Compte rendu publié dans Acta fabula (septembre 2020, vol. 21, n° 8) : "Ampleur de la brièveté", par Éric Tourrette
Réinventer la brachylogie, entre dialectique, rhétorique et poétique.
Patrick Voisin (dir.)
Classiques Garnier. Paris. 2019.
Collection Rencontres n°429. 628 pages.
ISSN : 978-2-406-09071-7.
DOI : 10.15122
ISBN : 978-2-406-09073-1.
Le mot brachylogie, qui chez Platon s’oppose au mot macrologie comme la dialectique à la rhétorique, a traversé les siècles pour être un trope de valeur péjorative paradoxalement classé dans les figures de rhétorique. Parallèlement, le mot brièveté, du latin breuitas, traduction la plus proche du grec brakhulogia, a connu un essor valorisant avec la reconnaissance des formes brèves et de l’écriture brève. Il s’agit donc de réinventer la brachylogie entre dialectique et rhétorique, pour définir ensuite ce qu’elle est : non plus un trope, mais une vraie forme-sens poétique. Cela consiste à se demander ce qui caractérise une écriture brachylogique dans les domaines les plus divers, entre les brachylogies du court, de la brièveté et/ou du bref.
La notion de brachylogie a jusqu’à présent été l’objet soit de travaux philosophiques sur la dialectique socratique (en étant opposée à la macrologie des sophistes) soit de dictionnaires de rhétorique (en étant trop souvent assimilée à l’ellipse). Cet ouvrage s’efforce d’autonomiser la brachylogie dans ses rapports à la brièveté et au bref ; c’est l’objet principal du premier article d’une cinquantaine de pages ; il aboutit à plusieurs hypothèses de compréhension de ce qu’est une écriture brachylogique dans une perspective poétique – au-delà de la dialectique socratique et de la figure de rhétorique appelée « brachylogie » –, ouvrant la voie à trente-deux articles qui les explorent, portant sur des domaines aussi variés que la littérature (de l’Antiquité au 21è siècle), le cinéma, la peinture, la publicité, les séries…; la nature elle-même n’offrirait-elle pas déjà le spectacle du brachylogique ?
Cet ouvrage contient un des derniers travaux de notre collègue ivoirien Bi Kacou Parfait Diandué, professeur de littérature comparée à Abidjan, décédé le 24 décembre 2019 à l’aéroport Charles-de-Gaulle, après avoir effectué un séminaire de master au titre de professeur invité par l’Université de Limoges.
Table des matières
Patrick Voisin : Brachylogie : de la figure à l’écriture. État des lieux critique.
Aurélia Hetzel : Une grande histoire en miniature : Jonas dans la Bible et dans le Coran.
Nathalie Cros : La douleur entre chant et cri dans Les Troyennes de Sénèque.
Isabel Dejardin : L’écriture suétonienne ou la stratégie du silence.
Mathieu Pelat : L’inscription latine d’Hasparren : quatre vers pour une union énigmatique.
Yves Chetcuti : Éléments de cosmographie antique dans le mythe de Callisto.
Étienne Wolff : Les Adages d’Érasme, entre brièveté et longueur.
Farah Stiti Haddad : L’instrumentalisation des proverbes dans les Nouvelles Récréations et Joyeux Devis de Bonaventure des Périers.
Mohamed Anis Abrougui : La synergie entre forme brève et écriture longue dans les Maximes de La Rochefoucauld.
Inès Zahra : De l’imaginaire classique à l’imagerie romantique : les Contes de Perrault lus par Gustave Doré.
Annie Rizk : Espace sémiologique de la brachylogie dans Salammbô ou la littérature comme art de ne pas dire.
Jihane Tbini : « Pour qu’il grandisse/croisse, il faut que je diminue » : lecture d’un énoncé brachylogique.
Mathieu Perrot : « Écriture d’épargne » : le raccourci dans la poétique d’Henri Michaux.
Injazette Bouraoui : Les enjeux de l’écriture brachylogique chez Michaux et Cioran.
Simona Modreanu : Le paradoxe cioranien et la (brachy)logique du tiers-inclus.
Marie Cazenave : Brachylogie et brachygraphie chez François Dufrêne : l’exemple de la Cantate des mots camés.
Abdelouahad Mabrour : La chute/phrase brève : un signe de clôture de la description.
Jessica Arrufat : Quelle brièveté dans l’œuvre de Blaise Cendrars, boulingueur ?
France Darsu : L’art du bref dans la microfiction.
Jędrzej Pawlicki : Les formes brèves de Yasmina Khadra : pour un espace-temps brachylogique.
Rebecca Josephy : Mané, Thécel, Pharès : quand un dieu laconique prend la plume.
Manel Belhadj Ali : Transferts d’images dans l’adaptation de Sous les tilleuls d’Alphonse Karr.
Ghassan Lutfi : Brachylogie et traduction : quand le Mythe de la Clarté se fait Procuste.
Jean-Bernard Cheymol : Brachylogie et raccourcissement des discours médiatiques.
Abdellatif Makan : Compétence argumentative iconique et principe de l’économie langagière.
Habiba Gafsi : Less is more ! Il existe une brachylogie de la couleur.
Marie Heyd : Crash de David Cronenberg : brachypoétique de la répétition.
Tasnime Ayed : GOT ou ASOIAF ? Le Trône de Fer… en bref !
Anaïs Goudmand : Une brève poétique des séries courtes.
Jacques Isolery : La crèche provençale : brachylogie réduite ou miniature ?
Bertrand Sajaloli : La mare, perle d’eau, œil de la terre.
Bi Kacou Parfait Diandué : Brachylogie : théorie, méthode et pratique.
Patrick Voisin : Pour une conclusion provisoire : deux auteurs à l’épreuve de l’écriture brachylogique.
Index auteurs.
Index œuvres.
*
Patrick Voisin, agrégé de grammaire et professeur de chaire supérieure (H). Chercheur associé au Laboratoire BABEL EA2649 (Université de Toulon). Autres ouvrages déjà publiés aux Classiques Garnier : La Valeur de l’œuvre littéraire entre pôle artistique et pôle esthétique (2012) et Ahmadou Kourouma, entre poétique romanesque et littérature politique (2015).
*