Le héros en marge
Journées d’études, 11-12 Avril 2019 - Université de Limoges, FLSH
Organisation : Université de Limoges, EA (1087) EHIC.
PRÉSENTATION
Qu’est-ce qui fait la différence entre Simone Weil et Simone Veil ? Elles militent contre l’injustice et le totalitarisme. L’une préfère volontairement mener une vie de misère en travaillant dans une usine, et, à titre de châtiment, elle se laisse mourir de faim pour n’avoir pas disparu dans les camps de concentration. L’autre, en revanche, est l’une des rares rescapées d’Auschwitz-Birkenau et elle est à l’origine de la loi autorisant l’I.V.G en France. Deux grandes figures qui ont connu chacune un destin différent.
Depuis des lustres l’histoire consacre de grands hommes, ceux dont les noms entrent dans le récit de l’humanité et qui contribuent à une mémoire officielle promue par la conscience collective. La Première Guerre mondiale a marqué une significative rupture dans le processus de consécration du héros. Le saint n’est plus le héros ; il est remplacé par la figure du combattant. L’après Seconde Guerre mondiale, quant à elle, invente un nouveau héros, dans la lignée du combattant : le résistant. Dans le même temps, le héros n’est plus le « héros viril et phallocrate » de l’Antiquité.
Il peut s’identifier à un groupe de personnes (les ouvriers et les cheminots), à une figure politique (Martin Luther King, Nelson Mandela, Simone Weil, Jean Moulin, Malala Yousafzai, etc.), à un « humanitaire » (reporter, journaliste ou médecin sans frontières). Toujours est-il qu’il est animé par une quête de dépassement de lui-même dans une exploration ou une traversée d’un univers hostile ou inconnu.
Toutefois, on relève une catégorie de personnes telles que Simone Weil, Ruben Um Nyobé, Gontran Royer, Marius Guedin, André Delon, Djamila Boupacha, dont les actions ont certes eu un impact sur le cours de l’histoire mais dont les noms connaissent une sorte de purgatoire. Il s’agit des hommes et femmes infiltrés ou espions dont les informations qu’ils ont fournies et les actions qu’ils ont assumées ont permis de remporter des batailles ; ces personnes qui se sont engagées ont contribué à un changement de mentalité ou d’idéologie ; elles ont pris une part active dans des initiatives de création ou d’invention, cependant leurs patronymes ne figurent plus que sur les pierres tombales.
On pourrait les qualifier de « petites figures de la résistance » : petites en matière de médiatisation mais immenses par et pour le combat qu’elles ont mené. Le système médiatique est en effet devenu la moule de production du héros. Sa consécration relève de ce que Max Weber qualifie de « polythéisme des valeurs ». Aussi peut-il passer de la célébrité à l’oubli, de la gloire à la mort publique. Ainsi, se pose la question de l’encensement ou de l’effacement du héros. Existe-t-il des critères de marginalisation d’un héros ? Dans un monde où la communication est essentielle pour exister et dominer, le silence joue-t-il un rôle dans sa marginalisation (Joël Glaziou, 2003) ?
Pourquoi certaines figures héroïques ont-elles aussi peu de valeur dans la société ? Leurs morts ont-elles déterminé leur cantonnement à la catégorie peu enviable des héros en marge ? La marginalisation qui les frappe résulte-t-elle de l’attitude délibérée d’une instance supérieure ayant la capacité de minimiser leurs actions par choix ou par nécessité ? Qui donc opère cette marginalisation et à quelle fin ? Comment expliquer que les héros dont il est question ici n’entrent que très peu dans les supports de la mémoire collective (encyclopédies, manuels scolaires, textes académiques, discours médiatiques, bandes dessinées et œuvres cinématographiques) ? À quel moment leur marginalité s’estompe-t-elle ? Cette problématique s’applique à des personnes mais aussi à des personnages de romans, de pièces théâtrales, de jeux vidéo ou de films.
La présente journée d’étude qui se veut transversale et interdisciplinaire, organisée par l’EA (1087) EHIC de l’Université de Limoges, invite à réfléchir sur la notion même de héros en marge et sur les traits qui le définissent dans les différentes aires géographiques (Afrique, Amérique, Europe, Asie), sans aucune limite de périodes.
Modalité de soumission
Cet appel à communication est ouvert à toute discipline (littérature, histoire, philosophie, science politique, anthropologie, histoire de l’art, sociologie, culture médiatique, géographie, sciences économiques) et privilégie des approches interdisciplinaires. Les propositions de communication, d’une taille maximale de 300 mots, suivies d’une brève présentation biographique et bibliographique, sont à soumettre au comité d’organisation au plus tard, le 15 janvier 2019, à l’adresse suivante : journeesdetudesherosenmarge@gmail.com
Comité d’organisation
Arielle NZOUWE
Guiba KONE
Roddy EDOUMOU
Comité scientifique
Angelika Schober (Université de Limoges)
Anne Massoni (Université de Limoges)
Bertrand Westphal (Université de Limoges)
Jean-Michel Devésa (Université de Limoges)
Laurence Pradelle (Université de Limoges)
Loic Artiaga (Université de Limoges)
Till Kuhnle (Université de Limoges)