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Les objets : mode d'emploi

Les objets : mode d'emploi

Publié le par Marc Escola

Il y a quelques mois, Marta Caraion se demandait Comment la littérature pense les objets dans un essai sous-titré Théorie littéraire de la culture matérielle (Champvallon), dont Fabula donnait à lire l'introduction "Pour une lecture matérialiste des objets en littérature", et accueillait un extrait à l'entrée "Chose" de l'Atelier de théorie littéraire. Elle y montrait que la littérature assure un rôle essentiel dans la constitution d’une pensée critique de la culture matérielle de l’âge industriel : avant les sciences sociales et la philosophie, les textes littéraires, à partir des années 1830, problématisent les mutations d’une culture matérielle en expansion et l’ébranlement que celle-ci provoque dans l’ordre des catégories existentielles et esthétiques.

Les éditions Premier Parallèle inaugurent cet automne une série "La vie des choses" avec L'étrange et folle aventure du grille-pain, de la machine à coudre et des gens qui s'en servent de Gil Bartholeyns et Manuel Charpy, qui nous invitent à ouvrir tous les objets qui nous entourent, pour explorer la façon dont ils ont bouleversé la vie quotidienne depuis le XIXe siècle, en ville comme à la campagne, en Europe et à travers le monde ; pour redonner à la culture matérielle ses lettrees de noblesse, un essai de David Enon, La vie matérielle mode d'emploi, vient exaucer le vœu bien connu de G. Perec (“Ce qu'il s'agit d'interroger, c'est la brique, le béton, le verre, nos manières de table, nos ustensiles, nos outils”) : connaissez-vous la hauteur d’une assise ou d’une table, la largeur d’une porte, la dimension d’une place de parking, le poids d’un mètre cube de bois ?

Nos objets viennent nous dire aussi que Les temps ont changé (PUF), selon le titre donné par Arlette Camion à un essai de "sociologie amusante":  partant du constat que la vie quotidienne a davantage changé depuis sa naissance que durant tout le siècle précédent, elle évoque des objets comme la balance romaine, le filet à crevettes, la couchette de seconde classe, les ventouses ou la gamelle de l’ouvrier, qui émeuvent comme les témoins oubliés du monde d’hier ; et plutôt que de déplorer la perte d’une réalité qui fut celle de son enfance, elle s’étonne, s’interroge et prend le parti de l’humour. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage…

Les objets ne sont pas figés dans l'immobilité en attente de l'usage que nous en ferons : le volume supervisé par A. Fennetaux, A. M. Miller Blaise et N. Oddo sous le titre Objets nomades. Circulations matérielles, appropriations et formation des identités à l'ère de la première mondialisation, XVIe-XVIIIe s. (Brepols) propose de suivre les pérégrinations d’objets rendus nomades par le développement du commerce et des échanges à l’époque moderne pour tenter d’en cerner les contours. Laques, minerais, plumes chatoyantes, coquillages mais aussi espadrilles, porcelaine, cotonnades, tapis, pipes, colliers wampum, chapelets et fumi-e (ou 踏み絵)… y sont envisagés tour à tour comme archives, produits d’un ensemble de techniques et de savoir-faire, motifs ou formule picturale, éléments de récit.

Plusieurs de ces titres et bien d'autres sont inscrits au sommaire d'un prochain dossier critique que la revue des parutions Acta fabula consacrera à la culture matérielle sous le titre "Les objets, modes d'emploi" : tous ceux et celles qui voudraient prendre les objets en mains sont les bienvenu.e.s !