
“Prisonnières” : mythes, fictions et récits de femmes incarcérées
Journée d’étude organisée par Jaïlys Duault et Cécile Tarjot
Jeudi 6 mars 2025
Amphithéâtre T, Bâtiment T/Pôle Numérique, Université Rennes 2
Le nom féminin « prisonnière » convoque immédiatement un imaginaire romanesque sans prison pénale, passant de l’héroïne gothique anglaise à La Prisonnière de Marcel Proust. Or, cet imaginaire alimente l’invisibilisation des femmes judiciarisées. Emprunté au vocabulaire militaire, le mot « prisonnière » n’est pas un participe substantivé, à la différence des termes « détenue » ou « emprisonnée ». Il figerait dès lors l’état supposé transitoire de l’incarcération : le lieu et l’individu ne feraient plus qu’un. Si le substantif « prisonnière » interpelle d’abord par les aspects contradictoires qu’il associe (la prison et les femmes), il évoque pourtant un ensemble de figures mythiques, réelles et/ou fictionnelles. C’est l’articulation de ces trois entrées littéraires qui retient notre attention puisqu’elles ne sont pas strictement incompatibles, ni opposées. Comment se représentent les femmes détenues ? Quels genres et quelle(s) énonciations choisissent-elles ? Que disent les figurations anciennes et contemporaines de prisonnières de nos imaginaires genrés et carcéraux ?
Mobilisant diverses disciplines (littérature, sociolinguistique, histoire, sociologie, sciences politiques et études de genre), les communications de la journée d’étude abordent ces questions, dans une perspective transséculaire et mondiale, à partir de fictions et des récits de femmes détenues.
Le premier panel, « Guerres et peines », propose deux communications sur des voix de résistantes détenues afin de mettre en perspective l’historicité de la figure de la prisonnière (F. Lalande, P. Schulman). Le deuxième panel, « Militantes contre l’autoritarisme », présente deux communications qui s’intéressent aux témoignages carcéraux de femmes politisées en Indonésie (I. Fichou) puis au Maroc et en Tunisie (W. Cherquaoui). Le troisième panel s’attache à « (Dé)myhtifier la prisonnière », puisqu’il présente une communication interrogeant le mythe de la prisonnière dans le roman contemporain (J. Miguel-Brebion) puis deux autres interventions relevant de la recherche action, à travers des ateliers d’expression littéraire en prison (I. Ichaso et J. Sbdar Kaplan, N. Naccach). Enfin, le panel « Un texte à soi » revient sur des figures d’autrices reconnues ayant vécu un épisode carcéral au 20ème siècle (A. Gensane, C. Olivier, J. Stella).
La journée d’étude est suivie d’une rencontre “La Voix d’un texte” avec Audrey Guiller autour de son recueil de témoignages Emprisonnées (Libertalia, 2023).
—
Programme de la journée
Durant la journée d’étude : Performance de Marie Audran (La Liebre Dorada)
9h00 – Accueil des participantᐧeᐧs
9h30 – Ouverture de la Journée d’étude par la direction du CELLAM et les organisatrices
10h – Premier panel : Guerres et peines : le choix des mots pour résister
Présidence - Cécile Tarjot
- Fanny Lalande (LARHRA, Lyon 2), « Au nom des femmes : les femmes protestantes emprisonnées, l’affirmation du “je” (Languedoc et Dauphiné, 1685-1787) »
- Peter Schulman (Old Dominion University, Norfolk, Virginie), « Poèmes de cachot, poèmes de résistance : Madeleine Riffaud et le refus de l’oubli »
Discussion
Pause
11h15 – Deuxième panel : Militantes contre l’autoritarisme : des détenues qui témoignent
Présidence - Jaïlys Duault
- Isadora Fichou (INALCO, Université Paris 8 Vincennes / Saint-Denis), « La parole libérée : les témoignages des femmes indonésiennes emprisonnées sous l’Ordre Nouveau de Suharto »
- Walid Cherqaoui (IHTP, CNRS / Université Paris 8), « Dire l’expérience carcérale genrée en contexte autoritaire : témoignages de femmes militantes de gauche marocaines et tunisiennes des années 1970 »
Discussion
12h15-13h45 – Pause déjeuner
14h – Troisième panel : (Dé)mythifier la prisonnière : fictions et lieux d’expression de voix carcérales
Présidence - Gaëlle Debeaux
- Juliette Miguel-Brebion (LIS, Université de Nancy), « Corps sous contrôle : Sexualisation et sanitarisation des adolescentes incarcérées dans la fiction contemporaine française »
- Inés Ichaso (CRAL, EHESS / Université de Buenos Aires) et Julieta Sbdar Kaplan (CONICET / Université Paris 8 / Universidad de Buenos Aires), « De la trace au tracé : stratégies d’autofiguration dans l’écriture poétique des femmes privées de leur liberté en Argentine »
- Nessrine Naccach (CERC, Université Sorbonne Nouvelle), « “Silences brisés, douleurs exorcisées” - La dramathérapie en milieu carcéral : Yawmiyyat Sahrazade de Zeine Daccache »
Discussion
Pause
16h – Quatrième panel : Un texte à soi : quand les écrivaines s’emparent du récit carcéral
Présidence - Hélène Baty-Delalande
- Anne Gensane (CoTraLIS T&C, Université d’Artois), « Taire et saisir dans L’Astragale d’Albertine Sarrazin »
- Claire Olivier (EHIC, Université de Limoges), « Rebibbia : une épreuve de force »
- Juliette Stella (LIS, UPEC), « Devenir “truande” : redéfinitions de soi par la marge dans les écrits de prisonnières »
Discussion
Pause
18h – La voix d’un texte : Rencontre avec Audrey Guiller, journaliste indépendante et autrice du recueil de témoignages Emprisonnées publié en 2024 chez Libertalia.
19h – Mot de clôture des organisatrices
Contact :
Jaïlys Duault : jailys.duault@univ-rennes2.fr
Cécile Tarjot : cecile.tarjot@univ-rennes2.fr
Visuel : Inji Efflatoun (1924-1989), Rêveries de la détenue/Dreams of the Detainee, 1961, Egypte, Huile sur toile, 51 x 45 cm, Fondation Barjeel, Charjah, Émirats arabes unis.