Revue
Nouvelle parution
Modernités, n° 48 :

Modernités, n° 48 : "Monde(s) et poésie. Au cœur des sciences du langage et de la culture" (dir. Lia Kurts-Wöste)

Publié le par Marc Escola

L’idée d’une fonction de l’art comme fabrique de mondes est aujourd’hui très largement répandue, notamment en raison de la forte influence de la théorie de la fiction inspirée de la notion leibnizienne de « monde possible » et des approches postmodernes d’orientation ontologique. Celle d’un texte-monde est appliquée quasi exclusivement au genre romanesque. Les sciences du langage, de leur côté, se désintéressent majoritairement de ces problématiques venues du champ littéraire, occupées qu’elles sont à se développer au croisement de la cognition, des mathématiques et de l’informatique. Cependant dans le cadre d’une anthropologie sémiotique renouvelée, il est possible de penser un décloisonnement fécond des savoirs entre sciences et Humanités à partir de la question des conditions d’accès au sens, question qui se pose de manière cruciale si l’on reconçoit la question de la créativité langagière comme problème linguistique et sémiotique central. Interpréter/décrire la façon dont les écrivains disent le monde ou créent un monde revient alors à inscrire le travail critique dans une conscience du hors-champ et des transferts culturels, en soulignant l’enjeu éminemment politique de toute épreuve du dehors, y compris au sein d’une seule langue.

Si le monde humain est fait d’institutions, de pratiques et d’objets supposant à la fois le couplage complexe à son entour et son façonnement plastique en retour, si l’on restitue au langage sa dimension écologique, c’est-à-dire si on le définit non comme un simple instrument, mais comme un milieu traversé de normes et de valeurs, alors travailler la langue, c’est travailler le monde, réinventer sans relâche le monde humain et son rapport à la Terre et aux autres espèces, entrer dans des dynamiques cosmomorphes inédites. C’est pourquoi « poésie » désigne ici un processus d’individuation d’une langue dans la langue par un sujet inscrit dans l’histoire et dans le rythme de son corps – rapport particulier au langage que le genre poétique maximalise sans doute, mais sans exclusive. La poésie n’est pas ici conçue comme une sortie du langage, mais au contraire comme un approfondissement de ses possibles, où le blanc, le papier, la matière sonore, les rapports aux sciences, aux mythes, à la technique, à l’environnement, à la politique, ont toute leur place – et qui met au défi les linguistes, au moins autant en tant que spécialistes du langage qu’en tant que lecteurs et citoyens du monde. L’approche micrologique par la poésie contemporaine et ses mondes flottants, en émergence, hybrides, et l’approche macrologique par une anthropologie sémiotique peuvent ainsi, de manière imprévue, se rendre de mutuels services en soulignant la nécessité d’un point de vue multifocal et pluralisé, sensible aux différenciations critiques.

Sommaire

Lia Kurts-Wöste et Éric Benoit

Remerciements et dédicace

Lia Kurts-Wöste

Avant-propos

Première partie – Donner sa langue au monde : formes poétiques contemporaines et écologie du sens

Lia Kurts-Wöste

Introduction générale

Monde(s) et poésie. Préliminaires théoriques

Lia Kurts-Wöste

Introduction

Éric Benoit

Six questions propédeutiques sur la notion de monde dans son rapport à l’œuvre d’art

Arild Utaker

Monde et rapports au monde : expérience poétique et structure anthropologique

François Rastier

L’envers des mondes

Formes de la poésie moderne et contemporaine en langue française, un nouveau monde ?

Michèle Monte, Michel Favriaud et Lia Kurts-Wöste

Introduction

Éric Benoit

Les mondes d’Edmond Jabès

Valéry Hugotte

« Je te vois grandir, étoile ». Le monde à venir de Jacques Dupin

Michèle Monte

Mondes stylistiques et dimension éthique. À l’écoute d’Ariane Dreyfus, Antoine Émaz et James Sacré

Jean-Michel Gouvard

La confluence des mondes dans la poésie d’Olivier Barbarant. À propos de « Missolonghi 2012 »

Michel Favriaud

Les mondes flottants de Marie de Quatrebarbes : avec le poémateur, voguons !

Laure SauvageTours et détours de l’aphorisme : François Vaucluse

Agora I

Olivier Barbarant

Veiller au monde. In memoriam Michel Deguy

Michel Favriaud

Qu’est-ce que la poésie nous dit du monde ?

Deuxième partie – « Mondes ». Manières de les faire, manières de les décrire

Lia Kurts-Wöste

Introduction générale

Mondes et formes-sens. Sciences et arts du texte reconçus dans le cadre d’une morphologie renouvelée

Lia Kurts-Wöste

Introduction

Anne-Marie Chabrolle-Cerretini

Le concept de vision du monde de Wilhelm von Humboldt

Simon Bouquet

Saussure et la science du langage. Une singulière histoire de textes et de réceptions

Michel Favriaud

André Du Bouchet : la ponctuation du monde et le passage d’une phénoménologie à une herméneutique matérielle

Denis Thouard

L’altérité de l’interprète. Un exercice d’herméneutique réflexive sur l’incipit de l’Élégie de Dürerplatz

Autour du monde, autour des mondes

Lia Kurts-Wöste

Introduction

Isabelle Poulin

Le monde dedans dehors. Sur la fonction traductive du littéraire

Jean Lassègue

« Se couler dans la langue » ; quelques remarques autour de Goldschmidt, Alferi et Hoffman

Antonia Soulez

La phrase naît-elle ? Et de quel monde ?

Victor Rosenthal

Monde intérieur et expérience mondaine : la part de l’epilegein

Agora II

Michèle Monte

Langage et effets de monde : quelles procédures interprétatives ?

Épilogue

François Vaucluse

Envers des mondes