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Lire, relire et faire lire l’œuvre de Jean-Claude Mourlevat (Amiens)

Lire, relire et faire lire l’œuvre de Jean-Claude Mourlevat (Amiens)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Zoé Commère)

Auteur multi récompensé[1], Jean-Claude Mourlevat est le premier écrivain français à recevoir le prestigieux prix Astrid Lingren en 2021[2]. A ce jour, ce « raconteur d’histoires[3] » a écrit dix albums et vingt et un romans pour tous les âges de trois à dix-sept ans et s’est essayé à tous les genres : roman, album, contes, dystopies. Son œuvre traduite dans plusieurs langues, a également fait l’objet d’adaptations notamment au théâtre[4] ou à l’opéra[5]. Certains de ses romans sont déjà reconnus comme des classiques de la littérature de jeunesse : Le Combat d’hiver[6] fait partie des 1001 livres d’enfants qu’il faut avoir lus pour grandir[7], qui signale également L’Enfant Océan[8]. Nombre de ses ouvrages figurent dans les listes de recommandations publiées par l’Éducation Nationale pour les cycles 3 et 4, citons notamment L’Homme à l’oreille coupée, La Rivière à l’envers, La Balafre Le Combat d’hiver, L’Enfant Océan, et sa traduction de Hansel et Gretel est recommandée pour le cycle 2[9].

La richesse de cette œuvre qui couvre tous les champs et tous les âges repose-t-elle sur son éclectisme ou peut-on au contraire identifier des continuités ? Comment l’auteur s’empare-t-il de ce genre particulier que sont les livres pour enfants ? Ses ouvrages dans lesquels se retrouvent intertextualité et réécriture, deux des éléments propres à la littérature de jeunesse, se réduisent-ils à ces seules dimensions ?

Les deux journées d’étude que les chercheurs du CAREF consacrent à cet auteur, ont pour objet d’interroger cette œuvre, qui, selon Emmanuelle Kabala, se caractérise, « par des valeurs humanistes (…) propres à toucher petits et grands, à chaque âge de la vie »[10].

La première journée entend d’une part se centrer sur son œuvre littéraire, quand la seconde s’intéressera à la façon dont les ouvrages sont scolarisés, c’est-à-dire lus et étudiés à l’école.

Première Journée, Mercredi 26 mars 2025 : Lire et relire les textes de J.-C. Mourlevat

L’œuvre de J.-C. Mourlevat se distingue par sa variété, tant dans les thématiques que dans les publics visés. Elle pourra donc donner lieu à des lectures diverses, qui pourraient s’intéresser à des questions telles que : 

-       Les lignes de forces (thématiques, génériques, stylistiques, thématiques…) de l’œuvre : on peut penser à des sujets tels que la relation au pouvoir et à l’autorité, la représentation de l’Histoire…

 -       La place des questionnements contemporains dans ses ouvrages : tels que la cause animale dans la série Jefferson[11], mais aussi mais aussi le transhumanisme dans Terrienne, ou la notoriété publique dans Silhouette …  Comment ces problématiques s’articulent-elles à des modèles narratifs parfois traditionnels (le conte, le roman d’apprentissage…) ? Peut-on parler de romans d’actualité au sens où l’entend Esther Laso Y Leon[12] ?

 -       Son rapport à l’intertextualité et à la réécriture, pratiques caractéristiques de la littérature de jeunesse. En quoi le recours aux intertextes (notamment les contes), est-il spécifique de son travail, dans la mesure où J.-C. Mourlevat est souvent qualifié de conteur[13] ? Comment l’intertextualité et la réécriture, fortement présentes dans ces ouvrages, forment-elles un point d’appui solide à la création ? On pourra essayer de définir la singularité et la force de cette œuvre. La manière dont Mourlevat inscrit ses intrigues dans des genres et des univers de référence hybrides, qui associent souvent réalisme et genres de l’imaginaire au sens large (merveilleux, SF, fantasy…) mériterait d’être questionnée sans se limiter au seul modèle du conte (peut-être moins opérant pour les romans pour adolescents).

 -       Il s’agira à partir de l’étude des œuvres de l’auteur de s’intéresser à la façon dont J.-C. Mourlevat questionne le genre des livres pour enfants. Peut-on dégager une unité de l’œuvre par-delà les variations de genre et de lectorat ? Quelle conception sous-jacente propose-t-il de la littérature, de la littérature pour la jeunesse ?

Deuxième Journée, Mercredi 5 Novembre 2025. Didactisation et scolarisation de l’œuvre de J.C. Mourlevat

La seconde journée entend s’intéresser à la façon dont les livres de J.-C. Mourlevat présentent l’école et sont reçus dans le cadre scolaire. Quelle image de l’école transmettent-ils ? Par ailleurs, à partir du moment où l’institution s’empare d’un certain nombre de ces ouvrages, la question de la réception et de la lecture scolaire se pose.

La place des ouvrages de J.-C. Mourlevat en contexte scolaire n’est plus à démontrer : en témoigne par exemple le choix de faire figurer des extraits de L’Homme à l’oreille coupée dans la partie didactique d’un sujet du Concours de Recrutement des Professeurs des Ecoles en 2019 (groupement académique 1), la mise à disposition pour le même ouvrage de propositions didactiques par l’éditeur Thierry Magnier sur son site[14] ou encore la place de choix occupée par L’Enfant-Océan ou La Rivière à l’envers dans les classes et les manuels de collège. Pour autant, quels sont précisément les corpus présents à l’école ? Et pourquoi celles et ceux qui enseignent ou rédigent des manuels scolaires s’emparent-ils de l’œuvre de Mourlevat, et en son sein, de tels titres plutôt que d’autres ? L’étude de manuels, des pratiques d’enquêtes ou d’expérimentation en classe pourraient mettre au jour les enjeux littéraires, didactiques, pédagogiques, éditoriaux, pratiques… de ces choix. 

Il conviendrait enfin de s’interroger sur les effets-retours de cette scolarisation sur les textes : n’y-a-t-il pas un risque d’infléchissement pédagogique, de « pédagogisation » de l’œuvre ?  L’auteur deviendrait alors un auteur bon pour l’école, voire un auteur « pour » l’école.  En effet, la lecture dans le cadre scolaire peut attribuer ipso facto une étiquette scolaire à l’œuvre ainsi abordée[15], le texte et ses enjeux passant au second plan, derrière le cadre de la lecture et des préoccupations pédagogiques. Que se joue-t-il alors du point de vue de la littérature et du jeune lecteur ?

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Pistes bibliographiques 

A LES ŒUVRES DE JC Mourlevat

Histoire de l'enfant et de l’œuf, ill. Fabienne Teyssèdre. Paris, Mango, 1997.

A comme voleur, Paris, Pocket Jeunesse, 1998.

La Balafre, Paris, Pocket Jeunesse, 1998.

Le Jeune Loup qui n'avait pas de nom, ill. J-L Bénazet. Toulouse, Milan, 1998.

Kolos et les quatre voleurs, ill. Isabelle Chatellard. Paris, Père Castor Flammarion, 1998.

L'Enfant Océan, Paris, Pocket Jeunesse, 1999.

Le Petit Royaume, ill. Nicole Claveloux. Paris, Mango Jeunesse, 2000.

La Rivière à l'envers, Paris, Pocket Jeunesse, 2000.

Regarde bien, ill. Alice Charbin. Paris, Nathan, 2001.

Hannah, Paris, Pocket Jeunesse, 2002.

L'Homme qui ne possédait rien, Paris, Thierry Magnier, 2002.

La Ballade de Cornebique, ill. Clément Oubrerie. Paris, Gallimard Jeunesse, 2003.

L'Homme à l'oreille coupée, Paris, Thierry Magnier, 2003.

L'Homme qui levait les pierres, Paris, Thierry Magnier, 2004.

La Troisième Vengeance de Robert Poutifard, ill. Beatrice Alemagna. Paris, Gallimard Jeunesse, 2004.

Sous le Grand Banian, ill. Nathalie Novi. Voisins-le-Bretonneux, Rue du monde, 2005.

Le Combat d'hiver, Paris, Gallimard Jeunesse, 2006.

La Prodigieuse Aventure de Tillmann Ostergrimm, ill. Marcelino Truong. Paris, Gallimard Jeunesse, 2007.

Les Billes du diable, ill. Nicolas Debon. Paris, Bayard Jeunesse, 2008.  (Mes premiers J’aime lire, 52)

Le Chagrin du roi mort, Paris, Gallimard Jeunesse, 2009.

Terrienne, Paris, Gallimard Jeunesse, 2011.

Le Garçon qui volait, Paris, Gallimard Jeunesse, 2012.

Silhouette, Paris, Gallimard Jeunesse, 2013.

Sophie Scholl : non à la lâcheté, Arles, Actes Sud Junior, 2013

Trois histoires, ill. Clément Oubrerie, Beatrice Alemagna, Marcelino Truong. Paris, Gallimard Jeunesse, 2014.

Les Trois Caramels capitaux, Paris, Thierry Magnier, 2015.

Et je danse aussi avec A.-L. Bondoux. Paris : Fleuve Editions, 2015

Mes Amis devenus, Paris : Fleuve Editions, 2016

Jefferson, illustré par Antoine Ronzon. Paris : Gallimard jeunesse, 2018.

Prosper, président ! Illustrations de Olivia Sautreuil. Paris : Belin éducation, 2018

Oh Happy Day avec A.-L. Bondoux. Paris : Fleuve Editions, 2020

Jefferson fait de son mieux, Paris : Gallimard jeunesse, 2022.

Jefferson se fâche, Paris : Gallimard jeunesse, 2023.

B. Sur l’œuvre de J.-C. MOURLEVAT : bibliographie indicative.

Gilles Béhotéguy, « Mourlevat, Jean-Claude », in Isabelle Nières-Chevrel et Jean Perrot (dir.), Dictionnaire du livre de jeunesse, Paris, Editions du Cercle de la librairie, 2013, p. 680. 

Christiane Connan-Pintado, « A la croisée des mondes littéraires : les romans de Jean-Claude Mourlevat », communication à la journée d’études « Franchir le miroir ou la frontière. Roman contemporain pour la jeunesse et genres de l'imaginaire », organisé par Christiane Connan-Pintado et Lise Chapuis à Bordeaux le 23 novembre 2011. 

Margot Guennou, « Les enfants voyageurs dans trois romans de Jean-Claude Mourlevat », mémoire en littérature de jeunesse sous la direction d’Evelyne Thoizet, soutenu en 2022 à l’Université d’Artois  ⟨dumas-03898541⟩

Aurore Labadie, « Jefferson de Jean-Claude Mourlevat, une perspective animale sur les abattoirs », communication au colloque « Lecture(s) éthique(s) en littérature de jeunesse : représentations animales et écologie », organisé par Philippe Clermont, Anaïs Perrin, Anne Besson, Charlotte Duranton à Strasbourg les 16 et 17 novembre 2023. 

Alizon Perguer, « Quand Brisco devient Fenris : renaissances et morts symboliques dans Le chagrin du roi mort de Jean-Claude Mourlevat », communication au colloque « Naître et renaître dans les fictions pour l’enfance et la jeunesse », organisé par Bochra Charnay et Thierry Charnay à Lille les 15 et 16 novembre 2018. 

Revue des livres pour enfants n° 258, 271 et 308. 

« Jean-Claude Mourlevat : "J'ai toujours su que quelque chose me liait aux mots" », Masterclass animée par Mathilde Wagman et enregistrée en public à la BnF à Paris, diffusée sur France Culture le 21 août 2022. 

Informations pratiques 

Lieu : Université de Picardie - Jules Verne (UPJV)10, rue des Français libres 80 000 Amiens.

Adresse mail : beatrice.finet@u-picardie.fr

zoe.commere@u-picardie.fr

Date limite de candidature : 25 février 2025.

[1] Il a notamment reçu le prix Sorcière en 2000 et en 2008, ainsi que trois prix des Incorruptibles (2000, 2002, 2020) et des récompenses en Belgique (prix Bernard Versele en 2005, 2006 et 2020) et au Canada (Prix des libraires du Québec en 2019).
[2] Lauréat 2021 du prix ALMA (Astrid Lindgren Memorial Award).
[3] Emmanuelle Kabala « Chroniques » n°94, avril-juillet 2022, Le Magazine de la BnF.
[4] L’Enfant Océan a été adapté à trois reprises pour le théâtre. L’album Histoire de l’enfant et de l’œuf a été adapté une fois.
[5] La rivière à l’envers a été adapté en opéra pour chœur d’enfant et quatuor en 2007, en collaboration avec le prestigieux Quatuor Debussy.
[6] Jean-Claude Mourlevat, Le Combat d’hiver, Paris : Gallimard jeunesse, 2006.
[7] Julia Eccleshare, Les 1001 livres d’enfants qu’il faut avoir lus pour grandir, Paris : Flammarion, 2010.
[8] Jean-Claude Mourlevat, L’Enfant Océan, Paris : PKJ, 1999.
[9] Flammarion jeunesse – Père Castor, d’après Grimm, ill. Sophie Lebot / Gallimard jeunesse, trad. de l'allemand par Jean-Claude Mourlevat, ill. Lorenzo Mattotti.
[10] Emmanuelle Kabala « Chroniques » n°94, avril-juillet 2022, Le Magazine de la BnF.
[11] Aurore Labadie, « Jefferson de Jean-Claude Mourlevat, une perspective animale sur les abattoirs », communication au colloque « Lecture(s) éthique(s) en littérature de jeunesse : représentations animales et écologie », organisé par Philippe Clermont, Anaïs Perrin, Anne Besson, Charlotte Duranton à Strasbourg les 16 et 17 novembre 2023.
[12] Esther Laso Y Léon, « La mer en littérature de jeunesse : la nature en contexte » in Nathalie Prince et Sebastian Thiltges (dir.), Éco-graphies. Écologie et littérature pour la jeunesse, Rennes : PUR, 2018, pp.273-274.
[13] Voir Ricochet https://www.ricochet-jeunes.org/articles/jean-claude-mourlevat et G. Béhotéguy, article « Mourlevat » in Isabelle Nières-Chevrel et Jean Perrot (dir.), Dictionnaire du livre de jeunesse, Paris, Editions du Cercle de la librairie, 2013, p. 680.
[14] Le site de la collection « Petite Poche » : http://petitepoche.fr/collection/;

La ressource didactique pour L’homme à l’oreille coupée : http://www.petitepoche.fr/databases/PetitesPoches/static/Livre/389/OREILLEFP.pdf
[15] Brigitte Louichon, « Lecture du roman historique. L’exemple de Deux Graines de cacao », in J. Van Beveren (dir.), Littérature, langue et didactique. Hommage à Jean-Louis Dumortier (pp. 173-188). Namur : Presses universitaires de Namur. 2014.