3" de Marc-Antoine Mathieu, une fiction impossible à suivre ?
1Comment caractériser cet objet singulier, 3'', qui date de 2011, de l’auteur de bande dessinée Marc-Antoine Mathieu ? Il s’agit d’un objet limite, dont on discute le statut de « bande dessinée », paru en version papier et en version numérique, laquelle nous intéressera seule ici1. « L’histoire s’appelle 3'' car on va parcourir la distance que fait la lumière dans ce laps de temps, soit 900 000 kilomètres », affirme Marc-Antoine Mathieu (2011b). Dans 3'', il nous propose de suivre le voyage de la lumière ou plus exactement le parcours d'un photon pendant cette durée. L’œuvre numérique se présente sous la forme d’un long travelling avant poursuivant son chemin, par des jeux de reflets ou de connexions d’images, une sorte de zoom à l'infini à travers une dizaine de scènes dans la ville et au-delà jusque dans l’espace. Ces scènes nous dévoilent progressivement une intrigue policière dans le milieu du football, avec malversation et assassinat. Il est possible de résumer très succinctement l'histoire ainsi : un coup de feu éclate dans une pièce et on comprend que l'on tente d'éliminer un témoin gênant dans une affaire de corruption.
2Cette création numérique n’est pas sans rappeler certaines expériences cinématographiques et en particulier Wavelength, le film expérimental réalisé en 1967 par Michael Snow, un zoom avant de trois quarts d’heure en direction d’un espace entre deux fenêtres où trouve place une photographie de vagues sur laquelle se termine le zoom. Mais ici le récepteur, que l’on a peine à appeler spectateur ou lecteur, a la possibilité d'utiliser un curseur qui lui permet d'accélérer le défilement des images ou de revenir en arrière, voire de l’arrêter.
3Marc-Antoine Mathieu est passé maître, en bande dessinée, dans l’art de jouer avec les contradictions dans l’espace de la page, et avec les métalepses à la manière d’Escher. Il s’ingénie à proposer des passages a priori impossibles entre des lieux dont la connexion les uns avec les autres pose problème (voir Groensteen, 2016 ; Krajewski, 2016). Or, dans 3'', c’est dans le temps que semble se situer l’impossible. Le jeu fictionnel lance en effet un nouveau défi au récepteur, celui d’adapter sa vitesse de compréhension au rythme si déroutant du défilement des images, et loge l’impossible dans la constitution d’une temporalité qui permette à la fiction à la fois d’accéder à l’existence et d’avoir accès à elle.
Une fiction qui ne peut se construire
43'' confronte d’abord à un temps qui échappe à l’expérience humaine, empêche de donner sens aux événements qui se succèdent, ce qui rend problématique l’existence même d’une histoire ainsi que sa narration. Le dispositif visuel fait cohabiter fictivement dans l’immobilité d’une image fixe des moments d’une histoire qui se succèdent et ont tous du sens mais ont le plus grand mal à devenir des événements pour un récepteur. En effet, dans la version numérique, tout se passe comme si l’on n’avait affaire qu’à une seule planche de bande dessinée, à travers un continuum qui défait le principe d’isolement et de clôture des cases ou vignettes, à l’œuvre traditionnellement dans la bande dessinée. On est plongé dans un univers où tout existe quasi-simultanément. Il y a bien une histoire mais sa durée semble, dans un premier temps, masquée par cette quasi simultanéité.
5Par ailleurs, au sein de cette scène nous progressons dans un premier temps de façon mécanique à une vitesse qui ne varie pas. C’est seulement dans un second temps, ce que nous verrons plus loin, que l’on peut s’apercevoir qu’il est possible voire nécessaire de la faire varier grâce au curseur placé au bas de l’écran. Or la vitesse initialement uniforme du défilement des images semble exclure la prise de conscience : nous adoptons le point de vue fictif de la particule lumineuse, nous sommes à la place du photon, plongés dans le réel, dans la matérialité de la lumière. Nous suivons le photon – nous le suivons même jusque dans l’espace ! – , qui se donne comme un simple moyen de propagation de la lumière, une particule sans conscience aucune, sans que soit possible une quelconque identification à un personnage qui s’approprierait la perception des images qui défilent.
6Si l’on fait référence à la façon dont Bergson conçoit la perception, référence souvent utilisée et associée à la pensée de Gilles Deleuze au sujet du cinéma et de l’audiovisuel (1983, 1985), la perception consistant en une coupure, une sélection dans le flux des images dans lequel nous sommes plongés (Bergson, [1896] 1990, p. 17), qu’il nous appartient d’opérer, le récepteur serait au départ comme figé dans un temps situé avant cette sélection, ramené à un moment qui la précède et comme bloqué dans sa tentative de percevoir la scène. L’auteur semble vouloir désactiver notre capacité de perception en confrontant la vie de la perception – qui est une activité propre au vivant selon Bergson – à un dispositif purement mécanique. On se trouve alors placé face à une difficulté, qui devra être dépassée mais qui est d’abord vécue comme infranchissable, celle de faire accéder ce donné au statut d’événement, pour qu’il puisse prendre sens pour une conscience et arriver à l’existence.
7Quelles conséquences cette situation a-t-elle sur la définition de l’impossible dans cette fiction et de la fiction elle-même ?
8L’impossible, dans cette perspective singulière, ne semble pas pouvoir être défini comme la négation dans l’existence d’un possible, parce que celui-ci se trouverait intrinsèquement incohérent, inconsistant ou contradictoire – au sein d’un monde fictionnel éventuellement transposé en propositions par la sémantique – ou encore auquel un autre possible viendrait faire obstacle au sein d’une intelligence supposée présider dans l’éternité à l’ordre du monde.
9Au contraire, l’impossible est ce qui ne parvient pas à devenir possible et réel, avorte ou menace sans cesse d’avorter dans ce passage-là. Une référence classique est ici utile, l’opuscule d’Henri Bergson intitulé « Le possible et le réel ». Pour Bergson, le possible ne préexiste pas de toute éternité au réel – comme chez Leibniz qui a inspiré les théories des mondes possibles –, mais a à advenir (Bergson, 1963, p. 1331-1345). On se trouve ainsi dans l’œuvre de Marc-Antoine Mathieu face à un problème d’émergence du possible, qui peine à accéder non à la réalité mais à la possibilité même : cela se traduit par la difficulté sans cesse vécue à formuler ne serait-ce que des hypothèses sur ce qui est donné à observer. Tous les éléments de l’intrigue sont là, donnés à voir, mais l’enjeu est de sortir du face-à-face avec le donné pour entrer dans le domaine de l’hypothèse. L’impossible est en l’occurrence initial, paradoxalement inaugural, il n’est pas de l’ordre de la conséquence mais ce dont il faut parvenir à sortir. Quant à la fiction, dans cette perspective, elle n’est pas caractérisée comme impossible par son contenu, créant un monde incohérent, contradictoire, mais impossible à voir se constituer, du moins provisoirement, on peut l’espérer. Marc-Antoine Mathieu insiste ainsi sur les modalités d’apparition de la fiction, ses présupposés ou ses conditions, dont il aime à se jouer.
10La fiction serait, en d’autres termes, impossible à voir se constituer parce qu’impossible à suivre à cause d’une relation ou réception problématique. Est construit le sentiment d’un impossible accès au monde fictionnel, un sentiment de « blocage » dans l’activité mimétique pour employer le terme de Jean-Marie Schaeffer au début de Pourquoi la fiction ?2, peut-être nécessaire au dépassement ultérieur opéré par le récepteur (Schaeffer, 1999, p. 58).
11La relation avec le récepteur est ainsi particulièrement travaillée dans l’œuvre de Marc-Antoine Mathieu. Car le sentiment de l’impossible se nourrit non d’une confrontation simple à un inaccessible mystère, à une bizarrerie du réel représenté, mais de la relation problématique à l’univers représenté : une tension est cultivée entre l’immédiateté de l’accès au réel qui semble offrir tant de possibilités et la difficulté de sa compréhension pour le récepteur à la fois et contradictoirement entraîné et freiné dans son désir de connaître le crime et son auteur. 3'' deviendrait une fiction impossible à suivre…
Le fantasme de l'immédiateté de l’accès au réel représenté
123'' nous confronte tout d’abord au fantasme de l'immédiateté de l’accès au réel : le monde représenté n’a rien d’impossible – ce n’est pas un problème ontologique – au contraire, la scène est vraisemblable et tout est sous nos yeux, en une hyper-présence troublante, liée aux techniques d’immersion.
13Comment ce sentiment d’hyper-présence est-il donné ? La vitesse de ces trois secondes joue un rôle déterminant : le sujet, l'affaire de corruption, est un scoop au sujet d'un événement d'actualité, dont le dévoilement se fait dans la rapidité. Le récepteur est en outre comme saturé de réel, tout est fait pour lui donner le sentiment que tout est là, présent en condensé sous ses yeux. Et effectivement, pendant ces trois secondes il se passe beaucoup de choses : un coup de feu a été tiré, un homme tué, une faute commise devant les buts dans un match de foot, un avion a été abattu, etc. La vitesse permet de réunir tout cela, sans rien laisser s'échapper, elle paraît relier tous ces éléments divers en une cohérence qui semble absolue ou du moins difficile à mettre en question.
14Le sentiment de pénétrer directement le réel est quant à lui donné par la brutalité de l’entrée en scène : en découvrant 3'', on est projeté sur l’œil de la victime et même si le reflet nous conduit ailleurs, on se trouve d’emblée plongé au cœur de l’action principale, in medias res. A cela s’ajoute le procédé graphique du zoom vertigineux et ininterrompu qui entraîne dans une succession de pénétrations des images, dans une plongée dans le détail ou dans ce qui a été décrit comme une percée (Genoudet, 2013). Ce zoom qui donne l’illusion d’un infini déroulement s'accompagne d'une inversion à chaque réflexion et d'une ouverture sur l'infiniment grand lorsque le photon part dans l'espace, créant là aussi un effet d'omniprésence des plus saisissants.
15Surtout, l’immédiateté de l’accès au réel est connotée métaphoriquement, en particulier grâce à l’exploitation de la symbolique de la lumière comme puissance de dévoilement. D'une façon assez classique, tout d'abord, la lumière est un moyen d'exploration, policière en l'occurrence, elle est symbole de vérité, ce que rappelle le caractère symbolique des surfaces de réflexion du rayon lumineux, comme le miroir, le rétroviseur, les lunettes ou encore la loupe du détective. Mais la représentation de la puissance de la lumière évolue avec son assimilation au déplacement du photon : elle ne sert pas à éclairer ce qui était dans l'obscurité mais à débusquer les indices les plus infimes grâce à la capacité du photon à se déplacer à très grande vitesse partout, à s’immiscer et à mettre en relation les indices les plus divers et éloignés pour que rien n'échappe à celui qui se lance dans l’exploration de 3''. Le moment où le rayon se réfléchit sur l'ampoule électrique qui éclaire la pièce où se déroule l’action est de ce point de vue hautement symbolique : l'éclairage traditionnel, le dévoilement par la lumière qui éclaire est comme dépassé par cette lumière-vitesse, source d’une possibilité d’accès infinie. La représentation de la réalité correspond à une réalité faite de particules en mouvements et entrant en interaction chère à Gilles Deleuze et à Félix Guattari (1980) dans laquelle nous serions plongés à une vitesse potentiellement infinie, du moins ici maximale, celle de la lumière.
16Ainsi, 3'' crée un sentiment troublant de possibilité infinie d’accès, sans obstacle, grâce au traitement de la lumière et de la vision, jouant sur la fascination procurée par un effacement des distances.
Les vertiges du possible
17Mais 3'' joue aussi de la tension suivante et c’est là que le sentiment de l’impossible est sans doute le plus vif : la possibilité infinie d’accès est à la fois ce qui permet de comprendre l’histoire et un obstacle à la compréhension de celle-ci. Dès lors, cette lumière qui se diffuse éclaire-t-elle encore s'il n'y a pas de regard capable d’en profiter ?
18En effet, au-delà de la symbolique et des effets de sens, le récit pose la question de la possibilité de le comprendre, de saisir ce qui s’offre à une si grande vitesse. Car suivre le parcours à vitesse maximale d'un photon au sein de la scène, même au ralenti, et surtout comprendre ce qu'il voit, est difficile. L’œil sur lequel s'ouvre la bande dessinée aperçoit la scène mais il devient immédiatement après une surface de réflexion du rayon lumineux. Il appartient à un personnage dépassé par la surprise d'une scène qu'il semble de prime abord ne pas comprendre, car sa capacité de vision est elle-même dépassée par les distances que le photon parcourt et par l'éloignement des scènes. Tout au long du récit, le photon rencontre divers moyens de captation, par exemple l'œil et sa capacité de perception, mais aussi l'appareil photo, comme s’il y avait comparaison ou concurrence. La caméra de surveillance, outil d'enregistrement, devient incapable de rien fixer et, dans cette concurrence, la vitesse du photon l'emporte, laisse sur place les moyens traditionnels de connaissance et de transmission de l'information. Même le téléphone portable, moyen de diffusion de l’information le plus moderne, devient lui aussi surface de réflexion.
19D’autre part, le parcours du photon, révélateur a posteriori, est marqué par un certain erratisme, symbole d’un possible qui peine à s’actualiser. En effet, dans ce rebond constant et ultra rapide, tout peut réfléchir : n'importe quel objet ou presque, une trompette dans le stade de football et tant d’autres objets anodins, et le mouvement du photon semble se faire au hasard de coïncidences. Son parcours est toujours marqué, de façon plus ou moins réaliste, par de légères déviations liées aux surfaces rencontrées, il passe par des détours improbables, jusqu’à un avion qui évolue dans l'atmosphère terrestre et même jusque dans l'espace pour frapper un satellite. En tant que récepteur suivant sa course, on peut même passer plusieurs fois dans le même lieu sans que l'évidence de la scène se manifeste : le photon se rapproche et s'éloigne pour se rapprocher à nouveau de la scène de crime, il revient sur les mêmes lieux selon des trajets différents. Par exemple dans la pièce où a lieu le meurtre, il repasse devant le visage de l'employé dont on s'aperçoit qu'il est aussi menacé et que sa surprise peut avoir une autre cause que ce qu'il aperçoit au loin.
20Ainsi, le sentiment de l’accès impossible tient à une tension entre mouvements contraires, une signification simultanément offerte et refusée, plus qu’à une contradiction effective. Cette tension se traduit par un mouvement incontrôlé du photon, un emballement du réel difficile à contrôler parce que sa vitesse même d’apparition l’empêche. Dans cette perspective, l’impossible serait alors peut-être un possible infini sans que le récepteur ait conscience de la possibilité qu’il offre. Le récit numérique montrerait que l'immédiateté des relations qui peuvent se créer a en réalité besoin de temps, qu’elle ne sert à rien sans le temps de la compréhension et que l’existence du possible ne suffit pas, mais qu’il faut prendre conscience du possible. La conscience est alors sollicitée pour surmonter l’impossible de la fiction, pour réussir à la constituer malgré tout.
21L’œuvre numérique demande ainsi au récepteur de prendre conscience de sa vitesse de lecture, pour parvenir à une intégration des possibilités offertes et de faire un certain usage de la vitesse au lieu de l'accepter comme une donnée purement extérieure, comme au cinéma. Le dispositif numérique met en effet en demeure l’utilisateur du dispositif de choisir une vitesse de défilement des images pour trouver sa propre vitesse de saisie et d'acceptation du récit. Cependant, l'interactivité à laquelle on est appelé n'est pas du même ordre que celle d'un jeu vidéo, par exemple, ni d'autres dispositifs numériques offrant la possibilité de faire des choix qui puissent faire évoluer l'intrigue. Il ne s'agit pas de créer avec mais seulement de comprendre, de suivre le parcours d’un photon lancé à la vitesse de la lumière.
22Si on observe le dispositif de lecture, on peut en effet se rendre compte que contrairement au lecteur de vidéo classique, il se présente sous la forme d'un curseur que l'on peut déplacer, vers la droite pour l'accélérer, au centre pour le ralentir, à gauche pour revenir en arrière. Avance et retour en arrière sont des fonctions bien distinctes habituellement, ici elles fusionnent en une seule fonction, le curseur faisant varier la vitesse y compris en valeur négative. Le point d’inversion en vitesse négative n’est pas matérialisé et s’il est possible d'arrêter le défilement des images c’est seulement grâce à un autre bouton d’arrêt sur image. Ajoutons qu’il n’apparaît aucune mesure de vitesse, ni de point de repère sur la ligne le long de laquelle on peut déplacer le curseur, ce qui implique quelques tâtonnements et donc difficultés supplémentaires dans la recherche de la vitesse adéquate. Dans ces tâtonnements nous sommes mis en demeure de modifier ce choix régulièrement, car l'uniformité d'une vitesse qui va apparaître tantôt comme trop lente ou trop rapide ne permet pas la compréhension. L'accent est mis sur la variation de vitesse, son caractère incessant, car il faut sans cesse changer de vitesse de lecture.
23L’absence de graduation du curseur introduit de l’indétermination dans la perception et la rend pleinement vivante, obligée à une variation de vitesse permanente, comme dans l’analyse qu’en fait Bergson, pour qui le sujet plongé directement dans la matière est un centre d’indétermination (Bergson, 1990, p. 20 ; voir aussi Chatonsky, 2004).
24Plusieurs leçons se dégagent semble-t-il de l'expérience qui nous est proposée. Le possible menace de s’inverser en impossible, se renverse en impossible si on le suit sans réfléchir et le dispositif nous invite à nous méfier d’une facilité d’accès trop grande qui produit cette inversion et finalement, nous met au défi de maîtriser le possible qui s’offre. L’habileté du récepteur, c’est de se rendre maître de la vitesse d’apparition des images, de savoir s’arrêter et recommencer, s’entraîner et errer, ne pas aller trop vite, ni trop lentement, car il y a des fausses pistes et il faut s’en méfier. Pour se repérer dans une image en mouvement il n'est pas nécessaire d'arrêter ou de fixer celui-ci, on peut aussi faire varier la vitesse pour se repérer dans le mouvement : les repères ne sont pas nécessairement fixes, ils peuvent être aussi mobiles, comme les coupes mobiles du mouvement dont traitent Bergson puis Deleuze au sujet du cinéma, des images mobiles qui vont vite, plus ou moins vite, peuvent aussi constituer des repères visuels.
25Le récepteur est un être vivant qui anime sa lecture d'un rythme lui aussi vivant, fait de reculs et d'avancées et dans ce rythme le ralentissement est essentiel pour l'accélération et pour l'anticipation. Un retard fondamental qui se double de moments où il faut ralentir est indispensable à la vitesse de compréhension qui est d’un tout autre ordre que celle du défilement des images.
26En définitive, 3'' nous invite à une expérience temporelle particulière : apprendre à naviguer dans la présence envahissante de l’immédiat, qui offre une trop grande possibilité d’accès. Face à cette hyper-présence, l’hésitation entre possible et impossible est précieuse, il faut la vivre sans prétendre l’esquiver ou aller trop vite au réel car c’est ce qui permet d’émettre des hypothèses plausibles. L’enjeu est alors de savoir retrouver les moments d’indécision où bascule le possible, car le possible n’est tel que pour un être vivant, centre d’indétermination, et non pour un supercalculateur omniscient.