la préface de Maupassant sur « Le Roman3 » ; la représentation de la vie intérieure, du « psycho-récit » au flux de conscience et au monologue intérieur, pôle dominant des années 1920, et que prolongeront les « tropismes » de Sarraute ; la réflexivité structurale, thématisée dès les années symbolistes par Gide sous le nom de « mise en abyme », et qui conduit en droite ligne des Faux-monnayeurs au Nouveau Roman. Ce n’est pas qu’ils leur soient étrangers : mais ils ne marquent aucun progrès formant jalon dans une construction historiographique. Et surtout ils ne revendiquent rien pour eux-mêmes ; comme Apollinaire ou Soupault, autres laissés-pour-compte, Paulhan n’a pas produit de théorie du roman.
4Difficile à situer comme à catégoriser, ce corpus a pu être considéré comme représentatif des « tendances du roman contemporain4 » : Paulhan voisine alors avec Max Jacob, Salmon, Mac Orlan, Toulet, mais aussi Morand et Proust, sous le signe de la « bouffonnerie imprévue » – quelque part entre l’introuvable école fantaisiste, le farfelu du jeune Malraux, et son propre saugrenu qui n’a pas fait école. Quand cette actualité s’éloigne, il est perçu comme un objet bizarre, une coquecigrue littéraire. Alain Bosquet commente ainsi L’Aveuglette : « Jules Renard y préside à côté d’un Barbey d’Aurevilly apprivoisé par un Anatole France qui aurait la perversité d’un Mirbeau, dont le style vaudrait celui d’un Gide5. » Attardons-nous sur Jules Renard. Paulhan lui rend hommage par la présence dans Lalie d’une coquecigrue : Coquecigrues, c’était le titre d’un recueil de proses que Renard avait publié en 18936. Longtemps après (mais juste avant de publier sa nouvelle en tête de l’édition Tchou), il lui consacre une étude où il affirme que « Renard a exercé sur notre prose la même sorte d’attraction qu’ont fait sur nos poètes Rimbaud et Mallarmé7 ». La comparaison nous fait sursauter. Mais Renard, après L’Écornifleur – qui est une sorte de pendant naturaliste de Paludes –, avait entrepris de l’intérieur une déconstruction du naturalisme en réduisant drastiquement la part de fiction nécessaire à la production d’une mimésis cohérente (le « trompe-l’œil » de Maupassant). Paulhan repart de ce point minimal, presque infra-narratif, des Histoires naturelles, où l’arrangement « artistique » des données de l’expérience est réduit à sa plus simple expression. Il se situe donc, si l’on me passe l’expression, dans un contre-courant du naturalisme.
5Du point de vue générique, la difficulté est pire. Les récits de Paulhan n’adhèrent à aucune forme canonique. Ce ne sont pas des romans, et l’unique tentative en ce sens, sous le nom d’Anne Majorelle, se réduit à un « plan ». Ce ne sont pas des nouvelles : Paulhan aurait pu renouveler le genre comme l’a fait Morand, mais il ne s’y attache pas. Ses récits sont trop peu nombreux pour faire genre, trop longs (le Guerrier) ou trop courts (les Causes célèbres), trop décalés (L’Aveuglette, ou Le Pont traversé, qui est à la fois nouvelle et séquence de récits de rêve). Ils ne sont pas fermement ancrés dans la fiction, mais tiennent plutôt de l’autobiographie transposée ou poursuivie par d’autres moyens. La frontière qui les sépare de l’essai est particulièrement instable : Paulhan est un conteur d’histoires et il tend constamment à argumenter par ce moyen. Jacob Cow devrait être un récit d’aventure, Les Fleurs de Tarbes, une fable de la vie moderne ; l’Entretien sur des faits divers n’est pas un récit. Et quel est le statut de De mauvais sujets ? Mais Paulhan avait formulé dans Jacob Cow, le plus important essai donné à Littérature, presque un manifeste, un point de vue plus radical : « Il n’est pas de différence visible, et de fossé, du mot à la phrase et de la phrase au récit. » La phrase est contemporaine des spéculations de Gide sur le « roman pur » ; elle les invalide par avance. Mais elle dit aussi que le récit est partout, et qu’une structure narrative détermine même le rapport entre un mot et son sens, celui qu’il prend ou qu’on lui donne. La réflexion décevante sur le genre se transforme en réflexion sur la tension narrative impliquée dans tous les processus mentaux en rapport avec le langage.
6La difficulté tient aussi à ce que Paulhan refuse de donner une solution éditoriale à cette question du genre. Les ensembles constitués sont en trompe-l’œil ou se défont par les bords. Le plus évident et longtemps le seul disponible, le petit volume de « L’Imaginaire », est posthume. Le premier volume Tchou, où les choix sont de Paulhan, porte en tête une indication générique : Récits, suivi d’un titre ou sous-titre, Les instants bien employés, qui se rapporte à l’ensemble des textes (y compris l’entretien avec Robert Mallet) et les situe dans une perspective éthique, comme si la narration n’en était que l’occasion ou le moyen. D’autre part, la chronologie de la rédaction, celle de la publication, et l’ordre des textes publiés interfèrent d’une manière qui n’est pas facile à interpréter : c’est pourquoi je parlais de difficulté génétique. Il y a eu trois incipit du récit paulhanien : celui du Guerrier, le premier livre publié ; celui de La Guérison sévère, la première contribution à Littérature (dans le no 1) ; celui de Lalie, le texte le plus ancien, mais qui ne paraît que dans l’édition Tchou qu’il inaugure. Quant à Progrès en amour assez lents, qui assure une jonction narrative entre le Guerrier et La Guérison sévère, et permet donc de constituer un « cycle Maast », là encore il faut attendre l’édition Tchou pour s’en rendre compte ; seuls deux fragments détachés en avaient paru, quarante ans avant la publication du texte entier. C’est une histoire faite de décisions, d’occasions, d’oublis, de résurgences – une histoire confuse à comprendre comme la vie.
7Quant à la difficulté herméneutique, je l’indique d’un mot avant d’y revenir. Elle tient à ce que, comme le remarquait Reverdy à la lecture du Guerrier appliqué, « le sujet se dégage seulement après avoir fermé le livre8 ». Il y a donc dédoublement : deux lectures du même livre ou, comme le dira Blanchot des Fleurs de Tarbes, deux livres dans un ; nous en verrons d’autres exemples. Tout le progrès, semble-t-il, tient à ce second livre appliqué sur le premier, comme le guerrier l’avait été sur le civil, les deux étant Jacques Maast9. Mais dans un premier temps, on est désorienté comme à colin-maillard : quel livre a-t-on donc lu ?
8Sommes-nous pour autant sans repères ? Pas tout à fait. Paulhan trouve sa place dans l’essai de Jean-Yves Tadié sur Le Récit poétique10, qui n’est ni une histoire ni une théorie, mais le parcours thématique subtil d’un corpus qui se dessine en marge du naturalisme et des avant-gardes. On peut envisager, en suivant son exemple, plusieurs groupements significatifs. Le premier est celui que retient Tadié, c’est-à-dire le recouvrement du personnage de fiction par un narrateur qui lui-même est une projection ou transposition de l’auteur : autobiographie déplacée ou, pour reprendre le titre de Cocteau, aventures de l’imposteur (il ne s’agit pas d’imposture éthique au sens de Bernanos, mais de la fictionnalité inhérente à toute narration personnelle). Jacques Maast est ici en bonne compagnie, avec le Jérôme Bardini de Giraudoux, le Thomas de Cocteau, l’Anicet d’Aragon, les protagonistes de Soupault ou de Crevel ; Jacques Vaché et « La confession dédaigneuse » ne sont pas loin. Ils forment un pont entre les personnages du récit symboliste (des Esseintes, Faustroll, Tityre) et les « bavards » métaphysiques de Blanchot, des Forêts et Beckett. Ce courant est lui-même mitoyen de la fiction spéculative issue d’Edgar Poe (et avant lui, de Carlyle et Quincey) et dont le meilleur représentant en France, à défaut de l’Igitur de Mallarmé, est Monsieur Teste ; au moment où il méditait le Guerrier, après sa blessure, Paulhan avait d’ailleurs copié de sa main le texte entier de Valéry.
9Un troisième ensemble est formé par les écrivains pour qui, selon le mot de Breton, « le merveilleux est toujours vrai », c’est-à-dire pour qui le fantastique n’est pas comme le pensait Todorov dédoublement de l’interprétation, mais dédoublement du monde. Ce sont les voisins secrets de Paulhan : Dhôtel, qui écrit la postface des récits, Limbour, dont il aimait Les Vanilliers. C’est ici que Paulhan se sépare de Jules Renard. Les Coquecigrues de ce dernier sont des figures de langage développées en récit : la grosse limace rouge sur la lèvre de la vieille qui se mouche, c’est sa langue, qu’elle fourre dans son palais après avoir avalé sa morve11. Mais Lalie rencontre une vraie coquecigrue tombée dans un piège, une fille à la peau rouge « avec çà et là des cheveux courts comme du lichen12 ». Ces mots, coquecigrue, dame-de-puits, homme des bois, disent que le monde est plein de choses redoutables : il faut les poursuivre (avec précaution) et amener notre esprit jusqu’à elles, au lieu de les ramener à notre décevante raison. De même, dans le Guerrier, les dix soldats de la double attaque : « Courant toujours, ils descendent insensiblement de l’autre côté de la crête. Et tout d’un coup, je ne vois plus rien : ils ont pénétré dans la terre ouverte quelque part13. » Le double point est une explication, mais est-ce parce que je ne vois plus rien que je crois qu’ils ont pénétré dans la terre, ou bien est-ce parce qu’ils ont pénétré dans la terre que je ne vois plus rien ? Est-ce une tranchée, est-ce l’entrée des Enfers ? Justement le texte ne le dit pas, il dit simplement qu’ils ont pénétré dans la terre. Du coup, « il n’y a plus de fantastique : il n’y a plus que le réel14 ».
10Le dernier trait est sans doute le plus important : c’est la réorientation du roman d’apprentissage en roman d’aventure, conformément aux idées exprimées par Rivière dans son essai de 191315 (le monde du Grand Meaulnes, que Rivière avait en tête, n’est d’ailleurs pas si loin de celui de Lalie et du Guerrier). Les titres de Paulhan, Le Guerrier appliqué, Progrès en amour assez lents, La Guérison sévère, sont une expression canonique de l’idée de récit d’apprentissage, mais l’idée d’initiation ou de révélation, avancée par Jean-Yves Tadié et reprise par Julien Dieudonné16, ne leur convient pas exactement : comme l’idée goethéenne d’apprentissage (et sa déconstruction par Flaubert), elle suppose un point de vue rétrospectif. Or, comme le montre très bien Marielle Macé, il ne s’agit pas tant d’initiation que d’imitation : un retournement de l’idée d’imitation, ordinairement conçue comme aliénante, en « réserve énergique d’invention17 ». Les sources déterminantes de la pensée de Paulhan sont ici le bovarysme de Jules de Gaultier et Les Lois de l’imitation de Gabriel Tarde. La force d’appel des mots et des images qui sont déjà là mais qu’il faut rejoindre, et dont il faut pour soi trouver l’emploi, en voici un exemple dont les expressions correspondent exactement à cette idée. La petite troupe s’est mise en route :
Mais nous avancions dans une étrange émotion d’avidité et de reconnaissance ; il nous semblait que prenaient fin la vie de tranchées et notre application ingrate. De vieilles images de guerre cependant nous revenaient : sentiers, marches du soir dans les feuilles, et par-dessus tout le bruit du canon. Nous croyions ainsi rentrer dans l’ordre, et les routes avaient une grande expression de beauté18.
11N’est-ce pas déjà « retrouver la vieille route royale » ? Nous reconnaissons en tout cas la dynamique profonde du roman d’aventure : Julien Sorel se projetant dans Napoléon, Fabrice – un guerrier appliqué – se mettant en route pour le rejoindre sur le champ de bataille. Il s’agit bien d’une réorientation de la dynamique du roman, dont la tension narrative se fait construction du possible, « élation vers l’éventuel », au lieu de se vouloir reconfiguration de l’accompli. J’ai cité Gracq, sans doute l’héritier le plus direct de la conception du roman formulée par Rivière, et créateur dans Un balcon en forêt d’une figure de guerrier appliqué où Maast pourrait se reconnaître. Le roman d’aventure au sens ordinaire du terme n’est qu’un modèle, et la voie par laquelle passe l’apprentissage du lecteur : Stevenson, Conrad, Dostoïevski montrent qu’il existe de multiples manières de l’intérioriser. Paulhan explore l’une d’entre elles. On s’aperçoit, non sans surprise, qu’il est en belle compagnie, d’autant que dans cette entreprise il ne s’agit pas nécessairement de fiction (Marielle Macé le rapproche de Sartre et de Barthes). Concluons provisoirement que, puisqu’à mieux y regarder, Paulhan y a sa place, c’est l’histoire du roman au xxe siècle qui reste à écrire.
Progrès assez lents
12Il n’y a pas de différence, dit Jacob Cow, entre le mot et la phrase, la phrase et le récit. Nous pouvons en conclure que le mouvement du récit se forme dans l’usage de ses mots et de ses figures, et qu’on peut l’y retrouver. Je vais tenter de le faire en commentant trois de ces figures : l’hyperbate, qui est la figure du progrès ; la comparaison, par le moyen de laquelle ce progrès peut être évalué ; et l’amphibologie. Je laisse en attente cette dernière, qui avait frappé certains commentateurs (Edmond Jaloux la déplorait19), pour l’envisager dans le cadre plus large du dédoublement du livre.
13L’hyperbate donne lieu dans la tradition rhétorique à une double définition : d’une part, une inversion de l’ordre des éléments de la phrase ; d’autre part, un ajout à une expression syntaxiquement complète – conformément à l’étymologie qui évoque l’idée de « surpassement ». La seconde est la plus courante et la plus pertinente pour nous. L’exemple canonique est dans Horace : « Albe le veut, et Rome ». On voit clairement que l’ajout produit une inversion (ici entre le verbe et le sujet) ; qu’il oblige à une réanalyse syntaxique de la phrase, et à une réinterprétation de ses arguments, l’élément adventice pouvant être le plus important ; et qu’il porte la trace d’une opération énonciative, comme si, ayant fini une phrase, on s’avisait qu’il fallait, pour que la communication aboutisse, d’un même geste la poursuivre et revenir sur elle. La marque de l’hyperbate est un signe de ponctuation, virgule, point-virgule ou tiret selon les cas (chez les contemporains, souvent le point), couplé ou non avec une conjonction de coordination. C’est ainsi que commence Le Guerrier appliqué : « Je parais plus grand que mon âge – je m’appelle Jacques Maast, et j’ai dix-huit ans. » Parler d’inversion suppose que l’on se rapporte à un modèle logico-grammatical qui régit la hiérarchie des informations. Il est plus simple de penser que le locuteur a mis en premier la proposition la plus significative, celle de la disproportion, et que le repère sur lequel elle s’appuie (à savoir quel est « mon âge ») doit être introduit dans un second temps. Pour comprendre, il faut donc progresser ; mais progresser, c’est aussi revenir en arrière : le tiret indique que le locuteur est comme saisi par cette évidence. Cependant la coordination se fait non pas directement, mais avec une proposition incidente, qui est la déclinaison d’identité ; c’est une démarche à trois temps, une sorte de valse-hésitation. La valeur de vérité des propositions est aussi à prendre en compte : la première peut être vraie (c’est-à-dire susceptible de croyance) de l’auteur aussi bien que du narrateur-personnage ; les deux autres, si on les rapporte à l’auteur, sont contrefactuelles, on ne peut les considérer comme valides que par et dans la fiction. L’hyperbate ajoute à la proposition complète, comme par acquit de conscience, la distance qui sépare les deux interprétations de « je » – en d’autres termes, le progrès de l’un à l’autre.
14De cette figure, on donnerait sans peine des dizaines d’exemples : car ce que nous pourrions prendre pour un tic de langage est un mode de pensée. En voici quelques-uns :
Il pleut, et au-dedans aussi, lorsque l’eau qui s’est réunie perce d’un coup la toile, tendue sous les branches du toit.
[Les soldats de l’attaque] Ils paraissent désarmés, et fins comme des cerfs.
Le jour vient, égal et pâle, et qu’on ne peut surprendre à aucun moment. La neige fait tas sur une herse, et sur quelques cadavres.
L’on voyait par la crevasse un buffet ciré, sous un hachis d’étoffe, de terre et de bois, et cette sécurité trompée20.
15Je ne m’attarde pas à la syntaxe, me contentant de relever la manière dont la coordination réorganise la hiérarchie, l’ordre et jusqu’à la nature des constituants : interposition entre deux membres coordonnés d’un complément de lieu en incise ; coordination d’une relative à des adjectifs apposés eux-mêmes reportés à droite du verbe, accroissant la distance avec l’antécédent. Je soulignerai plutôt la dimension éthique de ces figures et la manière dont elles mobilisent l’émotion. Un point essentiel est la rupture avec la part prévisible de nos représentations. Quand on est dans la « guitoune », dire qu’il pleut veut dire qu’il pleut dehors, et qu’on est à l’abri (c’est l’idée même du suave mari magno) : or cette antithèse ne tient pas, il pleut « dedans aussi », et l’on est bien plus péniblement mouillé. Ou bien la coordination relie des éléments hétérogènes, à l’image de ce monde qui mélange le métal et la chair, les instruments du travail pacifique et les corps détruits par violence. À la différence de l’hendiadyin, elle ne les unifie pas poétiquement : elle en fait ressortir par l’anaphore la leçon morale (« cette sécurité trompée ») ; elle détache ce qui est encore – pour combien de temps ? – un tableau vivant : fin comme un cerf est un cliché, mais qui s’en apercevrait ? La lecture n’avance pas vite, car elle est obligée à une réanalyse constante. Cette manière d’associer l’homme et l’animal, l’outil et la chair, nous l’avons prise pour de la froideur, ou une esthétisation indifférente. Mais quand nous levons la tête du livre, autre chose se dégage : nous avons touché la source de la souffrance, de l’indignation ; nous pouvons désormais la partager.
16Ces exemples venaient du Guerrier. Dans Progrès en amour assez lents, la figure connaît une espèce d’inflexion. J’avais parlé d’un rythme à trois temps, d’une valse-hésitation un peu chaloupée ; elle est accentuée ici par la reprise de l’adjectif, qui fait comme une rime et reste en mémoire d’une phrase à l’autre, d’une page à l’autre :
[Jeanne] Je l’ai embrassée sur les lèvres. Elle les laissait fermées, cependant assez épaisses, exprès épaisses.
[Jeanne] Elle a les mains un peu épaisses, de sorte qu’elle ne peut rien faire entendre par elles, d’ailleurs sales du poisson – d’ailleurs toujours à peu près sales21.
17D’autres passages plus complexes tournent autour de la question du défaut – point sensible, ambigu, circulant de l’un à l’autre et toujours près de se renverser :
Il est étrange que je désire une femme, non pas tant à proportion qu’elle me plaît, mais le contraire, et que je la puisse un peu mépriser.
La mienne [Juliette] était petite et un peu lente ; gracieuse, mais on sentait qu’il n’y aurait eu rien de changé en elle, si elle avait boité, par exemple22.
18Dans le premier passage, c’est la distorsion syntaxique qui frappe : la proposition en hyperbate ne se coordonne ni à la précédente, pour des raisons syntaxiques, ni au que antérieur (« à proportion que »), pour des raisons sémantiques. Tout est construit sur le renversement qui dissocie le désir et la séduction ; mais l’hyperbate apporte la nuance, évite qu’on bascule d’un cliché dans son contraire, qui serait un autre cliché (aimer les femmes laides) : elle substitue au renversement une gradation (« un peu ») et déplace la question sur le plan social et moral d’une supériorité mal assurée. Le second est caractéristique de l’allure hésitante : « lente ; gracieuse, mais » ; l’énoncé du défaut est reporté très loin, et retardé encore par une virgule : tout cela pour une hypothèse désobligeante, aussitôt relativisée (« par exemple »).
19L’hyperbate peut servir de principe de composition pour des ensembles plus vastes ; elle joue alors un rôle décisif dans la conduite du récit. En voici un exemple caractéristique. Le passage repose sur l’opposition nette entre « sentiments » et « idées », soulignée par la reprise du verbe « préparer » ; mais l’hyperbate crée un fort déséquilibre, et la séquence des formes qu- fait une sorte de cascade au terme seulement de laquelle apparaît l’événement – d’ailleurs négatif – qui avait généré cet ensemble :
Ainsi nos sentiments mal préparés se trouvaient pris au dépourvu.
Afin de les suppléer cependant, il se préparait en nous une abondance d’idées et de réflexions ; [hyperbate] ce que l’on vit bien lorsque les déclencha la nouvelle, qui nous fut portée par un cavalier, que l’attaque était arrêtée23.
20La séquence de l’hyperbate effectue un balayage d’abord régressif, ensuite progressif ; les anaphores pronominales, les formes impersonnelle ou périphrastique du passif, mettent au premier plan les mots-outils de la langue, ceux dont Flaubert voulait débarrasser sa phrase. Un tel style produit une sorte de mimésis des opérations cognitives de la lecture ; il en fait ressortir de manière presque didactique la construction progressive : c’est une caractéristique essentielle, dont la portée s’étend bien au-delà de sa singularité – pourtant remarquable.
21Que cette réanalyse de l’hyperbate ait un enjeu proprement narratif, on le voit dans Lalie, où elle décide du dénouement : autour d’elle le couple se défait, entre l’homme qui va travailler à la ville et la fille qui va rester à la campagne, dans son monde de coquecigrues (pour Nicolas, dès ce moment elles « n’existent pas »), où les fours portent des masques sur la gueule et les brouettes s’essaient à marcher sur les mains. La même phrase revient deux fois : plus exactement la phrase de Lalie parvient à Nicolas et le frappe. La première fait entendre le non, mais elle est ambiguë et ouverte ; la seconde, où la virgule met une hyperbate, oblige à comprendre :
Ils s’arrêtent tous deux, et Nicolas attend. Lalie attend aussi ; puis, comme ça lui vient :
« Non, je ne me sens pas trop bien à la ville », répond-elle.
Comme tout est devenu lent. Une parole est plus forte et vient de plus loin, sans qu’on l’ait vue, qu’une pierre ou un coup. Il semble à Nicolas n’avoir pas encore reçu encore celle-ci. Tout recommence : il se voit là, debout sur cette route, comme s’il était un second Nicolas. Et Lalie dit à ce Nicolas : « Je ne me sens pas très bien, à la ville24. »
22Un dédoublement herméneutique qui se produit dans le temps séparant l’énonciation de la phrase et sa compréhension, ici ralenti par un effet quasi cinématographique. Ce qui arrive à Nicolas, cette événementialité seconde, décalée par la petite encoche de l’hyperbate, est ce qui arrive à tout lecteur de Paulhan – peut-être à tout lecteur.
23Je m’attarderai moins sur ma seconde figure. Le progrès, entendu sans majuscule idéologique, mais au double sens de l’avancée et de l’apprentissage, doit se mesurer. Il suppose une comparaison. Non pas un rapprochement analogique à la manière de Jules Renard, encore que ne manquent pas ces « julesrenarderies », comme disait Perros, « qui sentent la campagne, le foin, les greniers de l’enfance », et qui parsèment les récits comme autant de témoins du monde de Lalie : « J’entends le ver de bois qui ne fait pas beaucoup plus de bruit qu’une idée25. » Mais une comparaison quantitative, à l’exemple du « plus grand que » au début du Guerrier. À la source de ce texte – et aussi dans Progrès, mais avec la distance qu’il y a de l’amour à la guerre, où toute la communauté est mobilisée – se trouve une question obsédante, dont la formule est un cliché : être à la hauteur. Il ne faut pas moins de tout le récit, et d’une blessure, pour le rejoindre et en faire une vérité. Ce travail est ponctué par l’usage récurrent de comparaisons construites autour du mot « niveau » pris dans son sens propre, celui de l’eau :
Il est difficile de faire comprendre la nature des sentiments que j’avais éprouvés à ces deux occasions [l’explosion des deux marmites], et quelle étrange ressemblance ils prirent pour moi : elle ne tenait pas aux événements eux-mêmes, mais à une qualité particulière qui leur était, si l’on veut, ce que peut être à l’eau d’un lac son niveau.
Cette misère des corps déchirés et de la terre qui m’entourait était si complète qu’elle en venait à sembler maladroite et comme voulue. […] Certes, je ne me sentais pas supérieur à une telle pauvreté ; mais justement pour cette raison elle m’apparaissait alors comme l’effet de quelque bienveillance ou bonté des choses voulant me justifier. Ainsi les bords d’un vase s’abaisseraient jusqu’au niveau de l’eau qu’ils contiennent26.
24Cette mécanique des fluides est statique et ne contribue pas à la tension narrative. Elle est l’expression d’une éthique. Elle affirme que la guerre n’est pas essentiellement autre, une exception ou une monstruosité, mais une intensification de l’expérience, au même titre que les maladies et les rêves : « Après tout, on ne risque guère que de mourir27. » Et pour Maast, il ne s’agit guère que d’être un homme. Ce mot d’expérience doit être rapporté aux sciences expérimentales ; les images de niveau sont celles d’une leçon de choses. Elles cherchent, du moins, à apporter la même démonstration convaincante. Il arrive des moments de surprise où le front se rompt, mais le travail de la comparaison s’y applique, et le répare :
C’est alors que j’ai vu cinq morts s’élever brusquement sur une butte. Si grands ils me paraissent d’abord que je ne les reconnais pas (leur taille est de nature semblable à celle d’une lune rouge que l’on voit par hasard au-dessus d’un mur de jardin). Mais, en les comparant aux pierres et aux trous d’obus qui les entourent, je leur rends aussi vite une grandeur humaine28.
25Paulhan ne dit pas taille, mais grandeur humaine. Cette restitution est un acte de justice : rendre aux morts leur grandeur humaine. Elle a pour condition, et c’est aussi l’une des formes de l’ascèse, la correction apportée aux formes immédiates du pathos ; il faut s’interdire toute complaisance envers les images. D’où cette mesure exacte, et cette apparence de froideur, quand héroïsme et horreur sont traités comme des questions de niveau.
Le livre en partie double
26À la fin des Fleurs de Tarbes, Paulhan envisage de recommencer son livre à l’envers, ou se demande s’il n’aurait pas dû le faire. Dans son compte rendu, Blanchot le prend au mot ; il propose deux lectures du livre et, poussant son hypothèse jusqu’à la fiction, parle d’un « livre apparent » recouvrant le « livre réel29 ». Même si en l’occurrence le second livre est plutôt l’œuvre de Blanchot, on tient là un fait essentiel, quelque chose comme une clef. Les récits de Paulhan, et toute son écriture, semblent susciter un phénomène de scissiparité. Dans certains cas, le dédoublement est structurel : ainsi, La Guérison sévère renferme un second récit, une histoire d’adultère ; ce second récit est un roman par lettres dont nous n’aurions que les lettres (celles de Simone, qui dépassent de la poche de Jacques, et que Juliette lit) sans le texte. De même pour Le Pont traversé : « Dans mon petit livre, dit Paulhan à Robert Mallet, je constatais en même temps […] les événements réels dont le rêve était l’autre face : une histoire d’amour pas très heureux30 » ; et à l’intérieur du livre, tel rêve est la « réplique » d’un autre. Ce peut être celui des personnages : l’adultère dédouble Juliette en Simone, et cet adultère est consommé deux fois puisque dans Progrès, Jacques couchait avec Simone après s’être présenté à Juliette en « timide fiancé31 ». Celui des événements : dans le Guerrier, il y une « seconde mort de Glintz » : sous la balle de l’ennemi, puis quand la méprise est connue, car il est mort sous celle d’un camarade (ce qui amène cette comparaison : « Tout de même, nous en avons aussi qui tirent bien32 ») ; et le livre se termine par « La double attaque ». Ce peut être aussi un effet de lecture. La première édition du Guerrier, dit Paulhan, n’a été aimée « que des anarchistes et des antipatriotes » ; mais la seconde, en 1930 (et en ce sens il s’agit bien de deux livres), « ne fut guère approuvée que des patriotes à tous crins et des réactionnaires33 ». Enfin, il y a cette histoire trop belle pour être vraie (mais elle est vraie) :
Un hebdomadaire féminin, apprenant que j’avais achevé un petit roman : Progrès en amour à Ceylan, me l’a accepté, sans autres formalités, en échange d’une somme assez élevée (qui allait m’être très utile). Malheureusement il a fallu avouer le titre exact : cet « assez lents » les a découragés. Aussitôt il n’a plus été question de rien34.
27Ce dédoublement en Francis de Croisset, l’homonymie n’en est que l’occasion ; plus intéressante est l’idée que ce serait un roman-cliché, un pur objet rhétorique. Or Paulhan avait trouvé chez Jules Renard la formule explicite d’un livre en partie double, comparable dans ses effets, dit-il, aux papiers collés de Braque et Picasso. Il s’intitule Le Vigneron dans sa vigne et « se compose de deux textes courants superposés – l’un fait de lieux communs et de clichés, l’autre de récits simples et bruts35 » ; Paulhan cite un de ces couples, « Noisettes creuses » surmontant « Les sœurs ennemies ». Mais évidemment ce dispositif est assez grossier, et dans ses propres récits, comme on déjà pu le voir, Paulhan a fondu les deux textes en un seul, glissant l’un sous l’autre. Il a pris soin toutefois de conserver la trace de cette opération :
Le reste [c’est-à-dire le rapport sexuel avec Simone], il le faudrait écrire d’une façon différente, avec des mots différents, ou plutôt autre chose que des mots.
Mais voilà bien où j’ai tort. Il le faut au contraire écrire exactement de la même façon – et faire semblant que n’existe point le passage dont j’ai parlé, mais que tout se suit et se tresse sur le même plan. […]
Je le dirai donc, de la même façon. Cependant, que l’on imagine parfois, sous le récit, cet effort36.
28L’idée qu’il y a un livre sous le livre et que le premier est le secret du second correspond à la structure même d’Aytré ; c’est à cet égard le plus didactique des récits de Paulhan, celui où il expose le mécanisme même du livre en partie double, dont une moitié est entièrement virtuelle et n’existe que reconstruite par le lecteur (au lieu que la structure de La Guérison sévère est un enchâssement des histoires). Il nous invite à considérer sous cet angle d’autres épisodes et à les envisager – avec tous les risques que cela comporte – comme des symptômes. J’en donnerai, pour terminer, deux exemples.
29Le premier est celui de Polio, non pas double de Maast mais « moitié inférieure » de Paulhan (prononcé comme il faut, à l’occitane : Paulian). Polio nous raconte une seconde histoire, celle d’un homme trompé par sa femme « pas plus laide qu’autre chose », et tué au combat. Il reçoit deux lettres que Maast lui lit, l’une où sa femme l’aime, l’autre où elle couche avec le premier venu. Il est tué au moment où Maast est blessé : « Je vois brusquement, plus bas, les corps déchirés de Polio, je pense, et d’un autre homme : corps sans âme, sans chair même. Je n’aperçois que leur moitié inférieure, mélangée de terre et de drap37. » Ils sont « mélangés » par le lien le plus intime, celui de la syntaxe : « Mais nous, Polio, c’est notre seule guerre. »
30C’est ici qu’intervient l’amphibologie, nous conduisant un degré plus bas (je la souligne) :
J’imagine que cette guerre est faite pour Polio, ou pour quelque chose au monde qui lui ressemble, ayant failli manquer aussi de croyance et de goût à vivre. Comme une maison publique permet l’amour à qui n’a pas su le trouver ailleurs, par timidité ou par indifférence, elle donne cette puissance grossière de la vie et de la mort, dont on ne peut oublier qu’on l’a un jour possédée38.
31Le texte n’est pas ambigu, car il n’y a pas à choisir : sous Polio, il y a Maast (« je »), et entre eux ce « quelque chose ». Mais la comparaison avec la maison publique ouvre à l’intérieur du Guerrier une seconde histoire : celle de Progrès en amour assez lents. Car la « puissance grossière » est précisément ce qui fait défaut au narrateur quand il se trouve seul avec Jeanne, dans le grenier.
32Il s’agit de ceci : qu’il est difficile d’être un homme, quand on y pense (de même, d’être un guerrier), parce que les mots : être un homme, être à la hauteur, impuissance, sont déjà là, et la pensée de ces mots suffit ; de là l’infériorité des hommes instruits. Ce qu’on risque, dans « l’aventure d’amour », c’est donc « la pensée de soi-même ». Le narrateur de Progrès revient de Salonique et ne cesse d’y penser, car il n’a « pas eu de femme de ce côté-ci de la mer39 » (il n’est donc pas question d’incapacité physique). À Salonique, dans le « maquerellage incessant » dont parlera Aurélien, la pensée de soi-même est sans objet. Il en va autrement de ce côté-ci, où avec « tout le monde et les filles du village40 », on est un objet de comparaison. À la fin du récit, quand Jeanne vient le rejoindre, c’est qu’il est précédé de sa « réputation » ; cette fois tout se passe bien, mais aussitôt il s’inquiète : va-t-il être à la hauteur de cette réputation ? et il souhaite « qu’un ordre militaire v[ienne] au plus tôt l’arracher à ce jardin de délices41 ».
33Telle est l’histoire qui se dégage de Progrès quand on a fermé le livre. Le narrateur le dit nettement : la « pensée de soi-même » est « la clef de ces récits42 » ; « au début de ces récits », il demande que l’on place « un défaut en amour ». C’est donc le secret du livre, mais ce secret n’est en rien différent du livre lui-même ; il n’y a pas deux histoires, ni même deux manières de raconter l’histoire : mais deux manières de le comprendre. L’une permet de « suivre l’histoire » ; dans l’autre on la perd.
34Mais de même que dans les réflexions sur la Clef de la poésie, l’emploi de mots comme « clef » ou « secret » (sur lequel se ferme le Guerrier), mais aussi « révélation », doit être bien compris. Il ne s’agit pas d’une allégorie, comme pourraient le faire penser les processus de dédoublement, encore moins d’un cryptogramme. Si tel était le cas, le sens serait arrêté : on irait du sens littéral au sens figuré (moral, etc.), de l’énigme à sa résolution. Or il en va tout autrement : quand nous confions un secret, « le secret de nos secrets » à une personne ou à un livre, « nous sentons très bien qu’il y a un autre secret en nous qui se reforme, un secret plus profond43 ». Ce qui est en jeu, en effet, est le processus même de la compréhension dans la lecture ; et il est impossible d’arrêter la lecture. Il ne s’agit pourtant pas d’une aporie ou d’un « impossible » à la manière de Blanchot. Mais la question résolue se reforme continuellement, et se transforme, comme le montre avec une acuité presque insupportable le cheminement des Fleurs de Tarbes. Les récits, qui sont une représentation et une imagination de l’expérience, donnent à penser, et cette pensée les modifie dans un mouvement incessant de progression, de régression, de comparaison. Les figures que j’ai mises en évidence interviennent dans ce processus et en même temps l’exemplifient, elles en développent l’image. Tout cela, nous le savions déjà : c’est pourquoi l’allure de Paulhan a quelque chose de socratique ; et c’est pourtant ce qui est le plus difficile à saisir. Les études en cognition de la lecture lui ont donné raison, mais il les devance de beaucoup et ne pouvait disposer d’outils linguistiques adéquats. Il ne pouvait travailler qu’avec son style.
35Mais je n’ai fait que commencer, et nous n’en avons pas fini avec les récits de Paulhan : « textes qui n’arrêtent pas de finir et de commencer à la fois, se regardant de biais dans la glace de leur rêve, au fil de l’épée mentale », écrivait Perros44. Ils ne se laissent pas refermer aisément ; ils ne sont pas venus nous apporter la paix.
36Michel Murat
37Université Paris-Sorbonne