La poésie et son autre : Rester vivant et les limites du solipsisme
À la recherche du sujet
1Aborder la poésie de Michel Houellebecq n’est pas une tâche facile, car si le Houellebecq romancier suscite pour le moins la polémique, que dire alors du poète ? On ne peut être littéralement qu’effaré, effrayé même par les torrents de haine et d’insultes que l’on trouve par exemple sur certains blogs qui se disent, tout de même, « littéraires »1. Le raisonnement semble limpide, à défaut d’être pertinent : un auteur qui n’aurait pas de style, qui ne serait d’ailleurs pas même écrivain2 – un tel auteur ne saurait en aucun cas être « poète ». Tout ceci donne le sentiment assez désagréable que l’on ne peut dorénavant éviter, avec Houellebecq, de se déclarer ouvertement « pour » ou « contre », tant il est devenu difficile de le lire en dehors de toute forme de polémique, de faire entendre une voix raisonnable ou raisonnée dans la polyphonie – voire la cacophonie – des controverses.
2Dans un tel contexte, je mesure parfaitement ce que ma démarche peut avoir d’incongru : je vais simplement essayer de confronter une certaine pratique du poème avec une réflexion – explicite ou non – sur la poésie. Plus précisément, je vais tenter de montrer que le malaise que l’on épreuve semble‑t‑il souvent à la lecture des poèmes de Houellebecq tient peut‑être moins à la noirceur du monde qu’ils décrivent, ou à la tension évidente entre une forme réputée « noble » ou « haute » et la banalité du propos (faire rimer « piscine » et « urine »3), qu’au paradoxe d’une écriture qui se veut « lyrique » alors qu’elle n’est traversée par aucune forme d’altérité crédible. C’est d’ailleurs peut‑être là une dimension essentielle à l’origine de toute l’œuvre de Houellebecq : l’impossibilité pour le « je » de se fonder dans le regard d’un autre alors que le monde est pourtant posé dans une altérité radicale4. La seule « voix » qui émerge de ses poèmes semble en fait se réduire à celle d’un solipsisme paradoxal, comme j’aimerais le montrer ; il n’y a pas d’autre sujet, dans l’écriture poétique de Houellebecq, que celui d’un « je » étrangement absent, pas d’autre polyphonie que celle d’un lyrisme perdu dans son propre écho et finalement, là est le paradoxe douloureux, incapable de s’incarner.
3C’est précisément ce paradoxe que j’aimerais essayer de comprendre : comment la voix du « je lyrique » peut‑elle s’inscrire dans un monde d’une étrangeté exacerbée ? Comment le sujet poétique peut‑il s’incarner dans une écriture qui semble faire table rase de toute subjectivité ? Comment, en d’autres termes, le langage – ici le langage poétique – peut‑il prétendre être un discours sur le monde et en même temps nier radicalement ce même monde ?
Aux origines de l’œuvre : la poésie
4Il n’est peut‑être pas inutile de commencer par rappeler que Houellebecq, avant d’être romancier, a d’abord écrit deux livres de poèmes : Rester vivant et La Poursuite du bonheur5. L’histoire de Rester vivant est d’ailleurs intéressante : cet ouvrage en prose, curieusement sous‑titré « Méthode » et publié initialement en 1991, a subi plusieurs rééditions et modifications (1997, 1999, 2000, 2010 puis 2015) pour finalement figurer en tête du volume Poésie dans la collection « J’ai Lu », alors que les bio‑bibliographies officielles (notamment celle figurant dans Non réconcilié6) le tiennent plutôt pour un « essai ». Houellebecq lui‑même ne l’a pas retenu pour son anthologie personnelle publiée dans la collection « Poésie » de Gallimard, mais pour des raisons qui me semblent étranges : il affirme en effet dans un entretien au Figaro qu’il n’a voulu retenir « que des vers, pairs ou impairs »7, alors que Non réconcilié contient tout de même des poèmes en prose… Et ce flottement est en fait d’autant plus curieux que l’anthologie personnelle redistribue complètement les 132 poèmes retenus sans tenir compte de leur chronologie, d’une part, et surtout les insère dans un vaste mouvement en cinq parties qui suggère d’autre part une forme de « récit » minimal, du moins une forme de progression narrative. Tout ceci alors que Houellebecq, dans le prolongement des travaux de Jean Cohen, est souvent prompt à opposer la prose et la poésie comme « deux visions du monde, irréductibles »8. Et nous touchons là une première source de tension, générique, puisque ces deux « visions du monde » qualifiées d’« irréductibles » coexistent en fait dans la plupart des romans de Houellebecq, où la poésie fait des incursions remarquées, comme d’ailleurs dans les livres de poèmes, où le vers, le plus souvent métrique et rimé, cohabite avec des passages clairement narratifs et prosaïques9.
5Pour tenter d’expliquer cette instabilité ou cette perméabilité générique si contraire à ce que l’auteur affirme par ailleurs, la critique se contente le plus souvent de s’en remettre à cet apophtegme de Houellebecq lui‑même que l’on cite comme une antienne, et qui veut qu’« Au sujet de la forme, n’hésitez jamais à vous contredire »10. Eriger de la sorte la contradiction en principe esthétique a certainement de quoi décourager toute réflexion critique, mais au‑delà de ce qui s’apparente tout de même à une posture, il me semble qu’il y a chez Houellebecq une indéniable volonté de penser la forme, ou du moins le désir de définir la poésie notamment dans sa relation problématique à la prose.
6De ce point de vue, je vais me pencher justement sur Rester vivant, et plus particulièrement sur les quelques pages de la première section, pour montrer comment et pourquoi ce livre mérite bien de figurer en tête du volume Poésie de Houellebecq et pour essayer ensuite de comprendre dans quelle mesure ce type de poésie que j’ai qualifié de « lyrique » tout à l’heure ne peut que se limiter au solipsisme.
Rester vivant et la genèse de la poésie
7Commençons par une remarque terminologique : Rester vivant est bien davantage un livre qu’un recueil ; les quatre sections qui le composent dressent en effet le squelette d’une méthode de survie : « D’abord, la souffrance », puis « Articuler » et « Survivre », enfin, après le constat désabusé sur l’état du sujet et le rôle du langage poétique dans le processus de survie, vient la dernière section, « Frapper là où ça compte », sorte d’art poétique en acte. De plus, chaque section marque une progression narrative qui semble « illustrer » la méthode au fur et à mesure qu’elle se développe, ce que j’appelle le discours à l’œuvre entrant alors en convergence avec le discours de l’œuvre11. Or de ce point de vue particulier, la première section me paraît symptomatique de la démarche poétique de Houellebecq, du moins à ses débuts.
8Cette première section, « D’abord, la souffrance », se présente comme une sorte de genèse, qui pose la souffrance au fondement de l’être :
Le monde est une souffrance déployée. À son origine, il y a un nœud de souffrance. Toute existence est une expansion, et un écrasement. Toutes les choses souffrent, jusqu’à ce qu’elles soient. Le néant vibre de douleur, jusqu’à parvenir à l’être : dans un abject paroxysme12.
9Tout ce paragraphe liminaire est traversé de tensions et d’oppositions, entre l’« expansion » et l’« écrasement » de l’existence ; entre la « souffrance », le « néant » et l’« être », et cet effet d’enfermement dans un dualisme exacerbé est encore renforcé par les anaphores ou les répétitions de mêmes termes (« souffrance », « être ») et de syntagmes : « Le monde est… Toute existence est… » ; « Toute existence… Toutes les choses… » ; « … jusqu’à ce qu’elles soient… jusqu’à parvenir à l’être… »13. Nous avons affaire à une ontologie ou à une ontogenèse rudimentaire, Houellebecq, au début de son livre, pose donc l’être à partir de la souffrance. Or rapidement, les deux paragraphes suivants vont établir un parallèle clair entre l’être et le discours de l’être, c’est‑à‑dire en l’occurrence la poésie :
Les êtres se diversifient et se complexifient, sans rien perdre de leur nature première. À partir d’un certain niveau de conscience, se produit le cri. La poésie en dérive. Le langage articulé, également.
La première démarche poétique consiste à remonter à l’origine. À savoir : à la souffrance14.
10Le raisonnement est limpide, et cette genèse ontologico‑poétique aux accents shopenhaueriens tourne rapidement à la démonstration tautologique : l’être et le monde naissent de la souffrance, puis surgit le cri, la poésie, laquelle a pour première fonction de remonter à cette origine dont nous sommes précisément partis. La boucle est alors bouclée : à l’origine de la poésie est la souffrance comme origine ; la poésie, en d’autres termes, est l’expression de la souffrance comme origine de la poésie. Comme nous avons affaire à un texte qui expose d’une part l’origine de l’être comme souffrance tout en postulant d’autre part que la poésie a pour tâche de partir de la souffrance comme origine, nous devons bien en déduire que ceci – ce que nous sommes précisément en train de lire – est donc de la poésie. Le discours à l’œuvre reproduit ainsi fidèlement ce qu’énonce le discours de l’œuvre. Et je ne peux m’empêcher de reconnaître dans ce mouvement de repli de l’écriture sur elle‑même l’une des grandes tendances, pour ne pas dire « manies », de la poésie française du xxe siècle15 : le « discours de l’être » renvoie en effet à toute une filiation dont Raymond Queneau, dans Loin de Rueil16 déjà, se moquait en parlant d’« ontalgie ». Seulement Houellebecq exacerbe, s’il est possible, la tendance à l’auto‑réflexivité de cette poésie, notamment lorsqu’il conclut, dans le paragraphe suivant, que « toute souffrance est un univers ». Là encore, la boucle est bouclée : « Le monde est une souffrance déployée » et à présent « toute souffrance est un univers »… Le monde est une souffrance qui est un univers ; autrement dit le monde est le monde, la souffrance est la souffrance ; et la poésie est le moyen de dire cette double tautologie17.
11Dans ces conditions, comment sortir de l’aporie d’une poésie conçue comme discours sur l’origine de la poésie ? Comment envisager, plus fondamentalement, qu’une telle poésie entre en dialogue avec une quelconque altérité, alors qu’elle semble se limiter à un ressassement du principe d’identité ? Loin de répondre à ces inquiétudes, la suite de « D’abord, la souffrance » renforce au contraire le sentiment de solipsisme. Je passe rapidement sur les exemples d’Henri, de Marc et de Michel, qui illustrent, à 1 an, 10 et 15 ans, l’impossibilité des rapports sociaux ou même familiaux18, non sans relever en passant que cette rupture radicale entre le sujet et l’altérité se redouble au niveau stylistique, puisque l’on passe sans transition d’un style aphoristique, dans les quatre premiers paragraphes, à la description plate de la réalité la plus triviale, belle illustration sans doute de ce que Samuel Estier19 appelle l’écriture « bipolaire » de Houellebecq.
D’une rupture l’autre
12La suite de la première section de Rester vivant proposera d’ailleurs une nouvelle rupture stylistique, nous aurons affaire à quelque chose de plus injonctif, sitôt qu’un « vous » est mentionné :
Si le monde est composé de souffrance c’est parce qu’il est, essentiellement, libre. La souffrance est la conséquence nécessaire du libre jeu des parties du système. Vous devez le savoir, et le dire20.
13Ce pronom personnel a de quoi surprendre, dans un tel contexte où rien n’existe que la souffrance d’un sujet solitaire, mais un tel « vous » fait, me semble‑t‑il, moins sens vers une possible altérité que vers un dédoublement de l’instance énonciatrice : ce que le « vous » doit « savoir » et plus encore « dire », c’est en effet précisément ce que nous venons de lire et d’entendre à satiété, à savoir que la souffrance « est la conséquence du libre jeu des parties du système »… Tout se passe comme si la « méthode » pour rester vivant était donc non seulement appliquée à la lettre par un sujet énonciateur (re)faisant lui‑même ce qu’il est en train de dire (c’est la convergence du discours de l’œuvre et du discours à l’œuvre), mais cette méthode est de plus reproduite une troisième fois dans le miroir du « vous ».
14Le texte avance alors comme une vaste mise en abyme de lui‑même, creusant du coup et aggravant encore un peu plus le fossé qui sépare l’écriture de toute forme d’altérité. Un peu plus bas d’ailleurs, et toujours dans la première section de Rester vivant, Houellebecq s’appuie sur la discordance toute baudelairienne entre l’idéal et le réel pour aller jusqu’à abolir toute altérité possible :
Aller jusqu’au fond du gouffre de l’absence d’amour. Cultiver la haine de soi. Haine de soi, mépris des autres. Haine des autres, mépris de soi. Tout mélanger. Faire la synthèse. Dans le tumulte de la vie, être toujours perdant. L’univers comme une discothèque. Accumuler des frustrations en grand nombre. Apprendre à devenir poète, c’est désapprendre à vivre21.
15Voilà peut‑être la clef de voûte de ce système poétique fonctionnant finalement en vase clos : de manière somme toute assez classique, l’absence de toute altérité est le fruit de la haine de soi du sujet, et la reprise en chiasme de ce double rejet ne fait bien sûr qu’aggraver l’enfermement du sujet dans le solipsisme. Je signale d’ailleurs que les autres sections de Rester vivant iront très clairement dans le même sens, stigmatisant par exemple les « voisins trop bruyants » (p. 23) ou encore érigeant la société en général comme ennemie absolue à combattre (p. 28). La fin de la première section de Rester vivant, pour revenir à « D’abord, la souffrance »,se donne sans surprise elle‑même à lire comme une exploration désabusée du « moi » :
Vous devez acquérir une connaissance complète de vous‑même. Ainsi, peu à peu, votre moi profond se détachera, glissera sous le soleil ; et votre corps restera sur place ; gonflé, boursouflé, irrité ; mûr pour de nouvelles souffrances22.
16J’ai évoqué plus haut une écriture « lyrique » à propos de la poésie de Houellebecq, et cet adjectif pouvait éventuellement surprendre, a fortiori lorsqu’il est appliqué à un texte en prose où le « je » n’apparaît jamais. Le moment est peut‑être justement venu de réfléchir à ce lyrisme sans « je ». Le paradoxe de la démarche de Houellebecq tient moins dans le jeu des pronoms (on pourrait à ce titre renverser le mot fameux de Victor Hugo dans sa Préface des Contemplations : « quand je vous parle de moi, je vous parle de vous »23) que dans l’absence d’altérité – le « vous » n’étant en l’occurrence qu’un leurre explicitant ce que l’on peut appeler, toujours en écho à Hugo, la « fonction du poète »24.
17Or il y a sans doute là, dans cette forme paradoxale de lyrisme sans « je », ou plus généralement sans « sujet », une dimension essentielle de la poésie et de la démarche esthétique de Houellebecq – du moins dans ses premiers ouvrages.
18J’ai mentionné, à propos de l’avant‑dernier extrait cité (p. 13), la « haine de soi » comme origine du rejet de l’altérité. L’extrait suivant (p. 14) nous montre que cette haine a notamment pour conséquence la scission du « moi profond », qui se détache, et du « corps » qui reste sur place. Une telle disjonction est de nature à renforcer un peu plus encore le rôle des tensions à l’œuvre dans cette écriture – lignes de tensions dont je me suis précisément servi pour entrer dans le texte, et qui le traversent pour finalement le structurer.
Un lyrisme sans sujet
19Au total, « D’abord la souffrance » nous donne à lire une sorte d’ontogenèse axée sur la souffrance, pose ontologiquement le monde, élabore un « système » plus ou moins complexe devant mener à une survie esthétique (du moins poétique) dans un univers radicalement hostile – bref érige le lyrisme comme seule valeur de vérité, et pourtant nous ne pouvons manquer de nous interroger sur l’instance énonciative. Au‑delà de l’absence de ce que l’on appelle communément en poésie le « je lyrique », à quelle instance ou à quelle voix faut‑il attribuer l’origine de la parole ? Question d’autant plus cruciale que tout le texte, je le rappelle, se donne comme une vaste pensée de l’origine. Et que plus bas, dans la dernière section, quelqu’un ou quelque chose demande à « vous » de croire « à l’identité entre le Vrai, le Beau et le Bien » (p. 28). J’ai de mon côté identifié ce « vous » avec la figure dédoublée de l’instance énonciatrice, privilégiant de la sorte une lecture autotélique du texte, dans le prolongement d’ailleurs des codes inhérents à la poésie du xxe siècle (pour faire simple). Mais une telle lecture ne permet pas d’éluder la question du sujet original ou originel, qui n’apparaît alors au mieux que comme une trace négative, diffractée entre le reflet d’un « vous », ce corps et ce « moi profond » que le dernier extrait malmenait. Mais tout ceci donne néanmoins le sentiment de fonctionner à vide, comme si le monde – et l’écriture poétique avec lui – se passait parfaitement de toute subjectivité, le texte reproduisant ad nauseam le principe d’identité, empêchant ainsi une quelconque voix identifiable de s’incarner.
20Nous touchons ici un point fondamental de l’écriture de Houellebecq, et que les spécialistes de son œuvre romanesque ont l’habitude de traiter, que ce soit sous la catégorie de la « posture »25, de la « scénographie »26 ou encore de la « polyphonie critique »27. Et comme ces spécialistes sont presque tous au sommaire de ce numéro, je me garderai bien de répondre à leur place à ce problème, je vais plutôt jouer jusqu’au bout mon rôle de spécialiste de la poésie et demander s’il n’y aurait pas là, dans cette incertitude originelle du sujet, l’un des points aveugles de toute l’œuvre de Houellebecq. Le « sujet » fonctionnerait ainsi comme cette « case vide » que Deleuze, dans Logique du sens, plaçait au cœur de tout système signifiant28. L’ontogenèse de Rester vivant signifierait du coup l’acte de naissance paradoxal de ce que l’on pourrait appeler le « sujet poétique » – un sujet encore largement indiscernable, sinon en négatif, et qui peine pour le moins à émerger d’un texte centré sur lui‑même, autoréflexif et répétant inlassablement « je suis la poésie ». Un « sujet » finalement creux, qui n’existe qu’à travers une écriture qui se veut indifférente, voire hostile – et là est le paradoxe – à toute forme d’altérité, à commencer par celle du sujet justement. Houellebecq n’aura dès lors de cesse de combler ce vide, de l’incarner livre après livre, jusqu’à se confondre littéralement avec lui, l’auteur devenant alors son propre sujet…
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Spéculation et spécularité
21Pour entrer dans la poésie et l’œuvre de Houellebecq, j’ai volontairement choisi d’analyser la première section de son premier livre de poésie, et je n’ignore pas que sa réflexion en est encore à ses prémisses, qu’il y a dans ces quelques pages certainement une grande part de ce dogmatisme propre aux premiers écrits d’un auteur. Il me semble dès lors difficile de tirer de grandes conclusions à partir de la lecture rapide de quelques pages seulement qui se révèlent in fine inclassables. J’ai désiré prendre « D’abord, la souffrance » au sérieux, simplement, et ces quelques paragraphes m’ont intéressé dans la mesure où ils cherchaient à lier une perspective poétique (ou esthétique) et une dimension que j’appellerais, pour faire simple, « ontologique ». Il y avait là indiscutablement, pour un lecteur de poésie contemporaine, quelque chose de familier, de trop familier sans doute. Mais dans le cas de Houellebecq, le recoupement de la spécularité et de la spéculation me paraît littéralement fondateur, et peut‑être pourrait‑on alors lire l’œuvre à venir comme la tentative désespérée de combler cette case vide, ce point aveugle que l’on peut déceler – de l’extérieur uniquement – à l’origine de son écriture.