Introduction : Naissance, reflux et revitalisation d’une notion complexe
1La notion de « baroque » a été appliquée à la littérature de langue occitane produite aux xvie et xviie siècle par Robert Lafont dans un article en forme de brève anthologie publié dans la revue marseillaise Les Cahiers du Sud en 1959. Tout en se refusant à donner une définition exacte de la notion et sans donner d’explication pour cette nouvelle période qu’il identifie dans l’histoire de la littérature d’oc, Lafont présente au public français un ensemble de textes qui n’avaient jamais été lus à l’aide d’une quelconque catégorie herméneutique. Avant lui, les rares érudits et tout aussi rares universitaires qui s’étaient intéressés à l’ensemble de la production occitane des xvie, xviie et xviiie siècle, avaient eu recours à des outils qui, en 1959, paraissent dépassés ou inadaptés.
2Le grand découvreur de ces corpus, le Toulousain Jean‑Baptiste Noulet, dans son Histoire littéraire des patois du Midi de la France aux xvie et xviie siècles (1859) qui rend encore de précieux services grâce à son inventaire et aux citations d’œuvres entre temps reperdues, ne parvient que difficilement à se dégager des préjugés de son temps sur la qualité littéraire d’œuvres à l’esthétique desquelles il reste profondément étranger. Un seul auteur, le plus important, Pierre Godolin, échappe à son jugement négatif. Dans son Histoire de la littérature occitane (1953), la première du genre, Charles Camproux, le maître de Lafont à l’Université de Montpellier, ne peut aborder la période qu’en référence aux catégories de l’histoire littéraire française, la Renaissance et le classicisme français. Autre universitaire, Auguste Brun, dès le début des années 1950, consacre divers travaux à des auteurs provençaux (Bellaud, Paul, Tronc, Meynier, Brueys…). S’il a le mérite d’établir des ponts avec la littérature française du XVIe siècle (Ronsard principalement), il se garde d’intégrer ces auteurs dans un espace et une chronologie qui les engloberaient ou de recourir à des catégories qui rendraient compte d’un phénomène unique. La notion de baroque introduite par Lafont permet précisément, à ce stade, de dépasser l’éclatement d’œuvres saisies de façon individuelle ou prises dans des listes, de donner une cohérence à tout une littérature dont on percevait jusque là à peine l’existence.
3Comme l’a remarqué Jean‑Pierre Cavaillé dans un article récent (Cavaillé 2012), Lafont, ne fait référence à aucune des publications qui ont permis d’acclimater la notion de baroque à la littérature de langue française. Or il y a absolument tout lieu de penser que Lafont, homme de vaste culture, a pris connaissance de l’ouvrage de Jean Rousset, Circé et le paon (1954) dans lequel on voit d’ordinaire l’acte de naissance de la catégorie de baroque appliquée à cette littérature. On peut également imaginer qu’il a lu l’essai du critique espagnol Eugenio d’Ors Du baroque (1935) mais il n’en dit mot, pas plus que des travaux réalisés dès les années 1930 par des universitaires suisses dont Jean Catusse (2012) a rappelé récemment qu’ils avaient précédé – et préparé – le livre de Rousset. Par la suite, Lafont réalise des travaux importants sur le baroque occitan. En 1960, il publie une petite anthologie, La Renaissance toulousaine de 1610. En 1964, sa thèse complémentaire est consacrée à La conscience linguistique des écrivains occitans : la Renaissance du xvie siècle dont il tire en 1970 un essai aux dimensions élargies, Renaissance du Sud. La littérature occitane au temps d’Henri ivpublié chez Gallimard. En 1974 enfin, il reprend l’anthologie toulousaine et l’étend à l’ensemble du domaine occitan : Baroques occitans. Anthologie de la poésie en langue d’oc. 1560‑1660. Jamais, à aucun moment dans aucune de ces publications, Lafont ne paie de tribut à ses devanciers spécialistes de littérature française et de sa période baroque. Ce silence s’explique peut-être par la notoriété dont jouit le mot « baroque » dans les années 1950, et, quelques années plus tard, par le relatif discrédit dans lequel il est tombé. On peut également penser, cependant, que Lafont a soin d’apparaître comme l’ « inventeur » de cette littérature, moins pour lui‑même sans doute que par militantisme. Le fait que les pères du baroque français soient tous ou quasi de nationalité suisse n’y change rien : face au classicisme français, identifié depuis longtemps, légitimé par l’institution universitaire et répandu par l’enseignement scolaire, se dresse un baroque occitan qui ne doit rien à aucune élaboration récente de la culture nationale. À l’instar de la place qu’occupe le classicisme dans la culture officielle française, le statut du baroque occitan apparaît d’emblée comme ontologique. Il est posé dans sa complexité, certes, mais d’abord dans sa plénitude et sa cohérence.
4Menant par la suite ses travaux vers d’autres directions, dans d’autres disciplines, Robert Lafont ne s’intéressera dans les années ultérieures que de façon ponctuelle au corpus qu’il a mis à jour. Pour les études de littérature occitane en tout cas, un champ est ouvert, celui consacré aux textes du xvie et du premier xviie siècle, dans lequel œuvreront quelques chercheurs jusqu’à nos jours, principalement à partir des premières analyses de Philippe Gardy (1977, 1986). Cette vigueur – somme toute relative, comparée à celle des études francisantes qui ne sont d’ailleurs pas toujours au fait des avancées de cette recherche – s’accompagne toutefois, en, disons, plus d’un demi-siècle, de mentions finalement assez rares, toutes isolées, de la catégorie « baroque occitan » et même de la simple désignation « baroque », adjectif ou substantif.
5Faut-il dès lors parler de prévention, voire de méfiance de la part des chercheurs héritiers plus ou moins directs de Robert Lafont ? Ou juste de prudence ? Dans sa contribution déjà signalée, Jean‑Pierre Cavaillé a comparé les idées sur le baroque occitan de Robert Lafont et d’un théoricien plus connu dans certaines sphères culturelles que dans le milieu académique, Félix‑Marcel Castan. S’opposant sur des points cruciaux, les deux hommes ont en commun d’approcher le phénomène du baroque occitan selon un point de vue très marqué par leur idéologie respective. Ce filtre n’est peut‑être pas sans rapports avec la retenue dont ont fait preuve la plupart des spécialistes de la littérature occitane du xvie et du premier xviie siècle.
6Les idées de Lafont sur le baroque ont évolué avec le temps. La première approche, observable dans l’article‑anthologie de 1959, semble déterminée par l’importance accordée au langage. Le baroque est alors pour Lafont un art du langage capable de mener au vertige. L’auteur qui incarne le mieux cette conception est Pierre Godolin auquel il a consacré en 1958 un bref mais saisissant article, publié en occitan dans la revue Oc, où il définit l’œuvre du poète toulousain comme un triomphe du Lengatge‑Rei, le Langage‑Roi. Quelques années plus tard, tout en maintenant la « définition par le langage », l’approche est influencée par les catégories de la sociolinguistique, particulièrement catalane que Lafont contribue à introduire en France. Le baroque, « pâte historique qui lève », « bouillonnement » (Lafont 1974, 9) porte la marque du conflit linguistique qui oppose la langue dominante, le français, et la langue dominée, l’occitan. Ce changement de paradigme s’incarne dans l’œuvre du poète Saluste Du Bartas dont le dialogue trilingue, dit « dialogue des nymphes » représente l’« affrontement brutal » (Lafont 1974, 33) des langues en présence (français, latin, occitan gascon). À partir de là, Lafont développe, à l’aide d’un sens consommé de la formule, un argumentaire qui présente l’apparence de la plus grande cohérence dont on peut retenir quelques points fondamentaux.
7Les auteurs de langue occitane sont appréciés en fonction de leur degré de « conscience ethnique ». Le Gascon Pey de Garros, porteur, selon Lafont, de ce qu’on pourrait appeler un projet renaissantiste, dispose d’une « conscience ethnique supérieure » et c’est lui qui sert d’étalon lorsqu’il est question de mesurer ce degré de conscience linguistique. À l’opposé de ces auteurs conscients de leur langue, on trouve des auteurs dépourvus d’ambition :
Il est probable qu’il y eut cependant un provincialisme des lettres d’oc. La pensée nationale d’un recours aux idiomes devait favoriser une production sans ambitions, épisodique, qui recherchait une saveur de langage sans se préoccuper de débattre de la dignité de ce langage. (Lafont 1970, 299)
8On notera la formule modalisante, « il est probable que… » qui cache mal une certitude. La démonstration étant orientée vers l’affirmation des qualités militantes de ce baroque occitan, elle s’accommode relativement mal d’un fonctionnement indifférent aux logiques de combat.
9Les spécialistes du baroque français définissent, on le sait, un ensemble de traits stylistique propres à l’époque baroque (goût pour certaines images et certains thèmes, les antithèses, les périphrases, les ellipses, les concetti…). Lafont, lui, n’accorde que peu d’importance à ces éléments textuels. Dans l’anthologie de 1974, l’intitulé du chapitre qui semblerait annoncer l’analyse du style baroque occitan, « Style humain et déséquilibre culturel », est révélateur d’un repositionnement qui évacue les éléments proprement littéraires pour privilégier la dimension conflictuelle de l’écriture. L’opposition se fait avec la culture de langue française. Celle-ci est présentée comme une « culture heureuse » évoluant dans un cadre défini par des normes politico-culturelles qui ignorent la « culture populaire ». La culture occitane, à l’inverse, est une « culture malheureuse […] dominée sur son propre territoire » (Lafont 1974, 33). Les modèles d’écriture (Lafont dit « les modèles de production ») sont « tous des projections du malaise de la culture en Occitanie », tous « font de ce malaise rupture, agression, déséquilibre, ostentation, libération ».
10Une définition du baroque devient alors possible, basée sur quatre critères. L’œuvre baroque occitane, dans ce qu’elle a de plus achevé, participe d’une « valorisation de la stylistique populaire ». Pey de Garros représente le modèle de ce type d’écriture. Déjà, en 1970, Lafont remarquait à son sujet qu’ « écrire en gascon est un acte de foi dans la valeur esthétique de la voix populaire » (Lafont 1970, 83). En 1974, il est célébré pour avoir fourni un « témoignage irremplaçable sur la condition populaire au XVIe siècle » (Lafont 1974, 34). Cette dimension sociale du baroque occitan pose cependant un problème avec un auteur comme Auger Gaillard, charron de profession, soldat, qui adhère aux schémas culturels dominants en reniant son extraction. Gaillard incarne dès lors la « valorisation de l’origine populaire dans la fuite même de cette origine » (deuxième élément de la définition du baroque occitan), il constitue le « cas-limite d’une typologie de la contradiction culturelle ». La dimension subversive de l’écriture carnavalesque founit la base du troisième élément de la définition de 1974. La fortune de cette veine contestataire est telle qu’on peut parler d’une « vocation carnavalesque de la littérature d’oc ». Enfin, reprenant la notion de contre‑texte élaborée par Pierre Bec pour la littérature occitane médiévale, Lafont identifie dans l’écriture baroque un acte de protestation contre les formes de la domination culturelle française :
Ainsi le texte occitan est un contre-texte, une critique constante à la fois de l’école et des salons […], une protestation contre la situation de dépendance intellectuelle où l’ordre français enferme la réalité culturelle vécue par le peuple occitan. (Lafont 1974, 36-37)
11Le baroque occitan apparaît donc, selon les termes de cette définition, comme une arme de combat dans le cadre du conflit linguistique opposant les cultures française et occitane. La pierre de touche de ce conflit est fournie par les représentations associées à – et issues de – la figure du guerrier gascon. Dans le traitement qui est fait dans chacune des deux littératures de ce thème d’actualité, Lafont identifie deux attitudes opposées. À la valorisation des qualités militaires « baroques » du chef gascon, illustrée par l’œuvre épique de Guilhem Ader, s’oppose le dénigrement de la jactance méridionale, représenté par le Fæneste d’Aggripa d’Aubigné. La réponse qu’offrent les auteurs gascons (Ader, Bertrand Larade) face à cet abaissement tient du nationalisme.
12Cette question du rapport à la nation est centrale dans l’approche de Lafont. Les auteurs sont appréciés à l’aune de leur degré d’adhésion à l’idée nationale occitane. À l’opposé des auteurs dépourvus de conscience linguistique ainsi que d’ambition (politique, culturelle, poétique), certains auteurs, comme les Gascons Garros, Ader et Larade, en affirmant les qualités de leur langue et de leur culture, expriment une pensée d’ordre nationaliste. Peuple, nation et nationalisme peuvent s’incarner dans un auteur : chez Garros, « la pensée nationale est un amour du peuple » (Lafont 1970, 83). Le nationalisme peut n’être que linguistique comme chez Larade (id., 249) ou culturel comme chez Ader, mais dans tous les cas, ces « écrivains ont incarné la nation gasconne » (id., 248). Cette dimension nationale préoccupe beaucoup Lafont. C’est précisément sur ce point que se cristallisera l’opposition de Félix‑Marcel Castan. Pour celui-ci, on ne peut parler de nationalisme gascon ou occitan à l’époque baroque :
Il n’y a pas, dans la littérature baroque occitane, la moindre velléité nationaliste et elle n’est aucunement l’expression d’une nation aliénée et dominée. Au contraire, elle tiendrait sa spécificité du refus d’associer la langue et la culture à une revendication nationale propre.
13Les auteurs de langue occitane adhèrent au contraire, selon Castan, pleinement à l’idée nationale française et ils contribuent à la construction de l’État moderne français (Cavaillé 2012, 69 et 71). Dans un cas comme dans l’autre, chez Lafont comme chez Castan, l’idéologie – marxisante chez le premier, républicaine jacobine chez le second – constitue un filtre dans la lecture des textes et leur mise en perspective.
14Il n’y a sans doute pas lieu de retracer ici les évolutions des connaissances depuis ces textes fondateurs. Plusieurs des notions employées par Lafont ne sont plus de mise depuis longtemps. Dans la société d’Ancien Régime, le « peuple », par exemple, ne signifie pas grand‑chose de précis et s’il est vrai que certains auteurs, comme Garros, prêtent une attention particulière à la langue, à la culture et même à la vie de certaines catégories de la population moins favorisées que l’élite lettrée à laquelle ils appartiennent, leurs œuvres n’en demeurent pas moins avant tout des œuvres littéraires, la réalité n’y est présente qu’à travers le filtre de l’écriture poétique. C’est la littérarité des textes qui intéresse de nos jours les chercheurs, dans le sillage des travaux de Philippe Gardy dont Michel Jourde (2014) a récemment retracé l’itinéraire et l’apport à l’étude de la littérature occitane des xvie et xviie siècles. La dimension conflictuelle, réactive, de cette production ne fait plus l’objet d’une thématisation centrale comme chez Lafont. On étudie bien plutôt les représentations associées aux langues, telles qu’elles apparaissent dans les textes. Le concept de diglossie lui‑même est moins utilisé et nul ne songerait plus de nos jours à parler de « conscience ethnique » des auteurs de langue occitane. Le nationalisme, enfin, est un phénomène complexe, à présent bien étudié par les historiens et même si les seiziémistes et dix‑septièmistes français, à la suite des travaux de Claude‑Gilbert Dubois, ont adopté le concept, il semble impossible de parler d’une « nation gasconne » aux xvie et xviie siècles.
15Malgré ces évolutions dans des directions parfois éloignées des centres d’intérêt de Lafont, certaines des questions que ce chercheur a posées restent à ce jour pendantes. Tel est le cas de la périodisation. Dès le début des travaux de Lafont, la date de 1660 marque la fin de la période baroque. Dans le second xvie siècle et au xviiie siècle, « la poésie d’oc sans s’éteindre jamais tout à fait, se confine dans les genres mineurs, s’étiole ». Si ce jugement ne paraît pas valide pour le xviiie dont on perçoit à présent la richesse en matière de production occitane (Courouau 2015), on ignore en fait ce qu’il en est au-delà de la date choisie par Lafont pour le second xviie siècle. Dans une anthologie publiée en 1997, Philippe Gardy englobe la période 1500-1789 sous le titre L’âge du baroque. Dans une étude très éclairante sur les débuts de l’application de la notion de baroque à la création occitane, Jean‑Yves Casanova (1998) a proposé d’introduire la distinction entre un courant baroque proprement dit et un mouvement maniériste. Cette proposition a pu connaître certains prolongements, mais elle n’a pas véritablement fait l’objet d’une discussion.
16L’assimilation du baroque occitan à un contre‑texte conçu en opposition à la littérature de langue française mérite sans doute d’être encore examinée. Des travaux récents ont montré la grande conformité qui pouvait exister entre textes occitans et français dans des registres comparables (poésie pétrarquiste, par exemple) à côté des nombreux textes de toutes sortes mettant à mal les conventions poétiques françaises. Qualifié par Lafont (1974, 25) de « paradoxe de la mode et de l’anti-mode », ce grand écart est incontestablement déterminé par la prégnance des modèles français : en recherchant la conformité, la distorsion, voire les deux à la fois, l’auteur baroque ne cesse de se confronter à l’omniprésente tutelle de la création en français. Si l’écriture en occitan représente, comme l’hypothèse en a été émise, une tentative d’illustration de la langue réalisée en miroir de la littérature de langue française, la notion de contre‑texte conserve peut‑être une partie au moins de son efficacité.
17L’objet de la journée d’études qui s’est déroulée le 2 octobre 2015 à l’Université Toulouse‑Jean Jaurès était double. Il s’agissait dans un premier temps d’observer dans les espaces culturels français, italien et hispanique la pertinence de la notion de baroque. Pour le domaine français, Marie‑Dominique Legrand (Université Paris-X) a rappelé les moments de crise qu’a traversés en France, entre les années 1960 et 1980, la notion de baroque. Javier Pérez Bazo (Université Toulouse-Jean Jaurès) a souligné la réserve dont font encore preuve de nos jours les universitaires français lorsqu’il est question de baroque alors que leurs homologues espagnols usent couramment de la notion1. Il n’y a guère qu’en Italie, comme l’a rappelé Jean‑Luc Nardone (Université Toulouse-Jean Jaurès), où, depuis Croce, elle n’ait cessé d’être employée, la question portant surtout sur les distinctions à opérer dans le positionnement des auteurs néo‑pétrarquistes2. De fait, à la fin de la journée, tous les spécialistes présents se sont accordés pour réaffirmer la valeur du baroque en tant qu’outil heuristique et herméneutique et également en tant que catégorie chronologique, malgré les problèmes que pose la non‑coïncidence des limites non seulement entre les espaces culturels mais aussi entre les domaines d’activité (arts plastiques, architecture, peinture, littérature). Dans ce contexte européen, la notion de baroque appliquée à la littérature occitane paraît pleinement légitime, une fois cependant évacuées les prémisses sociolinguistiques dont Robert Lafont l’avait gonflée et une fois aussi accepté le principe qu’une catégorie, quelle qu’elle soit, n’épuise jamais en rien la complexité des œuvres et des auteurs. Le baroque occitan existe, les thèmes spécifiques que Robert Lafont lui‑même a identifiés dans ses travaux, notamment dans son anthologie, sont pleinement relevants et ce baroque occitan, avec la prudence qu’impose une démarche qui privilégie l’étude minutieuse des textes et des œuvres, peut encore rendre de fiers services à l’analyse littéraire, pour autant, bien entendu, qu’il ne substitue pas à elle.
18Robert Lafont, précisément, inventeur du baroque occitan. Il est temps, plus d’un demi‑siècle après la création de cette notion, de revenir sur la démarche qui l’a guidé. Michel Jourde et Philippe Gardy offrent chacun un regard complémentaire sur ce moment fondateur. En complément, Jean‑François Courouau examine la création du plus important de ces poètes baroques identifiés par Robert Lafont, le premier, sans doute, par lequel il est entré dans le monde du baroque littéraire occitan : Godolin. L’angle adopté repose non pas sur la notion de baroque, mais sur celle de rupture qui permet, sans invalider les conclusions de Lafont, de jeter un regard nouveau sur une œuvre qui défie les notions.
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19Catusse, Guy, « Aux origines du “baroque littéraire” en France : 1935-1950. Aperçus historiographiques », Les Dossiers du Grihl, mis en ligne le 20 septembre 2012, http://dossiersgrihl.revues.org/5060 ; DOI : 10.4000/dossiersgrihl.5060.
20CavaillÉ, Jean-Pierre, « L’invention de la littérature baroque occitane : Félix-Marcel Castan et Robert Lafont », Les Dossiers du Grihl, mis en ligne le 21 juin 2012, http://dossiersgrihl.revues.org/5253 ; DOI : 10.4000/dossiersgrihl.5253.
21Casanova, Jean-Yves, « Recensement et critique de la littérature occitane des xvie et xviie siècles : tradition érudite, “baroque et maniérisme” en Provence », Lengas revue de sociolinguistique 43, 1998, 69-115.
22Castan, Félix-Marcel, « Une épopée baroque de 1610 et le sens de la première renaissance littéraire occitane », Baroque 1, 1965, en ligne sur revues.org, http://baroque.revues.org/228
23Castan, Félix-Marcel, « Parade, parodie et jonglerie poétiques en Occitanie baroque. Un cas limite de théâtralisation du poème », Baroque 2, 1967, en ligne sur revues.org, http://baroque.revues.org/269
24Castan, Félix-Marcel, « Essai de définition d’un contre-champ littéraire. La “voix” occitane baroque », Baroque 3, 1969, en ligne sur revues.org, http://baroque.revues.org/294
25Castan, Félix-Marcel,« Suzon de Terson », Baroque 4, 1969, en ligne sur revues.org, http://baroque.revues.org/324
26Castan, Félix-Marcel, « Le combat de Montaigne », Baroque 7, 1974, en ligne sur revues.org, http://baroque.revues.org/445
27Castan, Félix-Marcel, « Sixième session. Statut du concept de Baroque », Baroque 9-10, 1980, en ligne sur revues.org, http://baroque.revues.org/508
28Castan, Félix-Marcel, « L’escòla picturala de Tolosa del sègle xvii », repris dans Idem, Argumentari. Lo semen del militantisme, Puèglaurenç, IEO, 1994, 28-30.
29Chambon, Jean-Pierre, « Combien de littérature d’oc ? Une question de fond pour les nouvelles études occitanes », Revue des langues romanes CXVII/1, 2013, 193-208.
30Couffignal, Gilles, « Note autour de quelques études et éditions de textes d’expression occitane », RHR 81, 2015, 157-172.
31Couffignal, Gilles / Jourde, Michel, « Linguistique et colonialisme : la place des études sur le XVIe siècle », Glottopol 20, 2012. En ligne : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00801339
32COUROUAU, Jean-François, La langue partagée. Écrits et paroles d’oc. 1700-1789, Genève, Droz, 2015.
33Gardy, Philippe, Histoire et anthologie de la littérature occitane, vol. 2, L’âge du baroque, Montpellier, Presses du Languedoc, 1997.
34Guedj, Hélène, « Théophile de Viau, poète baroque et le Sud-Ouest », Baroque 1, 1965.
35JOURDE, Michel, « Le canon littéraire français du XVIe siècle et la “distance occitane” selon Philippe Gardy »,in Jean-François Courouau / François Pic / Claire Torreilles(éds), Amb un fil d’amistat. Mélanges offerts à Philippe Gardy, Toulouse, CELO, 2014, 587-595.
36Lafont, Robert, « Godolin e l’espaci dau lengatge », OC 209, 1958, 129-133.
37Lafont, Robert, « Baroques occitans », Cahiers du Sud 353, décembre 1959-janvier 1960, 1-43.
38Lafont, Robert, La Renaissance toulousaine de 1610, Avignon, Aubanel, 1960.
39Lafont, Robert, La conscience linguistique des écrivains occitans, Université de Montpellier, 1964.
40Lafont, Robert, Renaissance du Sud. La littérature occitane au temps d’Henri IV, Paris, Gallimard, 1970.
41Lafont, Robert, Anthologie des baroques occitans, Avignon, Aubanel, 1974, Montpellier, PULM, 2003.
42Lafont, Robert, « Deux littératures d’oc successives ? Questions de méthodologie », in Peter Ricketts (éd.), Actes du premier congrès international de l’AIEO, Londres, AIEO, 1987, 13-34.
43Lafont, Robert / Anatole, Christian, Nouvelle histoire de la littérature occitane, Paris, PUF, 1970.
44Lagarda, Christian, « Seriam pòstcolonials ? Réflexions sul “colonialisme interior” e los estudis pòstcolonials », in Jean-François Courouau / François Pic / Claire Torreilles(éds), Amb un fil d’amistat. Mélanges offerts à Philippe Gardy, Toulouse, CELO, 2014, 639-651.
45Lieutard, Hervé (dir.), « Mille ans de littérature occitane. Parcours historique et problématique », Université ouverte des humanités, s.d.
46Mouralis, Bernard, Les contre-littératures, Paris, Hermann, 2011 [1975].
47NARDONE, Jean-Luc, « La poésie italienne du début du XVIIe siècle, à l’aune du pétrarquisme : nouvelles valences d’une notion marginale », XVIIe siècle 224/3, 2004, 399-411. En ligne : http://www.cairn.info/revue-dix-septieme-siecle-2004-3-page-399.htm.
48PÉREZ BAZO, Javier, « El Barroco y la cuestión terminológica », in Pedro Aullón de Haro (dir.), Barroco, Madrid, Verbum, 2004, 59‑93. En ligne sur GoogleBooks.
49Rousset, Jean, La littérature de l’âge baroque en France. Circé et le paon, Paris, José Corti, 1953.
50Rossich, Albert, « Renaixement, Manierisme i Barroc en la literatura catalana », in Antoni Badia i Margarit / Michel Camprubí (éds), Actes del vuitè col·loqui internacional de llengua i literatura catalanes, Barcelona, Publicacions de l’Abadia de Montserrat, 1988, II, 149-180
51Rossich, Albert, « És vàlid avui el concepte de decadència de la cultura catalana a l’època moderna ? Es pot identificar decadéncia amb castellanització ? », Manuscrits 15, 1997, 127-134.
52Rossich, Albert et August Rafanell (éd.), El barroc català, Barcelona, Quaderns Crema, 1989.
53Person, Yves (dir.), « Minorités nationales en France », Les Temps modernes 324-325-326, 1973.