Colloque international Francophonies, divers(c)ités, polyphonies : comment habiter le monde en plusieurs langues ?
UNITÉ DE FORMATION ET DE RECHERCHE LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT DE FRANÇAIS
Appel à communication
Colloque international
Francophonies, divers(c)ités, polyphonies :
comment habiter le monde en plusieurs langues ?
https://francophonieugb.sciencesconf.org/?lang=fr
Saint-Louis du Sénégal
20, 21, 22 Mai 2025
Argumentaire
Francisation et dynamique d’un monolinguisme politiquement construit et imposé !
Issu d’un contexte multilingue très dense qu’il a partagé avec le latin et plusieurs langues
locales, le français a connu une aventure extraordinaire qui l'a vu devenir une des plus
puissantes langues internationales et une des langues les plus parlées dans le monde. Cette
ascension fulgurante et ce changement de statut et de dimension extraordinaires relèvent à la
fois de dynamiques sociolinguistiques et de construction socio-politique. En effet, face au
puissant latin, médium étranger jouissant exclusivement du statut de langue officielle, mais de
plus en plus impopulaire et incomprise des masses, François Ier, a décidé d’officialiser le
français qui s’était imposé comme la principale langue véhiculaire du royaume à travers les
ordonnances de Villers Cotterêts de 1537 et de 1539. Cette décision historique audacieuse
marque un tournant décisif dans l’évolution fulgurante de la langue à travers les âges et les
lieux.
Toutefois, il faut bien noter que, plus qu’une simple progression, le développement du français
a plutôt suivi une tendance hégémonique en France et hors de la France. Cette tendance relève
en partie du fait que le français, en se substituant au latin, a pris les mêmes fonctionnalités et
les bases glottophagiques qui ont fondé ce dernier (langue de symbole de la colonisation de
Rome). Ils s’y ajoutent les fortes idéologies socio-politiques qui ont été inculquées à la langue
par différents régimes en France et dans les colonies : Langue-Nation, langue symbole du
rayonnement de la monarchie, langue de l’élite, langue du colon, langue symbole de l’unité de
la monarchie, de l’empire et plus tard de la République…, autant d’idéologies qui lui ont collé
l’étiquette d’une langue d’assimilation.
C’est ce rapport qu’au cours de son évolution hégémonique, en France et hors de la France, ce
modèle d’imposition du français a participé à écraser des langues et des cultures en imposant
un monolinguisme à des contextes pourtant très multilingues (France, Afrique…). Fondé et bâti
sur le mythe du « un » et la phobie du « plusieurs », il a favorisé des formes de dichotomisation
sociale en promouvant un usage unique, le plus souvent élitiste, en écartant les usages autres.
C’est ce qui fait dire justement à Feussi (2020) que le français est une langue historiquement
insécurisante. Ces considérations donnent toute sa pertinence ainsi la création de la
Francophonie.
Sur les ruines du monolinguisme, la Francophonie pour un nouveau partenariat
linguistique, culturel…
Mise en place à la fin de la colonisation en Afrique à travers un processus dont les bases ont été
mises en place en 1970 à Niamey avec la création de l’ACCT, la Francophonie,
indépendamment de ces bases géopolitiques et économiques, s’est résolument inscrite dans une
dynamique de déconstruction et reconstruction : déconstruction les tendances exclusives et
élitistes liées à la langue française dans le contexte hexagonal et hors de l’Hexagone,
construction d’un nouveau partenariat linguistique entre le français et les autres langues avec
lesquelles il est en cohabitation dans différents contextes (africaines, asiatiques et français). Il
s’agit, en somme, sur les ruines du monolinguisme artificiel, déformateur, ségrégationniste,
idéologiquement imposé, d’offrir la possibilité au français de transiger de manière
complémentaire avec d’autres langues et d’autres cultures, de s’enrichir et d’enrichir au
“rendez-vous du donner et du recevoir”. Ce nouveau partenariat linguistique permet ainsi, au
moyen de la langue commune devenue multicolore, de bâtir des ponts pour une meilleure
circularité des connaissances, des espaces d’échanges pour faire transiger les cultures dans leur
grande variété et richesse, pour aménager des espaces de dialogues permettre aux peuples de
s’enrichir de leurs communes différences.
Tout récemment en 2023, l’inauguration de la cité internationale de la langue française Villers
Cotterêts par Emmanuel Macron s’inscrit dans cette même dynamique. Il s’agit d’une part de
commémorer cette décision hautement audacieuse de François Ier qui fut un tournant décisif
dans l’aventure extraordinaire de la langue française, de faire de ce lieu, le château de Villers
Cotterêts, un lieu symbolique de la Francophonie, un creuset de brassage et de dialogue culturel
pour plusieurs pays et plusieurs continents autour du socle commun que constitue le français.
Ce nouveau positionnement d’ouverture et d'inclusion offre une floraison de découvertes et de
renouvellement et pour l’Afrique, des possibilités infinies de déconstruction et de
reconstruction pour un changement de paradigme dans divers champs : littérature, linguistique,
culture… Ces dynamiques nous intéresserons particulièrement à l'occasion du colloque de
Saint-Louis.
Plurilinguisme/Multiculturalisme, la voie/voix de tous les possibles !
La dynamique intégrale qui se tisse dans et autour du français, langue fédératrice, ouvre-la
voie/voix à l’éclosion des langues, des littératures, des cultures dans leur grande richesse, leur
diversité et leur singularité. Il s’agit de libérer toutes les énergies dormantes dans une parfaite
symbiose pour reprendre Senghor, pour mieux explorer et mettre à profit les potentiels multiples
des Francophonies.
Un nouvel élan pour les langues minorisées (les langues africaines, les langues régionales,
le français)
Pour les langues africaines longtemps minorées, l’heure est au renforcement et au
développement. Partant des multiples travaux de description, de codification, d’outillage et de
renforcement terminologique, ces langues sont en phase de devenir de véritables langues de
développement capables de servir de véhicule aux politiques publiques. A ce propos,
l’émergence et le développement de l’enseignement bi/plurilingue ouvrent des perspectives
plus que prometteuses pour de nouveaux statuts : langue enseignée et langue d’enseignement,
langue de développement et langue d’employabilité. En France et ailleurs, les langues
régionales, longtemps menacées d’extinction, connaissent une relative reconnaissance à travers
notamment des actions de promotion, d’enseignements et de diffusion. Par ailleurs, le français
également a su s’adapter et se réinventer pour devenir aujourd’hui, grâce à la reconnaissance
de tous les usages, une langue plus riche, plus colorée et plus inclusive. La mise en place du
Dictionnaire des Francophones de même que le projet de la grande grammaire du français avec
Anne Abeillé illustrent bien ces dynamiques inclusives. Ces changements de paradigmes notés
pour les langues impactent les littératures africaines.
Brûler la bibliothèque coloniale, réécrire l’histoire de l’Afrique et du monde, relier les îles
artificiellement créées par le pont de la langue !
Parmi les pancartes brandies lors des manifestations du Black Lives Matter, on en a vu arborant
les trois lettres RMF. C’est en mars 2015 que le mouvement Rhodes must fall (RMF) débute au
campus social de l’Université du Cap en Afrique du Sud dans laquelle se trouve une statue à
l’effigie de Cecil Rhodes (1853-1902). Les étudiants qui identifient C. Rhodes à une figure
archétypale du colonialisme voient dans sa statue une revalorisation du fait colonial dont il faut
déboulonner tous les piliers. L’écho de la littérature est sonore, prolongeant les suites d’un
procès entrevu depuis la « trahison » de L’Enfant noir. Le héros de La plus secrète mémoire
des hommes, Diégane Latyr, clarifie la rancune des écrivains de sa génération : « Nous
déplorons que certains d’entre nos anciens aient versé dans les négreries de l’exotisme
complaisant » (Sarr, 2021, p. 49) au lieu d’engager l’inévitable débat. Il s’agit plus que jamais
de liquider l’affaire coloniale pour faire découvrir l’Afrique et toutes les anciennes colonies
dans leurs divers(c)ités ethniques, religieuses, linguistiques. Ainsi, devenus citoyens du monde
et parfois s’exprimant loin du continent, de nombreux auteurs africains, cosmopolites et
polyglottes, cherchent à représenter l’Afrique au monde et le monde aux Africains. Mais, il
s’agira aussi d’interroger le devenir du continent et du monde face à l’urbanité galopante, mais
surtout, face à l’avènement de l’intelligence artificielle.
Urbanité, expressions urbaines en francophonies
La ville se pare et se parle à travers de foisonnantes récupérations et réinventions sémantiques.
La francophonie s’est toujours nourrie des parlers urbains aussi inattendus que inspirants. Il
s’agira d’en interroger les orientations actuelles et les enjeux qu’elles soulèvent en creux dans
un processus de mutations très rapides qui mettent en jeu l’altérité, le métissage, l’hybridation,
la mobilité, les nouvelles formes de communication, les arts modernes etc.
Intelligence artificielle et analyse littéraire : quel avenir envisager ?
Avec quel moi se fera l’interlocution littéraire quand les algorithmes seront de « l’autre côté »
de la page ? La part de l’intelligence artificielle dans l’avenir de la critique littéraire se pèse dès
à présent. Ceci tuera-t-il cela ? ou encore quelle sera la part de marché de l’Humain dans divers
champs de compétences des sciences humaines et sociales ? Quels sont les opportunités et les
dangers liés au développement de l’IA dans nos différentes disciplines : linguistiques,
traduction, littérature, critique, enseignement ? Ou encore comment gérer la question de la
propriété intellectuelle dans un tel contexte. Plus que jamais, avec l’avènement de l’IA l’idée
selon laquelle le monde est un village planétaire est plus qu’une réalité
Le colloque de Saint-Louis sera ainsi l’occasion de (re)visiter à travers des approches variées,
disciplinaires, pluridisciplinaires et interdisciplinaires ces différentes questions et
problématiques qui font sens et signifient particulièrement dans la Francophonie. Ancienne
ville coloniale, capitale de l’AOF, ville multiculturelle, multiethnique et multiraciale, ville
multilingue où Jean Dard a expérimenté depuis 1817 l’enseignement avec les langues
africaines, Saint-Louis reflète bien ces différentes questions qui se cristallisent dans la
thématique du colloque : Francophonies, divers(c)ités, polyphonies : comment habiter le
monde en plusieurs langues ? Le colloque aura pour objectif d’interroger toutes les attitudes,
pratiques et initiatives permettant de promouvoir la diversité dans les diverses cités
francophones, d’offrir la possibilité à toutes les voix de la Francophonie et du monde de
résonner à travers des voies multiples et complémentaires.
Bibliographie indicative :
Beniamino Michel. La francophonie littéraire. Essai pour une théorie. Paris : L’Harmattan,
1999
LAYE, Camara. 2007 (1re éd. 1953). L'Enfant noir, Pocket. 224 p. (ISBN 9782266178945)
Daff, Moussa. 2009. « Dialogues des cultures, diversités linguistiques et culturelles et
migrations dans un contexte de mondialisation ». Conférence internationale sur le Dialogue
des civilisations et la diversité culturelle, OIF et l’ISESCO, Kairouan, Tunisie.
Daff, Moussa. 2008, « L’enseignement du français et des langues partenaires en Afrique ». In
Jacques Maurais, Pierre Dumont, Jean-Marie Klinkenberg, Bruno Maurer, Patrick Chardenet,
L’avenir du français. Editions archives contemporaines et Agence Universitaire de la
Francophonie, p105-110.
Feussi, Valentin et Lorilleux, Joanna. 2020. (In)sécurité linguistique en francophonies
Perspectives in(ter)disciplinaires. Paris : L’Harmattan.
Gerald, Antoine et Cerquiglini, Bernard (eds), Histoire de la langue française 1945-2000
Lagab Nacerddine. « La littérature francophone africaine, une littérature mondiale en langue
française. Le cas d’Alain Mabanckou ». Synergies Afrique des Grands Lacs, n°10, 2021, pp.
27-52.
Lievois Katrien et Verstraete-Hansen. 2022. « La littérature francophone subsaharienne en
traduction : propositions pour l’étude de la circulation d’une littérature ‘’semi-centrale’’ ».
Meta, Vol. 67, n°2, pp. 297-320.
Proust, Marcel. 1954. Contre Sainte-Beuve. Paris: Gallimard.
Riffard, Claire. 2006. « Francophonie littéraire : quelques réflexions autour des discours
critiques ». Lianes, n°2, pp.1-10.
Sarr, Mohamed Mbougar. 2021. La plus secrète mémoire des hommes. Paris : Éditions Philippe
Rey.
Walter, Henriette. 1988. Le français dans tous les sens. Paris : Robert Laffont Paris.
Axes thématiques : À titre indicatif, toutes les contributions en lien avec les axes suivants
seront attendues :
1. Langue française et imaginaires des peuples ;
2. Multilinguisme et plurilinguisme ;
3. Hybridité et métissage en langue, en esthétique ;
4. Description et dynamique des langues en francophonie ;
5. Ecritures de/sur l’Afrique, configuration des possibles ;
6. Lectures africaines de la bibliothèque coloniale ;
7. Langue, littérature, marge, inclusion ;
8. Ecriture et création féminine en contextes francophones ;
9. Langue française, écriture et transgression ;
10. Intelligence artificielle et analyse littéraire : la mort du critique ?;
11. Anglicisation et Francophonie ;
12. Français de création et de recherche ;
13. Politique et aménagement linguistique en francophonie (perspectives
nouvelles) ;
14. Urbanité : expressions urbaines en francophonie ;
15. Didactique du français en contexte multilingue… ;
16. Norme linguistique, institutions de langue, Francophonies ;
Hommage : A l’occasion de ce colloque, une cérémonie d’hommage sera organisée en
l’honneur du Professeur Moussa DAFF dont la contribution intellectuelle et
institutionnelle dans le cadre de la Francophonie est inestimable.
Langues du colloque : Français, wolof et pulaar
Propositions de communication
Les propositions de communication accompagnées d’une notice bio bibliographique (en
français ou en anglais) devront comporter des indications sur : - l’auteur (nom et prénom(s), rattachement institutionnel, email) ;
- l’axe thématique choisi ; - le titre de l’article ; - un résumé de 200 à 250 mots ; - les mots clés (4 ou 5 mots au maximum).
Elles devront être déposées sur le site du colloque :
Francophonies, divers(c)ités, polyphonies : comment habiter le monde en plusieurs langues ? -
Sciencesconf.org
Contact :
colloquefrancophonie@ugb.edu.sn
Calendrier :
Date de lancement de l’appel : 16 décembre 2024
Date limite de soumission des propositions de communications : 28 février 2025
Réponses du comité scientifique : 28 mars 2025
Dates du colloque : 20, 21, 23 mai 2025
Inscription au colloque
Doctorant : 25 000 F CFA
Enseignant-chercheur, chercheur et professionnel : 50 000 FCFA
Organisateur :
Département de Français, Université Gaston Berger de Saint-Louis du SÉNÉGAL
en partenariat avec l’Institut Français à Saint-Louis du Sénégal
Babou DIENE, Université Gaston Berger de Saint-Louis SENEGAL
Boubacar CAMARA, Université Gaston Berger de Saint-Louis SENEGAL
Kalidou SY, Université Gaston Berger de Saint-Louis SENEGAL
Moussa DAFF, Université Cheikh Anta DIOP de Dakar SÉNÉGAL
Alexandre GEFEN, CNRS Paris France
Cécile VAN DEN AVENNE, EHESS-Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris
France
Ndeye Maty PAYE, Université Banjul de la GAMBIE
Banda FALL, Université Gaston Berger de Saint-Louis SENEGAL
Fidèle DIEDHIOU, Université Gaston Berger de Saint-Louis SENEGAL
Khadidiatou DIALLO, Université Gaston Berger de Saint-Louis, SENEGAL
Birahim DIAKHOUMPA, Université Gaston Berger de Saint-Louis SENEGAL
Modou NDIAYE, Université Cheikh Anta DIOP de Dakar SÉNÉGAL
Naima MENNOR, Université Hassan II de Casablanca, MAROC
Magatte NDIAYE, Université Gaston Berger de Saint-Louis SENEGAL
Djidiack FAYE, Université Gaston Berger de Saint-Louis SENEGAL
Mamadou Abdoul DIOP, Université Gaston Berger de Saint-Louis SENEGAL
Babacar MBAYE, Kent University, USA SENEGAL
Fallou NGOM, Boston university, USA SENEGAL
Ndiémé SOW, Université Amadou Moctar Mbow, Dakar SENEGAL