Référence bibliographique : Monique Clavel-Lévêque, Laure Lévêque, Rome et l'histoire, quand le mythe fait écran, L'Harmattan, collection "Histoire, Textes, Sociétés", 2017.
« Qu’est-ce que Rome ? ». L’anagramme d’AMOR, soupirent les amoureux. La caput mundi, avancent les historiens. La Ville éternelle, complètent les poètes. Et éternels aussi les fantasmes que son mythe charrie et qu’exploite, à Cinecittà comme à Hollywood, la féconde veine du péplum, qui revivifie l’épopée en la représentant. « Qu’est-ce que Rome », quand l’écran s’en saisit, question lancinante qui hante les trois films ici interrogés, Spartacus, La Chute de l’Empire romain et Gladiator ? Le marbre du Sénat, défendent les tenants de la tradition. Le sable du Colisée, rétorquent les démagogues dessinant, entre usine à rêve et centre du pouvoir, l’espace affine d’une mythologie politique au spectre inégalé, héritière d’une expérience institutionnelle qui intègre tous les régimes – monarchie, république, empire –, preuve de ses inusables capacités d’adaptation. Réservoir inépuisable d’exempla, c’est fort de sa pérennité millénaire que le référent romain s’impose à l’horizon de toute théorie du politique, comme un miroir qui revient où lire la destinée des hommes et des sociétés. C’est la logique de cette référence dans le jeu des superpuissances tentées par l’idée d’empire – de Constantinople à la troisième Rome, Moscou, et d’un Capitole à l’autre‑ – qui est ici questionnée. D’autant que si Rome n’a su éviter la chute, elle reste grosse de potentielles renaissances qui rendent compte de ses capacités d’actualisation.