Essai
Nouvelle parution
Hervé Di Rosa, Les arts modestes

Hervé Di Rosa, Les arts modestes

Publié le par Marc Escola

Ce volume rassemble les écrits d’Hervé di Rosa sur les « Arts modestes » ainsi que, dans son sillage, ceux de plusieurs écrivains et historiens de l’art, dont Bernard Belluc, Baptiste Brun, Yves Le Fur, Catherine Millet, Hervé Perdriolle, Denys Riout et Gilles A. Tiberghien. Autant de contributions qui ont en commun de chercher à cerner l’aura de toutes ces œuvres modestes issues des formes de productions sérielles contemporaines, de prêter attention au rêve qui sommeille en elles, quand on tombe dessus par hasard, dans « les marchés aux puces, les vide-greniers, les boutiques de souvenirs d’aéroport, les fêtes populaires et religieuses, les parcs d’attractions, le Mercado de Sonora à Mexico »…

« L’art modeste délaisse les grandes avenues pour emprunter les contre-allées. Tout s’y côtoie, le rare et le trivial, le pur et le décadent, le commercial et l’idéologique, le tout et le peu. Ces produits n’ont en commun que leur propension à nous faire rêver », écrit Hervé di Rosa, en songeant aux danseuses en coquillages de son enfance, aux céramiques rapportées de vacances, aux maquettes d’avion en plastique, à toutes les sortes de cadeaux publicitaires. Les Arts modestes sont une invitation à déambuler dans nos sociétés consuméristes comme s’il s’agissait d’étranges musées, où s’accumulent sans cesse, sans classement, sans hiérarchies, une infinité de choses dignes, malgré tout, d’attention.

Mais l’art modeste ne peut que difficilement se circonscrire ; il est un peu comme du sable qui glisse entre les doigts, en même temps qu’il reste infiniment à portée de main. « L’art modeste n’existe que dès lors qu’on le regarde, l’apprécie, le collectionne. Ces objets et images n’ont pas la prétention d’être des œuvres d’art. Ils sont créés pour communiquer, vendre un produit, ou tout simplement pour arrondir les fins de mois. L’art modeste est un regard. » L’art modeste est d’abord un regard, en ce qu’il implique de voir autrement ce qui peuple les étagères de nos intérieurs, les vitrines des magasins quelconques, ou encore les rayons des supermarchés…

Hervé Di Rosa, né à Sète en 1959, est un peintre français, associé au mouvement de la « Figuration libre ». En 2000, il a créé le Musée international des arts modestes (MIAM) à Sète, avec Bernard Belluc. Il a été élu à l’Académie des Beaux-Arts en 2022.

Extraits

« Étant originaire de Sète (petit port de la Méditerranée), l’objet souvenir de mon enfance prenait naturellement la forme de personnages en coquillages ou de crustacés en céramique, de coraux-lampes-de-chevet ou de mouettes en plastique, de bateaux en bouteille ou d’amphores-paysages-sous-marins. Les boutiques du quai de la Marine regorgeaient de ces objets et chaque maison du Quartier Haut en possédait un, exposé sur la commode de l’entrée ou le poste de télévision. Mon parrain, à Balaruc-le-vieux, ramassait les coquillages de l’étang de Thau, et fabriquait des danseuses de flamenco, des flamants roses et des éléphants, tout ce qui lui passait par la tête et surtout ce qui plaisait aux touristes, qui achetaient ses œuvres dans une petite boutique de Mèze. Autant de souvenirs qui s’amoncelaient dans les voitures de touristes qui rapportaient dans les grandes banlieues ces morceaux de bonheur, ces petits soleils miniatures en plâtre ou en céramique. Ces objets qui représentent mon environnement quotidien provoquèrent mes premiers émois artistiques, mes premières envies de collectionner des objets que plus tard j’appellerais modestes. Mais je me mis vite à rechercher certains objets plus rares. » (Hervé di Rosa)

« Dans le milieu de mon enfance, du cousin qui faisait de si bonnes imitations pendant les repas de famille, de l’écolier qui dessinait tellement mieux que tous les autres, on disait : « c’est un artiste ! » On le disait sans dérision, avec une admiration sincère pour une habileté, un don, une excellence qui sortaient vraiment de l’ordinaire. Voilà, c’était ça : extraordinaire, suscitant l’admiration et le ravissement. Le cousin n’est jamais monté sur les planches, l’écolier a pu devenir un grand artiste ou un concepteur d’actions figures, peu importe, ce qu’ils réalisaient alors était un talisman où venait se déposer ce désir d’art flottant qui est de tous les temps et de toutes les sociétés, qui peut habiter des personnes qui ne connaissent le théâtre qu’à la télé et ne mettront jamais les pieds dans un musée. Les collections du Musée International des Arts Modestes expriment ce désir d’art en suspension et qui se pose là où l’on est (un vide-greniers, une boutique d’aéroport), sur ce qu’on trouve (un jouet, un cendrier en céramique), et qui néanmoins nous soulève dans un moment d’étonnement, de plaisir pur. Les objets réunis dans les collections du MIAM n’entrent pas, par exemple, dans la non-catégorie du « Tout est art » professé par Ben. Ce sont plutôt les objets, modestes en effet, qui dans une épiphanie les révélant à notre sensibilité, se distinguent de tout le reste. Notez qu’on les reconnaît à leur qualité esthétique, à un savoir-faire, parfois à la prouesse technique dont ils témoignent, enfin à l’émotion qu’ils éveillent au fond de nous, c’est-à-dire selon des critères partagés par le plus grand nombre, relativement classiques. » (Catherine Millet)

Revue de presse

On peut lire sur nonfiction.fr un article de C. Ruby un article sur cet ouvrage…

Étienne Dumont, Bilan.CH