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Valeur de la monnaie de l’Âge Classique au XIXe siècle, par Éric Leborgne (fiche pratique)

Valeur de la monnaie de l’Âge Classique au XIXe siècle, par Éric Leborgne (fiche pratique)

Publié le par Marc Escola

Valeur de la monnaie, de l’Âge Classique au XIXe siècle

Une fiche pratique établie par

Érik Leborgne (Paris 3 Sorbonne nouvelle)

 

La monnaie n’a pas subi de variation en France entre 1726 et 1790, alors que Louis XIV faisait procéder régulièrement à des « diminutions » ou dévaluations (en clair il autorisait Chamillart, son ministre des finances, à fabriquer en 1703 de la fausse monnaie…[1]).

La monnaie fiduciaire (billets de banque, assignats) n’existe pas avant la Révolution.

La monnaie scripturale existe sous forme de billets à ordre, gagés sur un compte chez un négociant ou un banquier, payable par une signature du débiteur.

1. Définitions :

Numéraire : pièce de monnaie

Billet à ordre : document écrit daté et signé par lequel l’emprunteur reconnaît sa dette et s'engage à payer le créancier à la date d'échéance du billet.

Monnaie scripturale : monnaie immatérielle permettant d'opérer par virement le transport d'une somme du débit d'un compte au crédit d'un autre sans emploi d'aucune monnaie réelle.

Monnaie de compte : valeur admise comme unité dans les comptes, mais qui n'est pas représentée par une monnaie réelle en circulation. La livre (£), l’écu sont des monnaies de compte.

2. Échelle des monnaies au XVIIIe siècle de 1726 à la Révolution

La livre française est restée stable entre 1726 et 1790. L’édit du 15 janvier 1726 fixe la valeur de la monnaie à partir du marc d’or et du marc d’argent : le louis d’or est fixé à 24 £ ou francs[2], l’écu d’or à 6 £, la monnaie de cuivre est le sol ou sous, il faut 20 sols pour faire une livre.

Les noms des monnaies se déclinent ainsi par valeur croissante :

Le denier : plus petite unité monétaire
Le sous ou sol : 12 deniers font un sou ou un sol.
La livre £ ou le franc (monnaie de compte) : 1 £ = 20 sous
L’écu, monnaie d'argent (3 £) ou d’or (gros écu de 6 £). L’écu valant 3 £ est aussi monnaie de compte (une rente de 3000 écus = 9 000 £)

La pistole, monnaie espagnole valant environ 10 £

Le ducat, monnaie italienne valant 12-13 £

Le louis, monnaie d'or valant 24 £

La guinée (monnaie d’or anglaise) = 23 £ et 3 sols, soit en gros un louis.

Méthode pour obtenir l’équivalence en euros :

convertir les sommes en livres, puis évaluer la somme en euros sur la base 1 £ = 11 euros environ.

3. Valeur de la monnaie au XIXe siècle

Le franc devient la monnaie de la République en 1795.

Sa valeur-or est fixée sous le consulat en 1803 : un franc = 0,29 gr d’or

Au XIXe siècle, la monnaie existe sous la forme de :

  • pièce de 20 sous (= un franc)
  • pièce de cent sous (= 5 francs)
  • napoléon d’or puis louis d’or (= 20 francs)

Equivalence des sommes mentionnées dans les textes au cours du XIXe siècle (Le franc se dévalue durant cette période) :

1 Franc 1820 = environ 4,5 euros

            1 Franc 1880 = 3,8 euros

            1 Franc 1900-1914 = 3 euros

La pièce de cent sous (5 francs) a une valeur équivalente au billet de 20 euros.

Le napoléon d’or (d’une valeur de 20 francs) remplace le louis sous l’empire. Le louis réapparaît après 1815 sous la forme d’une pièce d’or de même valeur.

4. L’échelle des revenus en France au XVIIIe siècle 

J. Sgard a établi (voir son article de 1982) six catégories de revenus au XVIIIe siècle :

Au bas de l’échelle se trouvent les salaires ouvriers : entre 100 et 300 £ (livres françaises) par an. Un ouvrier (manœuvre, journalier, serviteur) gagne en moyenne une livre par jour. Les salaires professionnels : entre 300 et 1000 £ par an. C’est l’échelle de salaires des ouvriers spécialisés et de la majeure partie des travailleurs intellectuels (enseignant, précepteur privé, censeur royal). Plus de 90 % de la population gagne moins de 1000 £ par an. Cela correspond en gros au revenu annuel de Rousseau. Les salaires de « cadres moyens » : entre 1000 et 3000 £ par an. C’est le revenu de certaines professions intellectuelles : professeurs en université, précepteurs de famille princière, rédacteurs du Journal encyclopédique ou du Journal étranger. 5000 £ par an est un seuil de richesse correspondant aux revenus bourgeois, qui assurent un confort supérieur, soit par les rentes foncières (c’est le cas de Mlle Habert dans Le Paysan parvenu de Marivaux), soit par un métier lucratif (médecins réputés de Paris ou de Montpellier, directeur du Mercure de France). C’est aussi le revenu annuel de Diderot en 1765, premier intellectuel salarié par les libraires de l’Encyclopédie. Les revenus nobles se situent entre 40 000 et 100 000 £ par an. La dot de Cécile de Volanges (60 000 £) dans Les Liaisons dangereuses situe sa famille dans l’aristocratie parisienne très aisée. C’est ce que perçoivent des hauts fonctionnaires (fermiers généraux, les Dupin, d’Epinay) et les dignitaires de l’église (bénéficiers des grandes abbayes, évêques) – net d’impôt puisque le clergé n’en paye pas. Les revenus princiers : à partir de 100 000 £ par an. Voltaire gagnait à la fin de sa vie 230 000 £ par an : il était alors à parité avec les grandes fortunes de la haute aristocratie de l’époque (Boulainvilliers, Levis, Montmorency) et les princes de sang (Philippe d’Orléans, le futur Philippe Egalité, disposait de 7 millions de £ en 1789).

Cette échelle de revenus est iniquement inégalitaire : le Tiers-Etat subit seul une énorme pression fiscale (le clergé et la noblesse étant dispensés de payer l’impôt) et un prince gagne mille fois plus qu’un ouvrier (un patron du CAC 40 gagne aujourd’hui 225 fois plus : le progrès est mince).

Salaires et prix

Salaire d’un laquais à la campagne : 10 sols, soit 0,5 £ / jour à l’époque de Molière (Georges Dandin, I, 2)

Salaire d’un ouvrier : 1 £ / jour au XVIIIe siècle, 2 F / jour au XIXe siècle

Prix d’un cheval : 40 à 80 £

Entretien d’un carrosse : 3600 £ / an

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Bibliographie

Balzac, Eugénie Grandet, éd. É. Reverzy, GF-Flammarion, 2000.

E. E. Clain-Stefanelli, Monnaies européennes entre 1450 et 1789, Fribourg, 1978.

Casanova, Histoire de ma vie, éd. J.-C. Igalens et É. Leborgne, Paris, Laffont, coll. Bouquins,  3 vol., 2013-18.

J.-H. Donnard, La Vie économique et les classes sociales dans l'œuvre de Balzac, Paris, A. Colin, 1960.

J. Fourastié (éd.), L’évolution des prix à long terme, Paris, PUF, 1969.

E. Labrousse, Esquisse des mouvements des prix et des revenus en France au XVIIIe siècle, Dalloz, 1933.

E. Labrousse, P. Léon, P. Goubert et alii, Histoire économique et sociale de la France, Paris, PUF, 1970.

Lesage, Turcaret, éd. N. Rizzoni, Livre de poche, 1999.

Prévost, Manon Lescaut, éd. J. Sgard, GF-Flammarion, 1995.

J. Sgard, « L’échelle des revenus », Dix-huitième Siècle, n°14, 1982, p.425-433.

Zola, L’Argent, éd. Chr. Reffait, GF-Flammarion, 2009.

 

 

[1] Voir P. Goubert, Louis 14 et vingt millions de Français, Livre de poche, 1980 [1966], p. 291.

[2] La livre ou le Franc sont des monnaies de compte : il n’existe pas de pièce de 1 livre. On l’appelle monnaie de compte (ou monnaie imaginaire) pour la distinguer du numéraire (ou monnaie réelle).