Le fonds Deloynes, une collection d'éphémères ? Questions à l'origine d’un projet de recherche
PatrimEph, horizons d’un projet
1Définir d’emblée ce que recouvrent les « éphémères » relève quasiment de l’impossible : il s’agit d’une catégorie très hétérogène, difficile à appréhender autrement que par la négative, ou bien par des définitions plus extensives que compréhensives. Ni livre ni périodique, l’éphémère relève du domaine de l’écrit, mais aussi de l’illustration ; traditionnellement imprimé, il devient aussi numérique, si on prend en compte aujourd’hui les tweets, blogs ou pop-ups. Libelles, pamphlets, tracts, affiches, étiquettes, cartes postales, cartes à jouer, programmes, images pieuses, imagerie populaire, travaux de ville… une simple énumération ne saurait être exhaustive ni représentative des éphémères conservés dans les fonds nationaux, grâce au dépôt légal éditeur et imprimeur, mais aussi à l’action de collectionneurs et de conservateurs d’archives, de bibliothèques ou de musées.
2Les éphémères qui sont parvenus jusqu’à nous sont paradoxalement très nombreux ; les acteurs de leur patrimonialisation sont multiples, et les compétences pour les traiter se sont déjà manifestées dans des initiatives et des publications pionnières. Mais en l’absence d’un vocabulaire commun pour les définir positivement, les décrire et les classer, autrement dit en l’absence d’une culture partagée ou tout du moins comparée de ces objets, leur connaissance apparaît encore très dispersée ou segmentée.
3Ces considérations sont déterminantes pour le projet de recherche PatrimEph – La patrimonialisation des éphémères, qui interroge la place des éphémères dans notre patrimoine et leur rôle dans la construction de notre histoire culturelle, en ouvrant une perspective diachronique large (xvie-xxie siècles) et en adoptant une démarche comparatiste (à l’échelle européenne surtout, avec l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni). Son programme est à la fois ambitieux et modeste : ambitieux parce qu’il s’agit de tenter une synthèse qui soit à la fois d’ordre international et interdisciplinaire entre des traditions épistémologiques, des méthodologies et des cultures différentes. Modeste parce qu’il ne fait qu’ouvrir un chantier et poser des piles sur lesquelles des ponts restent à bâtir. Les textes rassemblés ici témoignent de l’effort inédit qui a été fourni pour fédérer autour d’un objet aussi infini qu’insaisissable les compétences de collectionneurs, de conservateurs et de chercheurs (en lettres, histoire, histoire de l’art), qui ont cherché à opérer un premier balayage du champ des éphémères sur une période longue, à prendre la mesure de son étendue et de sa variété, à en interroger les limites, les marges, les modes de collecte, de conservation, de classement et de valorisation.
4Ainsi, le projet PatrimEph n’aurait pu se développer sans la collaboration active de chacun des membres de son comité scientifique : Lise Andriès (CNRS), Annie Duprat (Université de Cergy-Pontoise), Julie Anne Lambert (Bodleian Library, Oxford), Corinne Le Bitouzé (Bibliothèque nationale de France), Jean-Yves Mollier (Université de Versailles Saint-Quentin), Philippe Nieto (Archives nationales), Denise Ogilvie (Archives nationales), Romain Thomas (Paris Ouest Nanterre), Bertrand Tillier (Université de Bourgogne), Michael Twyman (University of Reading).
5La première hypothèse qui a guidé ce projet est que l’éphémère lui-même, en tant que source historique et trace mémorielle, ne prend paradoxalement sens qu’à travers un processus de patrimonialisation qui suppose la collecte, la conservation, l’organisation, l’archivage, le catalogage : sans ce processus, pas d’éphémères mais des déchets promis à l’oubli, ou au recyclage (on sait d’ailleurs que les plats de reliure, rembourrés avec des papiers inutilisés, ont permis de retrouver des éphémères mis au rebut). Par une dialectique d’ordre médiologique, l’éphémère n’est donc pas une donnée brute mais un document construit, à travers une transmission qui le transforme en objet d’étude, d’archive et de patrimoine. Si bien que l’éphémère est une contradiction vivante, mais qui ne vit que de cette contradiction interne : il faut le faire durer pour saisir son caractère passager.
6Ce questionnement sur la conservation implique d’autre part de reconsidérer et de réévaluer les éphémères sur une période longue, au moins depuis les prémices de l’imprimerie (on sait que les indulgences imprimées par l’atelier de Gutenberg constituent les premiers témoignages de l’activité typographique) jusqu’à la seconde révolution du livre issue du xixe siècle, qui marque l’essor considérable des éphémères, à tel point que ceux-ci peuvent être considérés comme l’une des locomotives de la chaîne graphique. Mais rien n’interdit de remonter en amont (jusqu’au Moyen Âge et à l’Antiquité : après tout, les tablettes de bois qui ont donné notre codex n’étaient-elles pas un support éphémère par excellence ?) et bien sûr d’envisager l’âge électronique contemporain, avec les nouvelles possibilités ou contraintes introduites par la production et l’archivage d’éphémères numériques.
7Le dernier postulat du projet est celui de l’interdisciplinarité, dans la mesure même où l’étude et la préservation des éphémères ont toujours procédé d’une synergie entre collectionneurs, conservateurs et chercheurs. On ne saurait étudier les éphémères sans fédérer tous ces acteurs et mettre en œuvre une compréhension mutuelle des enjeux et des attentes autour des collections. Sur un plan plus académique, il s’agit plus précisément d’étendre l’étude de l’éphémère à des disciplines où il reste peu envisagé en tant que tel. Les éphémères représentent en effet une source majeure pour l’histoire du livre, qui a été pionnière dans leur analyse, et plus largement pour l’histoire politique et sociale, de même que pour les sciences de la communication visuelle (les éphémères sont prioritairement abordés sous l’angle de la typographie et du graphisme en Grande-Bretagne) comme de l’information (dans la mesure même où les éphémères posent un défi à la documentation).
8Partant de ces principes, PatrimEph se fixe un triple objectif. Le premier est théorique : il s’agit de contribuer à une approche critique du patrimoine, en analysant le paradoxe que constitue la patrimonialisation de documents circonstanciels, voués originellement à la péremption ou au rebut. Le second est scientifique, et vise à développer et à structurer la connaissance de ce continent encore largement impensé des disciplines de lettres et sciences humaines, qui lui accordent une légitimité scientifique inégale et qui plus est variable d’un pays à l’autre, avec un intérêt porté à ces objets nettement plus marqué en Grande-Bretagne ou en Allemagne, qu’en France.
9La Grande Bretagne, à laquelle nous faisons ici le choix d’emprunter le terme ephemera, reste en particulier pionnière et exemplaire aujourd’hui sur le plan tant de la reconnaissance scientifique de ces documents (on en trouvera un témoignage dans l’article de Michael Twyman sur l’importance des éphémères en matière d’histoire de la communication) que de leur repérage, de leur classement, ou encore de leur mise à disposition du public. PatrimEph a enfin un objectif pratique : favoriser la valorisation des éphémères en France, souvent méconnus ou inexploités du fait de leur éparpillement sur tout le territoire sans répertoire de référence pour les localiser, du fait aussi de leur manque de visibilité sur les sites institutionnels, faute d’un mode de classement et de signalement efficaces pour en faciliter l’identification et l’accès.
10On le voit : les éphémères représentent une terre promise autant qu’inconnue pour des pans entiers de l’histoire culturelle. C’est précisément ce que montre le cas de la collection Deloynes de la BnF, dont l’étude a présidé à la naissance du projet.
Origines : le fonds Deloynes, une collection d’éphémères ?
11Le projet est né d’un questionnement sur un fonds d’imprimés et de manuscrits du xviiie siècle, la collection Deloynes, conservée au Cabinet des Estampes de la BnF, consultable sur microfiches depuis les années 1980, et en cours de numérisation sur Gallica1. Tout un pan de la vie artistique du siècle des Lumières s’y déploie, à travers plus de 2 000 pièces de différents formats (in‑4°, in‑8°, in‑12) recueillies entre 1673 et 1808 et reliées en 63 tomes. Très hétérogènes, ces documents originaux ou retranscrits font revivre le monde des beaux-arts du xviiie siècle, sa production, ses acteurs : artistes, critiques, public. La plupart des pièces qui la composent ne sont pas des uniquats, c’est la collection en elle-même qui est unique, et qui donne une valeur aux éphémères qu’elle contient, quoique d’autres exemplaires puissent en être conservés ailleurs. Les dix premiers tomes recueillent essentiellement des livrets d’expositions de l’Académie royale et des brochures critiques imprimées, les suivants contiennent plus de copies manuscrites de documents très divers, mais regroupés de façon assez cohérente par tomes thématiques, ayant trait par exemple à des innovations techniques en matière de gravure (t. 60), ou aux vies de peintres (t. 61). Ces documents vont de la simplefeuille (comme une publicité pour des papiers peints d’arabesques bon marché commercialisés par un certain Windsor, Pièce 2040) à l’ouvrage, en passant par l’opuscule.
12Relevant du livre, du non livre, du périodique, la collection Deloynes recoupe mais excède aussi le champ des éphémères, et du même coup interroge les limites et les marges de cette catégorie. L’histoire de cette collection, le cheminement qui lui a conféré de la valeur, témoignent du temps long nécessaire à la reconnaissance de ce patrimoine fragile, prévu en grande partie pour une temporalité brève.
13C’est le conservateur Georges Duplessis qui acquiert et inventorie pour la Bibliothèque Nationale la collection Deloynes en 1881, après une longue enquête. Georges Duplessis a pu s’aider en partie de travaux antérieurs d’érudits. En 1852, Anatole de Montaiglon avait établi à partir d’autres sources un Essai de bibliographie des Livrets et critiques des Salons depuis 1673 jusqu’en 1851, attirant l’attention en introduction sur la difficulté de collecter ces imprimés exhaustivement et en série2, seule manière pourtant de leur conserver leur intérêt originel, ce que Montaiglon nomme la « physionomie successive des livrets, représentation exacte, curieuse et intéressante à conserver, du goût et des idées incessamment mobiles des hommes et des années renouvelées »3. La patrimonialisation de la Deloynes coïncide avec une période où les érudits entendent enrichir l’histoire de l’art de la connaissance de nouveaux « documents originaux4 », « matériaux inconnus et presque effacés de l’histoire des artistes5 » : c’est ce qu’annonce en 1852 le premier numéro de la Revue universelle des arts, dont le projet n’est pourtant pas de s’adresser au seul public savant mais de contribuer à « populariser le goût des beaux-arts » en « [s’]adressant aux amis des beaux-arts, en essayant d’accroître leur nombre et d’entretenir leurs sympathies, en glorifiant le passé de l’art, en étudiant son passé et en préparant son avenir »6. L’ambition n’est pas seulement scientifique, elle est à proprement parler patrimoniale, au sens où elle consiste à inciter un public élargi à s’approprier son histoire artistique.
14Georges Duplessis possédait à titre privé une riche bibliothèque sur les Beaux-arts qui contenait elle-même plusieurs imprimés relevant des éphémères. Edmond Chevignard, qui fit l’inventaire de la bibliothèque de Duplessis en 1900, définit Duplessis non pas comme un bibliophile, mais comme serviteur d’une histoire de l’art – et surtout d’une histoire du goût – restant à inventer :
En matière d’histoire, Duplessis ne repoussait rien et abandonnait à la critique le soin d’une sélection dans cette masse de pièces, parmi lesquelles, fatalement, plusieurs sans portée sérieuse ou assez discutables. Ce n’était pas faute de discernement mais circonspection ; il lui semblait nécessaire de compter avec les variations du goût et les retours d’opinion. Aussi dépouillait-il les moindres revues, les journaux, les opuscules des sociétés provinciales, des archivistes et des chercheurs isolés, les simples feuilles volantes destinées à périr, toutes productions qu’on ne saurait où trouver dans l’énorme et confus amas de la presse moderne, et qui, couvertes d’un solide cartonnage avec titre imprimé sur le dos, ont pris un air de respectabilité et contiennent souvent faits ou idées d’un véritable intérêt.7
15Entre les lignes, on reconnaît le préjugé tenace contre le champ du « non livre », qui a longtemps pesé également sur la presse périodique, comme en atteste déjà une feuille ironique de Marivaux dans Le Spectateur français, où un libraire oppose les minces brochures aux respectables in-folio :
Pures bagatelles que des Feuilles ! La raison, le bon sens et la finesse peuvent-ils se trouver dans si peu de papier ? Un bon esprit s’avisa-t-il jamais de penser et d’écrire autrement qu’en gros volumes ? Jugez de quel poids peuvent être des idées enfermées dans une Feuille d’impression que vous allez soulever d’un souffle8 ?
16Il a fallu que la curiosité et le plaisir de lecture priment sur le jugement de valeur a priori pour qu’il y ait entreprise de collecte et ambition de classement chez les trois collectionneurs à qui l’on doit l’existence de la Deloynes : le dernier d’entre eux, qui a donné son nom à la collection, un auditeur des comptes, encore mal identifié à ce jour, a acheté et complété entre 1791 et 1808la collection initiée par le graveur et amateur Pierre-Jean Mariette (t.1 à 10 sur la période 1673-1777) puis par le graveur et secrétaire de l’Académie royale Charles-Nicolas Cochin (t. 11 à 45 sur la période 1778-1790).
17Entre autre intérêt documentaire, la collection Deloynes offre à l’histoire de l’art et de la littérature, depuis son entrée à la BnF à la fin du xixe siècle, un corpus constitué sur la critique d’art au xviiie siècle. Ce corpus n’a toutefois commencé à être exploité scientifiquement qu’à partir des années 1980-1990, bien longtemps après l’initiative de Mariette, Cochin, Deloynes qui ont tous trois perçu d’emblée l’intérêt collectif de ces écrits, mettant en avant les nouvelles dynamiques qui agitaient l’espace artistique à cette période. À la lecture de la collection Deloynes, l’histoire de l’art n’apparaît plus seulement comme l’exclusivité des historiens-théoriciens et des artistes, mais comme l’affaire du public, acteurs d’une histoire du goût dont les éphémères font particulièrement la promotion.
18L’histoire de la Deloynes attire l’attention sur le processus présidant au destin patrimonial d’un éphémère. On voit bien que la seule conservation des éphémères ne suffit pas à les transformer en objet de mémoire et en source de savoir. Dans son ouvrage de 1997 L’Ephémère, l’occasionnel et le non livre9, Nicolas Petit rapporte de son exploration des fonds de la Bibliothèque Sainte-Geneviève une riche moisson d’éphémères, des documents rares, qui ont par chance échappé à la destruction pure et simple, mais qui sont restés longtemps oubliés car non classés, révélant par là-même combien le patrimoine est affaire de réception et de réappropriation. Il faut en effet toute une série d’opérations pour que change le rapport à ces objets : collecte, classement, catalogage, et annonce efficace sur des sites institutionnels, pour qu’en bout de chaîne les éphémères puissent être reconnus d’utilité publique et scientifique.
Les éphémères : quel patrimoine ?
19Si on peut déplorer la destruction, la disparition, la dispersion, l’invisibilité ou l’inaccessibilité de bon nombre d’éphémères, on est à l’inverse parfaitement en droit de se demander si leur patrimonialisation ne participerait pas de l’inflation patrimoniale jugée par certains excessive. Il y a des spécificités propres à la patrimonialisation des éphémères, mais pour la penser, on peut s’aider de la bibliographie générale sur le patrimoine, qui s’est développée pour l’essentiel autour de la question de l’essor permanent de la notion : « de la cathédrale à la petite cuillère », pour reprendre la formule d’André Chastel, aussi célèbre qu’obsolète10, puisqu’on le sait, les limites du patrimoine ont été repoussées non seulement hors de la sphère monumentale mais aussi de la sphère matérielle.
20La réflexion sur le patrimoine bâti s’est renouvelée en France au début des années 1990, en réponse à la politique d’extension et de diversification de la protection du patrimoine menée dans les années 1980. « Tout objet du passé peut être converti en témoignage historique sans avoir eu pour autant, à l’origine, une destination mémoriale », constatait Françoise Choay en introduction à L’Allégorie du patrimoine (1992)11. Une phrase à double ressort puisque d’un côté, elle rappelle que le patrimoine est le résultat d’une construction et non d’un simple héritage ; de l’autre, elle met en garde contre les excès de l’accumulation et du culte patrimonial. Choay en appelle donc à une distanciation historique alliée à une forte capacité à penser notre environnement présent et à venir.
21Quel sens donner à cette « irrépressible envie de vouloir tout garder » demandait Pierre-Yves Balut dans un collectif publié l’année précédente, en 1991, sous le titre Apologie du périssable12 ? En 1992, dans L’Utopie française. Essai sur le patrimoine, Jean-Michel Leniaud13 craignait que l’État ne perde le contrôle et sa vision stratégique en matière de politique patrimoniale du fait d’une multiplication des médiateurs du patrimoine et d’un renoncement aux hiérarchisations a priori des objets patrimoniaux. Vingt ans plus tard, Michel Melot analyse la nouvelle inflation des objets retenus sous l’effet de la décentralisation de l’Inventaire en 2004 dans son Essai sur L’inventaire général du patrimoine culturel paru en 201214. D’où l’intérêt de l’étude de Nathalie Heinich en 2009, La Fabrique du patrimoine15, sur les discours et pratiques des chercheurs de l’Inventaire, et leur marge d’interprétation de la notion « d’intérêt » (historique, artistique, archéologique, esthétique, scientifique ou technique) invoquée à l’article 1 du Code du patrimoine pour justifier le repérage de tel ou tel bien culturel.Par exemple, la sociologue montre à quel point divergent les savoirs et les normes mobilisés par les chercheurs de l’Inventaire et les historiens de l’art pour légitimer leurs choix d’objets.
22Au nom de quel « intérêt », dès lors, vouloir promouvoir la connaissance des éphémères ? La question vaut pour le continent des documents anciens, inégalement signalés ou étudiés en Europe, mais également pour la production contemporaine papier et numérique, qui tombe l’une comme l’autre sous l’obligation du dépôt légal en partie seulement, avec une grande marge d’interprétation et de décision laissée aux conservateurs par le code du patrimoine. C’est toute la question de l’interprétation et de l’application aujourd’hui en France de l’obligation du dépôt légal de certains éphémères, entre autres documents imprimés ou graphiques. Le code du patrimoine retient en effet sous certaines conditions de diffusion seulement les « brochures, cartes postales, affiches », mais exclut du dépôt légal d’autres types d’éphémères : « les travaux d'impression dits de ville, de commerce ou administratifs »16 , que Nicolas Petit identifie pour sa part comme les éphémères entendus au sens strict17 ; exclus aussi certains documents électoraux, alors que ces derniers vont heureusement figurer par donation ou acquisition dans différents fonds.
23Dans le seul cadre du dépôt légal des imprimés à la BnF, le Service des recueils reçoit les écrits éphémères, tandis que les Estampes traitent l’entrée des images ; et le dépôt imprimeur (souvent plus nourri en éphémères que le dépôt éditeur) se fait auprès des bibliothèques de région, ce qui accroît certainement la difficulté d’un regard d’ensemble sur les éphémères conservés en France. D’autant plus que la culture française du catalogage ne favorise pas forcément la visibilité ni l’accessibilité de ce type de documents : dans son Histoire et pouvoirs de l’écrit, de 1988, Henri-Jean Martin regrette que le domaine français ne bénéficie pas de l’équivalent du English Short Title Catalogue, qui se prête davantage à l’annonce des fonds d’éphémères que le format des notices françaises18. Ce qui explique par exemple qu’à la fin des années 1970 la British Library ait pu mettre à disposition des lecteurs en un temps record, un catalogue de tous les livres, périodiques et éphémères de langue anglaise imprimés avant 1801 présents dans près de 2 000 bibliothèques à travers le monde.
24Dans ces conditions, on peut savoir gré aux conservateurs, ainsi qu’aux collectionneurs, d’accueillir souvent dans leurs fonds un nombre considérable de pièces éphémères en attente de classement ou de description, et d’accorder souvent hors dépôt légal une valeur « par provision » à une grande variété d’éphémères, et bien en amont, souvent, de la reconnaissance et de la valorisation scientifique de ces objets, qui se construit peu à peu dans le champ de l’histoire de l’imprimé, de la communication, de l’histoire de l’art et de la littérature. C’est à cette construction que PatrimEph entend contribuer.