Essai
Nouvelle parution
Pierre Bost, André Chamson, Jean Prévost, Génération 1919

Pierre Bost, André Chamson, Jean Prévost, Génération 1919

Publié le par Léo Mesguich (Source : Emmanuel Bluteau)

Textes réunis et présentés par Emmanuel Bluteau et François Ouellet.

Nés aux alentours de 1900, Bost, Chamson et Prévost ont été lycéens en province. Venus à Paris pour leurs études supérieures, ils n’imaginent pas ce que l’année scolaire 1918-1919 va leur réserver. Alors que la Grande Guerre n’a de sens pour eux que par les journaux et les cartes, l’Histoire s’effectue sous leurs yeux avec la proclamation de l’Armistice et le début de l’après-guerre. Les trois étudiants deviennent amis à un moment où les plus folles espérances sont de mise.

Dix ans plus tard, chacun revient sur cette période charnière de leur vie alors qu’ils préparaient leur avenir en khâgne à Henri-IV ou à l’Ecole des Chartes. Découvertes intellectuelles, goût de l’étude et apprentissage de la vie, le besoin de se retourner sur ce proche passé s’exprime avec des textes à leur image. Bost en indifférent avec « Fabrice à Waterloo » ; Chamson en intellectuel avec « La Révolution de 19 » et Prévost en témoin engagé avec « Dix-huitième année ». Cette coupure de 1919 aura été générationnelle : ces souvenirs de jeunesse, témoignages ou mémoires précoces sont autant de dépositions d’hommes de lettres en devenir. Ils tiendront leurs promesses : écrivains précoces, journalistes talentueux, ils sauront dépasser leur pacifisme initial pour résister brillamment lors de la guerre suivante et inscrire leur empreinte d’honnêtes hommes. Une destinée qui ressemble à un serment de fidélité à leur jeunesse.

Pierre Bost (1901-1975), reçoit le prix Interallié en 1931 pour Le Scandale. Fait paraître avant-guerre vingt livres, résiste dans les milieux du cinéma, avant de scénariser et dialoguer plus de cinquante films.

André Chamson (1900-1983), cofonde l’hebdomadaire Vendredi, sauve les œuvres du Louvre et crée la brigade Alsace-Lorraine. Académicien en 1956, président du PEN club international. A écrit une cinquantaine de livres.

Jean Prévost (1901-1944), obtient le Grand prix de littérature de l’Académie française pour La Création chez Stendhal en 1943. Publie trente livres en vingt ans et plus de mille articles. Mort les armes à la main dans le Vercors.

On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :

"À l’aube des années 1930, trois écrivains reviennent sur la Première Guerre mondiale et les débuts de la paix. Pierre Bost, André Chamson et Jean Prévost, nés avec le XXe siècle, ont passé les années de guerre au lycée, et appartiennent à la première classe d’âge qui ne connaîtra pas le champ de bataille. L’armistice coïncide avec le début de leurs études supérieures, et au seuil de l’âge adulte c’est toute la « génération 1919 » qui se trouve en manque de pères et de repères.

Pierre Bost se reproche son indifférence à l’égard de la guerre, due à son trop jeune âge. Ce n’est qu’en 1918, alors qu’il découvrait Paris, le lycée Henri-IV et les cours d’Alain, que ses yeux se dessillèrent. Des années plus tard, il plaide encore l’indulgence pour ses erreurs de jeunesse, au-delà du remords qu’il en éprouve. Et invoquant l’exemple d’un illustre modèle, il intitule malicieusement son texte « Fabrice à Waterloo ».

André Chamson, plus politique, note que les jeunes ont été contraints d’inventer de nouvelles règles pour reconstruire le monde en ruines dont ils héritaient. En avril 1919, la première manifestation consécutive à l’acquittement de l’assassin de Jaurès cristallisa la prise de conscience d’une génération orpheline devenue révolutionnaire, comme l’indique le titre La révolution de 19 choisi par André Chamson. Cette année 1919 reste pour lui symbole de toutes les espérances, et il conclut qu’« une même haine de l’absurdité du monde et de son injustice […] préparerait, en dehors de nous-mêmes, l’unité spirituelle de notre temps, et, peut-être, l’unité matérielle de l’Europe ». Nul n’est décidément prophète en son pays !

Jean Prévost participa lui aussi à la manifestation Jaurès. Mais il préférait écouter Alain plutôt que Karl Marx, car malgré son engagement, vivre avec le peuple eût été pour lui « un supplice de tous les instants » : aristocrate de l’esprit, il aimait la vie et l’action, comme les héros de Stendhal dont il fit son sujet de thèse. Lycéen, il suivait les péripéties de la Grande Guerre, et applaudissait aux victoires françaises en espérant que les Allemands rencontrés lors d’un séjour scolaire en 1913 seraient épargnés : patriote, européen et humaniste, tel sera encore des années plus tard le résistant Jean Prévost, jusqu’à sa mort au maquis du Vercors. Un intellectuel qui reconnut tôt en lui « les plus graves dispositions à la rêverie sentimentale, même aux passions fortes, au point d’avoir remis plusieurs fois [sa] vie en question »". — Jean-Luc Tiesset