Actualité
Appels à contributions
Littérature de jeunesse et cultures transmédiatiques : création, réception, médiation (revue Multimodalité(s))

Littérature de jeunesse et cultures transmédiatiques : création, réception, médiation (revue Multimodalité(s))

Publié le par Marc Escola (Source : Emmanuelle Lescouet)

Volume dirigé par Sonia Castagnet-Caignec (CY Cergy Paris Université), Béatrice Ferrier (Université d’Artois), Isabelle de Peretti (Université de Lille et Université d’Artois), Virginie Tellier (CY Cergy Paris Université)

À l’instar de la production culturelle contemporaine, la littérature de jeunesse n’échappe pas au courant actuel d’hybridation et de métissage des arts et des médias (Baroni et Gunti, 2020). Les phénomènes aujourd’hui qualifiés de « transmédialité », d’« intermédialité » (Müller, 2000, 2006) et de « transmédiatisation » prennent en effet une ampleur considérable dans nos pratiques culturelles. Ces notions, mobilisées par plusieurs disciplines (sciences de l’information, études littéraires, études cinématographiques, didactique de la littérature) et dans des cadres théoriques divers, reçoivent des définitions différentes selon leurs contextes d’emploi, mais témoignent toujours du fait que l’hypertextualité définie par Genette (1982) a dépassé le seuil des textes écrits et englobe les œuvres dans un mouvement d’ensemble, qui les voit circuler d’un média à l’autre, sans que la littérature soit nécessairement première ou occupe une place singulière. Le phénomène de polyexploitation (Ferrier, 2009) revêt une importance particulière dans le paysage éditorial et commercial actuel ; d’une part par son caractère massif, d’autre part par le resserrement temporel qui peut aller jusqu’à l’émergence simultanée de formes médiatiques diverses d’une même œuvre. Les jeunes bénéficient de la possibilité de retrouver le même monde fictionnel sous plusieurs formes, décliné en fictions transfuges (Saint Gelais, 2011) : dans des romans, des bandes dessinées, des mangas, des jeux vidéos, des séries et/ou des films, au cœur de jeux de société ou de jeux de rôle, de performances et d’œuvres sonores ou hypermédiatiques, ou encore sous l’apparence de figurines ou de jouets. Le public peut alors s’immerger dans un univers qu’il affectionne au travers de médias différents, renouveler le plaisir de la fiction en redécouvrant les aventures des personnages sur d’autres supports, en multipliant les rencontres qui permettent parfois l’entretien d’une relation fanique vis-à-vis des personnages et de l’univers, en favorisant la circulation entre postures de lecteur·rice, spectateur·rice, joueur·se, ou encore auteur·e de fanfiction. Ce gout de l’itération et du ressassement (Eco, 1993) est favorisé par la technologie moderne et la numérisation de l’environnement, qui véhiculent et modifient les formes des médias, qu’ils aient préexisté ou non à l’apparition du numérique (Colas-Blaise et Tore Gian, 2021). La facilité d’accès à de multiples canaux de diffusion et l’écranisation des pratiques culturelles contribuent ainsi au déploiement plurimédiatique d’univers fictionnels, déploiement désormais ancré dans les politiques de production et attendu du public.

Dans la continuité de la Quatrième Biennale de la littérature de jeunesse qui s’est tenue à Gennevilliers les 27 et 28 juin 2024 (https://4e-biennale-lj.sciencesconf.org/), le but de ce volume de la revue Multimodalité(s) est d’éclairer les enjeux de l’inscription de la littérature de jeunesse dans une culture transmédiatique (Letourneux, 2009) sur les plans de la création, de la réception et de la médiation. Pour ce faire, les axes de réflexion suivants, prenant en compte la création, la réception et la médiation transmédiatiques, sont proposés. 

Axe 1 : la création transmédiatique

Si les dimensions économiques de la polyexploitation des fictions pour la jeunesse ont déjà été explorées, il nous semble qu’il est encore possible d’apporter des éclairages sur la manière dont les phénomènes d’« inter- » ou de « transmédialité », termes qui pourront faire l’objet d’analyses critiques dans le cadre des articles soumis, influent sur les pratiques et processus de création et de narration (Cayatte et Goudmand, 2020). En effet, il n’est plus seulement question aujourd’hui d’adapter une œuvre en la transposant dans un autre système sémiotique, mais aussi, souvent, de la penser d’emblée dans sa dimension intersémiotique. Nous seront ainsi particulièrement attentif·ve·s à tous les phénomènes d’hybridation et de transferts qui traversent les œuvres contemporaines pour la jeunesse (Besson, Prince, Bazin, 2016 ; Besson, 2015). Au cœur d’une production de l’industrie culturelle marquée par l’adaptation et la sérialité (Letourneux, 2017), il s’agira d’investir la question de la transmédialité plus précisément du point de vue de la littérature de jeunesse : si certain·e·s auteur·rice·s de littérature de jeunesse se cantonnent à un registre moral de mise en garde contre les dangers des images, des écrans ou des pratiques numériques, d’autres auteur·rice·s semblent profiter pleinement de la dimension exploratoire propre à une littérature moins codifiée que la littérature générale (Hautbout et Wit, 2021). On pourra ainsi se demander si la littérature de jeunesse ouvre la voie à de nouveaux objets transmédiatiques ou à des processus créatifs différents de ce qu’on observe en littérature générale.

Axe 2 : la réception transmédiatique

Les processus de réception des jeunes au sein des fictions transmédiatiques méritent d’être interrogés : que se passe-t-il lorsqu’on lit une œuvre avant d’en voir l’adaptation filmique, ou lorsqu’on découvre un univers fictionnel par le jeu vidéo ? Comment la temporalité de la réception, qui rétablit une nécessaire successivité, est-elle affectée par la contemporanéité de l’offre transmédiatique ?

Dans la lignée des travaux menés sur les postures de réception du·de la joueur·se (gameplay) et du·de la lecteur·rice (Bourassa et Poissant, 2013 ; Besson, Prince, Bazin, 2016), on peut s’interroger plus généralement sur les formes d’identification et d’immersion fictionnelle induites par les différents médias : on sait, par exemple, que la narration à la première personne est très rarement retenue par les récits iconiques ou visuels, alors qu’elle est fréquente en littérature ou dans le jeu vidéo. 

Enfin, on constate que le développement des cultures fans (cosplay, fanfictions, jeux de rôle, écritures numériques), qui brouillent les frontières entre pratiques amateures et professionnelles, rend ténue la ligne de partage entre création et réception, induisant une activité critique et productive du public (Octobre, 2017) qui mérite d’être analysée dans la perspective de la notion de participation (Jenkins, 2014). 

Axe 3 : la médiation transmédiatique

Dans la continuité des volumes 6 et 16 de la revue Multimodalité(s), on observe que de nombreux professionnels, dans l’éducation formelle et non-formelle, ressentent aujourd’hui la nécessité d’intégrer à l’enseignement de la littérature, et plus largement des arts, les dimensions transmédiatiques (Moinard, 2019 ; Etienne et Mongenot, 2023). Celles-ci s’avèrent toutefois source de déstabilisation pour les enseignant·e·s (Brunel, Acerra, Lacelle, 2023), ou sont perçues, au sein de l’institution scolaire ou des institutions culturelles, comme une concession faite aux pratiques culturelles des jeunes ou comme une simple propédeutique à l’enseignement de formes culturelles plus légitimes (Raux, 2023). Quels apprentissages la culture transmédiatique, désormais légitimée par les mondes universitaires et culturels, suppose-t-elle et permet-elle de soutenir ? L’adoption d’une perspective inter- ou transmédiatique peut-elle développer des compétences pour la réception et la production de la spécificité de chaque média ainsi que des « compétences multimodales » (Acerra et Lacelle, 2022) ? Si la réception de ces cultures nécessite des compétences expertes, quels dispositifs pourraient permettre de les enseigner ? Quelles formations faudrait-il mettre en place pour accompagner les enseignant·e·s et les médiathécaires qui souhaitent didactiser ou médiatiser ces corpus transmédiatiques ?

— 

Les textes attendus s’inscriront dans un des trois axes, mais les propositions qui croiseraient plusieurs entrées sont également possibles.

Informations de soumission

Les personnes intéressées sont invitées à faire parvenir à revuemultimodalites@gmail.com une proposition de contribution d’une longueur comprise entre 250 et 500 mots, auxquels s’ajoutera une courte bibliographie (env. 5-10 références).

La revue accepte deux formats d’articles : des articles scientifiques au format conventionnel et des documentations de pratiques dont le format prend appui sur des principes directeurs de cocréation et la méthode des 4P (Portrait du milieu; Processus de cocréation; Projet; Production. Les attendus de cette forme précise d’article sont détaillés ici). Des exemples d’articles produits dans le respect de cette forme sont aussi présents dans les volumes 15, 18 et 19 de la revueMultimodalité(s).

Une fois la proposition acceptée, l’article final comportera entre 40 000 à 60 000 caractères, incluant les espaces (sans les références et sans les annexes). Il sera précédé d’un résumé en français et en anglais, ainsi que de 5 mots-clés dans les deux langues. Ces propositions longues feront l’objet d’une évaluation en double aveugle.

Calendrier de publication :

- Réception des résumés : 15 décembre 2024
- Annonce de la sélection des propositions au mois de janvier 2025
- Envoi de la première version des articles : mars 2025
- Publication : janvier 2026

 Consignes 
- Longueur : 40 000 à 60 000 caractères, incluant les espaces (sans les références et sans les annexes)
- Formats de documents acceptés : Word (.doc, .docx) ou Open document (.odt)
- Les consignes complètes pour la soumission d’un article sont disponibles sur le site de la revue. 

Bibliographie :

ACERRA, Eleonora et LACELLE, Nathalie. (2022). « Compétences en #LMM ». Lab-yrinthe. https://lab-yrinthe.ca/education/competences-lmm 

BARONI, Raphaël et GUNTI, Claus. (dir). (2020). Introduction à l’étude des cultures numériques. La transition numérique des médias, Paris, Armand Colin.

BESSON, Anne. (2015). Constellations. Des mondes fictionnels dans l’imaginaire contemporain, Paris, CNRS Éditions.

BESSON, Anne, PRINCE, Nathalie et BAZIN, Laurent. (dir.). (2016). Mondes fictionnels, mondes numériques, mondes possibles. Adolescence et culture médiatique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.

BOURASSA, Renée et POISSANT, Louise. (2013). Avatars, personnages et acteurs virtuels, Presses de l’Université du Québec.

BRUNEL, Magali, ACERRA, Eleonora et LACELLE, Nathalie. (2023). « Enseigner la littérature numérique au secondaire, entre innovation et sédimentation : analyse de cas autour d’une recherche collaborative », Tréma [Online], 59, Online since 10 May 2023, URL : http://journals.openedition.org/trema/8090; DOI : https://doi.org/10.4000/trema.8090

CAYATTE, Rémi et GOUDMAND, Anaïs (dir). (2020). « Approches transmédiales du récit dans les fictions contemporaines », Cahiers de Narratologie, n° 37.

COLAS-BLAISE, Marion et TORE GIAN, Maria (dirs). (2021). « Re- ». Répétition et reproduction dans les arts et les médias, Milan, Mimésis. 

ECO, Umberto. (1993). De superman à superhomme, Paris, Grasset.

ETIENNE, Bénédicte et MONGENOT, Christine. (dir.). (2023). La transmodalisation : ressource pour lire le texte littéraire ? Le français aujourd’hui, n° 220.

FERRIER, Bertrand. (2009). Tout n’est pas littérature ! La littérature à l’épreuve des romans pour la jeunesse, Rennes, Presses Universitaires de Rennes. 

GENETTE, Gérard. (1982). Palimpsestes : la littérature au second degré. Paris, Seuil.

HAUTBOUT, Isabelle et WIT, Sébastien. (2021). Jeu vidéo et romanesque, Romanesques, Revue du Cercll, Paris, Classiques Garnier.

JENKINS, Henry. (2014). La culture de la convergence. Des médias au transmédia, Paris, Armand Colin.

LETOURNEUX, Matthieu. (2009). « Littérature de jeunesse et culture médiatique », Nathalie Prince (dir.), La littérature de jeunesse en question(s), Rennes, Presses universitaires de Rennes.

LETOURNEUX, Matthieu. (2017). Fictions à la chaîne. Littératures sérielles et culture médiatique, Paris, Éditions du Seuil. 

MOINARD, Pierre. (2019). « Partages de rencontres avec des narrations d’hier et d’aujourd’hui sur des forums et des blogs d’apprentis lecteurs. Quels usages des récits pour quels apprentissages ? », Pratiques, n° 181-182.https://journals.openedition.org/pratiques/6217

MÜLLER, Jürgen Ernst. (2000). « L’intermédialité, une nouvelle approche interdisciplinaire : perspectives théoriques et pratiques à l’exemple de la vision de la télévision ». Cinémas [en ligne], vol. 10, n° 2-3, [réf. du 26 octobre 2007], p. 105-134. Disponible sur : https://www.erudit.org/fr/revues/cine/2000-v10-n2-3-cine1881/024818ar/

MÜLLER, Jürgen Ernst. (2006). « Vers l’intermédialité Histoires, positions et options d’un axe de pertinence ». MédiaMorphoses [en ligne], n° 16, [réf. du 23 mars 2009], p. 99-110. Disponible sur : https://www.persee.fr/doc/memor_1626-1429_2006_num_16_1_1138

OCTOBRE, Sylvie. (2017). « L’enfant et les techno-cultures : mutations culturelles et transformations sociales », Pratiques [En ligne], 2017 [mis en ligne le 22 décembre 2017, consulté le 07 juin 2018], n° 175-176. Disponible sur : http://journals.openedition.org/pratiques/3554

RAUX, Hélène. (2023). La bande dessinée en classe de français. Un objet disciplinaire non identifié, Rennes, Presses universitaires de Rennes.

SAINT-GELAIS, Richard. (2011). Fictions transfuges : la transfictionnalité et ses enjeux, Paris, Seuil.