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François et Claire d’Assise dans la littérature française du Moyen Âge

François et Claire d’Assise dans la littérature française du Moyen Âge

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Chloe McCarthy)

Appel à contribution

Journées d’étude internationales 

« François et Claire d’Assise dans la littérature française du Moyen Âge »

Avril 2026, Université Jean Monnet Saint-Étienne

Organisées dans le cadre du projet ANR 

« E2F – Écritures franciscaines en français (1217-1517). 

Communication littéraire et “invention” de la modernité »

L’importance de François et Claire d’Assise pour le XIIIe siècle ainsi que pour toute la fin du Moyen Âge n’est plus à démontrer. Ces deux saints, à l’origine des ordres des Frères mineurs et des Pauvres Dames promis à un développement fulgurant, ont contribué à l’émergence d’idées nouvelles qui influenceront profondément et durablement la spiritualité occidentale.

L’histoire du corpus hagiographique latin de François d’Assise montre comment chaque version de sa vie « témoigne à la fois d’un moment et d’une sensibilité particulières de l’histoire de l’Ordre des Frères mineurs » (Dalarun, 2009, 150), ce qui renvoie à la fameuse “question franciscaine” : celle de la mémoire changeante des origines, de la quête du François authentique, ainsi que du contraste entre la première fraternité franciscaine et la multitude des frères des périodes ultérieures. L’époque médiévale a été jalonnée en effet de grandes problématiques historiographiques liées à la mémoire du Poverello : le conflit entre Conventuels et Spirituels dès la fin du XIIIe siècle (autour de la question de la pauvreté et de la fidélité à la Règle), les polémiques répétées autour de la réalité des stigmates (Vauchez, 1968), les accusations d’idolâtrie portées à l’encontre des Franciscains par les partisans de Luther aux premiers temps de la Réforme (Viallet, 2022) en constituent quelques exemples éloquents.

Alors qu’elle était restée longtemps dans l’ombre de François, il a fallu la redécouverte de sources spécifiquement clariennes dans les dernières décennies du XXe siècle pour que Claire d’Assise soit mise en lumière pour elle-même (Le Huërou, 2014). Claire fut une femme auteure à part entière – fait suffisamment rare au XIIIe siècle pour être souligné. Elle fut notamment la première femme à rédiger une règle de vie religieuse féminine (Dalarun et Le Huërou, 2013). Une tension apparut rapidement entre l’héritage spirituel de Claire et le souhait de la papauté de ramener son projet évangélique radical aux modalités monastiques traditionnelles. La Légende de sainte Claire Vierge de Thomas de Celano marque le point de départ de la construction d’une mémoire « officielle » de Claire d’Assise, qui fut « sans cesse actualisée et recomposée en fonction des vicissitudes historiques », et face à laquelle se développa très tôt, en marge, « une autre mémoire, celle des sœurs » (Le Huërou, 2014).

La présence de François et Claire d’Assise dans la littérature vernaculaire, et spécifiquement dans la littérature en langue française, est attestée dès le premier tiers du XIIIe siècle (Vorreux, 1988 et 1992) et, pour François au moins, jusqu’aux époques moderne et contemporaine (Bonord, 2019 et 2024). Outre leurs Vies vernaculaires en vers et en prose, traduites et parfois adaptées à partir des différents modèles latins, on retrouve la présence des deux saints dans une grande variété de textes, qu’ils appartiennent à la littérature religieuse (prières et chansons adressées à François ou à Claire, etc.), morale et d’édification (recueils d’exempla tels que le Ci nous dit, Vie des pères, Pèlerinage de vie humaine de Guillaume de Digulleville, etc.), ou profane (Chronique rimée de Philippe Mouskés, Frère Denise de Rutebeuf, remaniement du Roman de la Rose par Gui de Mori, Roman de Fauvel, Dit des Jacobins et des Fremeneurs de Jean de Condé, Farce de Frère Guillebert, etc.). Certains épisodes de la vie du Pauvre d’Assise et certains miracles accomplis par lui semblent avoir particulièrement frappé l’imagination des médiévaux : c’est le cas de sa stigmatisation (Vorreux, 1988, 47), phénomène sans précédent dans l’histoire de la sainteté, mais aussi de l’épisode de la crèche de Greccio (Vorreux, 1988, 36-37), ou encore de celui du loup de Gubbio (Luongo et Montefusco, 2022).

Organisées à l’occasion du huit-centième anniversaire de la mort du Poverello, ces journées d’étude internationales se proposent d’examiner la façon dont les figures de saint François et de sainte Claire furent représentées, promues ou critiquées dans la littérature française médiévale (à l’exception du corpus strictement hagiographique des Vies) écrite à l’intention d’un public « illettré », aussi bien aristocratique que populaire.

Deux axes de réflexions seront privilégiés, qui ne sont naturellement pas exclusifs l’un de l’autre :

Axe 1 : la nature des textes français médiévaux mettant en scène les figures de François et Claire

  • Quelles sources franciscaines circulaient au sein du monde laïc ? À quelles sources, en particulier latines, les auteurs vernaculaires ont-ils puisé ? Ces derniers appartiennent-ils à l’Ordre des Frères mineurs ? Sont-ils des clercs ou des laïcs ? Pour les textes anonymes, y a-t-il au sein des textes ou de leurs supports des indices (textuels, paratextuels) qui renvoient au franciscanisme ou, au contraire, tendent à prouver que l’œuvre a vu le jour en dehors de la mouvance mineure ? 
  • À quel type de public les textes mettant en scène François et Claire s’adressaient-ils et dans quels milieux ont-ils circulé ? Peut-on identifier des commanditaires ou destinataires précis ? On sait par exemple que l’abbaye de Longchamp, qui abrita la première communauté féminine d’inspiration franciscaine dans la région parisienne, fut un foyer de création littéraire autour de la figure d’Agnès d’Harcourt (Field, 2003 et 2006).
  • Quelle orientation (édifiante, satirique, poétique, romanesque…) les textes présentent-ils ?

Axe 2 : les mutations des figures de François et Claire dans la littérature française médiévale

  • Quels éléments des saints et de leur spiritualité les textes retiennent-ils ? Sur quels épisodes de leur vie se concentrent-ils, et pourquoi ? Nous savons que François a pu être représenté tour à tour en héraut de la pauvreté et de l’humilitas, modèle de pénitence, chantre de la Création, figure de la caritas, incarnation de la joie (à travers le thème de l’hilaritas vultus), joculator Domini, ou encore initiateur d’un dialogue avec l’islam à la faveur de sa rencontre avec le sultan Malik al-Kâmil (Tolan, 2007). Comment ces différents visages du saint trouvent-ils à s’exprimer en langue française ? Les questions soulevées par l’image de François et de Claire sont-elles les mêmes en français qu’en latin ? 
  • Quels thèmes et enjeux la mise en scène des figures de François et Claire permet-elle d’aborder ? Peut-on cerner des récurrences en fonction des époques, des types de textes, des milieux dans lesquels ces textes ont circulé ? Que nous disent les représentations textuelles des deux saints du rapport homme-femme notamment ? Quels modèles masculin ou féminin de la sainteté les textes véhiculent-ils (Dalarun, 1997) ? Comment cela fait-il écho à la nature des publics à qui les textes étaient destinés et auprès de qui ils ont circulé ?
  • Les saints sont-ils connotés positivement ou négativement ? Les détracteurs de l’Ordre, en particulier dans le cadre de la satire des Mendiants liée à la Querelle de l’Université de Paris, ont ainsi pu ériger François en contre-exemple (positif) du comportement des Frères mineurs et souligner le décalage existant entre les pratiques du père fondateur (incarnant l’idéal originel) et celles des frères de leur époque (accusés d’avoir abandonné cet idéal).
  • François et Claire sont-ils associés à d’autres saints ? L’alliance entre François et Dominique se rencontre par exemple dès la Légende dorée de Jacques de Voragine (Vorreux, 1988, 68), ou encore dans le Manuel d’histoire dit de Philippe de Valois, repris dans Renart le Contrefait, qui décrit les deux saints comme les « deux lumières » du monde. La figure de Claire, de son côté, a servi de modèle à Agnès d’Harcourt pour la rédaction de la Vie d’Isabelle de France, sœur de Louis IX et fondatrice de l’abbaye de Longchamp (Pagan, 2018 ; Field, 2018).

Ces axes et ces interrogations ne sont évidemment pas exhaustifs et ne sont destinés qu’à fournir des pistes de réflexion.

Par l’analyse des représentations de François et Claire dans la littérature française du Moyen Âge, il s’agira de :

-       mettre en lumière les transformations subies, à travers leurs manifestations littéraires, par les figures « historiques » de François et Claire d’Assise – telles qu’on peut se les représenter à partir des sources hagiographiques franciscaines ;

-       caractériser les discours (qu’ils soient religieux, moraux, politiques ou littéraires) au service desquels ces représentations des saints ont été mises, ce qui implique une réflexion autour des auteurs ou commanditaires des textes, des intentions de ceux-ci, des destinataires des textes et de la façon dont ces auteurs et leurs publics se sont approprié les saints ;

-       déterminer dans quelle mesure les contours d’un « réservoir imaginaire franciscain » (Bonord, 2019, 7), centré autour des figures de François et Claire, peuvent être tracés pour l’époque médiévale et le domaine français ;

-       examiner la façon dont François et Claire, ayant intégré la mémoire collective, ont pu répondre à des préoccupations diverses et résonner avec l’actualité d’une époque ou d’un milieu, démontrant ainsi la « flexibilité » de l’héritage franciscain.

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Les propositions de communication (résumé + notice bio-bibliographique, 1 page maximum) sont à soumettre pour le 15 mai 2025 aux deux adresses suivantes : thibaut.radomme@univ-st-etienne.fr et chloe.mccarthy@univ-st-etienne.fr

Les journées d’étude sont prévues au mois d’avril 2026. Les dates exactes seront définies dans le courant du printemps 2025. Les frais de séjour et de bouche des participant-e-s seront pris en charge. Dans la mesure du possible, il est demandé que les participant-e-s puissent financer leurs frais de transport.

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Comité d’organisation

Chloe McCarthy (Université Jean Monnet Saint-Étienne)

Thibaut Radomme (Université Jean Monnet Saint-Étienne)

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Comité scientifique

Mattia Cavagna (Université catholique de Louvain)

Florent Coste (Université de Lorraine)

Cédric Giraud (Université de Genève)

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Indications bibliographiques

Baldelli, Ignazio, « Francesco d’Assisi e il volgare », dans Società internazionale di studi francescani / Centro interuniversitario di studi francescani, Francescanesimo in volgare (secoli XIII–XV). Atti del XXIV Convegno internazionale, Assisi, 17–19 ottobre 1996, Spolète, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 1997, p. 5-39.

Battais, Lise, « La courtoisie de François d’Assise. Influence de la littérature épique et courtoise sur la première génération franciscaine », Mélanges de l’École française de Rome – Moyen Âge, 109/1 (1997), p. 131-160.

Bonord, Aude et Christian Renoux (dir.), François d’Assise, un poète dans la cité. Variations franciscaines en France (XIXe–XXe siècles), Paris, Classiques Garnier [POLEN – Pouvoir, lettres, normes, 14], 2019.

Bonord, Aude, Présences littéraires de François d’Assise (XXe–XXIe siècles), Paris, Classiques Garnier [Études de littérature des XXe et XXIe siècles, 126], 2024.

Boriosi, Marc, « Traduire le franciscanisme : introduction aux premières “vulgarisations” des légendes de saint François d’Assise (France–Italie, XIIIe–XVe siècles) », Collectanea Franciscana, 67/3-4 (1997), p. 389-430.

Boriosi, Marc, « Légendes en langue vulgaire », dans Jacques Dalarun (dir.), François d’Assise. Écrits, Vies, témoignages, Paris, Éditions du Cerf – Éditions franciscaines [Sources franciscaines], 2010, t. 2, p. 3363-3372.

Boriosi, Marc, « Saint François en vers. Les premières légendes rimées en français (XIIIe siècle) », Études franciscaines, n.s., 3 (2010), p. 55-77 et 241-271.

Dalarun, Jacques, « François et Claire. Masculin/féminin dans l’Assise du XIIIe siècle », Médiévales, 32 (1997), p. 83-95.

Dalarun, Jacques, « François d’Assise et la quête du Graal », Romania, 505-506 (2009), p. 147-167.

Dalarun, Jacques (dir.), François d’Assise. Écrits, Vies, témoignages, 2 t., Paris, Éditions du Cerf – Éditions franciscaines [Sources franciscaines], 2010.

Dalarun, Jacques et Armelle Le Huërou (dir.), Claire d’Assise. Écrits, Vies, documents, Paris, Éditions du Cerf – Éditions franciscaines [Sources franciscaines], 2013.

Desbonnets, Théophile et Damien Vorreux, Saint François d’Assise. Documents, écrits et premières biographies, Paris, Éditions franciscaines, 1968, 3e éd. 2002.

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Field, Sean L., Isabelle of France. Capetian Sanctity and Franciscan Identity in the Thirteenth Century, Notre Dame, University of Notre Dame Press [Notre Dame Texts in Medieval Culture], 2006.

Field, Sean L., « De la Vie française de Claire d’Assise à la Vie d’Isabelle de France », Memini. Travaux et documents, 24 (2018) [en ligne]. DOI : https://doi.org/10.4000/memini.1116

Ho, Cynthia O., Beth A. Mulvaney et John K. Downey (dir.), Finding Saint Francis in Literature and Art, New York, Palgrave Macmillan, 2009.

Le Huërou, Armelle, « À la (re)découverte de Claire d’Assise et ses sources : à propos de l’anthologie Claire d’Assise. Écrits, Vies, documents », Études franciscaines, n.s., 7 (2014), p. 57-68.

Luongo, Alberto et Antonio Montefusco (dir.), Il lupo di Gubbio. Origini, tradizione e ricezione di una storia francescana, Spolète, Centro italiano di studi sull’alto medioevo [Uomini e mondi medievali, 72], 2022.

Pagan, Martine, « Les légendes françaises de Claire d’Assise (XIIIe–XVIe siècle). I. Inventaire et classement des manuscrits », Études franciscaines, n.s., 7 (2014), p. 5-35.

Pagan, Martine, « Les légendes françaises de Claire d’Assise (XIIIe–XVIe siècle). II. Édition du plus ancien manuscrit de la version longue (BnF, fr. 2096) », Études franciscaines, n.s., 7 (2014), p. 221-272.

Pagan, Martine, « Les légendes françaises de Claire d’Assise (XIIIe–XVIe siècle). III. Édition et commentaire du manuscrit 663 de la Bibliothèque de l’Institut de France », Études franciscaines, n.s., 8 (2015), p. 5-25.

Pagan, Martine, « De la Légende latine aux Vies françaises de Claire d’Assise », Memini. Travaux et documents, 24 (2018) [en ligne]. DOI : https://doi.org/10.4000/memini.1106

Tolan, John, Le saint chez le sultan : la rencontre de François d’Assise et de l’Islam. Huit siècles d’interprétation, Paris, Seuil, 2007.

Ubald d’Alençon, « Chansons populaires du Moyen Âge en l’honneur de saint François », Études franciscaines, 14 (1905), p. 382-390.

Vauchez, André, « Les stigmates de saint François et leurs détracteurs dans les derniers siècles du Moyen Âge », Mélanges de l’École française de Rome – Mélanges d’archéologie et d’histoire, 80/2 (1968), p. 595-625.

Viallet, Ludovic, « Réformés contre réformés. Remarques sur les premières controverses entre franciscains et “luthériens” en Saxe (1517-1520) », dans Pierre Antoine Fabre et Jérémie Foa (dir.), Les disputes et la conversion religieuse de l’Antiquité au XVIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, p. 121-134.

Vorreux, Damien, François d’Assise dans les lettres françaises, Paris, Desclée de Brouwer, 1988.

Vorreux, Damien, « François d’Assise et la littérature française », dans Geneviève Hasenohr et Michel Zink (dir.), Dictionnaire des lettres françaises. Le Moyen Âge, Paris, Fayard, 1992, p. 463-464.

Vorreux, Damien, Sainte Claire d’Assise. Documents, biographie, écrits, procès et bulle de canonisation, textes de chroniqueurs, textes législatifs et tables, Paris, Éditions franciscaines, 1983, 2e éd. 2002.