Essai
Nouvelle parution
Vincent Jacques, Borges et le cinéma

Vincent Jacques, Borges et le cinéma

Publié le par Marc Escola (Source : Carole Aurouet)

Jorge Luis Borges s’est toujours intéressé au cinéma. Entre 1931 et 1944, il publie plusieurs notes sur des films, principalement dans la revue Sur, et participe à l’écriture du scénario (avec un autre maître de la littérature argentine, Adolfo Bioy Casares) de deux réalisations importantes de Hugo Santiago, Invasión (1969) et Les Autres (1974), des films portés par le « réalisme magique » propre aux deux écrivains. Par ailleurs, dans le prologue à l’Histoire universelle de l’infamie (1935), Borges affirme que ses premières tentatives de fiction dérivaient du cinéma de Josef von Sternberg. Plus généralement, il s’agira de voir comment Borges aurait trouvé la forme de narration littéraire qui lui est propre en méditant, entre autres, sur la spécificité de la narration cinématographique.

Vincent Jacques est maître de conférences en philosophie à l’ENSA Versailles. Spécialiste de la philosophie française contemporaine et des théories de l’image, il s’intéresse également au cinéma documentaire dit « essayiste » (Jean-Luc Godard, Harun Farocki, Chris Marker, etc.).

On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article de Pierre Senges :

Le plus célèbre aveugle de la littérature moderne était doté d’un authentique regard de cinéphile : il remarque l’usage de la profondeur de champ dans Citizen Kane, déplore l’absence de contre-plongée dans King Kong, élève Sérénade à trois au rang de film parfait et reproche à un essayiste de ne pas mentionner le nom de Sternberg – preuve de la justesse de ses goûts. Vincent Jacques ne se contente pas d’évoquer le critique ou l’amateur de films populaires, non naturalistes et intelligemment narratifs (films noirs et westerns), il montre aussi, de façon convaincante, comment son intérêt pour le cinéma a pu modeler en partie son écriture ; il nous fait découvrir le Borges scénariste, auteur (avec Bioy Casares) du célèbre et déroutant Invasión, réalisé par Hugo Santiago, entré dans la catégorie ambiguë des films cultes et auquel Borges avouait ne rien comprendre. Les trente pages consacrées à ce film puis à Les autres, des mêmes auteurs, sont particulièrement riches, détaillées et instructives. Dans une brève conclusion l’auteur compare Borges à Jean-Luc Godard ; une première lecture laisse perplexe, une deuxième laisse dubitatif. La bibliothèque universelle de Borges est à mille lieues des collages dilettantes et parfois malheureux de Godard, et rien dans son œuvre ne correspond au mot d’ordre « La culture se meurt, magnifions ses décombres ». Rapprocher Borges d’Alain Resnais (évoqué en passant) aurait été plus pertinent, amusant et fécond : un antidote au funèbre. — Pierre Senges