« La vraie psychologie, c’est la poésie, le roman, la comédie. Une foule de choses ne peuvent s’exprimer qu’ainsi. Ce qu’on appelle psychologie, celle des Écossais par exemple, n’est qu’une façon lourde et abstraite, qui n’a nul avantage, d’exprimer ce que les esprits fins ont senti bien avant que les théoriciens ne le missent en formules. »
[Renan, L’avenir de la science, 1848 — publication 1890 ]
1Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, de Renan à Paul Bourget, la psychologie joue vis à vis de « l’idée de littérature » un rôle que l’on peut comparer à celui de l’histoire au début du siècle : accomplissant d’une nouvelle manière « l’absolu littéraire » du romantisme, la pensée de la psychologie fait de la littérature le discours humaniste par excellence, le plus à même de saisir et de mettre en forme les modalités de l’existence. En même temps (et pas forcément de manière paradoxale) la psychologie s’établit comme science en lien avec la médecine et tranche ses relations historiques avec la littérature, ne conservant vis à vis d’elle qu’une position d’autorité clinique qui, en son extrême, renvoie artistes et écrivains (comme, ailleurs, les Communards) du côté de la dégénérescence ou de la folie. Cela, jusqu’à la naissance de la psychanalyse dont l’arrivée tardive en France est en elle-même significative.
2En 1957 Michel Foucault, analysant l’évolution de « la psychologie de 1850 à 1950 » constatait son enracinement dans le champ naturaliste et expérimental (physiologie, évolutionnisme) jusqu’au moment de bascule que constitue pour lui « la découverte du sens » inaugurée par Freud. Mais l’avenir de la psychologie, Foucault le voyait, au delà de la psychanalyse, dans une ouverture anthropologique, formulée en des termes potentiellement littéraires : « la psychologie, écrivait-il, apparaît comme une analyse empirique de la manière dont l’existence humaine s’offre dans le monde ; mais elle doit reposer sur l’analyse existentielle de la manière dont cette réalité humaine se temporalise, se spatialise, et finalement projette un monde. » Même si Foucault reconnaît le bouleversement qui s’opère dans la culture européenne durant les dernières années du XVIIIe siècle, il y a peut-être chez lui, comme chez Barthes au même moment, dans cette manière de lire et la psychanalyse et le devenir « littéraire » de la psychologie, un déni de l’héritage romantique propre à l’histoire littéraire de la France. En renvoyant finalement à l’opposition d’une philosophie du sujet et d’une philosophie du savoir, il pourrait bien en effet avoir laissé de côté l’importance de l’idée de littérature romantique qui cherche la conciliation des deux et dont la psychanalyse est peut-être l’expression la plus aboutie.
3Car l’entreprise freudienne, qui ne cesse de proclamer la préséance de la littératureet définit, au moins en partie, ses outils d’analyse en empruntant au champ de l’interprétationlittéraire (déplacement, condensation, par exemple que Lacan lie explicitement à la métonymie et à la métaphore), vise indéniablement à une science de l’homme complète embrassant l’histoire, le mythe, la religion, la science et l’art. Freud, en ce sens, renoue explicitement avec l’ambition du romantisme.
4Certes, le contexte de l’affaire Dreyfus éclaircit en grande partie la difficile pénétration des idées de Freud en France ; Thibaudet, par exemple, invoque à ce propos la « figure curieusement nationaliste » de la psychologie officielle. De même le fait que ce sont les écrivains et les « salons » littéraires qui ouvrent la France aux théories freudiennes est bien connu aujourd’hui des historiens. Mais le rôle joué dans ce contexte par la complexe réception du romantisme en France reste encore à évaluer. C’est dans ce cadre que se situe la réflexion de l’article « Freud, Merlin et le Rameau d’or ».
5L’année 1924 (qui voit une revue belge, Le Disque vert, publier des textes de Marcel Arland, E. Blanche, G. Duhamel, Thibaudet, R. Laforgue, Crevel, Michaud… sur Freud et la psychanalyse) marque une étape dans l’histoire de la réception de la psychanalyse : celle de la reconnaissance achevée, par nombre d’écrivains, du rôle et de la place de la psychanalyse, aux côtés de la littérature, dans l’élaboration d‘une psycho-logie satisfaisante : « Il est aujourd’hui aussi impossible de se passer complètement des découvertes de Sigmund Freud que de celles de Marcel Proust » écrit Edmond Jaloux. Deux articles s’y intéressent, celui de Michel Collomb et surtout celui de Gil Charbonnier qui revient de manière précise sur le contexte de cette réception.
6S’intéresser au « moment psychologique » de la littérature suppose donc d’inscrire la réflexion entre ces deux pôles, le scientifique et le littéraire (ou l’anthropologie foucaldienne) mais en interrogeant leurs conditions contextuelles d’élaboration et d’existence. Des configurations plutôt négligées par les grandes voies de l’histoire littéraire apparaissent alors. Si, pour Renan ou Bourget, la psychologie c’est la littérature, il est indéniable que la psychologie, dans son processus de constitution comme savoir, lorgne du côté de la science et engage un procès de discrimination qui fera d’elle une spécialité, une science positiviste. Le champ littéraire, du point de vue de la création comme de celui de la critique, subit les contrecoups d’un tel scientisme : le naturalisme est fondé sur une lecture darwinienne, où l’hérédité le dispute à la dégénérescence comme cause explicative. L’enquête de Jules Huret montre que la tentation de distinguer une « école » des écrivains psychologues est forte, les « psychologues » se retrouvant comparés et affrontés aux « naturalistes » ou aux « symbolistes » sur des modalités scientifiques et/ou formelles (Barrès par exemple) qui reconduisent une logique d’opposition dans un champ littéraire marqué par la rivalité, bien plus qu’elles ne dégagent des modèles distincts. Ce sont ces mêmes modèles que l’on retrouve lors de l’affaire Dreyfus qui met aux prises les tenants d’une psychologie « biologique » (dégénérescence : Nordau, Lombroso, Léon Daudet) et les défenseurs d’une psychologie libérée de l’hérédité (Charcot, Freud — et finalement Zola).
7La psychanalyse, comme le montre l’accueil qui lui est fait,fait éclater ce système binaire. En elle en effet la psychologie a trouvé pour la littérature une langue et la page commune rêvée par Renan ou Bourget s’écrira dans un autre registre que celui de la psychologie « positive ». La démarche freudienne, centrée sur le sens pour un sujet, recoupe, bien mieux que les « expérimentations », la nature de la littérature — jusque dans les dérives critiques qu’elle va engendrer. Les textes qui suivent en témoignent.
Présentation des articles
8La première partie des travaux, « Littérature, Psychologie, psychanalyse : Ambitions croisées », porte sur la dimension théorique des rapports de la littérature avec la psychologie puis la psychanalyse.
9Un premier volet concerne les « Ambitions littéraires de la psychologie et de la psychanalyse », et s’intéresse à la manière dont la psychologie ou la psychanalyse ont envisagé la littérature, au cas qu’elles ont fait d’elle, à la place qu’elles lui ont accordée. Marie Blaise montre que les résistances françaises aux théories freudiennes peuvent s’expliquer aussi – au delà de la dimension d’un nationalisme proprement historique (les guerres franco-allemandes) – par un phénomène de déni du romantisme en France, une fois passés les flamboiements de gilet et les batailles de théâtre. L’analyse de l’exergue virgilienne de L’Interprétation des rêves permet alors de montrer la puissante dynamique romantique opératoire dans ce choix d’un vers qui configure l’autorité de la psychanalyse dans une forme mythique donnée à la pulsion, posant à l’orée du système psychanalytique la puissance d’information de la littérature.
10Didier Alexandre, partant du défi de Caillois de « Discréditer si possible la littérature tout entière », montre comment celui-ci, s’opposant à l’idée d’une littérature autonome, construit une pensée de la continuité entre les règnes « en faisant de la symbolisation la transposition par l’intelligence, au plan humain, de comportements instinctifs propres à l’animal ». Les créations littéraires sont présentées comme les réponses les moins efficaces aux situations fondamentales posées par la réalité, au regard des productions de la nature, plus singulières et mieux adaptées. La littérature telle que la conçoit Caillois devrait, renonçant à tout fantasme de pureté autotélique, consister en une réponse, psychologique ou sociologique, aux requêtes de la réalité. La psychologie n’a pas à proprement parler « ambition » littéraire – elle serait plutôt le nerf d’une littérature qui est sa modalité expressive la moins opportune.
11 Sylvie Triaire, considérant l’importance accordée très tôt à Flaubert comme écrivain psychologue, se propose de montrer comment cette psycho-logie donne sa pleine mesure dans le domaine du religieux. Ainsi entre La Tentation de saint Antoine, qui se présente comme une réflexion sur « l’avenir d’une illusion » et Trois Contes, où Flaubert, dans un « procès d’incarnation », marque « la mise en forme des projections psychologiques d’un sujet dans un objet de croyance », c’est la manière dont se résout un conflit psychique par la création d’une « religion » que l’œuvre donne à lire. En confrontant le travail de Flaubert à celui de Freud dans l’Avenir d’une Illusion et Malaise dans la culture, il s’agit de montrer (au delà du fameux savoir endopsychique de l’écrivain) que l’idée de psychologie prend toute son importance dans la genèse des formes. C’est ainsi, entre figuration et incarnation, que l’ermite de Croisset décline les modalités d’une analyse littéraire de la psychopathologie du religieux.
12Un second volet, pendant du premier, s’attache à « L’ambition psychologique de la critique littéraire », telle que l’ont incarnée deux grands représentants d’une théorie critique psychologique, Émile Hennequin et Paul Bourget. L’article de Thierry Roger, « La pensée du dedans : E. Hennequin ou la refonte psychologique de la critique littéraire » donne un exposé très clair et très complet de la théorie de ce critique mort précocement, théorie qui, analysée de près par Brunetière, fut plus tard jugée trop scientiste et oubliée par la postérité. L’esthopsychologie fut pourtant, par la proposition du caractère déterminant (et non déterminé, comme l’avait posé Taine) de l’œuvre, l’une des premières manifestations des théories de la réception et des communautés sensibles – ensemble de lecteurs qu’Hennequin considérait comme des « groupes psychiques » fondés sur des convergences d’ordre psychologique. Le contexte de la fin du siècle éclaire l’oubli dans lequel est tombé un Hennequin trop scientiste et pas assez nationaliste. Il fut pourtant le plus complètement psychologue des critiques, envisageant l’œuvre dans sa triple motion psychologique, au plan esthétique, au plan de la psychologie de la création, et au plan de la réception.
13Mais quel est l’objet ou, plutôt, le sujet de la psychologie, pour un critique littéraire psychologue ? Florian Pennanech pose cette question, qu’il n’est guère possible d’éviter sous peine de rester dans une acception vague du domaine où œuvre, auteur, génération, se mêleraient comme autant de vecteurs d’une lecture psychologisante en panne d’objet précis. Sa lecture des positions de Bourget souligne ce qui porte l’auteur des Essais de psychologie contemporaine vers la « psychologie », dans le détournement assumé de la « critique » : le recentrement de Bourget sur l’œuvre vise à redonner à celle-ci l’unité perdue au long des pratiques beuviennes ou tainiennes, lesquelles supposent la « pulvérisation » de l’œuvre dans le mouvement de recherche des causes génératrices. L’esprit critique, véritable travers du siècle, présente selon Bourget le défaut d’une dissection infinie du réel ; au contraire, le travail du psychologue, retrouvant l’ontologie dans l’œuvre, construisant des « générations » comme autant de totalités unifiées viables, présente quelque parenté avec la conception romantique d’« œuvre-sujet », perdue dans le criticisme. En somme, la critique psychologique fait la psychologie de ce que la critique a laissé se perdre en s’enfermant dans sa propre pratique.
14La seconde partie, Représentations et symptômes de la vie psychique, dégage quelques aspects de la vie psychique - parole intérieure, rêves, angoisses, névroses – saisis non plus à partir d’un métadiscours critique ou d’une visée disciplinaire propre à la psychologie, mais approchés à partir des œuvres littéraires, ou de leur auteur.
15La lecture que Proust a faite des travaux d’Alfred Maury sur le sommeil et les rêves ouvre cette partie. Fanny Deschanet-Platz établit précisément un parallèle entre les analyses et études de cas du scientifique (qui se prenait lui-même pour sujet d’études, surveillait ses endormissements, ses réveils, notait ses rêves) et les formes littéraires que prennent les rêves et les divers états du sommeil dans l’œuvre proustienne, pour laquelle le rêve est une motion importante du retraitement de la temporalité, entre effacement et reviviscence. L’influence de Maury est tout particulièrement sensible dans l’articulation du psychologique et du physiologique, dans une perception totalisante du sommeil qui corrèle activité cérébrale et présence du corps. Des états d’endormissement ou de réveil du narrateur aux cauchemars de Bergotte ou au rêve de Swann, l’imagination proustienne a puisé à la science d’Alfred Maury.
16 Christine Pouzoulet présente ensuite la thèse du jeune philosophe Victor Egger, qui, en 1881, publie un « essai de psychologie descriptive » de « la parole intérieure ». Ces travaux trouveront finalement assez peu d’échos dans le champ théorique et critique, Edouard Dujardin ne disant mot d’Egger dans son essai sur le monologue intérieur de 1931 et préférant renvoyer le phénomène vers des sources symbolistes et musicales (Wagner). Cependant, et c’est ce que montre l’article, les réflexions et analyses de Victor Eger constituent l’une des sources de ces tentatives et pratiques littéraires nombreuses au début du XXe siècle, illustrées tout particulièrement par Woolf ou Joyce, qui cherchent à dire l’intériorité en descendant vers ce que Woolf nommait les « régions obscures de la psychologie ».
17Lola Kheyar-Stibler présente ensuite L’Enquête médico-psychologique menée en 1896 par le docteur Toulouse sur Zola, dans la lignée des travaux sur l’homme de génie. Le romancier naturaliste, donné pour hostile à la psychologie, se plie à l’exercice, en partie pour des motifs publics (en finir avec son image de grossier matérialiste), et plus encore parce qu’il considère cette expérience d’exposition de son esprit (le fameux « crâne de verre ») comme un prolongement de la quête du vrai naturaliste par l’intermédiaire de l’idéale « langue de verre ». La méthode positive d’investigation du docteur Toulouse (graphologie, mental tests) s’inscrit d’ailleurs dans la logique expérimentale zolienne. Il arrive cependant à Toulouse de s’écarter du factuel, pour entendre le « discours » de son patient, ou essayer timidement quelques libres associations. C’est dire que, si le duo de Zola et du docteur Toulouse révèle les relations ambiguës du naturalisme et de la psychologie, il marque également les hésitations d’une science nouvelle qui, tout juste établie dans son périmètre expérimental, semble déjà tentée par d’autres voies.
18Au contraire de Zola, Maupassant fut particulièrement intéressé par la psychologie, jusqu’à pouvoir apparaître comme précurseur d’une pensée de l’inconscient que Freud configurera (mais autrement) un peu plus tard. Maupassant travaille un matériau psychique au fil d’œuvres - romans ou nouvelles, fantastiques ou réalistes - qui déclinent les états de l’angoisse sous leurs formes diverses. Etat des lieux, cartographie des territoires de l’angoisse, que Mariane Bury présente ici comme le véritable laboratoire d’étude de l’humain, pour Maupassant. L’article montre comment l’écrivain cherche des équivalents dans le monde sensible pour dire les symptômes, dans lesquels physiologie et psychologie travaillent conjointement. Le Horla donne un cadre à la dilution du Moi qu’un Taine théorisait, et que Maupassant révèle, dans le mouvement même de sa dissipation au miroir. Ainsi se renouvelle profondément la catégorie du fantastique, dès lors que Maupassant fait l’angoisse palpable, légitime le point de vue du dément, sape la norme et inquiète le lecteur. La littérature vient ainsi accompagner l’édification savante – médicale - d’une science de l’homme.
19Violaine Heyraud nous introduit à une forme de théâtre dont on ne s’attendrait guère qu’il ait eu le moindre souci de psychologie, et moins encore de psychanalyse. Et pourtant, en s’attachant au vaudeville de Feydeau puis au théâtre de boulevard de Guitry, l’article montre comment, dans l’entre-deux-siècles, s’accomplit le virage concomitant de l’hystérie à la Charcot vers la psychanalyse, et celui du vaudeville frénétique déployant des symptomatologies en farce vers un théâtre plus lent de l’explicitation des gestes et du dévoilement des fantasmes. Se perçoit dans le passage d’une forme théâtrale à l’autre le moment charnière qui conduit du modèle hystérique en perte de vitesse au système de la psychanalyse en construction.
20La dernière partie, Réceptions : résistances et adhésions, s’attache à quelques-unes des modalités de réception, par le milieu littéraire, des théories psychologiques ou psychanalytiques.
21L’article de Julien Schuh montre l’adhésion profonde des écrivains symbolistes aux théories des psychologues, au centre desquelles se trouvent à la fois une conception du moi et une conception de l’appréhension de la réalité via le démembrement du moi qui les intéressent au premier chef. La subjectivité souverainement revendiquée par les symbolistes, les analyses d’un Gourmont affirmant la « conception spéciale du monde morphologiquement possible à chaque cerveau symbolisateur » s’inscrivent dans le sillage des réflexions des psychologues. Celles-ci nourrissent de même leur intérêt pour le rêve, qui englobe la notion même de symbole, et leur goût pour l’hypnose, entendue comme « modèle communicationnel » substituant à la rhétorique la suggestion ; l’œuvre symboliste chercherait alors à construire sa toute-puissance sur un lecteur captif, « transformé en automate cérébral […], herméneute paranoïaque voyant des symboles partout ».
22 La brève présentation par Michel Collomb des articles (publiés dans Le Disque vert de 1924) de trois jeunes auteurs, Crevel, Michaud et Paulhan, tous trois réfractaires aux théories psychanalytiques est complétée par le travail de Gil Charbonnier qui restitue l’état des lieux de la réception des théories freudiennes en France dans les années 20, dans Le Disque vert et dans d’autres lieux de publication. Partant ensuite de la contribution de Valéry Larbaud dans le numéro fameux, Gil Charbonnier s’intéresse aux influences de la pensée analytique dans son œuvre même : une influence sensible dans le choix par l’écrivain du monologue intérieur comme instance désorganisée, que Larbaud préfère envisager comme une pensée en formation que dans la visée d’une « élucidation complète du moi » ; sensible également dans son engouement pour la sublimation, dynamique créatrice qui fut un point fort de la réception du freudisme par les écrivains.
23Enfin, Jacques Poirier clôture ces analyses en proposant une lecture historique de la réception de la notion d’inconscient freudien durant la période nationaliste de la France anti-prussienne et anti-germanique. L’inconscient y est, d’Hartmann et Schopenhauer à Freud, dénoncé comme « boche », au profit d’une autre modélisation, héritière du vieux « génie latin » mué en « psychologie française ». Il faudra attendre Lacan pour que l’inconscient « parle français », au terme d’un trajet d’un demi-siècle qui voit s’accomplir la déterritorialisation de la notion d’inconscient ; la psyché n’est plus assignée à un lieu géographique, mais tient dans le seul espace qui vaille, celui du signifiant. « Structuré comme un langage » - c’est-à-dire comme une langue - l’inconscient peut alors parler français.