L'idéologie du néoclassicisme dans Les Guêpes, revue littéraire 1909 – 1912
1En 1919, Maurice de Noisay, lorsqu’il revint sur l’aventure des Guêpes, qualifia cette revue de « pléiade diabolique, soviet aimable ».1 L’humour de la formule rappelait la tonalité fantaisiste des Guêpes à laquelle participaient parfois Francis Carco, Tristan Derème ou encore Paul-Jean Toulet. Pour Jean-Marc Bernard, fondateur des Guêpes et lui-même fantaisiste, l’humour intégrait le programme du néoclassicisme dès lors qu’il célébrait, au sein de sa revue d’obédience maurassienne, l’esprit français. Proche de La revue critique des idées et des livres d’Eugène Marsan, Les Guêpes se voulait une revue agressive associant critique littéraire et ressentiment politique avec une présentation matérielle qui donnait le ton : mince format, couverture marquée du sceau de l’article 445, cet article du code qui selon l’équipe de Bernard aurait dû maintenir Dreyfus en prison, c’est tout dire :
Aucun manifeste, aucun sommaire. Au fronton de la couverture, tout simplement, chaque mois, ce fatidique nombre 445, qui en a intrigué plus d’un. Eh ! oui, c’est le numéro d’un fameux article du code violé par la plus haute magistrature de la République pour les besoins d’un acquittement politique.2
2Ce « fatidique nombre » servait de carte de visite à la revue : « 445 ! Cela vous dit tout de suite qui l’on est, et qu’en toute chose, avant tout, l’on en tient pour l’honnête, contre l’anarchique ».3
3« Il n’est pas facile de m’adoucir, quand on ne parle pas dans mon sens », cette citation d’Aristophane, extraite de la pièce Les Guêpes, était affichée de même sur la couverture. Elle disait la volonté d’une mise en ordre du discours, n’admettant guère la réplique et le droit de réponse. Mais dans cette posture autoritaire, il fallait faire la part à la fantaisie et au besoin de se caricaturer soi-même. Plus grave était l’antisémitisme viscéral et violent qui discréditait moralement la revue.
4Quant au contenu littéraire, la majeure partie des textes publiés émanait des poètes de l’école romane, à commencer par Jean Moréas ou des critiques néoclassiques comme Armand Praviel. Les débats se centraient autour d’une condamnation du symbolisme de Mallarmé et du néosymbolisme de Jean Royère,4 le directeur de La Phalange. L’énergie critique allait surtout à la défense du classicisme louant Racine et surtout Boileau à qui, d’ailleurs, on consacra un numéro spécial.5Emportés par la passion de la réaction, les jeunes gens des Guêpes radicalisaient les canons initiés par Moréas et Charles Maurras, des canons qui furent le signe, pour les fondateurs de La N.R.F, par exemple, d’un dogmatisme réactionnaire ne conduisant qu’à l’impasse : « Nous aimons mieux nous trouver sur le chemin qui mène à la beauté classique, que sur celui qui en revient » s’écriait Henri Ghéon dans « Le classicisme et M. Moréas ».6 Pourtant, Gide avait à plusieurs reprises exprimé une certaine sympathie pour les animateurs de la « piquante revue »7, il semblait, en effet, les rejoindre dans leur détestation de « l’anarchisme romantique ». Du reste, ces derniers proclamaient haut et fort leur admiration pour La Porte étroite.
5Dans ce contexte de retour à l’ordre classique, la revue Les Guêpes joua un rôle non négligeable, celui de rendre particulièrement visible l’articulation entre programme politique maurrassien et esthétique littéraire :
Mais d’abord, qui sommes nous ? Une petite troupe de jeunes écrivains qui, ayant reconnu la nécessité de certains principes, soit extra-littéraires, soit littéraires, et s’unissant sur cette base, ont résolu de les imposer. La pureté des convictions, la cohérence des idées, la perfection de l’accord nous semblent être plus certainement indispensables que le nombre de combattants, dans une campagne telle que la nôtre. C’est pourquoi l’on ne trouvera que peu de signatures dans chaque numéro ; et les cinq suivantes régulièrement : Jean-Marc Bernard, Henri Clouard, Eugène Marsan, Raoul Monier, Maurice de Noisay.
Notre doctrine ? Les lecteurs des Guêpes la connaissent bien. Elle constate la relation qui se maintient depuis l’origine des sociétés entre le rendement moyen de l’intelligence, l’excellence de la culture, la floraison des arts d’une part, et une bonne organisation politique d’autre part. Elle pose, en conséquence, le rétablissement de la monarchie nationale traditionnelle et de l’ordre romain perpétué par le catholicisme.8
6Au cœur de cette articulation on ne peut plus directe du littéraire au politique, quelle définition la revue donne-t-elle du néoclassicisme ? C’est d’abord l’inscription d’un rapport conflictuel à l’histoire littéraire. Dans le droit fil des idées soutenues par Pierre Lasserre (Le Romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle, thèse de 1907), les auteurs des Guêpes s’appliquent à déconstruire la mythologie du romantisme car source d’anarchie en art. Pour ces émules de Maurras, il s’agit de faire vivre une pensée critique en réactivant de manière fantasmatique des blocs que l’on veut absolument antagonistes : classicisme contre romantisme et sa suite immédiate, le symbolisme. Pareille réduction de l’histoire littéraire à un absolutisme du conflit trouve son fondement dans une condamnation de l’individualisme romantique. Sur ce plan, l’article de Jean-Marc Bernard, Discours sur le symbolisme, est éloquent. Bernard dénonce un individualisme tout autant littéraire que politique :
C’est parce qu’elle s’éloigne de toute tradition et de tout modèle que la littérature contemporaine sombra tout entière dans l’anarchie. L’individualisme est inartistique dans le domaine intellectuel, comme il est antisocial dans le domaine politique.9
7Et il situe l’origine de cet individualisme honni dans l’émergence des quatre « R » : Réforme, Rousseau (caricaturé sous la forme des « théories Jean-jacquistes »), Révolution, Romantisme :
De même que les institutions républicaines sont le résultat de la Révolution (qui, elle-même a sa source indubitable dans la Réforme), de même notre littérature moderne nous semble le fruit des doctrines de Jean-Jacques Rousseau, doctrines essentiellement protestantes.10
8Les Guêpes oppose à ce déterminisme historique fabriqué de toutes pièces la soumission de l’individu à un héritage de lois et de règles issues d’une tradition pensée comme la solution à tous les maux. Il en résulte une régression anthropologique puisqu’à la notion moderne d’individu se substitue une vision militante (et donc déformée) de l’ancien schéma de « l’honnête homme » pétri de valeurs universelles. Henri Clouard œuvrait au retour de ce modèle :
A l’abandon de l’esprit aux choses, véritable domesticité, opposons un fier accord (qui suppose liberté) avec l’univers ; mais rétablissons avant tout un accord solide de l’homme avec l’homme, une logique. Pour parler net, rouvrons les Provinciales, puis le Discours sur la méthode.11
9Pour faire aboutir cette logique, il fallait en passer par une réforme de l’intelligence, stricte application du programme énoncé dans L’avenir de l’intelligence de Maurras. Clouard le dit sans hésitation avec l’assurance du militant qui croit encore en la restauration autoritaire de l’ancien régime :
Un retour au type le plus noble de l’homme, une réforme de l’intelligence sera notre unique moyen de redevenir nous-mêmes. Mais ne sommes-nous pas à l’entrée du glorieux chemin, puisque nous marchons derrière Charles Maurras ?12
10De tous les collaborateurs réguliers des Guêpes, Henri Clouard était sans doute le plus intransigeant, sur la question politique comme sur celle du style. Doué d’une éloquence certaine qu’aiguisait un goût prononcé pour la polémique, Clouard s’était donné le premier rôle en définissant l’esthétique du néoclassicisme. Au terme de sa fameuse enquête menée dans La Phalange sur la littérature nationale, il écrivit un article fondateur de l’esthétique néoclassique car il y exposait une véritable politique du style. En maurassien convaincu, il s’appuie sur l’argument nationaliste (« puisqu’on sait que la France est la terre du raisonnable et du logique »13) pour introduire une étrange « fonction intellectuelle de la race » :
Il n’en est pas moins certain que Montaigne ou Pascal savent se libérer de leur religion elle-même pour considérer le spectacle du monde, et que nos écrivains semblent avoir élevé à la dignité de patrimoine transmissible lucide et fécond, et qu’il y a là par conséquent, ferme et libre, une fonction intellectuelle de la race.14
11Ces arguments fallacieux servent à mettre en exergue un éloge de l’extrême maîtrise du verbe et de la pensée caractérisant les classiques. On loue d’abord la faculté de détachement, une faculté œuvrant à bien distinguer sujet et objet, surtout lorsqu’il s’agit de passion. Racine, bien sûr, est mis à l’honneur :
Remarquons, chez Racine par exemple, comme toujours l’émotion semble tendre à une formule. Les personnages de Racine sont comme des symboles de passion, ils dessinent les schèmes d’un processus éternel ; ils gardent assez de liberté vis-à-vis de leur propre passion pour y distinguer sujet et objet.15
12Clouard s’en prend ensuite à l’âge de la sensibilité qui détruit l’ordre racinien, de nouveau l’argument nationaliste est convoqué avec, cette fois, une tirade anti-allemande : « Il est allemand ce procédé de l’intuition. C’est Kant qui nous fit espérer de pouvoir nous représenter la réalité universelle avec, à la place du cerveau, une succursale du cœur ou un paquet de nerfs ». Ainsi ce qui importe, aux yeux du critique néoclassique, c’est une discipline devant épurer la passion dans l’intelligence. Comme exemple, il cite Laclos pour persuader du bon usage de la méthode dans la maîtrise de l’objet, la « rage des sens, en l’occurrence » :
Je ne sais si Les liaisons dangereuses sont très aimées. Pour moi, ce Valmont me ravit par la sûreté de sa tactique, et j’admire comme la rage des sens se transforme en lui en un plaisir intellectuel. Au plus vif du récit d’un combat amoureux, Laclos écrit cette phrase : « Jusque-là, ma belle amie, vous me trouverez, je crois, une pureté de méthode qui vous fera plaisir. » 16
13Cette politique du style se rapporte à un axe majeur : lutter contre Mallarmé en ne cédant pas à la musique verbale. Le néoclassicisme consiste à imposer la suprématie du sens sur la lettre, du signifié sur le signifiant, c’est là l’ultime argument de son esthétique, contre-valeur centrale dans ce système de pensée d’arrière-garde. Les Guêpes, et avec elle tout le mouvement néoclassique, s’oppose ainsi au siècle littéraire en suivant la devise de Clouard : « Les mots sont beaux d’avoir un sens ». De cette politique du style découlait aussi une fonction de la critique arcboutée à l’idéal normatif de la réaction classique : « la fonction de la critique est de dire le beau et le laid » comme l’affirmait encore Clouard. 17
14Discipline, retour à la tradition, soumission aux règles, encadrement de la sensibilité individuelle, programme littéraire et politique s’édifiaient donc sur la même base. Le dénominateur commun le plus évident était, on l’a vu, la lutte contre l’individualisme, contre ce que Bernard appelle dans son Discours sur le symbolisme « la doctrine individualiste ». Pour Les Guêpes, romantisme, parnasse, symbolisme sont une illustration littéraire de la liberté individuelle née du développement de la démocratie, lequel est perçu comme un mal. C’est pourquoi, dans une logique aussi naïve que délirante, le « retour du Roi » s’impose, par « Roi » entendons monarchie autoritaire. A lire certains articles, on reste confondu par cette logique aussi brutalement énoncée : « Mais pour l’épanouissement de ce nouveau classicisme, une condition indispensable s’impose : le retour du Roi ».18 La conclusion maurassienne du Discours sur le symbolisme est de la même veine, citant un argument royaliste de Tancrède de Visan, Bernard déclare : « N’est-ce pas avouer que la restauration de la monarchie seule saura consolider la renaissance des Belles-Lettres en France ? Nous conclurons donc encore une fois par l’axiome d’Action française : Politique d’abord ! » 19 Appliqué aux Belles-Lettres, le mot d’ordre de Maurras est sans ambiguïté, il postule pour Bernard et son groupe la subordination du littéraire au politique : « Ce renouveau classique est subordonné à la restauration de la monarchie. De même que, sans le retour du Roi, nous ne croyons pas de possibilité de durée pour la France, de même sans renouveau classique, nous savons que la fin de notre littérature est proche ». 20
15Au sein de la restauration, la revue s’assignait une mission précise consistant à remédier aux « mauvaises dispositions du public », il s’agissait, ni plus ni moins, d’un programme de rééducation :
[…] notre entreprise ne tend à rien de moins qu’à redresser le goût et le jugement d’une élite pour atteindre ensuite graduellement le plus grand cercle possible d’auditeurs. Or, dans la médiocrité, le flottement, les contradictions et pour ainsi dire l’inexistence des lettres contemporaines, il nous paraît qu’il n’y a qu’une seule méthode efficace pour cette rééducation : c’est de se mettre à l’école des grandes époques […]. 21
16Les Belles - Lettres étaient ainsi sollicitées pour soutenir le mouvement de redressement moral de la nation engagé par Maurras, mouvement qui passait par l’accès direct au peuple.
17Comment expliquer une telle adhésion de la réaction littéraire à la réaction politique ? Maurras et les néoclassiques royalistes pensaient que l’avènement de la démocratie entraînait systématiquement une forme d’égalitarisme rabaissant les positions de l’élite et menaçant à terme l’identité culturelle de la France. Ce discours, courant à l’époque dans les milieux réactionnaires, trahissait une angoisse identitaire que Maurras avait su amplifier grâce au mythe du mendiant lettré décrit dans L’avenir de l’intelligence. C’est ce texte que cite Bernard dans l’un de ses articles :
Devant la puissante oligarchie qui syndiquera les énergies de l’ordre matériel, un immense prolétariat intellectuel, une classe de mendiants lettrés, comme en a vu le moyen âge, traînera sur les routes de malheureux lambeaux de ce qu’auront été notre pensée, nos littératures, nos arts ! 22
18Dans l’article de Bernard, cette citation était censée valider un raisonnement assez tortueux visant à lier la « libération de l’instinct de personnalité », venue des auteurs romantiques, à l’argument maurrassien de « l’asservissement de l’intelligence aux forces de l’argent ». Quoi qu’il en soit, la lecture qu’on faisait de L’avenir de l’intelligence dans Les Guêpes, et plus particulièrement du mythe du mendiant lettré, révélait à quel point le groupe de Bernard était hanté par l’idée de décadence supposée des arts et de l’esprit français. Dès lors, s’il avait été formulé explicitement, le vrai mot d’ordre des Guêpes n’eût pas été Politique d’abord ! mais Culture d’abord ! En conséquence, la revue avait pour principale fonction de renforcer la subordination du littéraire au politique afin de mieux orchestrer une sacralisation du culturel.
19Pour mener à bien cette mission, certaines stratégies éditoriales étaient privilégiées. En premier lieu, les textes de critique obéissaient à une rhétorique semblable d’un numéro à l’autre. Par exemple, leurs auteurs s’obligeaient non seulement à se référer à l’article 445, « considéré comme le meilleur article de la revue » mais aussi à reprendre, surtout en conclusion, les principaux mots d’ordre de l’Action française comme « tout ce qui est national est nôtre » ou encore « les barbares dehors ! ». De temps à autre, la critique littéraire laissait la place aux interventions de ceux qu’on considérait comme des maîtres à penser : Maurras publie Jeune France en janvier 1910 et Pierre Lasserre ses Méditations dans un vieux jardin des plantes en mars 1910. Quant aux maîtres du Grand Siècle, tel Boileau, leur esthétique était détournée au profit de la récupération politique. La polémique, où tous les coups étaient permis, dominait. Il s’agissait tout autant de donner l’illusion d’abattre l’adversaire, qu’on appelait aimablement le « barbare » ou le « métèque », que de s’affirmer comme la vraie voix du classicisme retrouvé. Dans cette optique, les rapports avec La N.R.F sont significatifs. Par exemple, Clouard tente de convaincre que les deux revues partagent des « valeurs communes ». De son Côté, Bernard, fort de son dialogue avec Gide, obtiendra la publication de son poème, Sub tegmine fagui, dans La N.R.F de juin 1909. Enfin, la fantaisie s’ajoutait à la polémique pour ridiculiser « l’ennemi ». De la sorte, de 1909 à 1912, la publication de la revue fut conçue comme une campagne politico-littéraire, en atteste le mot de la fin lors du dernier numéro, une enquête sur les jardins à la française. Bernard signe l’éditorial ; fidèle à son esprit de parti, il fait de l’activité artistique un symbole politique en lequel s’exprime « la discipline de l’âme humaine » :
Cette question du jardin français, comme à peu près toutes les questions politiques, sociales et artistiques d’aujourd’hui, déborde naturellement de son cadre. Qu’on le veuille ou non, elle touche à la discipline de l’âme humaine. La renaissance du jardin français correspond à la renaissance française tout entière. Tout se tient dans la France de Maurras et de Quinton.23
20Puis il conclut :
Grâce à cette enquête — image de la victoire de l’esprit sur les forces brutes de la nature —nous achevons dignement une campagne de quatre années contre les barbares. 24
21 La campagne des Guêpes est un exemple radical de l’introduction du politique au cœur du discours littéraire. D’un point de vue historique, elle témoigne de la virulence du courant royaliste de l’Action française qui a constamment menacé la troisième république et qui fut tout prêt de l’emporter en février 1934, avant de s’imposer dans une certaine mesure en juillet 1940. Du point de vue de l’histoire littéraire, elle révèle un système critique cherchant de toute force à replacer l’écrivain dans la société, à ce titre elle constitue un contre-modèle parfait de ce qui se jouait alors, à savoir l’autonomisation de la littérature.
22Le conflit de 1914 mit un terme à la pensée des Guêpes, Bernard et Monier, se portant en première ligne au début des combats, furent tués. Au surplus, la position esthétique et morale défendue par la revue n’était guère tenable, Henri Clouard, qui fut pourtant la « guêpe » la plus redoutée, le reconnut en 1924. Dans son manuel, La poésie française des romantiques à nos jours, il renie son engagement de néoclassique maurassien :
Il importe de dénoncer avec la gravité voulue ces inquisiteurs qui opposèrent classicisme et romantisme. J’ai un peu honte d’écrire cela moi-même, à l’âge de l’inexpérience et trompé par des raisonnements fallacieux, j’ai servi comme enfant de chœur dans de telles chapelles.
23C’est Valery Larbaud qui rapporte ce propos dans son commentaire, plutôt positif, du manuel en février 1924.25 En citant Clouard, il montre qu’il est sorti de son erreur : « Le sort de chaque art dépend toujours uniquement de quelques rares individus supérieurs et libres », Larbaud ajoute avec malice : « Très bien ».26
24Certes, il vaut mieux tard que jamais mais cette palinodie n’exonère pas Clouard de ses responsabilités morales face à l’histoire car il fit partie de ces auteurs qui ont contribué, d’une manière ou d’une autre, à « défaire »27 la république. Mais, au-delà de ce repentir, la meilleure réponse que l’on pouvait opposer au nationalisme littéraire de l’Action française était « le cosmopolitisme de pensée »28 incarné par Valery Larbaud et Paul Morand (dans sa première période). En réplique à l’un des personnages de son roman écrit en 1910, LesExtravagants, scènes de la vie cosmopolite, qui affirme « que tout art, pour être viable, doit éveiller ou fortifier l’idée de patrie », Morand introduit une répartie bien sentie : « Il n’y a que les idées médiocres qui restent l’apanage d’une seule nation ».29