
Présentation de Philippe Richard
Le roman écrit à deux voix par le prosateur Paul Adam et le poète Jean Moréas – Les Demoiselles Goubert (1886) – participe à cet attrait pour une langue riche et disloquée, sertie de mots rares et curieux, qu’avait inauguré la prose de Huÿsmans – À rebours (1884) – et la poésie de Laforgue – Les Complaintes (1885) – ; c’est ce texte singulier que le présent travail d’édition voudrait donc faire redécouvrir à quelques lecteurs bénévoles, assurés que la langue française mérite amplement d’être célébrée pour elle-même, en un récit classique pourtant gorgé d’enjeux éthiques. Lorsque deux orphelines ruinées se trouvent contraintes de quitter un luxe indolent pour un sort laborieux, et que l’une se résigne en supportant une condition qu’elle choisit de ne pas trouver infâmante tandis que l’autre se révolte en prostituant une vie qu’elle régente désormais par l’appât du gain, il convient de se demander ce qu’est la véritable force de caractère ; mais voilà qui ne se réalise certes pas sans l’irisation du style.
Paul Adam (1862-1920), engagé dans l’aventure des revues Le Symboliste et La Vogue, ami de Jean Lorrain et de Félix Fénéon, est le contributeur essentiel du fameux Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes. Jean Moréas (1856-1910), engagé dans l’aventure des revues Le Symboliste et Le Chat noir, ami de Gustave Kahn et de Paul Verlaine, est le contributeur essentiel du fameux Manifeste littéraire pour le symbolisme.