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Comment imager le XXIe siècle ? Figurer la réalité dans les arts visuels / What can pictures still do in the 21st century? Figuring reality in visual arts (Bordeaux)

Comment imager le XXIe siècle ? Figurer la réalité dans les arts visuels / What can pictures still do in the 21st century? Figuring reality in visual arts (Bordeaux)

Publié le par Marc Escola (Source : Helena Lamoulilatte-Schmitt)

Comment imager le XXIe siècle ? Figurer la réalité dans les arts visuels / What can pictures still do in the 21st century? Figuring reality in visual arts

Colloque international, organisé par CLIMAS Université Bordeaux Montaigne (3-4 juillet 2025)

Keynote speakers

Maryse OUELLET, Research associate (University of Bonn)

Andrea PINOTTI, Professeur d'esthétique, de la représentation et de la théorie de l'image (Université de Milan)

Appel à communications

Ce colloque se propose d’examiner la question de la représentation figurative dans les arts visuels au début de XXIe siècle. Les pratiques artistiques figuratives sont en effet confrontées à des modalités de sophistication technologique de plus en plus élevées qui remettent en question la définition du « réel », et plus particulièrement, de la réalité. Les images générées par l’intelligence artificielle tendent à normaliser une vision manipulée et déformée du monde qui nous entoure, quand elles n’en proposent pas une version totalement fausse et fabriquée (« deepfake »).

Dans le contexte de la production artistique, les notions de réalisme et réalité sont généralement envisagées par rapport à la question de la mimesis. Le postulat le plus largement répandu est que l’art figuratif ne constitue pas une simple imitation de la réalité mais en propose une représentation au moyen d’un medium spécifique. Ainsi se pose la question : comment les arts visuels peuvent-ils continuer à produire des images qui proposent une interprétation d’une réalité sans cesse déformée, mettant à mal les sens et les fonctions cognitives des spectateurs ? Un retour à la sémiotique peircéenne et à l’interprétation des signes peut nous aider à appréhender et analyser les formes complexes de ces « nouvelles images » (mêlant parfois image et texte) en mettant à jour la façon dont elles sont utilisées pour projeter des idéologies dominantes. Les réseaux sociaux et les médias consomment, reproduisent, fabriquent et falsifient toujours plus d’images — qu’elles soient personnelles, journalistiques, issues d’archives ou liées à des pratiques artistiques, contribuant ainsi à brouiller notre perception d’une réalité qui semble de plus en plus élusive.

Dans Art's Realism in the Post-Truth Era (Edinburgh University Press, 2024), Maryse Ouellet et Amanda Boetzkes insistent sur le rôle crucial que l’art figuratif et ses dimensions esthétiques sont appelés à jouer dans « la représentation, la visualisation et même la mise en forme de la réalité ». À l’ère de la post-vérité, quelle place et quelle fonction les arts visuels peuvent-ils avoir dans ce que Peter Szendy nomme «l’iconomie» (d’après « l’économie iconique » de Marie-José Mondzain) ou économie de la circulation et de la marchandisation des images et des regards (concept développé dans The Supermarket of the Visible : Toward a General Economy of Images, 2019). Pourquoi et comment figurer le réel et la réalité tout en ayant conscience que la définition de ces notions est poussée chaque jour un peu plus dans ses retranchements ?

On pense à ici certaines nouvelles formes de culture visuelle à contenu autobiographique (Instagram, blogs, vlogs, etc.) qui, sous prétexte d’afficher une forme d’immédiateté dans notre relation à l’autre, recourent à des procédés autofictionnels identifiés dans des genres artistiques plus traditionnels (portrait, autoportrait). La dimension sociale du médium est ainsi détournée au profit d’une mise en scène de la fiction de soi.

Dans L’Histoire de l’art sans les hommes (2022), Katy Hessel note : « En période de crise, les artistes se tournent souvent vers le figuratif. Le Réalisme, au XIXe siècle en France émergea dans le sillage de la Révolution française ; dans les décennies qui suivirent la Révolution mexicaine, les muralistes firent des portraits du peuple, avec un objectif social ; les artistes de la république de Weimar documentèrent la vie de la rue et la vie nocturne ; au pic de la Grande Dépression, les artistes américains se
tournèrent vers l’art figuratif ... Dans notre monde de nouvelles technologies, de politiques dystopiques, de pandémies mondiales, de destruction écologique et de capitalisme autoritaire, je me demande si nous ne serions pas en train d’assister à une renaissance de la peinture figurative » (p.433). En effet, la résurgence de l’art figuratif en peinture et sculpture est avérée, comme l’attestent des expositions récentes, par exemple « Mimesis (Representational Art 2023) » au Musée Européen d’Art Moderne de Barcelone, ou encore « Public Private » (2023) à Shanghai où ont été exposés des artistes « redéfinissant la notion d’identité au XXIe siècle à travers la peinture », selon Stephanie Bailey. Cette tendance indique le besoin des artistes contemporains de rendre compte de la complexité de l’expérience humaine et d’en reformuler les contours, en déconstruisant des genres picturaux (Flora Yukhnovich et la peinture Rococo), en réinterprétant des thèmes traditionnels (Ophélie chez Lisa Brice) ou en créant des formes hybrides (les sculptures de « déesses » imaginaires de Bharti Kher), sans abandonner la figuration aux seules formes populaires.

En retour, la culture populaire, comme le cinéma par exemple, semble adopter un discours plus explicitement réflexif sur l’image. Dans Civil War (2024), d’Alex Garland, de jeunes photoreporters sont tiraillés entre l’envie de prendre le « cliché parfait », selon des normes esthétiques de représentation, et celle de témoigner objectivement d’une guerre, au sein d’un film qui met en abyme ce questionnement. Renversant la perspective, dans l’un des articles du recueil The Post-Truth Era: Literature and Media (Authorspress, 2021). Denis Newiak se demande comment les films de fiction sur la pandémie peuvent nous aider à contrer le post-factualisme.

Se confrontant à cet effritement de la représentation du réel, The Department of Truth, comic book de James Tynion IV publié depuis 2020 chez Image Comics (traduit en français sous le titre Le Département des Vérités en 2022) soutient que la réalité existe mais, en poussant le Pragmatisme jusqu’au bout de son raisonnement : « En matière de vérité, c’est la majorité qui tranche ». Ce n’est donc pas (ou plus) la science qui est l’arbitre de la vérité mais le nombre de gens qui adhèrent à une version de la réalité. Le Département des Vérités est ainsi une agence chargée de s’assurer que les théories du complot ne deviennent pas réalité quitte à falsifier ou passer sous silence parfois des événements réels, dans un infernal jeu de miroir et de faux-semblants.

En photographie le concept de rétromédiation — développé par Servanne Monjour dans son ouvrage Mythologies postphotographiques: L'invention littéraire de l'image numérique (2018) — ou phénomène de remédiation « à rebours » des technologies numériques, constitue une autre façon de questionner et recréer ce réel, en réfutant toute transparence du médium. Cette pratique consiste à retoucher une photographie numérique en postproduction en recréant des effets argentiques (au moyen d’outils numériques d’édition) ou à utiliser des appareils argentiques, parfois même de qualité médiocre (« toy camera » ou sténopé). Le mouvement « lo-fi photography » pourrait être considéré comme l’aboutissement ultime de cette démarche (par exemple le collectif Leicester Lo-Fi) qui s’inscrit à rebours du mouvement de la Staged Photography auquel est associé le photographe américain Gregory Crewdson, qui parvient, malgré des conditions de production hollywoodiennes, à recréer des scènes intimistes d’une étrangeté poétique. Comment ces divers objets esthétiques « aspirent-ils à expliquer non seulement la construction sociale du domaine visuel, mais aussi la construction visuelle du domaine social ? » (« Iconologie, culture visuelle et esthétique des médias », W.J.T. Mitchell 2009).
En conclusion, selon Barnabé Sauvage, Andrea Pinotti et Antonio Somaini dans Culture visuelle – Images, regards, médias, dispositifs (publié en français aux Presses du réel en 2022), développent la thèse que le XXIe siècle tend vers l’an- iconicité. Les deux derniers chapitres soutiennent que la réalité virtuelle (VR) et l’intelligence artificielle (IA), deux manières contemporaines d’expérimenter et de figurer, témoigneraient d’une sortie de la conception traditionnelle de l’image (« À propos de : Andrea Pinotti, Antonio Somaini, Culture visuelle. Images, regards, médias, dispositifs », 2022). C’est précisément cette éventuelle rupture esthétique ou une forme de résistance à cette tendance que nous nous proposons d’explorer au cours de cette manifestation qui s’attachera à répondre à la question suivante : « Comment imager le XXIe siècle ? ».

Les propositions concerneront la culture visuelle au sens large : arts (photographie, peinture, bande dessinée, cinéma, séries, vidéo, jeu vidéo), images (illustrations, affiches, etc.), nouveaux médias.

Les communications, d’une vingtaine de minutes, seront préférablement en anglais. Elles pourront porter sur l’aire anglophone dans son ensemble.

Les propositions de communication incluront un titre, un résumé (300 mots environ) et une bibliographie, accompagnés d’une courte biographie, indiquant votre affiliation professionnelle et vos coordonnées.

Merci d’envoyer votre proposition avant le 6 janvier 2025 aux adresses suivantes : helena.lamouliatte-schmitt@u-bordeaux.fr et nicolas.labarre@u-bordeaux- montaigne.fr

Une proposition de publication dans une revue académique avec processus d’évaluation par les pairs fera suite au colloque.

Les frais d’inscription s’élèvent à 50 euros pour les chercheurs titulaires ou indépendants. Les doctorants sont exemptés de frais d’inscription.