Essai
Nouvelle parution
Jan Baetens, Un monde à collectionner

Jan Baetens, Un monde à collectionner

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Thierry Horguelin)

Alexandre Vialatte écrivait en substance qu’aussitôt que l’industrie humaine invente un objet, il se trouve quelqu’un pour en entreprendre la collection.

L’acte de collectionner est une passion fervente, une manie quelquefois, qui peut élire les objets les plus modestes (petits cailloux, boutons de manchettes) comme les plus prestigieux (éditions originales, tableaux de maîtres) ; c’est surtout une manière d’être au monde, de l’habiter, de (se) le représenter, de lui donner un sens.

Un monde à collectionner s’intéresse précisément à la manière dont des écrivains, des bédéistes, des artistes, des cinéastes, des éditeurs ont fait de la collection un objet de représentation, de mise en ordre et de compréhension du monde : tantôt thème narratif (telle BD de Blutch mettant en scène un collectionneur dépassé par l’ampleur de sa collection), tantôt principe organisateur d’une œuvre, ainsi les « tentatives d’épuisement » d’un lieu de Georges Perec ou Thomas Clerc, les inventaires d’une ville (Saint-Marcellin filmé rue après rue par Gérard Courant), d’un pays tout entier (les États-Unis vus par Michel Butor), les collections de citations hôtelières de Nathalie de Saint Phalle ou encore la prolifération d’exemples qui, chez Maurice Grevisse, finissent par dévorer sa célèbre grammaire Le Bon Usage. Et quand inventorier un fragment du monde ne suffit plus, on peut entreprendre de le dupliquer purement et simplement, à l’instar de Kenneth Goldsmith.

En s’interrogeant sur le devenir-collection du monde, cet essai suggère que le plaisir de la collection est celui d’inventer des rapports qui sans elle n’existeraient pas ; et que « le vrai collectionneur est celui qui s’autorise le droit à l’erreur, sans craindre les faux pas. Sans ratés de collectionneur, une collection n’est rien d’autre qu’une forme d’héritage ».

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Table des matières

 1. Sur le monde               

Liminaire.

2. Tout ou rien : Kenneth Goldsmith, collectionneur de mondes             

Dupliquer le monde, est-ce une manière de le collectionner ?

3. Comment en sortir à temps, quand il est trop tard

À propos de l’album Mish Mash de Blutch, ou le collectionneur envahi par sa collection.

4. Sur un mode d’existence du tout inexistant

Sur l’usage et le sens des listes chez Henri Lefebvre (Les Unités perdues, Pièces test).

5. L’art de présenter la représentation 

À propos de Mobile de Michel Butor.

6. L’exemple, un mal nécessaire ? 

À propos de l’absence d’exemples chez Guy Debord et de leur prolifération chez Maurice Grevisse.

7. Enseigner la collection             

Comment enseigner la collection ? L’exemple des Aventures de Tintin d’Hergé.

8. Tout compte fait, le manque

À propos du film À travers l’univers de Gérard Courant.

9. Ex. n° 914

Comment les marques de prix portées au crayon sur la page de garde peuvent transformer un modeste livre d’occasion en objet de désir et de collection.

10. Des collectionneurs heureux

À propos de L’Obsession du Matto-Grosso (Christophe Bier), The Bookseller’s Tale (Martin Latham) et La Mémoire des œuvres (Judith Schlanger).

11. Aux variétés, préférer les variations

À propos des éditions Claire Paulhan et Le Promeneur, de Peanuts minus Schultz (Ilan Manouach) et du Musée comme expérience (Dario et Libero Gamboni).

12. La mauvaise collection

Mauvaise parce qu’incomplète, bancale, trouée. À propos du Journal intégral de Julien Green, des Œuvres de Gustave Roud et de la correspondance Louis Aragon-Jacques Doucet. 

13. Série ou collection 

Une série est-elle une collection ? L’exemple du roman-photo.

14. La bonne formule

À propos d’Hôtels littéraires (Nathalie de Saint Phalle), Intérieur (Thomas Clerc) et Looking at Photographs (John Szarkowski).