Ains les lisoie entre mes dens. Figures d’auteurs-lecteurs (XIVe-XVe siècles) : une réaction face au succès mitigé des nouvelletez littéraires en contexte curial ?
1Nombre d’auteurs de la fin du Moyen Âge sont attachés à une cour princière ou ducale. Qu’ils y vivent ou qu’ils y passent à l’occasion, c’est là qu’ils acquièrent un public, qu’ils forment leur réputation, qu’ils développent leur identité. L’accueil réservé à leurs écrits se révèle-t-il à la hauteur de leurs espérances ? Une étude du discours sur la lecture véhiculé dans les sources historiographiques et littéraires, réalisée dans le cadre de ma thèse de doctorat, indique plutôt le contraire. Bien que de nombreux documents attestent la lecture des productions nouvelles en contexte curial, il semble que celles-ci ne jouissent que d’une faible légitimité symbolique face aux écrits cautionnés par la tradition. Cet article vise à interpréter, sur cette toile de fond, les différents portraits de l’auteur en lecteur dans la littérature en moyen français. En rejouant ou déjouant cette position inconfortable qui est la leur, les auteurs parviennent-ils à conjurer leur sort ?
Cadre de recherche
2Il faut tout d’abord préciser ce qu’on entend par l’étude des postures et figures d’auteur à la fin du Moyen Âge. Le concept de posture, développé par Jérôme Meizoz, comporte deux aspects : c’est à la fois une conduite (publique, en situation littéraire : prix, discours, banquet, entretien public, etc.) et un discours : l’image de soi donnée dans et par le discours, ce que la rhétorique nomme l’ethos. Sur le plan méthodologique, la notion de posture articule la sociologie et la rhétorique : il s’agit de « décrire relationnellement des effets de texte et des conduites sociales »1.
3Dans le cadre de cet article, j’évalue uniquement la figure d’auteur, c’est-à-dire l’aspect discursif. J’emploierai donc les termes de figure pour référer à l’identification intra-textuelle d’un positionnement, et de posture pour nommer cette figure confrontée au contexte social.
4On observerait plus facilement, d’après Jérôme Meizoz, la posture d’auteur à l’ère moderne, puisqu’il s’agit d’un fait d’individuation. Il semble qu’à l’âge classique, l’auteur comme sujet s’efface ou se dissimule derrière l’art poétique officiel, l’imitation des Anciens2. Qu’en est-il de l’époque médiévale, encore plus reculée ? Durant le Moyen Âge, la littérature en langue vulgaire semble, à première vue, se passer de la notion d’auteur, comme en attestent nombre de textes anonymes. Michel Foucault, dans son fameux article « Qu’est-ce qu’un auteur ? », paru en 1969, note cependant que la fonction auteur semble se réaliser différemment dans la société médiévale : alors qu’une pléthore de récits, contes, épopées y étaient transmis, reçus et valorisés sans que soit posée la question de leur auteur, le discours scientifique de l’époque se construisait autour du nom d’une auctoritas. Au tournant du XVIIIe siècle, la dynamique parait s’être inversée : alors que le discours scientifique se déploie aujourd’hui dans « l’anonymat d’une vérité établie ou toujours à nouveau démontrable »3, les textes littéraires ne peuvent plus se passer de la référence à l’individu qui les a produits.
5Parmi les premières études portant sur la figure d’auteur à l’époque médiévale, celle de Michel Stanesco, « Figures de l’auteur dans le roman médiéval », évalue l’évolution de la fonction auteur, durant le Moyen Âge, vers une présence toujours plus grande du rédacteur et la mise en valeur de son « moi » individuel. Plusieurs chercheurs ont depuis relevé le défi de mettre à jour la figure ou la posture – cette « manière singulière d’occuper une ‟position” dans le champ littéraire »4 – d’auteurs médiévaux. Les travaux de Yasmina Foehr5 sur la littérature en ancien français ont mis en évidence les raisons qui ont mené à l’apparition de la fonction auteur dans un champ discursif qui, pourtant, semblait pouvoir s’en passer. Ceux de Jacqueline Cerquiglini-Toulet6 et de Jean-Claude Mühlethaler7, pour les œuvres en moyen français, ont confronté l’identité poétique de plusieurs auteurs à leur position sociale, dans le but de dessiner une sorte de « géographie des postures lyriques [et engagées] privilégiées par les auteurs du temps »8. Dans le cadre de cet article, je vais prolonger cette réflexion à partir de l’enquête menée dans ma thèse de doctorat.
6Les recherches que j’ai effectuées ces dernières années forment un terrain propice à l’étude de la figure d’auteur. Elles consistent en une analyse systématique d’un corpus de témoignages narratifs relatifs à la lecture en France et en Bourgogne à la fin du Moyen Âge. L’analyse porte sur une période qui couvre les règnes des quatre ducs de Bourgogne et celui de Marie de Bourgogne9 (ca. 1360-1480)10. Les conseils, descriptions historiques et descriptions fictionnelles sont issus d’un corpus de textes historiographiques (mémoires, journaux, chroniques et biographies d’hommes contemporains), juridiques (livres de protocole, ordonnances de cour et états de la maison relatifs à la description et la régulation de la vie quotidienne dans les cours), épistolaires, didactiques et littéraires.
7Les scènes et conseils de lecture mis en évidence dans ces documents éclairent les enjeux liés à l’instance auctoriale médiévale de deux façons. Tout d’abord, au travers des représentations de la lecture d’œuvres contemporaines. Les attestations réunies (plus de six-cent références à un texte lu) permettent de se former une idée de la manière dont cette pratique était perçue à l’époque, des traits récurrents qui la caractérisent, qui l’inscrivent dans un cadre éthique ou esthétique particulier. Mais la scène de lecture ne renseigne pas uniquement sur des représentations d’un contexte externe à l’œuvre qui la porte. Elle constitue, au même titre que la scène d’écriture, un élément réflexif : elle dit quelque chose sur l’œuvre elle-même, sur la manière dont celle-ci se conçoit et se positionne comme un élément textuel, destinée elle-même à être objet de lecture.
8Ainsi, en termes d’analyse du discours, la scène de lecture constitue, au sein de l’œuvre littéraire, un élément de la scène d’énonciation de l’œuvre. Cette notion renvoie à la situation de communication, mais ne correspond pas uniquement aux circonstances historiques ou spatiotemporelles réelles. Il s’agit de l’intégration de ces circonstances dans une narration. Un postulat de l’analyse du discours littéraire, telle que pratiquée par Dominique Maingueneau11, consiste à considérer le discours comme la construction, au sein des œuvres même qui le portent, d’un dispositif narratif par lequel ces œuvres établissent la situation qui les rend pertinentes et justifient de cette manière, en quelque sorte, leur propre existence.
9En conséquence, chaque scène de lecture est à la fois représentation d’une réalité historique (que cette réalité consiste en des pratiques, des idées, des valeurs) et réflexion de ses conditions d’existence. La mise en évidence de l’un ou l’autre aspect dépend du regard du chercheur et des outils d’analyse convoqués.
10Cet article vise à dégager ces dispositifs narratifs où l’œuvre s’institue, sur l’arrière-fond d’un contexte historique (les représentations de la lecture curiale, mises en évidence dans les documents du corpus). L’analyse porte, plus précisément, sur le passage entre les circonstances dans lesquelles s’insère le discours littéraire et ce discours lui-même. Un lieu précis du discours servira d’objet d’analyse : la scène de lecture auctoriale, c’est-à-dire les portraits de l’auteur en lecteur. J’interrogerai la façon dont ces scènes informent sur les figures et scénographies auctoriales qui régissent le travail des auteurs de textes à vocation curiale à la fin du Moyen Âge.
La lecture des œuvres contemporaines en contexte curial
11Les attestations tirées des documents du corpus décrit ci-dessus mettent en relation des lecteurs et un certain nombre de textes, désignés ci-après comme les textes lus – qu’il s’agisse de textes objets de lectures effectivement décrites ou de ceux qui sont seulement conseillés, ou parfois déconseillés12.
12Ces attestations de lecture, considérées dans leur ensemble, présentent les caractéristiques suivantes13 : l’accent est mis sur la lecture de l’historiographie et des textes considérés aujourd’hui comme « littéraires », non seulement par les textes du corpus qui appartiennent à ces deux genres, mais par l’ensemble des sources convoquées. C’est également dans ces deux domaines que la pratique de la lecture semble excéder les recommandations, tandis que pour les lectures philosophiques, religieuses et surtout didactiques, les descriptions sont moins nombreuses que les conseils. La variable du groupe social semble jouer un rôle discriminant dans la répartition des textes lus au sein du discours : alors que les lectures littéraires occupent une place de choix dans les descriptions relatives à tous les milieux sociaux, la lecture de l’historiographie semble une pratique de distinction, dont la fréquence augmente avec l’élévation du statut social.
13Qu’en est-il de la question, centrale pour aborder les enjeux liés à l’auctorialité, des lectures de textes contemporains ? La courbe mesurant l’ancienneté des textes décrits comme lus montre une préférence pour les lectures de l’Antiquité classique – dont les textes bibliques –, suivies de près, dans les descriptions, par les textes de l’extrême contemporain, c’est-à-dire lus du vivant de l’auteur. Tous les genres n’entretiennent cependant pas le même rapport à la nouveauté. Parmi les textes littéraires présentés dans le discours comme objets de lecture (principalement les dits, les romans et la poésie lyrique), la proportion des œuvres contemporaines est beaucoup plus élevée que parmi les autres genres, par exemple l’historiographie. La « littérature » semble donc un médium relativement propice pour les auteurs voulant trouver un public à la cour. Cette visibilité aigüe des textes les plus récents au sein du discours sur la lecture doit cependant être relativisée en fonction de deux paramètres déterminants.
14Premièrement, ce discours descriptif se pose en contraste fort avec le discours prescriptif : il semble que les conseils de lecture ne cautionnent que rarement les textes récents, alors que ceux-ci forment la cible de plus du tiers des descriptions.
15Un second contraste émerge, lié au milieu social : si la majorité des lectures décrites pour les citadins impliquent des textes de l’extrême contemporain, l’environnement curial apparait comme beaucoup plus conservateur, il prise avant tout les lectures anciennes.
16En somme, ces tensions au sein du discours sur la lecture dessinent une situation problématique pour les auteurs contemporains qui relaient ce discours : eux-mêmes sont condamnés à produire des textes nouveaux pour un public curial qu’ils représentent comme essentiellement amateur de littérature antique ; de plus, les nouveautés littéraires, même si elles semblent néanmoins bénéficier d’un certain succès, n’ont que très peu de légitimité dans le discours prescriptif.
La scène de lecture comme lieu d’institution de l’œuvre
17Comme je l’ai rappelé ci-dessus, le discours sur la réception des œuvres n’est pas seulement représentation d’un certain contexte sociohistorique. Parmi les différents composants de la scène d’énonciation de l’œuvre, la scène de lecture, en particulier, constitue un lieu spécifique qui permet à l’œuvre de s’instituer et à l’auteur de déployer une mise en scène de soi.
18Si la figure d’auteur est une variation individuelle sur la base d’une position au sein du champ littéraire, il existe cependant des modèles. Comme le note Jérôme Meizoz14, la mémoire du champ propose une série de postures générées par de graves crises littéraires. Il s’agit par exemple, pour des périodes ultérieures au XVe siècle, de la posture engagée de l’écrivain-citoyen, ou encore celle du génie malheureux. Chaque écrivain compose à partir d’un imaginaire déjà présent, connu des lettrés de son temps, et chaque figure ou posture ne fait sens qu’au travers d’un système de relations, par rapport à l’espace artistique.
19Plusieurs figures d’auteurs-lecteurs ont été mises en évidence ces dernières années par la critique au sein de la littérature de la fin du Moyen Âge. Celles-ci varient selon que l’auteur se mette en scène dans des écrits fictionnels à tonalité légère ou qu’il adopte l’ethos plus sévère propre aux traités politiques et didactiques. J’esquisse ci-dessous un aperçu des différentes figures topiques rencontrées dans les textes qui forment le corpus de mon enquête.
L’auteur séducteur
Le soupirant
20Le lien entre lecture et séduction, bien mis en évidence par Jacqueline Cerquiglini15, est souvent investi par les portraits de l’auteur en lecteur. Il en va ainsi de la figure du « soupirant ».Par ses lectures personnelles de récits et de lyrique d’obédience courtoise, l’auteur acquiert l’expérience d’un amant aguerri et devient à ce titre un modèle pour le prince. En retour, c’est en se faisant l’interprète de ses propres textes qu’il séduit la gent féminine. Cette figure est présente, sous cette forme, chez Guillaume de Machaut16 et Jean Froissart17.
21L’Espinette amoureuse de Froissart décrit successivement ces deux moments de la lecture amoureuse. Celle-ci est tout d’abord solitaire et compulsive :
Par quoi je ne fuisse anoieus,
A mon quois, pour esbas eslire,
Ne vosisse que rommans lire.
Especiaument les traitiers
D’amours lisoie volentiers,
Car je concevoie en lisant
Toute cose qui m’iert plaisant ;
Et ce en mon commencement
Me donna grant avancement
De moi ens es biens d’amours traire,
Car plaisance avoie au retraire
Les fais d’amours et al oïr,
Ja n’en peuïsse je joïr.18
22L’expérience acquise par la lecture des faits d’amour transforme l’amoureux en écrivain. Inspiré par les récits passionnels qu’il écoute à défaut de les vivre, il compose lui-même une œuvre capable de séduire. C’est alors à nouveau le motif de la lecture – prélecture de sa propre œuvre cette fois – qui lui assure la réussite sur le plan sentimental. Froissart décrit comment, se trouvant en compagnie de sa dame en une cambre bien paree (v. 3266), il parvint, grâce à l’entremise d’une demoiselle, à lui lire son poème et à lui en offrir un exemplaire écrit. Celle-ci l’accepte, signe de son consentement amoureux :
Et ma dame lors me regarde,
Un petit rit, et puis me tarde
Son regart, et ailleurs le met. [...]
Et la damoiselle a ce fet
Li respont : « Diex en soit loés ! »
Dist elle : « Il faut que vous oés
Un virelai plaisant et bel
Qu’il a fet de la, tout nouvel,
Dont vous estes matere et cause. »
Lors me requist, sans mettre y pause,
Que je li vosisse otriier.
Je ne m’en fis gaires priier,
Car j’avoie plaisance au dire.
Je le dis et baillai pour lire
Et elle m’en sceut trop grant gré,
Tant saciés bien, de mon secré.19
23Le premier mouvement de la lecture de séduction – celui réalisé dans la solitude – s’écarte à la fois de l’idéal de la lecture de passe-temps et de celui de la lecture-composition des auteurs. La première, quand elle est représentée en milieu curial, a habituellement lieu en public, après le repas du soir, dans la chambre du seigneur ou de la dame du lieu, accompagnée parfois de musique ou de jeux de société20. La seconde se déroule de jour, dans l’atmosphère studieuse d’une étude. À l’inverse, la figure de l’auteur séducteur présente un personnage qui dévore, la nuit, des ouvrages de littérature amoureuse, solitairement, de manière presque clandestine. C’est le cas de Guillaume de Digulleville dans sa cellule de l’abbaye de Châlis :
En veillant avoie leü,
Consideré et bien veü
Le biau roumans de la Rose.
Bien croi que ce fu la chose
Qui plus m’esmut a ce songier
Que ci après vous vueil nuncier.21
24La figure de l’auteur insomniaque amateur de récits amoureux trouve son pendant dans la littérature anglaise ; elle apparait notamment chez Robert Henryson et William Chaucer22. De manière assez ironique, cette image est surtout déployée, dans le corpus de mon enquête, par des auteurs issus du clergé.
Le courtisan
25Le portrait de l’auteur séducteur connait une variante intéressante. Il sert à l’occasion de tremplin à une figure qui valorise la personne de l’écrivain et sa création, cette fois dans le cadre de son insertion socioprofessionnelle à la cour. Par la figure du « courtisan », l’écrivain met en scène la bonne réception de son œuvre en milieu curial. Invité à se faire l’interprète de ses écrits devant le prince et parfois l’ensemble de sa cour, il raconte ce moment de gloire en soulignant le plaisir que ses interlocuteurs ont retiré de la séance de lecture.
26Ces témoignages narratifs de lectures auctoriales en milieu curial relèvent à la fois de la prélecture23 et, du fait qu’il s’agit de lecture-publication d’œuvres récentes, du don du livre24. Ils semblent assez peu nombreux dans la littérature francophone des XIVe et XVe siècles, plus rares même que les récits de présentations de livres à la cour – qui sont eux-mêmes beaucoup moins fréquents que les représentations picturales de dons de livres25. Je n’ai pu identifier que trois récits circonstanciés de lectures auctoriales devant la cour, ainsi que quelques attestations indirectes26. Ce constat relativise quelque peu une opinion répandue chez les chercheurs qui étudient les lectures de publication. Ceux-ci envisagent en général la lecture par l’auteur comme une pratique fréquente à la cour27. Il semble au contraire que les célèbres récits de Froissart (la lecture de son roman Meliador devant Gaston de Foix, racontée dans le Dit du florin et dans ses Chroniques), souvent cités en exemple par la critique moderne, constituent l’exception plutôt que la règle28.
27L’examen de la figure de l’auteur courtisan, lecteur de son livre à la cour, laisse penser que cette pratique relevait d’une toute autre démarche que la lecture-publication réalisée en contexte académique. Les circonstances29 de ces lectures d’auteur indiquent que celles-ci ne s’inscrivaient pas tant dans une optique d’emendatio que dans une logique de consécration de l’auteur et de son œuvre.
28Néanmoins, ladite consécration semble difficile à obtenir. Le peu de témoignages de prélectures auctoriales devant la cour forme un contraste notable avec les nombreuses scènes fictionnelles où l’auteur se représente lisant son œuvre à un public fictif, le plus souvent féminin et amoureux. La lecture de l’auteur in vivo resterait-elle du domaine de l’idéal ?
29Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer cette absence. Premièrement, la consécration de l’artiste s’accorde mal avec l’humilitas requise pour le salut chrétien, mais aussi imposée à l’auteur par la tradition rhétorique. Le processus d’une reconnaissance de l’écrivain au cours du Moyen Âge a certainement souffert de cette incompatibilité entre gloire artistique et valeurs chrétiennes30.
30Une seconde raison, plus pragmatique, doit également être envisagée : il n’était sans doute pas si courant pour les écrivains qui n’occupaient pas une fonction de service direct du prince (telle celle de valet de chambre) d’entrer en sa présence. Christine de Pizan raconte fièrement, comme un évènement31 singulier, son audience au Louvre auprès du duc de Bourgogne Philippe le Hardi32 pour recevoir de ce dernier la commande d’une biographie de Charles V. Étant donné la réglementation de plus en plus stricte, au cours du XVe siècle, de l’accès à la personne du prince33, monopoliser l’attention de celui-ci par une lecture devait relever de la gageure – la Complainte du livre de Martin le Franc en constitue un malicieux témoignage34.
31Ainsi, la stratégie de la séduction fonctionne auprès d’un public imaginaire mais semble plus difficile à réaliser en pratique : la figure du courtisan peine à s’imposer dans la littérature de la fin du Moyen Âge.
Détournements
32L’angle de vue large que j’adopte dans cette étude est propice à noter les effets de stéréotypie des figures. Néanmoins, l’analyse de certaines scènes révèle la singularité ou l’unicité d’un positionnement, et permet ainsi d’approcher vraiment les figures particulières, qui relèvent de « l’articulation du collectif et du singulier au sein du discours littéraire »35.
33Ainsi, certaines de ces figures conventionnelles sont détournées. La figure du séducteur, grand connaisseur de la littérature frivole, est utilisée par l’austère chancelier Jean Gerson pour prouver son expertise en matière amoureuse et s’octroyer ainsi l’autorité de critiquer l’immoralité du Roman de la Rose36.
34Dans un tout autre registre, presque cent ans plus tard, le bourgeois de Metz Philippe de Vigneulles raconte dans son Journal comment son père et lui furent faits prisonniers dans des conditions pitoyables. Philippe, que l’on oblige, après sa tentative d’évasion, à dormir chaque nuit au sappe37, s’assigne, en quelque sorte, le rôle de Shéhérazade dans les Mille et Une Nuits :
Et eurent ung aultre tourier, nommé Pier, que sembloit estre moult cruel ; car c’estoit ung vies homme d’airme. Mais les prisonniers trouvirent grace vers lui, pour les belles examples que Phelippe estans au sappe luy comptoit ; et pour ceste cause fist tant au capitaine [du château où ils sont enfermés] qu’il luy appourtait ung livre et le faxoit lire chacune nuit v ou vi feuillet. Et encor plus, pourtant qu’il vit Phelippe honneste filz et bien parlant il print sy grant plaisir à sen lire qu’il apportaist son lit et du nouviaul [e]train, et le mist on sappe qui estoit fait en manier d’ugne couche et couchait Phelippe avec luy, et eust esté aisses bien, ce ne fust ses piedz qui pendoient à froit à dehors du sappe, et ne laissoit point qu’il ne fust aides au sappe, bien enfremé à la clef.38
35Tel l’auteur soupirant qui conquiert par ses prélectures la grâce de sa dame, Philippe de Vigneulles, par des lectures quotidiennes, parvient à s’accorder les bonnes grâces du geôlier et même à partager sa couche.
L’auteur dépositaire de savoirs anciens
Le relais des Sages
36Si on quitte le domaine de l’amour et des armes pour les écrits historiographiques ou la littérature à vocation didactique et politique, ce sont d’autres figures qui se dessinent. La plus prégnante, mais aussi la plus fréquente dans l’ensemble des mises en scène d’auteurs-lecteurs dans mon corpus, est celle du « relais des Sages », imprégné des auteurs anciens qui, par sa fréquentation assidue des matières parfondes et pesantes39, parvient à les rendre accessibles à un public de cour. Dans cet avantage intellectuel, il puise la légitimité nécessaire pour se nommer conseiller du prince40.
37Cette figure trouve sans doute sa raison d’être dans le développement, au cours du XIVe siècle, d’« une nouvelle conception du pouvoir royal et du rôle du Prince dans la société »41 : le prince, sous peine de ressembler à « l’âne couronné », est tenu de s’instruire. En témoignent les initiatives de traductions de textes savants mises en places par le roi de France Jean ii le Bon et son fils Charles V. L’administration du pouvoir ne s’entend plus sans le recours à la science : les conseillers du roi ont accès, dès 1369, à la bibliothèque royale située en haut de la tour de la Fauconnerie, au palais du Louvre. En conséquence, c’est tout un pan de la culture scientifique et philosophique qui est rendu accessible en langue vernaculaire. Le développement du mécénat livresque des rois et des princes – tant pour les ouvrages scientifiques que pour les livres de divertissement – crée, à partir du milieu du XIVe siècle, un effet d’émulation qui se traduira par l’accroissement des bibliothèques princières et ducales sur l’ensemble des territoires de France et de Bourgogne.
38Dans ces circonstances, l’activité d’écriture à la cour se justifie et est même rendue indispensable par ce nouveau besoin de culture des princes. Au sein du corpus que j’ai investigué, c’est d’ailleurs parmi les fonctionnaires de cour que cette image de l’auteur comme « relais des Sages » est la plus prégnante. Elle apparait dans les traductions mais également dans les créations originales qui s’autorisent, en quelque sorte, de ces lectures savantes. Une étude de Jean-Claude Mühlethaler montre que cette figure du clerc est déclinée de diverses manières selon les auteurs42.
39Cette figure connait elle-même une évolution. L’activité de lecture-composition, décrite d’abord comme un artisanat (enquerir et viseter pluseurs volumes, [...] tirer et extraire, [...] assembler43, écrire et se relire de chief en chief44) est évoquée, dans des attestations plus tardives, comme une pratique relevant du songe : l’auteur lit puis s’endort et fait un rêve inspiré par sa lecture45. En ce sens, les attestations rassemblées confirment le mouvement de l’artisan au poète inspiré, observé par Jacqueline Cerquiglini-Toulet dans les figures d’auteur du XIVe siècle46.
40L’accent porté sur l’ancienneté des matières lues conduit, dans les textes les plus tardifs, à une surenchère. Octovien de Saint-Gelais n’hésite pas à parler de reliques :
Ainsi que j’estoye a mon acoustumé office embesoigné, employant mes sens et ma sollicitude a la cognoissance parfonde des choses passees par reliques des livres et des volumes que les enciens scientifiques escripvains nous ont aprés leurs glorieux decés abandonnés pour tiltre de vertueulx heritaige et pour l’enseigne de bonnes moeurs dont furent plains durant leurs vies, je tout seul en ma chambre tournoyant les feuilletz des escrips d’iceulx louables orateurs et mesmement, qui plus estoyent au secret desir de mon cueur logees et encloses, les descriptions des françoises croniques dont Froissart me donna plainier advertissement [...].47
41Ce positionnement de l’auteur en tant que passeur de savoirs, en tant que maillon indispensable dans la chaine qui relie les enciens aux princes modernes constitue certainement, tout comme l’était le motif de la séduction, une manière de déjouer la position incommode de l’auteur fonctionnaire de cour, condamné à écrire du nouveau pour des lecteurs qui semblent priser avant tout les matières traditionnelles.
L’anti-lecteur
42Comme tout stéréotype, la figure du « relais des Sages » a provoqué des positionnements inverses. Les figures d’« anti-lecteur » sont variées et apparaissent surtout dans les écrits les plus tardifs du corpus, rédigés après 1450. Ces anti-lecteurs sont principalement des citadins qui s’affichent en rupture avec la figure du lecteur érudit, emblème du système universitaire : « Car de lire je suis fetard »48. À travers leurs moqueries qui tournent en dérision le savoir livresque, ces auteurs urbains tels François Villon ou Guillaume Coquillart49 rejoignent, par des chemins tout autres, l’attitude sceptique de certains auteurs bourguignons. Dans la quête de savoir d’Olivier de la Marche apparait timidement, sur le même pied que la lecture des anciennes istoires, l’experiment du présent :
[...] je m’arresteray quelque peu à escripre que ce fut, et que c’est de Bourgoingne, et ce que j’en ay peu apprendre par enquerir et par lire les anciennes istoires, et par experiment du present, [...].50
43La défiance (ou la désinvolture ?) face à l’héritage culturel s’exprime clairement dans la figure d’auteur-lecteur déployée par Jean Molinet. L’indiciaire voit dans les lectures anciennes le piège d’une illusion qui détourne l’attention des problèmes actuels :
Querant consoler l’esperit de mes yeux trop amuzé en lecture anciënne, gettay mon regard ou miroir du monde present ou tant de glorieuses et haultes faces se miroient que les ymages y demouroient empraintes a jamais [...].51
44Cette attitude face à l’écrit, dont je ne retrouve nulle part ailleurs la trace à cette époque, est sans doute à interpréter en tenant compte de la spécificité de l’institution littéraire bourguignonne. Les structures mises en place à la cour de Philippe le Bon et Charles le Téméraire favorisent en effet la création littéraire. L’office d’indiciaire, ainsi que certains titres spécifiques52 y rendent officiels le métier d’écrivain de cour.
Le confrère
45Une dernière figure topique renouvèle, à mon sens, l’éventail des mises en scène de soi présentes dans le tissu intertextuel de la fin du Moyen Âge. La figure du « confrère» déjoue également la position de l’auteur fonctionnaire de cour, mais d’une toute autre manière que ne le faisait la figure du « relais des Sages ». Le confrère représente l’auteur membre d’une communauté d’écrivains et reconnu par ses pairs. Cette figure se traduit par un dispositif de lecture particulier : l’auteur lit une œuvre qui n’est plus la sienne (comme le faisait le courtisan) ni celle d’un ancien (comme le faisait le relais des Sages), mais celle d’un confrère vivant, à qui il rend hommage et dont il célèbre les qualités.
46Cette figure fait, selon moi, une de ses premières apparitions dans la ballade d’hommage à Guillaume de Machaut, où Eustache Deschamps rappelle comment il a lu un extrait du Voir dit du poète champenois devant le comte de Flandres Louis de Mâle et l’ensemble de ses barons53.
47Emma Cayley a montré le rôle d’émulation joué par des communautés virtuelles d’auteurs dans la production de nouveaux écrits littéraires : les participants de ces groupesse stimulent l’un l’autre en se répondant d’une œuvre à l’autre54.
48J’ai pour ma part l’intuition que ces communautés ont contribué à révolutionner les conditions d’existence et de légitimité de l’œuvre littéraire en milieu curial à la fin du Moyen Âge. En effet, en inscrivant son œuvre dans un réseau de textes contemporains, l’auteur qui adopte la figure du confrère ne se situe pas dans un rapport d’hommage aux auteurs anciens, il ne prend pas pour point de repère les attentes d’un mécène ou d’une cour, mais il justifie sa démarche et son esthétique par la référence à un groupe de collègues. La lecture est, comme dans les figures précédentes, catalyseur de l’écriture, mais il s’agit cette fois de la lecture de l’œuvre d’un alter ego. Ce positionnement montre des connexions, voire une filiation intéressante avec les figures déployées par plusieurs auteurs humanistes.
49Une lettre de Guillaume Budé relate de la sorte sa propre lecture d’un billet de Jean Lascaris devant le roi et des courtisans choisis :
J’ai passé bien des jours à observer si le roi avait l’esprit bien disposé aux propos littéraires. Comme la fortune s’était enfin montrée propice, pendant le dîner, je commençai la réalisation de mon dessin et quand il pénétra, tout de suite après le repas, dans le petit salon reculé, je l’y suivis avec quelques autres. […] Il [François ier] m’invita aussitôt à en faire la lecture ; d’abord, il jeta les yeux sur la lettre que je lui avais tendue sans rien dire, puis, voyant qu’il ne pouvait la lire, il me la rendit et me pria de la déchiffrer. Je me pliai de bonne grâce à son désir et parcourus avec aisance le texte, puis l’interprétai avec un brio ostentatoire. […] Ce qui a tout à fait abusé ces gens qui n’y connaissent rien et les a laissés bouche bée, c’est mon assurance – car il n’y avait personne qui pût me reprendre. […] Reprenant la parole, le roi se dit émerveillé de ce que je n’ai éprouvé le moindre embarras au cours de la lecture et de l’explication ; ébahi par le fait, son entourage affirmait que cela tenait du prodige qu’un homme de notre pays possède une connaissance aussi approfondie du grec en plus de celle du latin. […] Ensuite, le roi m’a posé beaucoup de questions à ton sujet et je lui ai répondu avec toute la pertinence possible et comme il convenait.55
50On le voit, le souverain est ici le témoin d’un scénario qui lui échappe. Il n’occupe plus le cœur de la description, comme dans les relations de Froissart. Alors que Gaston de Foix et le roi d’Angleterre Richard ii, dans le récit de l’historiographe français, brillent par leurs compétences linguistiques, François ier mis en scène par Guillaume Budé, incapable de lire l’œuvre rédigée dans la langue des intellectuels, est tenu de s’effacer devant le brio de l’humaniste – il en serait resté tout ébloui et même interdit. La correspondance de Budé, rédigée en grec et destinée à un cercle fermé d’humanistes, n’a certes pas été composée pour un public de cour, comme l’étaient le Dit du Florin ou les Chroniques de Froissart. C’est précisément parce qu’il s’adresse à des pairs que l’helléniste peut développer dans son discours une stratégie d’autopromotion.
51Cette manœuvre est d’ailleurs basée sur une intertextualité qui fonctionne en vase clos : à la manière du discours scientifique moderne qui démontre sa propre validité en citant les noms ou les textes des auteurs reconnus au sein du champ, c’est l’exaltation de l’œuvre d’un confrère qui permet à Budé de s’ériger en génie.
52Les questions d’approbation du talent littéraire semblent au demeurant occuper une place de choix dans les écrits humanistes. Un extrait des Carmina de Michel de l’Hospital – une série d’épitres adressées à des proches, non publiées, mais qui circulèrent probablement dans la sphère publique56 – en livrent un autre exemple. Il s’agit cette fois d’une séance de lecture des poèmes de Jean Salmon (Macrin), partagée entre humanistes :
J’écoute Macrin tandis qu’il lit à voix haute, je m’y applique, tout comme l’écoute Émile, et chacun de noter pour lui les qualités [des poèmes], qui étaient aussi nombreuses qu’il y avait de vers et presque de mots ! Nous jetons des regards admiratifs, et vers le ciel tous deux nous levons notre visage, plongés dans l’extase ; et le voilà non moins frappé de stupeur, Macrin lui-même, et il s’émerveille de ces poèmes comme s’il les découvrait pour la première fois.57
53Il est symptomatique qu’apparaissent, dans les écrits humanistes, des descriptions de lectures collectives réalisées non plus en présence d’un prince, mais entre auteurs. Ainsi, les attestations de prélectures humanistes se démarquent nettement des scènes de prélecture à la cour. Ces dernières ont pour visée le divertissement, tandis que les lectures collectives humanistes visent à soumettre le texte à la correction d’un cercle de collègues. Ainsi, il est attesté que Pétrarque avait l’habitude de faire lire son œuvre pour la critiquer, en sa présence et celle de ses amis58, et il en va de même pour Garin de Vérone59 et Lorentius Valla60.
54Le petit monde mis en scène dans ces descriptions contient en lui-même son instance de légitimation. Ce mode de reconnaissance s’inscrit dans la lignée des stratégies développées par certains auteurs de la fin du Moyen Âge. Pierre Chastellain, par exemple, dans Le Temps perdu, prend la plume pour réagir à la lecture du Passe-temps rédigé par son confrère Michault Taillevent, dont il consacre incidemment la valeur littéraire :
Quant de ton passe temps j’ouy
Reciter environ dix vers,
Pour certains je fus resjouy
Des gracieulx motz et divers.61
55Que ces rapports soient décrits, au niveau individuel, en termes de collaboration62 ou de compétition63 importe peu : l’essentiel est, selon moi, la mise en place progressive d’une structure où un groupe d’auteurs ne prétendent reconnaitre que les règles qu’ils ont élaborées eux-mêmes.
Conclusion
56Par cette contribution, j’ai voulu montrer que le discours sur la lecture constitue, en plus d’une ressource pour approcher la pratique de la lecture elle-même, un élément-clé pour comprendre les stratégies auctoriales de la fin du Moyen Âge. La scène de lecture s’est révélée un lieu où l’auteur, par la mise en scène de soi, rejoue la place qui lui est assignée dans le contexte littéraire curial.
57Les figures topiques identifiées incarnent différemment ce rôle. Le « soupirant » et le « courtisan » jouent la carte de la séduction. Séduction fantasmée plus que réelle ? Le peu de témoignages de lectures auctoriales décrites comme historiques incite à le penser. Cette fracture entre les images fictives de séduction et les rares lectures auctoriales avérées traduit sans doute le fossé entre l’ambition des écrivains et les goûts littéraires des princes qui, comme l’a montré mon enquête64, semblent portés avant tout vers les écrits validés par la tradition. Il semble qu’au XVe siècle, à la cour de France et de Bourgogne, les auteurs contemporains luttent pour imposer leur voix.
58La figure du « relais des Sages » pourrait, elle, constituer une façon de réconcilier cette tension entre l’Ancien et le Moderne. Elle positionne en effet l’écrivain d’une manière toute différente : en adoptant l’ethos de l’historien ou du moraliste, celui-ci se profile non plus en situation de demandeur, mais en position de force. La clergie, la maitrise des langues anciennes, le contact privilégié avec la matière antique font de lui le lien indispensable entre le prince et la sagesse ancestrale. Ainsi, il est significatif que ce portrait particulier d’auteur-lecteur soit le plus fréquent au sein du corpus étudié, et qu’il apparaisse principalement dans le discours des auteurs fonctionnaires de cour.
59La clergie ne fait cependant pas l’unanimité. Dans des milieux externes à la cour, notamment à la ville, se dessinent des figures qui brocardent la fréquentation des livres de sagesse. À la cour de Bourgogne, chez Olivier de la Marche et Jean Molinet, se manifeste une toute autre justification de la prise de parole de l’écrivain : l’observation des faits contemporains.
60Enfin, une nouvelle figure, irréductible à toutes les autres, fait son apparition dans certains textes du XVe siècle. Il s’agit d’un positionnement inédit, où la légitimité énonciative ne s’acquiert pas d’une instance extérieure (la tradition, les gouts du mécène), mais de la structure même du réseau d’écrivains : les confrères s’octroient réciproquement la reconnaissance qui leur est nécessaire.
61Loin de moi l’idée de proclamer l’autonomisation du champ littéraire ou encore d’affirmer une quelconque évolution linéaire, qui conduirait l’auteur médiéval assujetti à la perfection de l’auteur moderne affranchi de tous liens – il serait d’ailleurs bien échu que cette transition se réalise juste durant l’époque que j’étudie. Je pense pourtant qu’il se joue là quelque chose d’essentiel, que l’on pourrait peut-être décrire comme le passage d’une structuration verticale du champ (où l’auteur, qu’il soit séducteur ou sage, se définit en fonction de sa relation au mécène) à une structuration horizontale, emblématisée par le genre de l’épitre humaniste, qui s’adresse à l’ami et non plus seulement au protecteur.
62(Université catholique de Louvain)