"Appropriations et résistances chrétiennes". Avec Isabelle Saint-Martin et Anne-Elisabeth Spica (Séminaire TIGRE “Mythe et Illustration”, Guyancourt & en ligne)

Anne-Élisabeth Spica (UVSQ Paris-Saclay)

Les appropriations chrétiennes de la mythologie grecque et latine en texte et en images, XVIe et XVIIe siècles.

Dans son livre intitulé La Survivance des dieux antiques: Essai sur le rôle de la tradition mythologique dans l'humanisme et dans l'art de la Renaissance (1e édition en 1939), Jean Seznec a souligné il y a bientôt un siècle, la perméabilité du Moyen Âge chrétien et de la culture mythologique. Quarante ans avant lui, Emile Mâle insistait déjà sur la liberté iconographique de l'art chrétien, empruntant aux plus nombreuses sources (L’art religieux du XIIIe siècle en France. Étude sur l’iconographie du Moyen Âge et sur ses sources d’inspiration, 1e édition en 1898). Le fameux tableau de Titien, Amour sacré et amour profane (1514), dont on connaît la belle analyse par Erwin Panofsky, en est un des exemples les plus frappants et les plus largement commentés. Au XVIe puis au XVIIe siècle, la pensée de la Prisca Theologia, le néoplatonisme chrétien et les commentaires de la XXVe et dernière session du concile de Trente sur l'image (en particulier le Traité des saintes images de Johannes Molanus, 1e édition en en 1571) ont facilité le tissage de liens étroits, visuels et narratifs, entre récit du Salut chrétien et récit des amours des dieux païens, entre motifs allégoriques mythologiques et motifs allégoriques sacrés.

Nous parcourrons un large choix d'images (peintures, gravures, recueils d'emblèmes) de manière à mesurer les détours et les détournements des représentations mythologiques, appropriées à un discours chrétien (surtout catholique) et éthique, mais aussi décoratif et galant.  

—

Isabelle Saint-Martin (École Pratique des Hautes Études)

Circulation des motifs chrétiens dans l’univers visuel contemporain 

Si l’une des acceptions du monde moderne s’est jouée précisément dans la séparation des champs religieux et artistique, depuis les dernières décennies du XXe siècle la résurgence de motifs issus du christianisme, librement réinterprétés dans les avant-gardes esthétiques, est sensible. Ces réemplois, qui croisent d’autres formes d’interrogations qualifiées, parfois confusément, de spirituelles, métaphysiques ou mystiques, doivent être situés dans une perspective qui associe l’histoire de l’art avec l’histoire et l’anthropologie religieuses. Ce débat met en lumière des filières d’images dans lesquelles de grandes références artistiques resurgissent dans la photographie contemporaine. Élargir la perspective à l’ensemble de la culture visuelle dans sa diversité, en s’attachant notamment au domaine de l’affiche et de la publicité, conduit à examiner la réception de ce registre particulier qui fait encore réagir dans un univers saturé de messages visuels. Outre les sujets religieux prêtant à sourire dans la publicité, le réemploi de thèmes chrétiens a suscité depuis une trentaine d’années de vifs débats allant dans certains cas qu’il conviendra de préciser jusqu’au procès.