À l’occasion de la mise en ligne de l’édition du Jeu et mister Monsieur sainct Etiene pape et martir sur la plateforme projet Melpomène à l'ère numérique – Melponum, dirigé par Nina Hugot), Nina Hugot, Mario Longtin et Clément Saliou organisent une manifestation scientifique consacrée au dramaturge qui aura lieu les 12 et 13 juin 2025 à Saint-Mihiel.
L'appel à communications court jusqu'au 3 février 2025.
Appel à communication pour les journées d’études
Dom Nicolle Loupvent, voyageur et dramaturge
Saint-Mihiel, les 12 et 13 juin 2025
• Organisation : Nina Hugot, Mario Longtin et Clément Saliou
• Lieu : Saint-Mihiel, salle Mangeot
À l’occasion de la mise en ligne de l’édition du Jeu et mister Monsieur sainct Etiene pape et martir sur la plateforme projet Melpomène à l'ère numérique – Melponum, dirigé par Nina Hugot (https://cenhtor-msh-lorraine.cnrs.fr/s/melponum/page/home) nous vous invitons à prendre part à un colloque autour de la figure de Nicolle Loupvent voyageur et dramaturge.
Nicolle Loupvent et son œuvre
Figure bien connue de Saint-Mihiel, Nicolle Loupvent, religieux bénédictin, est l’auteur d’une relation de voyage « transmarin » effectué en Terre sainte en 1531. Ce texte, conservé en deux exemplaires (une première version qualifiée de « brouillon », la seconde agrémentée de nombreux dessins et sans doute destinée à être imprimée), a fait l’objet d’une journée d’étude au début des années 2000, s’intéressant aussi bien aux aspects matériels des témoins textuels qu’à diverses thématiques historiques et littéraires concernant aussi bien l’environnement sammiellois que celui des différentes étapes du pèlerinage.
Mais à cette époque, le lien auctorial entre le texte du pèlerinage et une autre œuvre de Loupvent, le jeu et mister de Monsieur sainct Etiene pape et martir, n’avait pas encore été établi. Ce mystère, conservé à la Bibliothèque nationale de France[1], a été composé dans les années 1540 (le manuscrit porte la date de 1548), au même moment que l’église Saint-Étienne s’agrandit avec l’édification d’une chapelle du Saint-Sépulcre dans le cimetière à partir de 1539, édifiée à l’initiative de Loupvent, en l’honneur de son voyage en Terre sainte. Pierre Sesmat écrit que
la quasi-concomitance entre l’érection du Sépulcre et la rédaction du récit de son pèlerinage par Dom Loupvent doit être soulignée : tout se passe comme si les champs de la mémoire étaient mis en œuvre simultanément, aussi bien la trace écrite que la transposition visuelle du but du pèlerinage en Terre sainte, comme si aussi latitude avait été laissée à Dom Loupvent, à cause de son expérience exceptionnelle, d’ériger, parmi les bâtiments communs de l’abbaye, un édifice personnel.[2]
La mise au propre des pérégrinations en Terre sainte de Nicolle Loupvent et les travaux d’édification de la chapelle du Saint-Sépulcre coïncident presque parfaitement avec l’écriture et la mise en scène du mystère dédié à saint Étienne à l’occasion de la consécration de son église nouvellement rénovée à Saint-Mihiel. Il semble que s’exprime ici une volonté assumée d’investir l’espace urbain pour y établir un parcours de la foi.
État présent de la recherche
Si le texte du pèlerinage de Loupvent a bénéficié d’un colloque fructueux, d’autres études novatrices sont venues depuis rouvrir le champ des questions autour du genre du récit de pèlerinage, notamment les travaux d’Anne-Sophie Germain-De Franceschi qui « examinent les qualités propres du récit manuscrit et surtout la question de “l’intimité” de ce support au cours de ce siècle de l’imprimé ». L’autrice discute abondamment du manuscrit de Nicolle Loupvent de 1542, abordant sa forme et son contenu. Il s’agit là d’un travail fondateur et indispensable pour l’étude de cette matière.
De même, le sculpteur Ligier Richier, associé à la mise en scène du Mystère de saint Étienne pape, a fait l’objet d’un ouvrage collectif publié en 2013 dirigé par Noëlle Cazin et Marie-Agnès Sonrier. Certaines des contributions de l’ouvrage soulignent en divers endroits la dramaturgie de ses œuvres. On a qu’à admirer la Mise au tombeau spectaculaire du sculpteur, encore conservée dans l’église de Saint-Mihiel, pour s’en convaincre. Le Mystère de saint Étienne est divisé en trois journées et comporte environ 13 000 vers. Il s’inscrit dans la catégorie des grands mystères alors même qu’il est composé en plein cœur du xvie siècle et que l’on dit le genre en déclin. Par ailleurs, outre Ligier Richier, Jacques Busselot (avocat) est également prévu pour être le meneur de jeu : les deux hommes embrassent ouvertement la foi protestante après 1548. Cela pose bien sûr la question des rapports entre le protestantisme et la représentation. Marie Bouhaïk-Gironès et Mario Longtin, qui ont récemment abordé les rapports privilégiés entre Loupvent, Busselot et Richier, disent avoir
voulu proposer un exemple d’une collaboration entre trois hommes d’obédience probablement différente, collaboration qui invite le chercheur à éviter tous les essentialisme, religieux ou autres, au moment de plonger dans un dossier documentaire.[3]
Cela éclaire dès lors sous un jour nouveau les commentaires de Nicolle Loupvent alors qu’il traverse des terres protestantes avant de s’embarquer pour Jaffa par exemple.
Axes thématiques
Plusieurs idées animent ces journées d’études. Il s’agit d’abord de faire dialoguer les deux textes connus de Loupvent, le pèlerinage et le mystère, à travers différents aspects qui touchent aussi bien à l’histoire du livre, aux questions génériques, au style de l’auteur, à l’histoire du pèlerinage, à l’histoire du théâtre, à la musique, à l’architecture…
Ainsi on peut s’interroger sur les points communs entre les deux témoins textuels que sont la version 2 du pèlerinage et le mystère, qui paraissent avoir été destinés à être imprimés et ne l’ont apparemment jamais été. La réflexion peut également s’orienter autour de la mise en pages, de la mise en scène et de la spatialisation des lieux puisque la version 2 du pèlerinage comprend par exemple de nombreux dessins qui animent le récit.
Sur le plan de l’écriture, il est possible de réfléchir au style de l’auteur : possède-t-il une écriture reconnaissable ? Peut-on établir des rapprochements entre la prose du pèlerinage et les octosyllabes du mystère ? Renouvelle-t-il les genres, leurs codes, leurs formes ? Qu’en est-il du traitement de la légende de saint Étienne pape proposé par Nicolle Loupvent ? L’auteur se conforme-t-il à l’hagiographie d’usage ou se permet-il des ajouts importants ?
D’un point de vue d’histoire locale, des documents conservés aux archives départementales de la Meuse, concernant la construction de la chapelle du Saint-Sépulcre, semblent n’avoir jamais été étudiés et pourraient apporter un éclairage complémentaire à ceux conservés à la bibliothèque de Saint-Mihiel (comptes de construction de la chapelle du Saint-Sépulcre). Enfin, un nombre important de livres conservés dans la bibliothèque bénédictine de Saint Mihiel porte la signature de Nicolle Loupvent. Il serait intéressant de reconstituer la bibliothèque de travail de l’auteur afin d’en apprendre davantage sur ses lectures et de possibles intertextes.
Au-delà des préoccupations matérielles et historiques, des approches littéraires qui permettent des discussions croisées entre les deux œuvres majeures de Nicolle Loupvent sont grandement encouragées. Ainsi, une autre question fondamentale est celle des approches possibles de ces textes, notamment le Mistere, aujourd’hui. Si le théâtre de la Renaissance en général n’est ni très étudié ni très représenté, les mystères sont encore plus marginalisés que les formes théâtrales à l’antique. Pourtant, proposant une représentation de l’humain et de son rapport au divin, ces textes peuvent également être le lieu d’investigations thématiques, esthétiques et idéologiques : nous encourageons les communications qui proposeront des axes d’analyse autour de la représentation de la société, y compris avec des outils postérieurs (vision du fait religieux, questions de genre, enjeux sociologiques, rapport à l’autre et à l’autorité – soumission ou rébellion–, traitement du corps…) ou qui réfléchiront à l’insertion de ces textes dans le champ littéraire, de leur époque et des suivantes. De même, toute approche qui envisagerait l’étude de ces textes en classe sera bienvenue, dans la logique du projet ANR Melponum.
Concernant le Mystère de saint Étienne, nous encouragerons encore les approches dramaturgiques, dans le cadre de micro-lectures ou de réflexions d’ensemble sur le texte. Cette question dramaturgique renvoie également à la question des actualisations possibles de ces textes : outre la représentation du Saint Étienne, créée par une compagnie professionnelle, qui aura lieu le jeudi soir, nous proposerons une rencontre avec les artistes pour discuter de leur approche spécifique du texte et poursuivre la réflexion.
Informations complémentaires
• Le manuscrit unique du Jeu et mister Monsieur sainct Etiene pape et martir a été numérisé et disponible sur Gallica :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10022322t.r=Loupvent%20nicolas?rk=42918;4
• Il n’existe pas de transcriptions des textes du pèlerinage, seulement une traduction en français moderne. Néanmoins, les deux manuscrits sont numérisés et disponibles en ligne à ces adresses Internet :
- version 1 (vers 1531) : https://archives.meuse.fr/ark:/52669/67znsx3k90dr/89635fa9-1bc3-4cd8-81d5-685e8de26433
- version 2 (vers 1543) : https://archives.meuse.fr/ark:/52669/vcfj92tkn137/077648f8-95c0-4af3-98ca-421ac2238900
• Pour les documents d’archives inédits concernant la chapelle du Sépulcre à Saint-Mihiel, il s’agit des documents cotés 4H11 conservés aux archives départementales de la Meuse[4]. Une reproduction photographique peut être demandée à Clément Saliou (clement.saliou@gmail.com).
Déroulement des journées
► Trois sessions, la première ayant lieu le jeudi après-midi.
► Une version abrégée et modernisée du mystère sera représentée le jeudi soir par la Compagnie des Miracles (direction : Franck Lemaire).
► Une visite commentée de la Bibliothèque bénédictine et de l’église Saint-Étienne sera prévue dans le temps des journées
Bibliographie
Bibliothèque lorraine de la Renaissance. Les cent livres, catalogue établi par Alain Cullière, Metz, Bibliothèques-Médiathèques de la ville de Metz, 2000.
Bouhaïk-Gironès, Marie et Longtin, Mario, « Un mystère ne s’improvise pas. De l’organisation des jeux par personnagesau xvie siècle », Les Mystères français au xvie siècle, Nicolas Le Cadet (dir.), numéro thématique de la revue Seizième siècle, 23 (2023), p. 29-57.
Bouhaïk-Gironès, Marie, Le Mystère de Romans. 1509, une cité en spectacle, Paris, Éditions EHESS, 2023.
Dom Loupvent : récit d'un voyageur lorrain en Terre sainte au xvie siècle, Jean Lanher et Philippe Martin (éd.), Nancy, éditions Place Stanislas, 2007.
Germain-De Franceschi, Anne-Sophie, D’Encre et de poussière. L’écriture du pèlerinage à l’épreuve de l’intimité du manuscrit. Récits manuscrits de pèlerinages rédigés en français pendant la Renaissance et la Contre-Réforme (1500-1620), Paris, Honoré Champion, 2009.
Ligier Richier. Sculpteur lorrain de la Renaissance, Noëlle Cazin et Marie-Agnès Sonrier (dir.), Vent d’Est, 2013.
Le manuscrit littéraire à la Renaissance, Frank Lestringant et Olivier Millet (dir.), Paris, Sorbonne université Presses, 2021.
« Les mystères français au xvie siècle », Nicolas Le Cadet (dir.), numéro thématique de la revue Seizième Siècle, 23, 2023.
Le voyages de Dom Loupvent : un Lorrain en Terre sainte en 1531, Philippe Martin et Noëlle Cazin (dir.), 28es journées d’études meusiennes (Saint-Mihiel, 7-8 octobre 2000), numéro spécial des Annales de l’Est, 2001.
Les protestantismes en Lorraine xvie-xxie siècle, Laurent Jalabert et Julien Léonard (dir.), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2019.
[1] Rothschild 1077 (https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc35299h).
[2] « Les bâtiments de l’abbaye de Saint-Mihiel au temps de Dom Loupvent », dans Philippe Martin et Noëlle Cazin (dir.), Le voyages de Dom Loupvent : un Lorrain en Terre sainte en 1531, 28es journées d’études meusiennes (Saint-Mihiel, 7-8 octobre 2000), numéro spécial des Annales de l’Est, 2001, p. 35-36.
[3] « Un mystère ne s’improvise pas. De l’organisation des jeux par personnages au xvie siècle », dans Les Mystères français au xvie siècle, Nicolas Le Cadet (dir.), numéro thématique de la revue Seizième siècle, 23 (2023), p. 44.
[4] Il s’agit entre autres de la « permission de Dom Jean Fresneau, abbé de Saint-Mihiel, à Dom Nicol Loupvent, prieur claustral, d'acquérir les biens nécessaires à la dotation de la chapelle du Saint-Sépulcre » et de la « fondation et dotation par Dom Nicol Loupvent de la chapelle du Saint-Sépulcre, dans le cimetière abbatial, dédiée à la Sainte Trinité, à la Résurrection de Notre-Seigneur aux Anges et aux Onze mille Vierges ».