Fabula-LhT
ISSN 2100-0689

Entretiens
Fabula-LhT n° 24
Toucher au « vrai » : la poésie à l'épreuve des sciences et des savoirs
Abigael van Alst, Sascha Bru et Jan Baetens

Entre expérimentation poétique et savoir scientifique : sur la vérité de la littérature, 1890‑1950. Entretien avec Sascha Bru et Abigael van Alst (MDRN)

Between poetic experimentation and scientific knowledge: on the truth of literature, 1890-1950. Conversation with Sascha Bru and Abigael van Alst (MDRN)

1Jan Baetens : Qu’est-ce qui a poussé le groupe MDRN1, que l’on connaît surtout pour ses travaux sur les « fonctions » de la littérature et les rapports complexes et changeants entre « modernité » et « avant‑garde », à s’intéresser à la question de la vérité, et comment définit‑il cette notion de vérité ?

    

2MDRN : La question de la « vérité » nous a intéressés après des années de recherche comparée sur la littérature européenne, de la fin du xixe jusqu’au milieu du xxe siècle. À plusieurs reprises, nous avons été frappés par la façon dont les écrivain·e·s et poètes de cette période revendiquaient une notion de « vérité » et considéraient que la littérature véhiculait un savoir particulier. En examinant cet aspect de plus près, nous avons constaté que les différentes façons qu’avaient ces auteur·e·s de considérer la littérature comme productrice d’un savoir et d’une « vérité » ont été insuffisamment étudiées par les historien·ne·s et théoricien·ne·s de la littérature. Nous avons alors décidé de développer un programme de recherche, intitulé « Le savoir littéraire, 1890‑1950 », qui implique actuellement une douzaine de membres. Notre recherche s'articule autour d'une question qui, au premier abord, paraît assez simple : pourquoi et comment (le cas échéant) la littérature de l'époque en est‑elle venue à redéfinir son propre statut épistémique ?

3Pour répondre à cette question, nous nous sommes d’abord tournés vers les archives de la théorie littéraire. Les théories généralistes sur la connaissance produites par la littérature moderne varient largement, mais elles reposent toujours sur deux hypothèses de base. D’une part, on dit souvent qu’en tant que support linguistique, la littérature détient une connaissance d’elle‑même. Cela vaut pour les écrivains modernistes et pour ceux de l’avant‑garde que nous étudions : en dépassant le répertoire réaliste, leurs expérimentations littéraires offrent un aperçu au niveau formel et structurel de la sémiosis (la production de sens) et du potentiel d'écriture de la mimèsis (la représentation du monde). D'autre part, lorsqu’il s’agit de la connaissance que la littérature moderne a du monde et qui va au‑delà d’elle‑même, ce que les Grecs appelaient la mathesis, le consensus veut que la littérature soit une sorte de parasite qui véhicule un savoir produit par d’autres discours. Dans l’absolu, les écrivain·es et les poètes peuvent écrire sur n’importe quel sujet. Cette hypothèse explique pourquoi certains philosophes analytiques ont affirmé que la littérature ne produit aucune « vérité » et qu’il s’agit d’un mode d’écriture ne pouvant soutenir ses propres positions. Cette même hypothèse explique également pourquoi diverses traditions théoriques ont mis l’accent sur la façon dont la littérature réunit et commente les connaissances produites ailleurs, de l’épistémocritique francophone et du matérialisme culturel anglophone à la théorie germanophone de l’interdiscours. Nous pourrions continuer à faire appel à des théories généralistes sur le rôle des structures narratives, des figures de style et de la pensée, de la représentation littéraire de la conscience, sur la fonction de la perception et de l'affect sensoriel, de l'exemplarité, etc. Tout cela est important pour mettre en évidence comment la littérature de l’époque a articulé un savoir qui était produit ailleurs. Cependant, cela n’explique pas pourquoi les écrivain·es et les poètes du début du siècle ont soudainement revendiqué l’existence d’un nouveau savoir « littéraire » ou « poétique », ni de quoi il s’agissait — sur ces points, seule la littérature elle‑même peut nous renseigner.

4Il s’agissait donc de déterminer avec plus de précision quels discours ont été déterminants pour cette notion de « vérité », au sein même d’une période de l'histoire littéraire de l’Europe occidentale dont on dit souvent qu’elle coïncide avec la disparition de toutes les certitudes, causée par une accélération sans précédent des changements technologiques, politiques et économiques. Que la notion de « vérité » ait fait l’objet de négociations durant cette période n'est pas un secret. On peut penser à la montée des démocraties de masse en Europe et aux problèmes de représentation qu'elle a engendrés, ou encore à l’impact croissant des soi‑disant maîtres du soupçon, Karl Marx, Friedrich Nietzsche et Sigmund Freud — auxquels il faut ajouter Charles Darwin. Ces penseurs ont aussi clairement renforcé la conviction des écrivain·e·s que dans leur pratique on pouvait aussi trouver une forme de connaissance du monde différente, et peut‑être même spécifique à la littérature. La confiance des écrivain·e·s et des poètes a également été renforcée par la montée d’un lectorat de masse, la professionnalisation et l’institutionnalisation de la littérature et la naissance de la théorie littéraire, en tant que discipline indépendante, non rattachée à la rhétorique ou à la philologie. Pourtant, c'est le mot magique de « science » que les historien·ne·s de la littérature utilisent le plus souvent lorsqu’il s'agit d’identifier le plus puissant régulateur de vérité de l’époque — ce mot magique englobe bien sûr aussi les maîtres du soupçon mentionnés plus haut.

5Comme le montre le vieux mythe de Charles Percy Snow des années 1950, cette période a été témoin du dénigrement de la culture littéraire par une nouvelle culture scientifique qui s’est catégoriquement opposée aux valeurs littéraires. Par conséquent, la prétention à la « vérité » de la littérature et de la poésie doit être considérée, avant tout, comme une réponse à la domination croissante de la science. À première vue, il semblerait que de nombreux écrivain·e·s, en particulier des poètes, aient soit tourné le dos à la science, soit essayé de se rapprocher de ce qu’ils pensaient être la précision scientifique, ou encore qu’ils aient écrit en opposition à la science. L’effondrement de la poésie scientifique, un genre très répandu au xixe siècle, l’illustre bien : alors qu’au xixe siècle, la poésie et la science semblaient encore former un tandem, au xxe siècle la poésie scientifique semble s’être momentanément éclipsée ; la science et la poésie ont chacune suivi leur propre chemin.

6Et pourtant, en creusent un peu plus, nous nous sommes rendu compte que même le mythe des « deux cultures » de Snow n’était qu’un mythe. Comme les historien·ne·s de la science l’ont amplement illustré au cours de ces dernières décennies, à l’époque, des générations de scientifiques de toute l'Europe ont bénéficié d’une formation à la fois scientifique et humaniste — pour eux, la littérature et la poésie n’étaient pas des adversaires, au contraire elles faisaient partie de leur vie. Ce que nous entendons aujourd'hui par « sciences » n'existait pas non plus à l’époque. Vers 1850, il n’était question que d’une poignée de sciences. En 1950, une différentiation massive des disciplines scientifiques a eu lieu et l’université moderne s’est plus ou moins formée. En d’autres termes, la période que nous examinons a vu la formation des sciences telles que nous les connaissons aujourd’hui, comme un important régulateur (jamais incontesté) de la vérité discursive. C’est cette observation qui nous a finalement amenés à nous intéresser de plus près à la relation entre la littérature et les sciences, impliquant toutes sortes de sciences, des sciences humaines et sociales, aux sciences physiques et à l’ingénierie, en passant par les sciences de la vie et la médecine. Comment, exactement, la littérature de l’époque a‑t‑elle sélectionné, véhiculé, transformé et diffusé les connaissances issues de ces sciences ? Et comment (le cas échéant), en cette phase de transition au niveau de la production des connaissances modernes, en est‑elle venue à redéfinir son statut épistémique ? Ce sont ces questions clés que nous abordons actuellement.

   

7J. B. : MDRN étudie en principe la totalité des formes et genres littéraires. Pourtant la poésie y tient une place considérable. Est‑ce que cette importance tient à l’époque qui est étudiée ou à la nature de la question qui est au cœur de l’actuel programme du groupe ?

    

8MDRN : Les deux. De toute évidence, la poésie jouissait clairement d’une grande estime dans la culture européenne de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle, en partie parce que nombreux étaient ceux qui  appréciaient et pratiquaient cette forme d’art. En 1921, par exemple, la bibliothèque centrale de Birmingham, en Angleterre, a publié un catalogue de ses recueils de poésie écrits pendant et sur la Première Guerre mondiale (n’incluant donc pas d’autres sujets). Le catalogue comptait 1200 livres de poésie en anglais. La quantité de poésie écrite et lue à cette époque en Allemagne était peut‑être encore plus importante. Au cours du premier mois de la Grande Guerre, on y publiait 50 000 lignes de poésie par jour, uniquement au sujet de la guerre. Le nombre de poèmes qui étaient publiés et qui circulaient à l’époque était important — même si la plupart ont été voués à l’oubli. Certains poètes de l’époque qui excellaient dans leur art jouissaient également d’un statut de célébrité. À la mort du poète Vladimir Mayakovski, on estime que 150 000 personnes ont assisté à ses funérailles. Nous avons parcouru un long chemin en moins d’un siècle…

9Or notre intérêt pour la poésie est bien sûr aussi lié au type de questions que nous abordons. Au cours de l’histoire, la poésie a constamment été associée à une fonction de mémoire et a souvent été considérée comme un réservoir de connaissances, transmises par le langage. Au moins depuis la Renaissance, la poésie a été vue comme le moyen de création artistique par excellence. Comme le considéraient Torquato Tasso ou Philip Sidney, la poésie était le seul « art » ou la seule « science » (comprise ici comme « compétence ») qui ne soit pas liée à la création de Dieu ou à la nature, mais uniquement à la faculté humaine de l'imagination. Pendant longtemps, la poésie était donc perçue comme le medium d’une certaine forme de « vérité ». Pourtant, ce n'est que pendant le romantisme que la poésie commence vraiment à se placer aux frontières de la connaissance. Toutes ces revendications, et encore bien d’autres, demeurent fondamentales pour la poésie de la fin du xixe et du début du xxe siècle, une période pendant laquelle la « poésie » était souvent considérée comme synonyme de « littérature » — du moins dans les cercles de poètes appartenant au canon littéraire, encore enseigné aujourd’hui à nos étudiant·e·s. Tous ces poètes étaient conscients du rythme accéléré auquel la connaissance était en train de changer et de ce que le poète écossais Hugh MacDiarmid appelait « l'énorme éventail et les multiples spécialisations intensives de la connaissance contemporaine ».2

10Aujourd’hui, si l’on demande aux chercheurs de déterminer ce qui a pu caractériser la poésie à l’époque, la plupart d’entre eux répondront probablement qu’à partir de Mallarmé de nombreux poètes ont commencé à exprimer une profonde méfiance à l’égard du langage compris comme moyen de communication, et se sont tournés vers l’étude de la substance intransitive du langage. Ce que Gilles Philippe a appelé le « moment grammatical » de la littérature française (1890‑1940)3, apparaît dans l’ensemble du canon littéraire européen. Il est pourtant important de se rappeler que les poètes n’étaient pas les seuls à se tourner vers « le langage en tant que tel » (« language as such »). Comme Ken Hirschkop l’a récemment montré dans son livre Linguistic Turns. Writing on Language as Social Theory 1890‑1950 (Oxford UP, 2019), à l’époque, presque tous les intellectuels dignes de ce nom se sont tournés vers le langage. Et pour cause : à l’époque, le langage a vraiment été mis à l'épreuve, car une nouvelle économie de la production des connaissances était en train de se former, notamment dans le domaine des sciences.

11Il n’est donc pas surprenant qu’au cours de cette transformation, de nombreux poètes faisant désormais partie du canon littéraire se soient tournés de façon si profonde vers l’étude du langage — leur medium —, et qu’ils aient été tentés de défier ses limites. Pourtant, que la « vérité » de la poésie, comme certains le considéraient, puisse uniquement résider dans la structure autotélique et autonome du poème, n’était bien sûr qu’une stratégie employée dans le domaine de la poésie. Souvent, cela amène à une déformation des faits. Quand, par exemple, T. S. Eliot dans The Sacred Wood ou Ezra Pound dans ABC of Reading nous expliquent comment nous devrions lire leur poésie, ils nous livrent essentiellement des variations du « New Criticism », en nous incitant à considérer leur travail comme de la poésie et rien d’autre. Pourtant, l’œuvre des deux poètes s’accommode constamment d’un idiome emprunté aux sciences. The Waste Land, par exemple, nous fait tourbillonner « dans des atomes fracturés » et sentir « des parfums synthétiques ». Même si ces expressions sont empruntées au vaste domaine de la production linguistique, à des fins purement poétiques, elles peuvent néanmoins aussi être lues comme des commentaires sur la place de la science dans la société — les produits « synthétiques » étant, en effet, un sujet de discussion courant dans la presse populaire de l'époque. Il est donc très important de souligner la découverte, si on peut l’appeler ainsi — « redécouverte » serait un meilleur terme — des qualités et possibilités opaques du matériel linguistique de la poésie. Cependant, cette conscience accrue du potentiel du langage (poétique) ne devrait pas être considérée comme un aboutissement mais plutôt comme le début d'une intéressante quête poétique, à la recherche de ce que la littérature pouvait savoir à l’époque.

   

12J. B. : Comment les recherches actuelles de MDRN envisagent‑elles la « vérité en poésie » ? Et quelles sont les différences avec les approches qui vous ont servi de modèle ou au contraire de repoussoir ?

    

13MDRN : Pour nous, une manière fructueuse d’aborder la question de la « vérité » en poésie part de l’observation de Michel Foucault, dans Les Mots et les Choses, selon laquelle la littérature et la poésie modernes font l’expérience de ce qui ne peut pas (encore) être dit, c’est-à-dire de la zone grise entre le langage perçu comme un matériau purement intransitif et les discours qui emploient le langage pour reproduire un savoir ou une « vérité » déjà établie. La « vérité », ou plutôt la « connaissance » de la poésie, est le produit d’un travail linguistique dans cette zone grise et ne peut être comprise que sous ses formes plurielles. La poésie de l’époque, en particulier lorsqu’elle est mise côte à côte avec la science, a pris en charge une multitude de fonctions et notre programme actuel vise à faire ressortir cette variété. Donnons trois exemples de ces fonctions.

14Pour démontrer la première fonction, il est important de répéter que de nombreuses sciences étaient encore en train de se former et que certaines d’entre elles, comme la cosmologie ou la génétique, ne se sont en fait établies comme des disciplines indépendantes et institutionnalisées qu’après la Seconde Guerre mondiale, c’est‑à‑dire après des décennies de pari logomachique entre des modèles contradictoires et des théories qui étaient bien souvent soutenues par des « amateurs » (du moins selon nos critères actuels) car elles n’avaient aucune validité au‑delà des frontières de leur propre pays. Ainsi, d’après la thèse de Foucault, même les poètes qui ont simplement commenté des aspects de certaines sciences en formation ont contribué à l’implémentation d’une nouvelle expérience et ont aidé les sciences à s’établir, telles que nous les connaissons aujourd’hui. Même lorsque les poètes se contentaient d’emprunter quelques phrases à un dictionnaire scientifique, ils mettaient leurs compétences au service d’un espace discursif dédié aux sciences. La recherche a eu tendance à négliger cette fonction — ou à l’attribuer à des formes plus populaires de la poésie — parce qu’elle s’est principalement concentrée sur un ensemble limité de sciences et a analysé leur relation avec la littérature (en considérant les soi‑disant « sciences de l’esprit » comme la psychologie, la psychiatrie ou la sexologie, mais aussi les dernières découvertes en mécanique quantique ou la théorie de la relativité, etc.). Seulement, l’abc des sciences, de l’anthropologie à la zoologie, couvre une large palette de discours scientifiques — institutionnalisés ou non — et en étudiant la poésie aux côtés d’une sous‑discipline archéologique comme l’égyptologie, ou par rapport à ce qui, à l’époque, était considéré comme la « génétique », les chosent se présentent sous un autre angle.

15Nous pouvons d’abord constater, de manière fondamentale, que la fonction de la poésie était de contribuer à la formation des sciences, en faisant, entre autres, référence à leur langage, à leurs pratiques ou à leurs praticiens. On peut dire que l’image d’Albert Einstein, par exemple, n’aurait pas été la même, sans la poésie — il est difficile de trouver un poète de l’époque qui n’ait pas, à un moment donné, fait référence à Einstein ou à ses théories. Pourtant, tout en pensant ainsi aux côtés des sciences, les poètes ont bien sûr aussi qualifié les sciences. La science est entrée dans leur travail, soit par leur connaissance culturelle de certaines disciplines généralement partagées, soit parce qu’ils faisaient directement l’expérience de certains discours scientifiques. Mais il s’agissait là déjà d’un acte sélectif, et donc aussi d’un acte créatif. Pourquoi les poètes ont‑ils choisi tel ou tel élément des sciences ? Les poètes ont‑ils sélectionné des zones d’aporie scientifique ou se sont‑ils tournés davantage vers des chiffres et des faits établis ? C’est à partir de cet acte créatif de sélection que nous pouvons affirmer qu’un poème ne transmet jamais simplement un savoir, mais qu’il transforme une connaissance scientifique pour son lectorat. Et ce, par une médiation macrotextuelle (c’est‑à‑dire par le choix du genre, des codes linguistiques, du degré de fictionnalité et du rapport à d’autres médias) mais aussi au niveau microtexuel (par des mécanismes stylistiques, rhétoriques, narratifs et discursifs). Tout cela donne forme à une certaine description et expérience du savoir scientifique, et ici nous commençons à nous rapprocher de ce qui peut ressembler à une contribution spécifique de la littérature ou de la poésie et de son rôle dans la définition de son propre statut épistémologique.

16Car au cours de ce processus de transformation par des moyens proprement littéraires ou poétiques, on finit par voir les sciences en question sous un autre angle. D’après la notion de « double plan » de Jan Mukařovský (« Langage écrit et langage poétique », 1932), la poésie doit être mise en lien avec son « arrière‑plan », à savoir le langage poétique et son histoire, mais elle doit aussi être considérée sur le fond d’autres types d’utilisations du langage (par exemple dans les sciences). On peut alors souvent considérer que les poèmes sont directement intervenus dans la pratique et les théories scientifiques, et ont aussi pensé avec celles‑ci. Lorsque, par exemple, les astronomes et les physiciens de l’époque ont commencé à prouver que l’univers était physiquement infini, les poètes du cercle de Stefan George se sont tournés vers d’anciens modèles héliocentriques de l’univers, alors que d’autres poètes ont transposé la notion de l'infini théologique de Blaise Pascal pour décrire le monde physique, etc. Autrefois, ces modèles anciens faisaient partie de la « science », mais au cours de l’histoire, les textes décrivant ce genre de modèles ont avant tout été regroupés dans des anthologies littéraires. Ce qui autrefois faisait partie des « sciences » a été stocké dans les archives de la « littérature » ou de la « poésie ». Des exemples comme ceux du cercle de Stefan George ont fondamentalement permis de qualifier la nature de la « science », parce qu’ils s’appuient également sur le langage que les scientifiques ont autrefois utilisé pour décrire le monde. Nous pouvons évoquer ici ce que Gaston Bachelard a observé, à la fin des années 1930 : la science n’avance qu’en réfutant les doctrines et idées précédentes ; la science, en d’autres termes, réprime son passé et ses propres erreurs. Vue sous cet angle, la poésie de l’époque que nous étudions niait souvent cette tendance. En évoquant constamment des modèles scientifiques plus anciens, la littérature rappelait aux sciences leur propre histoire et leur propre contingence. Il s’agit ici de la deuxième fonction essentielle de la poésie, que l’on peut rencontrer à la fois chez les poètes « modernes » et « anti‑modernes ». Cela nous rappelle également que lorsque nous lisons la poésie et la science en tandem, au lieu de nous limiter aux théories contemporaines, nous devons également rester ouvert·e·s à d’anciennes théories scientifiques et aux discours qui se situaient en marge de la science institutionnalisée, comme par exemple certains discours plus ésotériques ou occultes. À l’époque, il y avait un nombre impressionnant de ce type de discours qui circulait et il est intéressant d’observer que les poètes se sont fait les champions de leur utilisation pour renégocier la notion même de « science » — inutile de rappeler ici l’importance des surréalistes. Néanmoins, cette réaction n’était pas nécessairement dirigée à l’encontre de la culture scientifique, comme l’entendait Snow ; au contraire la poésie réfléchissait avec la science.

17On peut dire que la poésie, au sens large, produit à la fois un savoir immotile et un savoir transposable. Ce que nous entendons par « immotile », c’est qu’un poème peut nous apprendre quelque chose sur lui‑même, il peut nous donner un aperçu de sa construction ou de sa composition. Dans ce cas, nous avons affaire à des informations qui ne sont pas applicables en dehors du poème en question. Le poème peut attirer l’attention sur sa structure métrique ou sa diction. Dans le cas de l’Ursonatede Kurt Schwitters, par exemple, c’est tout ce que le poème semble faire. Cependant, la plupart des poèmes produisent aussi des connaissances transposables, c’est‑à‑dire qu’elles peuvent être appliquées à un autre domaine : soit à d’autres poèmes, soit à un domaine qui dépasse la poésie. C’est d’ailleurs le cas même du poème de Schwitters : Ursonate est une cosmogonie qui nous ramène à l’« Urmoment » (moment primitif) de l’univers. De même, le libretto de Victoire sur le soleil, rédigé en zaum, n’était pas seulement un pilier majeur de l’histoire de la poésie sonore, rappelant l’ancienne musica universalis. Dans le poème, un nouveau langage sonore est également employé pour sonder la profondeur du cosmos avant même que les astronomes n’aient commencé à envisager une technique qui puisse enregistrer le « Big Bang ». À ce stade, Edwin Hubble observait notre univers en expansion ; une pratique que Blaise Cendrars a représentée à travers l’ange N. D. Là aussi, il était en avance sur Hubble : au lieu d’utiliser le télescope, le medium de Cendrars était la caméra. Peut‑être que cela n’était ni l’intention de Schwitters, ni celle de Cendrars — le physicien Georges Lemaître n’ayant pas encore apporté de preuve scientifique du Big Bang —, mais cela montre bien que l’on peut prendre la thèse de Foucault au sens littéral : les poètes exploraient des pistes, qui n’étaient pas encore formulées dans le discours scientifique ; dans le cas de Schwitters, en ne faisant rien d’autre que d’expérimenter avec le caractère intransitif du langage. On peut donc affirmer, en troisième lieu, que la poésie avait parfois pour fonction de contribuer à la production de connaissances scientifiques réelles et qu’elle a ainsi pensé pour la science. Si les scientifiques de l’époque accordaient bien souvent peu d’intérêt aux expérimentations poétiques, c’était à leurs propres dépens.

18Il ne s’agit pas d’instrumentaliser la poésie, mais de prendre son processus créatif au sérieux et de le pousser à ses limites. Pour la plupart des études qui portent sur l’interaction entre la science et la littérature, ce n’est malheureusement pas souvent le cas. Même lorsque le contraire est affirmé, la poésie est souvent considérée comme le réceptacle d’un savoir scientifique (souvent mal interprété). Dans ce cas, on dit souvent que la spécificité de la poésie et de la littérature ne réside que dans la façon dont elles transmettent un savoir — la poésie étant également utilisée en sciences, beaucoup de recherches ont porté sur l’emploi de certains dispositifs poétiques au sein du discours scientifique. Maintenant, il est sans doute vrai qu’en expérimentant avec la matière première du langage, les poètes ont aussi assumé une quatrième fonction importante, à savoir celle d’explorer le potentiel épistémologique de la poésie et du langage poétique. Néanmoins, en faisant abstraction de l’intention de l’auteur, il est du moins aussi important d’examiner ce que les poètes ont peut‑être voulu dire au sein d’une large économie du savoir. Quoi qu’il en soit, nous pouvons affirmer que la poésie de l’époque avait pour fonction de penser avec, mais aussi aux côtés de la science et parfois même pour la science, tout en réfléchissant évidemment à elle‑même. Cela prouve que la poésie a également eu tendance à prendre du recul par rapport à l’ordre chronologique des progrès scientifiques. Parfois, la poésie était en avance sur la science, parfois elle s’est alignée à ses côtés, mais, lorsqu’il s’agissait de puiser dans l’archive poétique et son répertoire, elle était aussi souvent — on pourrait même ajouter : délibérément — en retard.

   

19J. B. : Comment abordez‑vous les autocommentaires des poètes ? Est‑ce que vous les considérez comme des « arts poétiques » à même d’orienter la lecture des textes, ou plutôt comme des écrans ?

   

20MDRN : Les autocommentaires des poètes sont intéressants dans la mesure où ils nous aident parfois à discerner les stratégies qui servent à la production de connaissances, mais aussi à déterminer quel était le degré de connaissances scientifiques des poètes, ou à saisir de manière générale ce qu’ils entendaient par « science ». En raison de la fracturation croissante et de la spécialisation du savoir, les poètes ont souvent décrit leur entreprise en termes holistiques, c’est‑à‑dire comme un lieu privilégié dans lequel l’intelligence et les sens ne font qu’un, laissant place à une sensibilité « non dissociée ». D’autres poètes ont affirmé le contraire et ont écrit un type de poésie qui subvertissait toute cohérence sensible ou cognitive. Il est intéressant de voir comment, dans ces deux cas de figure opposés, ils ont souvent eu recourt à la science. Lorsque, par exemple, l’écrivain expressionniste et médecin de formation Gottfried Benn a utilisé des termes biologiques pour décrire ses poèmes et illustrer le processus d’« homéostasie » — un état interne d’équilibre physique et chimique, maintenu par des organismes vivants —, il a fait appel au discours scientifique pour souligner l’autonomie et l’unité de son œuvre poétique. De même, lorsque les surréalistes ont décidé de faire dérailler la raison, ils se sont appuyés, à leur tour, sur la psychanalyse. L’écriture poétologique nous permet donc de mieux comprendre la quatrième fonction que nous venons d’évoquer. Il est toutefois préférable de la considérer comme faisant partie des arts poétiques sans pour autant lui donner le dernier mot. La plupart de nos observations dépassent le paramètre des discussions poétologiques de l’époque. De par sa nature, le poème dissocie les éléments linguistiques qu’il emprunte à la parole, de ceux qu’il emprunte à d’autres discours. Par la suite, en recomposant ces éléments divers, il crée une forme poétique relativement stable. De mettre en avant l’unité ou l’aspect fragmentaire de la poésie était au fond une question d’accent, et ce qui était le plus important, c’était de trouver un point commun au sein même de la différence : à l’époque, les poètes étaient convaincus que nous apprenons à connaitre le monde seulement par sa description et à travers l’imagination, en développant des modèles (linguistiques) qui nous permettent de capturer au mieux les émotions liées à ce qui se passe autour de nous. Tout poème qui est lu correctement peut être considéré comme un modèle, même si tous les poèmes ne peuvent pas livrer le même résultat, lorsqu’ils sont lus en parallèle avec la science.

21Ce qu’on appelle « culture de l’impression » (« print culture » en anglais) est pour nous aussi importante que l’écriture poétologique. Pour donner un exemple évident : si un poème surréaliste est lu dans un magazine qui a le format d’une revue scientifique du xixe siècle, aux côtés de diagrammes scientifiques ou de représentations visuelles d’œuvres d’art, l’effet produit sera évidemment différent que s’il est lu dans un recueil de poèmes signé par son auteur·e. En d’autres termes, il est possible de mettre en évidence le rapport entre la poésie et les sciences de l’époque en prêtant attention à toutes sortes d’aspects paratextuels et épitextuels.

    

22J. B. : Comment abordez‑vous les formes de poésie dont le but n’est pas de dire une forme de vérité ? Est-ce qu’elles servent d’appui ou non à l’analyse de la poésie qui cherche à produire un certain savoir ? Et que faire de la distinction entre le programme d’un·e auteur·e, d’une école, d’un texte, etc., et la manière dont ils sont reçus ?

   

23MDRN : Bien sûr, il y a de nombreux poètes qui ont tourné le dos à la science en condamnant le plus souvent son statut de nouvelle religion. Cet acte intentionné de non‑sélection est également très significatif car il renforce, à nouveau, notre hypothèse selon laquelle les sciences modernes en cours de formation sont devenues d’importantes forces discursives que les écrivains et les poètes de l’époque devaient prendre en compte. Néanmoins, il est très difficile de trouver un poème qui ne fait référence à aucune « vérité » ou à aucun aspect des sciences modernes. Pour pouvoir s’en rendre compte, il faut envisager la « science » au sens général du terme, c’est‑à‑dire comme un ensemble de disciplines très diverses, regroupant les sciences humaines et sociales, les sciences physiques et l’ingénierie, les sciences de la vie et la médecine. À l’époque, ces sciences ont commencé à être perçues comme un ensemble, faisant partie de l’université moderne qui regroupait idéalement tous les domaines d’expertise sur le monde et sur l’univers. Il était donc difficile d’écrire des poèmes sans aborder de sujet traité par les sciences. Pour certains, faire systématiquement le lien entre un poème et un discours scientifique en particulier peut sembler sans fondement, surtout s’il n’y a pas de preuve directe qui suggère qu’un poète soit entré en contact avec ce discours spécifique ou qu’il ait exprimé un intérêt pour celui‑ci. Il est cependant surprenant de voir ce qu’on peut trouver en faisant cela. Donnons un exemple.

24Nous avons déjà mentionné la sous‑discipline archéologique de l’égyptologie, qui était loin d’être un domaine d’étude unifié à l’époque — à eux seuls, les égyptologues français, allemands et anglais comptaient des dizaines d’écoles différentes. Dans l’un des projets de notre programme de recherche, un parallèle est établi entre l’égyptologie, l’art et la poésie de l’avant‑garde. Cela peut sembler contre‑intuitif de chercher à savoir comment une bande de poètes qui, selon le dadaïste Tristan Tzara, n’avait rien à voir avec l’archéologie ou le passé, s’est liée à ce domaine « momifié ». Cependant, il s’avère que de nombreux poètes de l’avant‑garde, dans différents pays européens et issus de divers mouvements artistiques, comme le cubisme, l’expressionisme, le constructivisme, le vorticisme, le surréalisme, etc., s’intéressaient beaucoup à l’art et à la culture de l’Égypte ancienne. Leurs travaux ont parfois également été en dialogue direct avec les scientifiques de cette discipline. Ce qui se passait dans le domaine de l’égyptologie a profondément influencé leur compréhension de la relation entre l’image et le mot, de l’ekphrasis, mais aussi de la construction et de l’esthétique de l’écriture en général. Cela montre bien qu’examiner le rapport entre science et poésie nous aide à réorganiser, et peut‑être même à aller au‑delà des « ismes » et des mouvements artistiques auxquels les poètes de l’époque prêtaient serment de fidélité.

    

25J. B. : La perspective de MDRN étant résolument multilingue et très ouverte sur des traditions modernes moins étudiées (par exemple en Europe de l’Est ou dans le domaine des langues dites mineures), y a‑t‑il des symétries ou des divergences dans les textes et les mécanismes culturels que vous étudiez ?

   

26MDRN : Il est absolument essentiel de prendre en compte certaines différences culturelles. À l’époque, la « science » était traitée comme une question d’intérêt national(iste). Cela voulait non seulement dire qu’il existait une forte concurrence entre différents état‑nations mais aussi que le niveau des connaissances générales d’une science pouvait varier d’une culture à une autre, que ce soit au niveau local, régional ou national. Entre 1890 et 1950, les écrivains européens étaient confrontés à une forte diversité en termes de langues, de systèmes éducatifs, de mémoires culturelles et d’écologie des médias, ce qui est à l’origine de nombreuses différences en ce qui concerne le niveau général des connaissances. En Italie, par exemple, avant 1901, date à laquelle la « terza pagina » fut créée, les grands journaux régionaux et nationaux n’avaient pas vraiment de format « grand public » et ne portaient pas systématiquement attention à la production littéraire et artistique. Par conséquent, le niveau de connaissances générales en littérature et en art contemporain était limité. En même temps, en France, le feuilleton existait depuis plus d’un siècle et, tout comme la section appelée « unter dem Strich » dans les journaux allemands, il a longtemps joué un rôle essentiel dans la large diffusion des connaissances sur l’art, l’écriture et la vie culturelle. De plus, vers 1900, en Italie, environ 50% des citoyen·ne·s étaient analphabètes (plus de la moitié d’entre eux étaient des femmes), contre 20% en Belgique (avec un rapport hommes‑femmes similaire) et 16% en France (comptant plus d’hommes analphabètes que de femmes), tandis qu’au Royaume‑Uni moins de 10% des citoyens étaient analphabètes. Bien entendu, ces différences culturelles en termes de connaissances ne valaient pas uniquement pour le taux d’alphabétisation, la vie culturelle et la littérature, mais valaient également pour les nouvelles découvertes issues d’autres domaines, dont notamment la science. Étant donné qu’à l’époque la science est devenue une activité qui relevait de l’intérêt « national » et de la politique publique, le niveau de connaissances générales en termes de progrès scientifiques avait tendance à varier fortement d’un pays à l’autre. Compte tenu de ces différences, il n’est pas surprenant de constater que la façon dont la science a été traitée en poésie variait d’une région linguistique à l’autre. Prenons l’exemple de l’eugénisme, qui peut être défini comme une théorie visant à améliorer l’espèce humaine — bien souvent celle d’une nation. L’eugénisme a fondé son propos sur d’autres sciences comme la génétique, la biologie et la théorie de l’évolution. Si l’eugénisme connaissait beaucoup de divergences au sein même de la discipline, certaines tendances générales peuvent être observées à l’échelle nationale. En Allemagne, l’eugénisme était principalement utilisé dans le domaine de la psychiatrie. Le psychiatre Ernst Rüdin, par exemple, utilisait des données génétiques pour les relier à certaines maladies mentales. Ainsi souhaitait‑il prouver que certaines maladies mentales étaient génétiquement transmissibles. On peut observer une utilisation différente de la génétique dans le discours eugénique en Angleterre. L’eugénisme y était perçu comme une science capable de légitimer une angoisse croissante des classes moyennes, vis‑à‑vis des classes inférieures et aristocratiques de la société. Souvent le discours eugénique était utilisé par les classes moyennes pour catégoriser les autres classes sociales de « dégénérées », autant d’un point de vue moral que physique. La génétique, qui devenait de plus en plus une science institutionnalisée, a donc été intégrée dans d’autres discours comme ceux de l’eugénisme — un discours auquel de nombreux écrivains européens de l’époque ont fait appel. Cependant, il est trop tôt, à ce stade de notre programme de recherche, pour affirmer que ces différences culturelles se sont également traduites par des différences radicales au niveau de la technique poétique ou de la composition.

    

27J. B. : Est-ce que le genre de la poésie se distingue ici du reste de la littérature (roman, théâtre, journalisme) ? Est‑elle plus réactive ? Plus conservatrice ? Moins audacieuse ? Plus facilement attirée par les spéculations théoriques ?

   

28MDRN : De ce que nous avons pu observer jusqu’à présent, on peut peut‑être dire que la poésie nous permet de voir plus clairement certains extrêmes parce que la forme du poème est plus condensée. Néanmoins, ce serait bien sûr une erreur de considérer la poésie de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle comme un genre homogène. Cette période est justement très intéressante parce que le genre même de la poésie a constamment été renégocié. Les différences entre les genres que vous mentionnez (roman, théâtre, etc.) et la poésie étaient loin d’être claires : certains poètes qui privilégiaient l’image se sont surtout intéressés à leurs prédécesseurs, notamment aux romanciers comme Flaubert ; d’autres poètes préférant mettre l’accent sur le son et la voix se sont tournés vers des genres dramatiques ; de plus, la prolifération de techniques de collage, utilisées dans le roman et la poésie, mais bien sûr aussi au cinéma, ont permis de développer de nouvelles formes journalistiques au sein de la « Neue Sachlichkeit ». Il s’agit ici de formes poétiques qui appartenaient au canon littéraire, mais bien sûr la production de la poésie était massive à l’époque, ce qui engendrait différentes attentes au niveau de ses lecteurs. Malheureusement, il ne nous est pas possible de quantifier tous les types de poésies produits à l’époque en Europe, mais dans les sous‑projets de notre programme de recherche nous nous intéressons également à différents types de registres allant de ce qu’on appelle en anglais « middlebrow » à un registre plus populaire. Ce qui ressort ici tout particulièrement, c’est que certains types d’écritures populaires étaient ouverts à toutes sortes d’expérimentations, même si cela s’appliquait principalement à l’écriture en prose. En ouvrant, par exemple, certains pulp magazines, il est possible de voir un chapitre d’Ulysse « emprunté » à James Joyce, juste à côté d’un extrait de pornographie ou de science‑fiction, suivi d’un rapport médical et d’une publicité pour un colorant capillaire. C’est le meilleur moyen de nous rappeler que la « littérature » est toujours un assemblage de connaissances produites par la science et ailleurs — et, pour cette raison, que nous ne devrions pas considérer que la poésie n’a fait que répondre aux sciences de l’époque. L’étude du lien entre la poésie et la science nous renseigne bien plus sur la façon dont la poésie se percevait elle‑même, à l’époque : à savoir, comme un « genre » en constante évolution, cherchant à se définir au sein d’un tournant épistémologique massif.