Personnage clé de la révolution de 1917, figure pionnière du féminisme socialiste, première femme ambassadrice au monde, les faits ne manquent pas pour souligner l’exceptionnalité de la trajectoire d’Alexandra Kollontaï.
Promptement refoulée par la contre-révolution sexuelle qui s’est abattue sur l’Union soviétique dès les années 1920, brièvement redécouverte au lendemain de Mai 68 avant de retomber dans l’oubli, l’œuvre de Kollontaï fait l’objet depuis quelques années d’un puissant regain d’intérêt dans le sillage du renouveau féministe.
Cette biographie intellectuelle montre combien, pour Kollontaï, l’émancipation des femmes a pour condition fondamentale l’abolition de la famille et des rapports de propriété (physiques et psychiques) sur lesquels elle se fonde. Ce programme se décline en une réinvention radicale de l’amour et des sexualités et avec la communalisation des tâches reproductives, à commencer par la maternité. Dans l’un et l’autre cas c’est la camaraderie, comme affect communiste par excellence, qui doit prévaloir.
Dans une jeune république soviétique assiégée et affamée, Kollontaï refuse que l’on remette à plus tard ces questions. Encore aujourd’hui, c’est une leçon adressée à ceux pour qui ce n’est jamais le bon moment, jamais la priorité : les révolutions meurent quand on laisse le réel étouffer le désir et l’imaginaire.
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Originaire de Saint-Pétersbourg, Olga Bronnikova est maîtresse de conférences à l’université Grenoble Alpes.
Matthieu Renault est professeur des universités en Histoire critique de la philosophie à l’université Toulouse Jean-Jaurès. Il est notamment l’auteur de C. L. R. James. La vie révolutionnaire d’un « Platon noir » (2016).