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La fiction épistolaire en France du XIXe au XXIe s. (New York University in Paris)

La fiction épistolaire en France du XIXe au XXIe s. (New York University in Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Claudie Bernard)

Colloque international

La fiction épistolaire en France du XIXe au XXIe siècle

L’Université de Kyoto et New York University organisent un colloque en deux volets sur la fiction épistolaire, telle qu’elle se développa en France du XIXe siècle à nos jours. La première partie de l’événement s’est tenue à l’Université de Kyoto en janvier 2024, la seconde partie aura lieu à New York University Paris en novembre 2024. 

La fiction épistolaire qui a fleuri de 1660 à 1790, des Lettres portugaises aux Liaisons dangereuses, a suscité de nombreuses et passionnantes études. Or, alors même que s’approfondissent l’exploration théorique du dispositif de la lettre d’un côté, l’intérêt pour les correspondances d’écrivains de l’autre, la fiction épistolaire des XIXe, XXe et XXIe siècle, en tant que production spécifique, a été largement négligée par les chercheurs. Quoique le genre ait connu un déclin à partir de la Restauration, il n’a cessé d’être pratiqué, à l’époque romantique par Germaine de Staël, Théophile Gautier, Balzac ou George Sand, puis, à la fin du siècle, par Marcel Prévost, Rachilde ou André Gide ; chichement représenté dans la première moitié du XXe siècle, avec Marguerite Yourcenar, Max Jacob ou Georges Simenon, il fait preuve, depuis les années 1960, d’un intense renouvellement, par exemple sous les plumes de Mariama Bâ, Assia Djebbar, Annie Ernaux, Amélie Nothomb, Hervé Le Tellier, Camille Laurens ou Virginie Despentes, la lettre étant parfois remplacée par la carte postale, l’enregistrement téléphonique, le courriel ou le texto. 

Les spécialistes de l’Ancien Régime ont identifié le contexte mondain et artistique qui favorisa l’essor de la fiction épistolaire. On examinera les raisons de sa désaffection à partir de 1830, en lien avec les changements socio-culturels, les mutations des techniques de communication, les nouveaux trends littéraires, notamment la promotion du roman réaliste en troisième personne. On interrogera sa réémergence dans des périodes de crise du roman, comme le décadentisme, et, en ces dernières décennies, son ancrage dans une écriture du moi attentive à sa fabrique.

Pour scruter les mécanismes de la fiction épistolaire, les spécialistes de l’Ancien Régime ont bénéficié de précieux outils mis au point par les sémioticiens, les stylisticiens et les narratologues. L’application de ces méthodes à un corpus ultérieur, tout en éclairant ledit corpus, permettra d’affiner les outils conceptuels eux-mêmes. 

On répertoriera différents types de fiction épistolaire, « fiction » englobant roman, nouvelle et même missive isolée (chez Maupassant par exemple), et accueillant plusieurs modalités d’échange, des monodies obsédantes aux polyphonies complexes. On posera la question du recueil de lettres, et de son éventuel encadrement. On fera une place à la fiction partiellement épistolaire, dans ses multiples combinaisons. 

On analysera le fonctionnement de ces dialogues à distance spatiale et temporelle, dans leur double impératif de sincérité et de réciprocité. On les suivra dans leurs entrecroisements, leurs emboîtements, leurs occultations ; dans leur potentiel performatif, leurs effets sur le récepteur et sur l’énonciateur lui-même ; dans l’attention portée à la matérialité de leur support et de leur transport. Cela, sans perdre de vue que la communication épistolaire offre un miroir de la communication livresque. 

L’épistolaire, focalisé sur la première personne, a traditionnellement partie liée avec le sentimental et l’intime. Mais il s’ouvre à bien d’autres problématiques, sociologiques, philosophiques, pédagogiques, esthétiques, voire viatiques et picaresques. On se demandera si le genre a, comme on l’a prétendu, un tropisme féminin. On se penchera sur l’expression, et la répression, des émotions ; sur l’évocation de l’enfance, thématique qui naît au XIXe siècle ; sur la délinéation de la folie. On appréciera le poids du secret, et les méandres de l’énigme, parfois policière. On mesurera, de l’émigration contre-révolutionnaire aux expatriations volontaires d’aujourd’hui, l’impact du dépaysement géographique et culturel. On se penchera sur les débats d’idées, et sur les confrontations idéologiques.  

On mettra en relief les innovations et les expérimentations qui, dès l’ère romantique, et de façon accentuée aujourd’hui, enrichissent le genre : jeu sur les personnes, sur le temps, sur les potentialités du support, sur les fonctions du dispositif, arabesques métatextuelles, configurations narratologiques originales (roman à quatre ou à huit mains, adresse à un mort, feintes et impostures vis-à-vis du lecteur)… Lesté d’une tradition séculaire et d’une aura quelque peu désuète, le genre se prête à toutes sortes de manœuvres intertextuelles, sans exclure l’ironie et le pastiche. On scrutera enfin son lien à d’autres formes discursives, mémoires, confessions, journal intime, journal de voyage, article de presse, essai, libelle, ou encore poème en prose.   

Programme 

9h - 9h30 : Ouverture du colloque

Atsuo MORIMOTO (Université de Kyoto)

 

9h30 - 10h : Brigitte DIAZ (Université de Caen)

Lettres d’écrivains : la littérature par correspondance au XIXe siècle

 

10h - 10h30 : Paul KOMPANIETZ (CPGE Lycée du Parc)

Au bonheur des dames ? Voix masculine et condition féminine dans Adèle de Sénange de Mme de Souza

 

10h30 - 11h : Discussion 

 

11h - 11h30 : Esther PINON (Université de Rennes)

« À quoi cela me mène-t-il ? » : crise et fécondité de la fiction épistolaire chez Musset

 

11h30 - 12h00 : Vincent BIERCE (CPGE Lycée du Parc)

« Je faisais ainsi la parodie de mes propres émotions » : des Lettres d’amour au Roman à faire de Nerval, une monodie masculine ironisée ? 

 

12h - 12h30 : Discussion 

14h30 - 15h : Claudie BERNARD (New York University) 

« C’est en lettres de sang que fut écrit notre hymen » : Emma de Boucher de Perthes

 

15h - 15h30 : Kazuhiko ADACHI (Université Meijo)

Le lecteur comme destinataire : les contes épistolaires de Maupassant

 

15h30 - 16h : Discussion 

 

16h - 16h30 : Hélène BATY-DELALANDE (Université de Rennes)

Le recours à la forme épistolaire dans le roman français des années 1920-1950 : rebond éthique, repli esthétique ? 

 

16h30 - 17h : Valérie BERTY (New York University Paris)

Deux romans pionniers : Lettres de France de Sembène Ousmane et Une si longue Lettre de Mariama Bâ

 

17h - 17h30 : Discussion 

 

17h30 - 18h : Pierre-Louis FORT (Cergy Paris Université)

Écrire à l'absent(e) : deuil et épistolarité

 

18h - 18h30 : Frédéric MARTIN-ACHARD (Université de Saint-Etienne)

La polyphonie en question dans trois romans épistolaires contemporains (Jauffret, Despentes, Lucbert)

 

18h30 - 19h : Discussion et clôture du colloque