« Il m’est arrivé de rencontrer des hommes admirables, cependant les seuls êtres à qui j’ai conscience de tout devoir sont des femmes. Elles se sont comportées à mon égard avec tant de naturel, de détermination et l’une d’elles de courage, que j’ai pu sous-estimer longtemps à quel point rien n’allait de soi.
Orphelin et enfant caché pendant la guerre, je n’acceptais ni l’autorité des hommes qui se substituaient à mon père, ni l’attachement des femmes qui avaient les gestes de ma mère. Que l’on tentât de m’imposer une volonté ou que l’on fît preuve à mon égard de trop d’affection revenait au même : c’était insupportable et je prenais la fuite. La bonne volonté ne suffisait donc pas et, aujourd’hui encore, l’opiniâtreté des femmes dont il est question dans ce livre ne va pas sans étonnement. Tout cela a-t-il bien eu lieu comme j’en ai pourtant le souvenir très exact ? »
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Le courage et la bonté", par Pierre Benetti (en ligne le 5 décembre 2023).
En 2013, un grand livre bleu nuit, jalonné de photographies et intitulé Sur la scène intérieure,paraissait dans la collection « L’un et l’autre » des éditions Gallimard, quelques semaines à peine après la disparition de son créateur, Jean-Bertrand Pontalis. Marcel Cohen y rassemblait ce qui était resté, ce qu’il avait pu savoir, ce qu’il pouvait écrire des huit personnes de sa famille assassinées à Auschwitz. Au début de sa carrière, le même Pontalis avait conduit une partie de la psychanalyse d’un autre orphelin de la Shoah, Georges Perec. Cela n’eut pas lieu avec Marcel Cohen, dont il devint l’éditeur et l’ami. Mais dix ans après sa mort, ce sont les mots de Pontalis qui ouvrent Cinq femmes, sous-titré Sur la scène intérieure, II, rappelant et prolongeant le principe de la collection désormais close : « Les uns et les autres : aussi bien ceux qui ont occupé avec éclat le devant de la scène que ceux qui ne sont présents que sur notre scène intérieure. » Ou plutôt, celles.