Paul Éluard fait son entrée dans la GF-Flammarion, avec une édition établie et documentée par Olivier Belin de Capitale de la douleur suivi de Les Dessous d'une vie. Fruit de cinq années de production poétique, Capitale de la douleur (1926) est l’un des recueils les plus célèbres de Paul Éluard. S’y trouve retracé le parcours initiatique d’un jeune poète, qui exorcise son désespoir par la recherche d’un verbe pur, simple et enchanteur. La poésie qui en résulte est, pour André Breton, un "miracle", un "secret qui prend les couleurs de l’éternité". Publié la même année, Les Dessous d’une vie ou la Pyramide humaine achève de consacrer le poète comme étendard des avant-gardes littéraires du siècle. Rassemblant poèmes en prose, récits de rêves et textes surréalistes, ce second recueil révèle en creux la part onirique de Capitale de la douleur et réaffirme la recherche, par Éluard, d’une forme verbale capable de réparer la discontinuité du monde.
Rappelons au passage la publication à l'automne derniers des Souvenirs de la maison des fous (Seghers), avec des dessins de Gérard Vulliamy, peintre graveur proche du surréalisme et futur gendre du poète. Novembre 1943. Menacé par ses activités clandestines, Paul Eluard doit quitter Paris et disparaître. Il trouve refuge chez Lucien Bonnafé, psychiatre résistant et visionnaire, directeur de l’asile des fous de Saint-Alban, et passera des mois caché parmi les aliénés. Face aux aliénés atteints de débilité mentale, de manie aiguë, de paralysie générale, de délire d’interprétation ou de démence précoce, Eluard se fait confident, interlocuteur. Le poète du lyrisme amoureux est aussi le poète de l’indignation face aux injustices et de la compassion envers les malades des sanatoriums, comme des soldats du front, des femmes tondues de l’après-guerre et de toutes les misères du monde. Ce long poème constitué de sept portraits de malades est aussi l'occasion de se souvenir que Saint-Alban, berceau de la psychiatrie institutionnelle, fut le premier lieu en France à offrir une prise en charge thérapeutique aux fous devenus des patients – à une époque de restrictions qui allait voir mourir de faim la moitié de la population des asiles, soit quarante mille personnes.
(Photo. : Nusch & Paul Eluard, Impasse des Deux-Anges, Man Ray)