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Immortel péplum : présences et renouvellements d’un genre transmédiatique

Immortel péplum : présences et renouvellements d’un genre transmédiatique

Publié le par Marc Escola (Source : Florian Besson)

Qui n’a pas frémi lorsque Maximus retire son casque devant le cruel empereur Commode ? Qui n’a pas ri des jeux de mots d’un Astérix en Égypte ou en Chine ? Qui n’a pas compati aux malheurs de Katniss Everdeen, jetée dans la terrible arène du Capitole ?

Depuis une vingtaine d’années, se multiplient films et séries dont l’action se déroule, au moins en partie, dans une Antiquité plus ou moins imaginaire. Ils contribuent à réinventer un genre cinématographique que beaucoup donnaient pour disparu depuis les années 60 : le péplum. Souvent désignés comme des « post-péplums » (Aknin 2009) ou des « néo-péplums » (De Baecque 2013), ces productions ont renouvelé la présence de l’Antiquité au cinéma et sont aujourd’hui l’un des principaux lieux où se fabriquent les imaginaires de l’histoire antique.

C’est sur cette nouvelle vague de péplums que ce colloque se propose de revenir, pour interroger les renouvellements d’un genre plus que jamais transmédiatique, qui s’écrit désormais aussi bien au cinéma que dans des séries, des bandes dessinées, des romans, des jeux vidéo, bravant les frontières des genres comme des siècles.

Plusieurs pistes peuvent être explorées autour de trois grands axes : 

Axe 1 : après le péplum, le néo-péplum

Il s’agit d’abord de définir plus finement et d’interroger cette notion de néo-péplum : peut-on caractériser cette nouvelle vague de productions à sujet antique, au-delà de sa diversité ? Est-il encore pertinent de parler de péplum quand les frontières entre genres sont si poreuses ? Enfin, à quel point s’agit-il d’un renouveau ou d’une renaissance plutôt que de la continuité d’une tradition aussi vieille que le cinéma ? En effet, ces néo-péplums se caractérisent par une grande diversité formelle – des films, des séries, des animés, parfois épiques, parfois humoristiques, destinés aux enfants ou aux adultes – et par un profond renouvellement à la fois technique (Lambert 2020) et narratif, qui leur permet d’explorer des espaces, des figures, des thèmes jusque-là peu présents à l’écran. La mise en avant de figures féminines (Agora, Domina) ou de personnages traditionnellement présentés comme négatifs (le futur Hannibal de Netflix, l’Arminius de Barbaren), l’intérêt pour les marges géographiques (L’Aigle de la Neuvième légion, Centurion) et une réflexion sur les identités plurielles (Barbaren, Kaamelott) sont quelques-unes des évolutions les plus frappantes du genre. Au-delà de ces renouvellements, ces films aussi divers que nombreux restent inscrits dans l’histoire longue du péplum, reprenant et retravaillant un ensemble de motifs, d’images, de manières de réinventer l’Antiquité : combien de Pompéi détruites sous les cendres, combien de Cléopâtre aussi déshabillées que vives de caractère, combien de Romains arrogants et de Barbares velus ? Les clichés historiques semblent souvent reconduits, mais certains sont à l’inverse évités, réécrits ou contournés, ce qui parfois suit ou accompagne des évolutions historiographiques. Il convient donc de réfléchir aux héritages et aux discontinuités, de mettre en valeur les renouvellements et ce qu’ils disent de la manière dont les imaginaires de l’Antiquité évoluent peu à peu tout en inscrivant ces transformations dans le temps long des représentations individuelles et collectives du passé. 

Axe 2 : au-delà du péplum, présences du péplum dans le cinéma contemporain

La présence d’images et d’imaginaires issus du péplum dans la production actuelle dépasse très largement les films à sujet antique. Les courses de char se transforment en poursuites de vaisseaux spatiaux, des arènes accueillent tout aussi bien combats de dragons que compétitions d’Amazones, les révoltes d’esclaves comme les velléités monarchiques rappellent Spartacus ou César : de Star Wars à Games of Thrones, de Thor : Ragnarök à Wonder Woman, la science-fiction comme la fantasy se nourrissent de motifs directement hérités du péplum et cette présence, sans être spécifique aux productions récentes, nous semble y être particulièrement marquée (Bost-Fiévet-Provini 2014). Même Indiana Jones, après des Templiers immortels et des extraterrestres sudaméricains, finit dans le dernier opus de ses aventures par rencontrer et affronter des Romains de l’Antiquité !

Cela crée un imaginaire commun immédiatement reconnaissable par le public, en partie identique, de ces différents genres. Des acteurs en sont les porte-étendards, que l’on pense à Connie Nielson, éternelle Lucilla de Gladiator qui devient reine des Amazones dans Wonder Woman, à Gal Gadot qui, en sens inverse, passe de Wonder Woman à Cléopâtre, à Zendaya qui apparaît successivement dans Dune 2 et dans un nouveau Cléopâtre – deux films réalisés par Denis Villeneuve, qui passe lui aussi d’un genre à l’autre –, ou encore aux seconds rôles de John Carter qui sont portés par des acteurs de la série Rome. Les jeux d’intericonicité sont extrêmement importants et passent également par les lieux de tournage, les décors, les costumes ou encore par l’univers musical – Hans Zimmer est ainsi tout autant salué pour la bande originale de Gladiator ou du Roi Arthur que pour celle des Batman de Christopher Nolan ou des différents Pirates des Caraïbes.

Les études sur le médiévalisme, bien plus poussées que celles portant sur les imaginaires antiques dans les médias contemporains, ont de fait permis de souligner cette porosité non seulement entre genres cinématographiques mais également entre imaginaires historiques, et il semble important de réfléchir aux présences et aux héritages du péplum depuis les années 2000 en prenant en compte un corpus large, dépassant les frontières traditionnelles de classification des productions pour interroger précisément les emprunts, les échos, les hybridations (Ducret 2018 ; Blanc 2023).

Axe 3 : au-delà du cinéma, réceptions et transmédialités

Cette présence du péplum s’observe au-delà des écrans de cinéma ou des séries télévisées. Depuis ses origines, le péplum est le fruit d’adaptations et de variations à partir de productions antérieures, au premier lieu desquelles les sources antiques, mais aussi des œuvres fictionnelles littéraires, picturales ou musicales – les unes nourrissant les autres (Bessières 2011). Ce colloque sera donc l’occasion d’évaluer ces jeux de transmédialité, d’intertextualité et d’intericonicité dans une perspective à la fois verticale (de quels héritages est fait le néo-péplum ?) et horizontale (comment les œuvres récentes se nourrissent-elles les unes et les autres ?), en élargissant notre étude aux jeux vidéo et aux jeux de société, à la bande dessinée et au manga, et même aux clips musicaux et à la publicité (Bièvre-Perrin & Pampanay 2018). De fait, les présences du péplum dans la culture actuelle sont tout aussi plurielles que mouvantes, créant et diffusant des imaginaires dont le cinéma est tout autant un point de départ, de passage et d’arrivée.

On s’intéressera enfin à la réception des péplums, tant du côté des critiques cinématographiques souvent embarrassés par un genre qu’il fait bon regarder de haut (Delon 2022) que du côté des consommateurs de ces productions, dont les motivations, les exigences ou les goûts méritent d’être analysés. On pourra notamment s’interroger sur la multiplication de vidéos de type « fact-checking » passant ces productions au crible d’une exigence d’historicité et de « réalisme » qui n’est pas sans soulever de nombreuses questions quant au rapport entretenu aujourd’hui avec les fictions historiques. Dans une démarche d’histoire publique, on peut ainsi se demander comment ces productions fictionnelles sont reçues, sinon toujours fabriquées, comme des interfaces entre le grand public, la discipline historique et l’histoire des sociétés passées.

Les communications de chercheuses et de chercheurs de toutes disciplines sont les bienvenues, en particulier en histoire, en études cinématographiques ou audiovisuelles, en sociologie, en histoire de l’art, en archéologie et en littérature. Les organisateurs prêteront une attention particulière aux propositions des jeunes chercheuses et chercheurs (jeunes docteurs, doctorants, voire masterants). Ils encouragent les jeunes chercheuses et chercheurs qui souhaiteraient proposer une communication à ne pas hésiter à les solliciter en amont pour toute question ou relecture éventuelle d’un projet.

Les propositions de communication, d’un maximum de 400 mots, accompagnées d’une notice biographique ou d’un bref CV, sont à envoyer (en format .pdf, .doc ou .odt) aux adresses suivantes : paulineducret.univ@gmail.com, florient.latin@gmail.com, avant le 14 juin 2024.

Comité scientifique et d’organisation :

Louis Baldasseroni, Florian Besson, Pauline Ducret, Romain Millot.

Colloque organisé avec le soutien de l’Université de Nîmes, l’École française de Rome, le Musée de la Romanité – Nîmes, et les associations Antiquipop, Modernités Médiévales, Arelate et Carpefeuch.

Bibliographie indicative :

Laurent Aknin, Le péplum, Armand Colin, Paris, 2009

Laury-Nuria André, Clash of the Classics. L’Antiquité dans le cinéma contemporain, Passage(s), Caen, 2021

Claude Aziza, Le péplum, un mauvais genre, Klincksieck, Paris, 2009

Claude Aziza, Dictionnaire du péplum, Vendémiaire, Paris, 2019                          

Antoine de Baecque, « L’imaginaire historique du péplum Hollywoodien contemporain », Le Débat, n°177, 2013, p. 72-81

Gwladys Bernard, « Carthage sur grand écran (1910-2006) : la cité punique au goût des autres », Anabases, n°37, 2023, p. 227-241

Vivien Bessières, Le péplum, et après ? L'Antiquité gréco-romaine dans les récits contemporains, Classiques Garnier, Paris, 2016

Fabien Bièvre-Perrin et Elise Pampanay (dir.), Antiquipop. La référence à l’Antiquité dans la culture populaire contemporaine, MOM, Lyon, 2018

William Blanc, « Les Anneaux de Pouvoir : images d’une décadence antique », dans Justine Breton et Florian Besson (dir.), Médiévalisme en séries, dossier thématique Mundus Fabula, juillet 2023, en ligne : https://mf.hypotheses.org/2408

Mélanie Bost-Fiévet et Sandra Provini (dir.), L’Antiquité dans l’imaginaire contemporain. Fantasy, science-fiction, fantastique, Classiques Garnier, Paris, n°88, 2014

Gaspard Delon, « Abysses du péplum : stratégies d’écriture et faux-fuyants critiques autour d’un genre sidérant », Mise au point, n°15, 2022, en ligne : https://doi.org/10.4000/map.5679

Nicholas Diak (dir.), The New Peplum, Essays on Sword and Sandal Films and Television Programs Since the 1990s, McFarland, Jefferson, 2018

Pauline Ducret, « ‘Si j’avais pas fait mes classes à Rome, y aurait pas de Kaamelott.’ L’Antiquité romaine au cœur du Moyen Âge breton », dans Florian Besson et Justine Breton (dir.), Kaamelott. Un livre d’histoire, Vendémiaire, Paris, 2018, p.167-178

Frédérique Lambert, Permanences et variations du souffle épique numérique dans le néo péplum Hollywoodien (2000-2018), thèse de doctorat préparée sous la direction d’Antoine de Baecque et Alain Kleinberger, Université Paris Nanterre, 2020

Martin M. Winckler (dir.), Return to Troy. New Essays on the Hollywood Epic, Brill, Leiden-Londres, 2015