
Neuvième art, mars 2025 : dossier "Mangeurs d'images: nourriture, bande dessinée et iconotextes" (dir. Irène Leroy-Ladurie)
L'exposition Croquez ! qui s'est tenue au Musée de la Cité Internationale du 25 janvier 2024 au 10 novembre 2024 ouvre ses portes en février 2025 à la Cité de la gastronomie et du vin à Dijon. Elle met en lumière les relations qui existent entre le plaisir du dessin et du récit et les plaisirs de la bonne chère. Elle propose également un regard sur le futur de la cuisine au prime des défis sociaux et écologiques du XXIe siècle. Neuvième art, à travers ce dossier se propose de revenir sur la question des rapports entre le goût, la nourriture et les récits en image, de la gravure du XIXe siècle à la bande dessinée la plus contemporaine en passant par un tour d'horizon des traditions graphiques internationales. La plupart des articles ce dossier sont le fruit d'une journée organisée par les jeunes chercheurs et chercheuses de l'InTRu (Interactions, transferts et ruptures artistiques et culturels) à l'Université de Tours, équipe de recherche qui travaille sur les iconotextes. La journée s'intitulait Mangeurs d’images. Nourriture dans les iconotextes, iconotextes comme nourriture. Elle proposait de réfléchir aux liens effectifs et métaphoriques entre appétence, lecture et images alimentaires.
Présentation, par Irène Leroy-Ladurie
Le lien entre nourriture et image en bande dessinée permet d'emblée de d’établir que notre rapport à l'image va bien au-delà du simple visible. Comme le rappellent Gil Bartholeyns et Thomas Golsenne, les images agissent. Du moins leur accorde-t-on ce pouvoir, au vu des « réactions qu'elles suscitent [...], extrêmes : adoration, extase, fétichisme, iconoclasme » (Bartholeyns & Golsenne : 2010, p. 18). Nous consommons effectivement des images comme de la nourriture, ainsi que l'a montré Jérémie Koëring dans son ouvrage, Les Iconophages. Une histoire de l’ingestion des images, en se rapportant à un effet pratique – souvent religieux ou médical – attesté depuis l'Antiquité. L'eucharistie, sacrement rituel de la messe catholique, repose sur l'image d'un dieu que les fidèles mangent en mémoire de l'incarnation de dieur sur terre. Nous mangeons, toujours, des images. Il s'agit aussi, plus prosaïquement, des bonshommes en pain d'épice ou des produits dérivés de l'industrie culturelle comme les bonbons Schtroumpfs. Lire la suite…
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Les images d’une île à sucre : entre plaisir esthétique, glorification de la saccharocratie et enjeu documentaire
Dans cet article, l'historienne d'art Capucine Monfort, analyse l'art des gravures documentaires et publicitaires servant à raconter au XIXe siècle l'essor d'une industrie sucrière, concomitamment avec le perfectionnement de l'art lithographique en couleurs. Lire l'article de Capucine Monfort…
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« Ô puissant Cavollo ! » La nourriture de rue italienne dans l’imaginaire pittoresque du XIXe siècle
Dans cet article Violaine Gourbet, historienne d’art spécialiste de la représentation du paysage européen au XIXe siècle explore les potentiels graphiques et sensoriels des récits de voyage en image, qui apparaissent comme de lointains ancêtres des récits et blogs de voyage en bande dessinée qui articulent chose vue, plaisir gustatif et commentaire narratorial. Lire l'article de Violaine Gourbet…
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Dans les cuisines communistes de la bande dessinée chinoise
Dans le contexte de la « Grande Révolution culturelle prolétarienne » en Chine sont publiées deux courtes bandes dessinées. En 1976 paraît Une nouvelle sentinelle au restaurant (饭店新兵), dessiné par Zhang Xuanying, suivie en 1977 par Remue-ménage au restaurant (饭店风波), dessiné par Gou Mengzhang. L’intrigue relate l’arrivée d’une ancienne Garde rouge dans le restaurant qu’elle a connu au début de la Révolution culturelle, quelques années plus tôt. Elle veut faire du restaurant une cantine populaire à destination des ouvriers et paysans et se mettre « au service du peuple » . Au service de cette histoire édifiante centrée autour de la nourriture, les images des deux lianhuanhua apparaissent comme des exemples particulièrement représentatifs de l’esthétique révolutionnaire, poussée à son paroxysme. La bande dessinée y représente la consommation alimentaire, tout en devenant elle aussi un objet de consommation idéologique. Lire l'article de Norbert Danysz…
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Gaston Lagaffe, l'art de jouer avec la nourriture
On entend souvent, lorsqu’on est enfant, qu’« Il ne faut pas jouer avec la nourriture », c'est tout le contraire auquel l'auteur de Gaston Lagaffe nous convie, en inversant les codes de la socialité. Inspiré par l'humour slapstick des comédies américaines burlesques et des comics d'humour à la Chic Young, Martin Branner et E.C. Segar, la nourriture devient dans Gaston Lagaffe l'objet d'un jeu récurrent, glissant vers une douce anarchie. Lire l'article de Philippe Mercier…
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De l’absence à l’abondance, Manger et partager la nourriture dans les albums sur la pauvreté
La pauvreté est définie comme portant atteinte au corps humain, privé d’un accès aux ressources essentielles et matérielles permettant de préserver son intégrité physique. Parmi ces besoins élémentaires — se chauffer, se vêtir et s’abriter — s’alimenter figure parmi l’un des plus primaires. Pauvreté et faim sont souvent pensées conjointement, notamment par les enfants, comme l’ont montré les travaux du Centre de Recherche et d’Information sur la Littérature de Jeunesse en 2019. Lire l'article de Cheyenne Olivier…
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Nourrir l'auteur, alimenter l'album
Lors de la journée des doctorants du laboratoire InTRu intitulée « Mangeurs d'images » à Tours, il m'a semblé impossible de ne pas évoquer mon travail sur l'album jeunesse Carlo, que j’avais terminé cette même année et entrepris plus de dix ans auparavant. Cet article est pour moi une nouvelle occasion de présenter mon travail en étoffant mes propos, et surtout en l'appuyant de nombreuses images commentées. Chaque partie est construite autour d'un carnet de recherche qui représente une phase de mon travail. J'ai tenté de montrer comment pouvait se construire un album jeunesse contemporain, depuis sa naissance jusqu'à sa publication. Lire le processus de création de Carlo par Jean-Baptiste Bourgois…
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MANGER, entretien avec Eleonore Marchal
Entretien avec Eleonore Marchal, autrice de MANGER, publié en 2024 chez Cambourakis. Dans cette première bande dessinée, l’autrice, fraîchement sortie de sa formation nous offre le récit onirique d’une période de la vie de la narratrice, Miss, atteinte de troubles alimentaires. Très fortement inspirée de sa propre histoire et de sa vocation artistique, Eleonore Marchal y dépeint un univers très référencé où la forme du conte déploie symboles et métaphores. Lire l'entretien avec Eleonore Marchal…