À la recherche du temps perdu en témoigne à chaque page ou presque : Proust fut toujours partagé, dans son désir d’écrire, entre narration et réflexion. Le volume de la Bibliothèque de la Pléaide publié sous le beau titre d'Essais par Antoine Compagnon, Christophe Pradeau et Matthieu Vernet vient révéler les développements romanesques que recélait chacune de ses œuvres ou entreprises critiques. Il offre notamment un "Dossier du Contre Sainte-Beuve", titre et dispositif plus conformes aux manuscrits conservés, qui montrent comment Proust est passé insensiblement de l'essai au roman : c’est au cours d’une conversation avec sa mère que l’auteur entend critiquer la méthode de Sainte-Beuve ; mais voici que surgissent des personnages, Swann, les Guermantes, un Montargis au profil de Saint-Loup, un Guercy qui annonce Charlus… Ces développements romanesques constituent un nouveau départ pour le roman que Proust désespérait d'écrire : ils signent aussi la fin du projet Sainte-Beuve et expliquent "pourquoi Contre Sainte-Beuve n’existe que dans l’idée qu’on s’en fait". Quant aux nombreux essais – critiques, études, chroniques, entretiens ou amples analyses –, ici plus nombreux que jamais, parus dans les revues et journaux du temps et non recueillis par Proust, ou encore révélés après sa mort, ils témoignent de l’ambition littéraire la plus haute et sont l’accompagnement obligé de la Recherche.