Fabula-LhT
ISSN 2100-0689

La littérature comme terrain polémique
Fabula-LhT n° 30
La Littérature en formules
Laurent Broche

Le Sursis et « Les cons ! » : investigations sur une formule rugueuse attribuée à Daladier

The Reprieve and “The Fools!”: Investigations About a Harsh Formula Attributed to Daladier

1Le 30 septembre 1938, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie signent les accords de Munich. La guerre s’éloigne… provisoirement. Moins d’un an après, Hitler envahit la Pologne, et la Seconde Guerre mondiale s’enclenche. La mémoire démocratique reste douloureuse de ces accords. « Munich », « Munichois », « munichisme », demeurent très négatifs. Et le patronyme « Daladier » – « un faux dur qui a cané devant Hitler à Munich […], un type à qui on n’a pas envie de ressembler » (Rollin, 2002, p. 52) – sert parfois à discréditer une personne. À ce moment s’associe aussi le fameux « les cons ! », qu’aurait prononcé à son retour Daladier, alors ministre de la Guerre et président du Conseil, face à la foule célébrant la paix préservée. Cet article, après avoir montré l’omniprésence de cette formule et rappelé son lien direct avec Le Sursis de Sartre, propose de réfléchir à certaines de ses caractéristiques et à son succès.

« Les cons ! » : une formule omniprésente

2Dans les évocations récentes des accords de Munich, la réaction attribuée à Édouard Daladier s’avère très fréquente. La littérature y recourt souvent. La Fiancée anglaise (2019) de Gilles Laporte fait intervenir l’anecdote trois fois. En juin 1939, les festivités d’un mariage dissipent momentanément « une peur viscérale du lendemain ». Le roman revient alors neuf mois en arrière quand « [t]out […] faisait craindre le pire », et raconte qu’au Bourget, après avoir déclaré la paix sauvegardée :

[g]agnant le hall d’accueil, Daladier avait tourné la tête afin de n’être ni vu ni entendu par la horde de journalistes venus l’accueillir, grommelé à la bise qui déferlait de cet Est corrosif qu’il venait de quitter : « Les cons, s’ils savaient ! Ils croient que je leur amène la paix. » (Laporte, 2019, p. 55-56).

3Plus loin, en juin 1940, tandis que l’armée allemande avance, la narration constate : « Daladier avait raison : “Les cons, s’ils savaient…” » (p. 75). Enfin, à la Libération, un blessé de guerre, après avoir vu une femme se faire tondre par des pseudo-résistants, se murmure « la confidence de Daladier au retour de Munich : “Les cons… s’ils savaient !”. » (p. 285).

4De son côté, une enquête littéraire sur un aïeul nazi, parue en 2022, avance que dans les années 1930 :

les positions pacifistes ont pu conduire à des choix désastreux. […], la démocratie était sacrifiée. « Ah, les cons, s'ils savaient... » avait d'ailleurs réagi tristement Daladier, acclamé par les pacifistes. (Cuche, 2022, p. 75).

5Dans des portraits de divers lieux publiés en 2017, un homme, face à de belles ballerines d’une vitrine d’Auschwitz, imagine la tragédie de sa propriétaire. Le visiteur médite sur le cours que les évènements auraient pris si Hitler, à Munich, avait rencontré des dirigeants prêts à la guerre, notamment Churchill :

Quand on abdique sur ses principes, on n’obtient jamais la paix. Pour les belliqueux, les pacifistes et les gentils sont des faibles qu’il faut écraser d’un coup de talon. Même Daladier, cet irresponsable, le savait. Quand il vit la foule l'acclamer après l'humiliation munichoise, il ne put réprimer un « ah les cons ! ». Car lui, il savait. Il en est d’autant plus impardonnable. Il savait en signant cet inique traité ce qui allait se passer et les conséquences pour tous ces « cons » qui l’acclamaient. (Joumard des Achards, 2017, p. 100).

6Dans une thématique proche de ce jugement, plusieurs essayistes ont recouru à la réaction de Daladier. Adeline Baldacchino, magistrate et poète, après avoir avancé que « la violence convient aux cas dans lesquels il s’agit de se défendre », rappelle qu’Amos Oz, convaincu « qu’il y a des guerres justes quand il s’agit d’arrêter de plus violents que soi », s’est toujours distingué des pacifistes des années 1930. Elle explique ensuite qu’il ne s’agit pas de refaire Munich :

quand les Anglais et les Français, couchés devant les Allemands, acceptèrent de tout céder. Daladier, président du Conseil français, rentra à Paris applaudi, soufflant à ses conseillers : « Ah les cons, s’ils savaient… ». (Baldacchino, 2019, p. 149-150).

7Dans un chapitre titré « Pacifisme radical et bricolages », Pierre Lellouche, alors député, évoque la manifestation républicaine du 11 janvier 2015. Dégoûté d’une « orchestration politique » faiblarde face au fanatisme musulman, mêlant « démonstration de force molle et […] incantation pacifiste – comme si le déni ou les protestations de bonne foi suffisaient à gagner les guerres », l’homme politique commente :

« Les cons ! », avait confié Daladier au retour de Munich en contemplant la foule de ces Français innombrables soulagés d'avoir évité la guerre. « Les malheureux moutons ! » pensai-je ce 11 janvier en traversant ces milliers, ces centaines de milliers de braves gens fourvoyés. (Lellouche, 2017, p. 83).

8Sur le même sujet, Philippe Val imagine que devant divers discours qu’il juge coupables d’« un silence complice » envers divers traits d’islamisation et d’un désamour suicidaire pour les démocraties représentatives, Abdou Bakr Al-Baghadi

pose sa kalachnikov pour applaudir des deux mains, en murmurant « Les cons ! ».
Ce sont les mêmes « cons » que désignait Daladier au retour de Munich, quand il vit la foule applaudir à la signature de l’accord avec Hitler. (Val, 2017, p. 179).

9Val ajoute que, parce qu’« une part inquiétante des élites » refuse de voir la montée du danger islamiste en Europe et s’éloigne de valeurs fondatrices des sociétés européennes, les « cons » – « le peuple » – ne les ovationnent plus, mais se dirigent « vers les partis d’extrême-droite souverainistes » (p. 180).

10Cette plongée dans des publications récentes, que l’on aurait pu allonger de propos et écrits d’universitaires, d’auteurs variés, de personnalités politiques, d’articles de presse, d’extraits de blogues et de sites internet, témoigne de l’omniprésence de la réaction « les cons ! » prêtée à Daladier face à la foule fêtant la paix maintenue. Dans les exemples cités, le mot du président du Conseil avance seul, sans référence. Quand des évocations renvoient à une source précise, c’est presque exclusivement au Sursis de Sartre.

Daladier et « Les cons ! » dans Le Sursis

11Le Sursis, vue kaléidoscopique des journées du 23 au 30 septembre 1938, se clôt sur l’entrecroisement de l’arrivée de Daladier au Bourget et de dialogues de personnages fictifs. Voici les portions décrivant le retour du dirigeant :

L’avion décrivait de larges cercles au-dessus du Bourget, une poix noire et ondulante recouvrait la moitié du terrain d’atterrissage.
Léger se pencha vers Daladier et cria en la montrant :
Quelle foule !
Daladier regarda à son tour ; il parla pour la première fois depuis leur départ de Munich :
Ils sont venus me casser la gueule.
Léger ne protesta pas. Daladier haussa les épaules :
Je les comprends.
Tout dépend du service d’ordre, dit Léger en soupirant. […]
L’avion s’était posé. Daladier sortit péniblement de la carlingue et mit le pied sur l’échelle ; il était blême. Il y eut une clameur énorme et les gens se mirent à courir, crevant le cordon de police, emportant les barrières […] ; ils criaient : « Vive la France ! Vive l’Angleterre ! Vive la paix ! » ils portaient des drapeaux et des bouquets. Daladier s’était arrêté sur le premier échelon ; il les regardait avec stupeur. Il se tourna vers Léger et dit entre ses dents :
Les cons ! (Sartre, [1945] 1982, p. 1133).

12Beaucoup d’historiens, y compris parmi les universitaires, ont cité1, et continuent de citer, ce passage. Un historien des intellectuels le fait avec prudence et grand intérêt :

Sartre […] dresse une très belle scène […] Vraie ou pas, invention de romancier ou parole historique, l’anecdote est très significative. Daladier estime que ces Français qui l’acclament n’ont pas compris que la reculade de Munich est porteuse d’un immense danger que la conférence n’est pas parvenue à écarter. Le fait est là : vingt ans après la Grande Guerre, l’opinion française est toujours marquée par un pacifisme enraciné dans les esprits et au plus profond des cœurs. (Sirinelli, 2014, p. 77-78).

13Qu’elle soit connectée au Sursis ou non, exposée précautionneusement ou comme un fait, l’anecdote sur « les cons ! » s’avère une régulière des évocations de Munich, dont elle est une véritable « formule », au sens que lui donne Alice Krieg-Planque (2009). Assurément, elle a un caractère « discursif ». Avec elle, on raconte cet événement, dénonce Daladier ou au contraire cherche à le comprendre, dessine des analogies, pose des avertissements, etc. Elle est un « référent social », évoquant quelque chose pour beaucoup. D’ailleurs, un récent dictionnaire anglais des références culturelles françaises la mentionne (Mould, 2021, p. 83), et beaucoup de recueils de mots historiques s’y arrêtent2. Ensuite, elle est « polémique », non au sens où l’on débattrait âprement de sa véracité, mais parce qu’elle suscite des interprétations divergentes et sert de support de discussions sur Daladier, les accords de Munich, l’indécision démocratique, l’attitude vis-à-vis des idées et régimes totalitaires ou l’aveuglement des masses.

14Que des spécialistes du management recourent à l’anecdote est significatif de cette dimension polémique. Stéphane Demilly, par ailleurs sénateur, oppose Churchill, « leader le plus inspirant pour les dirigeants d’entreprise » et « lucide visionnaire », à Daladier, « accueilli par une foule immense drapée de banderoles à sa gloire : “Les cons, les cons, ils ne savent pas ce qui les attend !” » : non pas un naïf donc, mais quelqu’un qui n’a pas su agir (Demilly, 2022, p. 116 et 120). Un entrepreneur et consultant dans la finance utilise aussi la formule pour illustrer l’importance de la « Confiance en soi ». Il rappelle quelques points. À Munich, Daladier, ancien combattant comme Hitler et Mussolini qui « imposent leur brutalité par leur présence physique », « n’est pas impressionné ». Mais Chamberlain », trop vieux pour avoir fait la guerre, « subit de plein fouet cette intimidation ». Isolé, le Français signe, « contre sa réelle volonté », et « pour préserver le front commun avec l’Angleterre ». « En rentrant en France acclamé […], il aurait marmonné cette phrase devenue célèbre : “Ah les cons ! S’ils savaient !” ». L’auteur estime que si Churchill avait négocié, la confiance aurait été du côté des démocraties, qui n’auraient pas cédé (Nessi, 2021, p. 81). Un livre, assez New Age et apologétique de l’Église, prônant Le leadership vertueux, rappelle que les « leaders désirent la paix », mais pas « à n’importe quel prix », et que Munich est le contre-exemple terrible où : « Sous les acclamations de la foule des Parisiens, Daladier confia à son adjoint : “Ah les cons ! S’ils savaient !” Daladier était un lâche » (Dianine-Havard, 2015, p. 119-120). Bref, si beaucoup convoquent ce moment pour souligner la lucidité de Daladier – elle intègre même une homélie3 –, pour d’autres cette clairvoyance ne sauve pas le personnage, certes moins lamentable que Chamberlain, dans la mesure où il avait compris mais n’a pas su agir. Et pour certains auteurs, la remarque de Daladier marque son mépris du peuple4.

15Dernière caractéristique, cette formule offre un « figement » : Daladier a eu un mot rugueux sur la foule l’accueillant à son retour de Munich. Mais, ce figement est très lâche, la formule circulant sous de nombreuses variantes. Certaines portent sur le ton du commentaire, qui va du murmure jusqu’au cri. D’autres tiennent à ce qui l’entoure, des auteurs en font un énoncé sec, tandis que chez d’autres, quelques mots la prolongent. Cette réaction se pare également de statuts variables, depuis le probable jusqu’à l’attesté. Elle varie aussi grandement sur le moment et les destinataires des paroles – d’ailleurs, chez quelques-uns, Daladier ne les a dites qu’à lui seul. Enfin, même si « les cons » domine, elle se charge parfois d’autres mots : « idiots » (Steinacher, 2017, p. 54), « malheureux »5, « imbéciles »6, « fous »7, etc.

16Dès lors, les liens de cette formule avec Le Sursis entraînent deux interrogations. Pourquoi est-ce sous la forme du Sursis – « Les cons ! », au Bourget et à Alexis Léger – que l’expression est devenue si prégnante ? Pourquoi cette formule n’est-elle pas davantage figée ?

Les versions éclipsées par le final du Sursis

17Le Sursis ne fournit aucun renvoi à un hors-texte pour les événements de sa trame. Une note de l’édition de la Pléiade renseigne sur « Les cons ! » :

Cette anecdote, nous a dit Sartre, avait été rapportée à l’époque. Daladier lui-même, beaucoup plus tard, en 1961, a écrit ceci : « Je suis surpris de cette foule énorme, délirante de joie », cité par H. Noguères, Munich ou la drôle de paix, p. 314, qui ajoute que le président du Conseil avait, d’après certains témoignages, fait cette réflexion : « Les imbéciles, s’ils savaient ce qu’ils acclament ! ». Une note précise : « André Stibio (La Bataille, 17 juillet 1946) et Geneviève Tabouis (Vingt ans de suspense diplomatique, 1958) rapportent ce propos. Toutefois, à en croire J. Debu-Bridel (L’Agonie de la IIIe République, 1948), Daladier n’aurait pas dit “les imbéciles”… mais “les c…”. Tandis que d’après Pierre Lazareff (De Munich à Vichy) il n’aurait été question que d’“idiots”. » Quoi qu’il en soit, cette anecdote est révélatrice de l’état d’esprit de Daladier à son retour de Munich. Quant au mot lui-même, il est évident que Sartre le prend à son compte. (Contat, 1982, p. 2011-2012)

18En s’appuyant sur Henri Noguères, la Pléiade fournit ainsi des variantes du retour de Daladier. Dans son ouvrage sur les accords de Munich, l’historien écrit en effet : « “Les imbéciles, aurait-il dit, s’ils savaient ce qu’ils acclament ”» (Nogueres, 1963, p. 337). Et il relègue en note les autres mots, ce qui indique sa prédilection pour cette expression. D’ailleurs, il la reprend en légende d’un cliché de la voiture fendant la foule. La Pléiade suit cette version et ne mentionne les autres que comme des variantes lexicales. Elle ne relève pas que Noguères – qui utilise le conditionnel, tandis que ses sources usent de l’affirmatif – s’arrête sur les variations de vocabulaire, mais en délaisse d’autres. En effet, la journaliste Geneviève Tabouis et le résistant et sénateur gaulliste Jacques Debu-Bridel situent la scène au ministère de la Guerre, rue Saint-Dominique. Et la première affirme que Daladier « murmure […] à mi-voix » (Tabouis, 1958, p. 373), tandis que Debu-Bridel parle d’une « réaction » (Debu-Bridel, 1948, p. 486). Chez Pierre Lazareff, l’anecdote est au Bourget, comme chez André Stibio, mais avec d’autres mots et davantage de volume : il « ne put s’empêcher de s’exclamer : – Les idiots, ils ne savent pas ce qu’ils applaudissent ! » (Lazareff, 1944, p. 71). En somme, dans les années 1950, et sans que cela ne soit spécifié ni par la Pléiade ni par un historien de référence sur Munich, une forte diversité existait chez les journalistes et essayistes évoquant un mot âpre qu’aurait tenu Daladier.

19Les sources de Noguères, à l’exception de Lazareff, sont toutes postérieures au Sursis. Jamais ceux qui mentionnent l’anecdote ne renvoient à un écrit plus ancien. Ainsi, une étude sur les accords dans la presse, avant de citer le roman, indique :

Si l’on en croit une anecdote, relatée par Jean-Paul Sartre dans Le Sursis, mais corroborée par divers témoignages, Daladier, profondément conscient de ce que Munich représentait d’abandon, aurait été surpris de cet accueil. (Bouillon et Vallette, 1986, p. 8).

20Cependant, ce travail ne cite aucun de ces « divers témoignages ». De même, la présentation pédagogique des accords de Munich sur Retronews, site de la BnF spécialisé dans les archives de presse, signale que Daladier « aurait déclaré “Les cons ! S’il savait… !” (sic) » (Ebersold, 2018), mais sans donner de référence. Les journalistes évoqués par Noguères, qui rapportèrent plus tard des propos de Daladier, ne l’ont pas fait à l’automne 1938, comme d’ailleurs le reste de la presse8. Stibio le mentionnera plus tard, à l’été 1939. Dans un bilan de l’action de Daladier, il avance que le président du Conseil ne se faisait pas d’illusions sur l’avenir au retour de Munich, et suppute ses sentiments d’alors :

Est-il vrai le mot de lui qu’on a rapporté quand il vit au Bourget une foule en délire, l’acclamer au retour de Munich : “Ah les c..., s’ils savaient ce qu’ils applaudissent !” ? Il est du moins vraisemblable. (Stibio, 1939, p. 4).

21En octobre 1938, il faut partir loin – à Saïgon – pour y dénicher l’anecdote. Max Cousin, correspondant du Nouvelliste d'Indochine, appelle à une politique étrangère très ferme et écrit : « Partout circule le mot de M. Daladier sur le compte de la foule qui l'acclamait : “Les malheureux, s'ils savaient ce qu’ils applaudissent !”. » (Cousin, 1938, p. 5). Des journaux de province reprenaient des articles de Cousin, mais n’ont pas repris celui sur le retour de Daladier. Aussi, il est faux d’affirmer – comme le fait un personnage d’Albert Spiraux – que « C’était dans tous les journaux. [Daladier] a dit : “Les cons, s’ils savaient ce qu’ils applaudissent !” » (Spiraux, 1976, p. 219).

22Absente de la presse de métropole de l’immédiat après-Munich, la réaction de Daladier apparaît dans quelques textes ultérieurs. D’abord, chez des auteurs hostiles à la République. Le premier est Jean-Pierre Maxence, début 1939. Cette fine plume de la Jeune Droite, proche des non-conformistes et de l’Action française, critique la naïveté des masses acclamant une mauvaise décision : « Daladier […] ne put retenir, en arrivant au ministère de la Guerre, ce mot significatif “Ah les c…”. » (Maxence, 2005, p. 395). D’autres écrivains collaborateurs le suivirent :

Lorsqu’il arriva rue Saint-Dominique, […], [Daladier] bougonna en jetant un dernier regard sur la foule : « Les c… ! ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils acclament ! » Pauvre « peuple souverain » !. (Rionde, 1941, p. 11).

Lorsqu’il arriva à son cabinet, il bougonna : « Quels c… ! Ils m’acclament ! Ils ne savent pas ce que j’ai signé ! ». (Allard, 1941, p. 104).

23Ensuite, chez des opposants à Vichy. Ainsi, un membre de l’Office de l’information de guerre à New-York – très proche de Lazareff – rapporte : « au ministère de la guerre, [Daladier] murmura en montrant la foule qui le réclamait : “Les imbéciles !”9. » (de Saint Jean, 1941, p. 55). Tandis qu’un autre journaliste défend Daladier contre les aveugles ou les vendus des années 1930 qui affaiblissaient la France, et évoque sa lucidité : « On dit que l’accueil délirant d’une foule ruée à tous les abandons lui arracha ce cri amer : – Les malheureux ! s’ils savaient ce qu’ils acclament ! » (Helsey, 1945, p. 197 et 202).

24Enfin, plus neutre, et moins affirmatif, Alexander Werth, correspondant du Manchester Guardian, dans un récit rédigé entre le 10 mai et le 20 juin 1940, publié à Londres en août 1940 en anglais, et en 1941 en français, constate :

L’« entrée triomphale » de M. Daladier à Paris fut un symbole de l’incompréhension des réalités internationales par les Français. On dit que, lorsque de la fenêtre du Ministère de la Guerre, Daladier vit les foules qui l’acclamaient d’en bas, il s’écria avec un grognement irrité : « Ah ! les c…s ! »10 (Werth, [1941] 2017, p. 251).

25Des textes antérieurs au Sursis, et d’autres indices, suggèrent donc un rude commentaire de Daladier. Ils divergent quant aux mots et au ton de la remarque, et la localisent plutôt au ministère de la Guerre. Le Sursis partage avec quelques-uns l’exclamation « Les cons ! », mais se distingue de tous (sauf de Lazareff) par le lieu– au Bourget –, et le destinataire direct : Alexis Léger. La réaction supposée de Daladier n’a, à l’automne 1938 et en 1939, guère attiré adversaires et ennemis. Pour ceux qui croyaient aux accords, il s’agissait d’une parole gênante, et qui s’avérait de plus en plus prémonitoire. Les communistes dénoncèrent Munich, mais pas la réflexion de son signataire, peut-être parce qu’elle le disculpait en partie. Ensuite, les voix anti-républicaines ou collaboratrices qui l’exploitèrent n’eurent qu’une faible audience – sauf Maxence, cependant aucun des comptes-rendus de son livre ne releva cet épisode. Après-guerre, ces voix firent profil bas ou gagnèrent l’étranger, et on les oublia vite. Les versions des plumes hostiles aux nazis et à Vichy, publiées outre-Atlantique, touchèrent surtout les milieux qui suivaient les activités de l’Office of War Information de New York ou y participaient11, donc un petit cercle.

Un terrain plutôt dégagé pour le roman

26Parcourir ce qui a été écrit avant la publication du Sursis montre que quand ce roman a énoncé sa version du retour de Daladier, il l’a fait dans un champ très dégagé. Il l’était initialement. D’abord, parce que s’il existe des images fixes et animées du retour, aucun système n’a enregistré ce que Daladier a dit, ou aurait dit. Ensuite, car aucun récit évoquant sa réaction rugueuse n’a marqué l’opinion. Et ce champ est resté très ouvert. En premier, parce qu’aucun des protagonistes de l’anecdote n’a confirmé ou infirmé cette réaction. Daladier a laissé des articles et entretiens sur Munich, et y a précisé qu’il fut « surpris de cette foule énorme et délirante de joie »12. Mais, là comme dans ses archives13, il n’a rien dit d’un commentaire porté sur elle, et n’a pas réagi au Sursis. Même attitude pour Alexis Léger / Saint-John Perse. Lors de sa lecture des deux derniers chapitres – qui le décrivent en complice de l’abandon des Tchèques –, il « multipli[a] les signes de désaccord dans les marges » (Ventresque, 2007, p. 79-80)14. Mais le poète-diplomate a gardé le silence. Dans un entretien de 1963, seulement publié en 1988, il a raconté la réaction de Daladier voyant la foule depuis l’avion : « Ils vont me huer, ils auront raison ! », puis sa métamorphose sous les vivats en homme appréciant cette gloire (Crémieux, 1988, p. 23). Cependant, il n’a rien ajouté sur une parole âpre du président, ou sur Le Sursis, bien que le journaliste l’ait certainement interrogé sur ces thèmes15.

27Autre point qui explique que le champ soit resté favorable à la version du Sursis : aucun témoin direct du retour n’a fourni de récit alternatif s’imposant à la mémoire collective. Premier témoin direct : Robert Bruyez. Dans ses articles d’automne 1938, et dans les colonnes non signées du Matin où il travaillait, ce journaliste n’avait rien écrit sur le fameux commentaire. Par contre, dans sa nécrologie de Daladier, il se souvient :

Du bas de l’échelle où nous étions écrasés, nous le vîmes se pencher vers son voisin et lui demander : « Viennent-ils me féliciter ou me huer ? » […] de toutes parts les cris fusèrent : « Vive Daladier ! Vive la paix ! »
Le chef du gouvernement regarda Alexis Léger et lui dit : « Les pauvres c…, s’ils savaient ce qu’ils applaudissent ! ». (Bruyez, 1970, p. 1)

28Deuxième témoin direct, Crouy-Chanel, plus proche collaborateur aux Affaires étrangères de Léger. Il était dans l’aéroplane :

Face à la porte dont il attend l’ouverture, le chapeau enfoncé sur le front, l’air buté, [Daladier] fait plus « taureau du Vaucluse » que jamais. Léger le suit, puis Clapier ; je suis moi-même à l’angle droit.
La porte s’ouvre. […] une bouffée d’acclamations, une immense vague de hourras ! Daladier, tourné vers Léger, laisse tomber : « Ces gens sont fous ! ».

29Il ajoute : « Je sais qu’il circule une version plus grossière mais je puis témoigner qu’elle est controuvée. » (Crouy-Chanel, 1989, p. 235-236). Et il précise en note :

On prête à Daladier l’exclamation « Quels cons ! » La version est fausse : j’ai clairement entendu celle que je rapporte. L’autre, d’ailleurs, ne cadre pas avec la situation. Nous n’accusions pas : nous ne comprenions pas ; c’est tout. (p. 283-284).

30Plus tôt, le diplomate avait confié dans un documentaire le même récit, mais avec un autre destinataire du mot : « Alors, j’ai vu Daladier se retourner vers Clapier, qui était derrière lui, et dire : “Ces gens sont fous”16. »

31Parfois, on présente Jean Daladier, fils ainé d’Édouard, comme un témoin direct. Il a écrit : « Daladier […] murmure en voyant l’immense foule […], “les cons !”, puis : “et ils croient que je leur amène la paix.” » (Daladier, 1991, p. 15), mais il n’était pas au Bourget. Quelques années plus tard, dans un documentaire, il a précisé :

Quand [Daladier] est arrivé en avion à Paris on a ouvert les portes […]. Et il a dit à son attaché […] Genébrier, il lui a dit : « Ils sont venus me lyncher […] ». Et tout d’un coup, on a entendu que c’étaient des bravos, ils applaudissaient, et il était médusé, et il a dit, pour lui, comme ça [visage renfrogné, bouche fermée], mais nous, … lui il l’a entendu, « Les cons »17.

32Dans cette version, la réflexion de Daladier est « pour lui », pas pour Alexis Léger. De plus, Roger Genébrier, chef de cabinet au ministère de la Guerre et de la Défense nationale, n’était pas du voyage18. Certainement, Jean Daladier le confond avec Marcel Clapier, autre chef de cabinet. Le fils décrit le moment comme s’il y était, puis rectifie. De son père devant la foule, il imite la mine d’alors, commence par un « nous », puis le remplace par « lui il l’a entendu » pour signifier qu’il parle de l’attaché. Cette implication indique certainement qu’il a vu maintes fois son père refaire la scène. C’est aussi l’idée qui se dégage du témoignage de l’historien Marc Ferro qui a raconté que le deuxième fils de Daladier – Pierre – lui avait confié la réaction de son père19.

33Petite incise. Sartre n’a rien dit sur l’élaboration de la scène finale du Sursis. Il ne l’a conçue qu’à la toute fin de la rédaction, l’ajoutant à une version prééditoriale (Grell, 2005, p. 135 ; Grell, 2019, p. 2, en ligne). Parmi les écrits rapportant une réaction de Daladier, beaucoup étaient inaccessibles à Sartre, ou publiés trop tardivement. Le seul où il aurait pu lire la remarque sur « les cons » est le livre de Maxence – d’autant plus que ce chroniqueur littéraire de Gringoire avait parlé en bien de La Nausée et du Mur, et que le CNE le plaça parmi les « interdits ». Fait intéressant : un de ses anciens élèves se souvient : « Jean-Paul Sartre, mon prof de philo, m’avait dit que Daladier debout dans sa voiture avait alors murmuré : “Les cons !” en saluant la foule. » (Gheebrant, 1995, p. 130-131). Ainsi, Sartre aurait appris de la rumeur de Paris la réaction de Daladier. Autre possibilité : puisque Jean Daladier était son élève au lycée Pasteur (Cohen-Solal, 2019, p. 239-240), peut-être que le fils de l’homme politique a raconté à des camarades, voire à son professeur, le récit fait par son père.

34Divers écrivains, journalistes et personnalités politiques ont affirmé que Daladier leur avait raconté son retour. D’autres ont rapporté ce que des personnes disaient avoir entendu, ou ce qu’elles disaient tenir de personnes qui auraient entendu ses propos. Dans ces versions, « cons » revient souvent, parfois ailleurs qu’au Bourget et rarement comme un mot confié à Léger.

35En somme, avant la publication du Sursis, comme après, aucune version du retour du Daladier ne s’est imposée en récit de référence. Cette situation a favorisé la diversité des versions, dont certaines sont impossibles. Ainsi, alors que de nombreuses images fixes et animées montrent Daladier rejoignant son ministère en voiture en compagnie de Georges Bonnet, Jean Dutourd écrit en 1959 :

La dernière réaction d’un homme d’État français devant la platitude de ses compatriotes que l’histoire ait enregistrée est celle de M. Daladier […] tout étonné que la foule parisienne venue à sa rencontre, au lieu de le conspuer, l’acclamât à tout rompre. « Quels c… ! » dit-il en soupirant à Saint-John Perse assis auprès de lui dans la voiture triomphale (Dutourd, 1959, p. 37).

36Erreur répétée en 2022 dans un ouvrage issu d’une thèse d’histoire soutenue à l’EHESS :

Dans la voiture qui le ramène vers Matignon, [Daladier] commente à l’attention d’Alexis Leger (Saint-John Perse en littérature), secrétaire général du Quai d’Orsay, venu l’accueillir : « Les cons ! ». (Steg, 2022, p. 189)

37Ce flou autour du mot de Daladier a favorisé la diversité des récits, a permis la diffusion de versions erronées ou imaginatives, et a profité au succès de la scène finale du Sursis.

« Les cons ! » du Sursis : réflexions sur un succès

38Peu relevée à sa sortie20, et absolument pas contestée, la version du retour portée par Le Sursis a lancé très tôt et très fort un récit cohérent avec la « manière » de Daladier21, à la suite d’auteurs et de la rumeur parisienne qui avaient déjà fait circuler cette réaction. Sa précocité, et le choc que provoquèrent alors Sartre et l’existentialisme, lui donnèrent un impact puissant. D’autres facteurs lui garantissaient des effets à long terme.

39Dans HHhH (2009), Laurent Binet explique :

Par une forme de pédanterie puérile, je me faisais scrupule de ne pas mentionner la plus célèbre phrase française de toute cette sombre affaire, mais je ne peux pas ne pas citer Daladier, à sa descente d’avion, acclamé par la foule : « Ah, les cons ! Les cons, s’ils savaient ce qui les attend !... ». Certains doutent d’ailleurs qu’il ait jamais prononcé ces mots, qu’il ait eu cette lucidité, et ce résidu de panache. C’est Sartre qui aurait propagé la citation apocryphe, dans son roman Le Sursis. (p. 109-110).

40Plus tard, il a estimé qu’il s’agit d’un :

exemple fascinant de construction, pour le coup romanesque, fictionnelle, qui est devenu pour nous une réalité […] au terme d’un processus d’erreur […]. On croit que Daladier a dit ça, alors que non, c’est Sartre qui fait dire ça à Daladier. La puissance de la littérature […] est telle que ce fait est considéré maintenant comme une réalité historique, alors que c’est faux. […] Daladier ne l’a pas dit. (Binet, 2014, p. 71-72).

41Quelques caractéristiques du Sursis ont contribué à cette « puissance de la littérature ». D’abord, en romancier libre, nulle part Sartre n’a doté sa description du retour d’une explication ou d’un renvoi à un hors-texte. La scène narre le geste de Daladier – « Il se tourna vers Léger et dit entre ses dents : – Les cons ! » –, sans le qualifier. Peut-être Sartre l’a-t-il imaginée pour ternir celui qu’il estimait responsable de l’échec du Front populaire. Peut-être en a-t-il fait une situation où ses « personnages » s’avèrent « gênants » par « leur lucidité » (Sartre, [1945] 1982, p. 1913). Surtout, ce final laisse le champ aux lecteurs. En 1945, il renvoyait beaucoup de contemporains à leur attitude de septembre 1938. Aujourd’hui, il continue d’interroger chacun sur ce qu’il aurait fait alors. Dans une tension extrême – et c’est certainement un trait du talent de dramaturge et du goût pour le roman policier de Sartre – la clôture brutale du Sursis sur la réplique « Les cons ! », prédispose à une surassertion puissante de cette formule (Maingueneau, 2021, p. 168), et laisse la scène ouverte aux interprétations.

42La réception du Sursis a accentué cette surassertion. Le roman, fidèle à sa technique narrative, insère dans la description du retour de la délégation française l’action d’un personnage inventé : « Milan but et dit en riant : “À la France ! À l’Angleterre ! À nos glorieux alliés !”. Puis il jeta de toutes ses forces le verre contre le mur » (Sartre, [1945] 1982, p. 1133). Les citations du roman l’occultent pour sertir davantage l’accueil au Bourget et la réaction de Daladier. Elles signalent même rarement cette suppression. Depuis 1972, la quatrième de couverture, en poche, comme en grand format, arbore ce final et remplace par des points de suspension la réaction de Milan. Ce choix éditorial, qui accroche le lecteur, montre l’impact potentiel et escompté de ce passage. Il a amplement pesé dans le devenir de l’association : Daladier – retour de Munich – « Les cons ! », car il participe, et renforce, l’aphorisation (Maingueneau, 2021, p. 174) du mot attribué au président du Conseil.

43Jean Galtier-Boissière est le premier, après les recensions, à avoir relevé la version du Sursis. Le journaliste, critique virulent de Daladier, la cite intégralement – « L’avion s’était posé, raconte Jean-Paul Sartre… » – dans son récit de la Deuxième Guerre (Galtier-Boissière, 1948, p. 18). Ensuite, de multiples articles et livres, reportages télévisés et radios, sites internet, etc., l’ont relayée, en l’attribuant ou non au roman. Des traits d’autres versions, courantes dans les années 1950-1960, affleurent toujours. Mais, elles sont devenues minoritaires face aux « cons » prononcé au Bourget. Les utilisations pédagogiques du Sursis – fréquentes dans les cours d’histoire aux élèves de troisième et de lycées22, et en classes préparatoires23 – ont beaucoup contribué à ancrer ces mots dans les représentations de cet événement. Plusieurs manuels comportent cette fin, parfois en spécifiant le caractère romanesque de cette source, ailleurs avec des indications fantaisistes24. Des corrigés modèles du baccalauréat la considèrent connue des candidats25. D’ailleurs, en 2003, Arno Klarsfeld, pour justifier sa prise de position belliciste, évoquait la marque de l’enseignement :

Je suis pour la guerre contre l’Irak parce qu’on m’a aussi enseigné qu’Edouard Daladier, rentrant de Munich, où il avait humilié la France en signant cette paix qui sacrifiait la Tchécoslovaquie et voyant la foule parisienne l’acclamer, avait glissé à l’oreille du secrétaire général du Quai d’Orsay : « Quels cons ! » (Klarsfeld, 2005 (2003), p. 162-163).

44Certainement, la dimension transgressive26, par son vocabulaire, de l’anecdote27, a joué dans son succès : les enseignants escomptant éveiller la curiosité par cette scène au lexique rare dans les documents sollicités, les adolescents ressentant la « joie espiègle » de manipuler un tel mot dans un cadre légitime28. Et cette sensation a assurément aussi compté chez ceux qui associent « Munich », « Daladier » et « Les cons ! ».

Épilogue

45À la sortie du Sursis, André Stibio a reproché à Sartre de ne pas « être vrai […] complètement » avec son « Les cons ! » couperet, car

ce propos de Daladier ainsi rapporté est incomplet. L’Histoire dira que Daladier fit suivre cette appréciation cavalière de ce début d’explication : « S’ils savaient ce qu’ils applaudissent ! ».

46Scrupuleux, Stibio ajoute : « dire que Daladier était blême, c’est faux. Son visage était rouge, très rouge, tirant sur le marron. » Il invoque les souvenirs de son ancien professeur d’histoire du lycée de Marseille, et s’appuie sur l’« image » – montrant sa « chair […] comme meurtrie », telle celle des « boxeurs […] martelés par un adversaire implacable », lors de « l’entrevue de Munich » (Stibio, 1946, p. 1 et 8).

47Savoir si Stibio avait raison ou tort dépasse les sources disponibles. Une chose est sûre, les premières traces d’un commentaire sur la foule – sauf chez Werth – l’accompagnent de : « s’ils savaient ce qu’ils applaudissent », « s’ils savaient ce qu’ils acclament », etc., par lesquels Daladier éclairerait sa réaction. Confrontée à l’incertitude sur cet épisode, la mémoire collective aurait pu choisir le silence ou le débat. Elle a majoritairement promu « Les cons ! », sous l’impulsion majeure du final d’un roman. Toutefois elle a souvent accompagné ses mots rudes – et d’autres devenus marginaux : « malheureux », « imbéciles », etc. –, d’une réflexion qui les atténue et les explique un peu, et que d’ailleurs certains attribuent parfois à Sartre (comme Laurent Binet dans le passage cité de HhHH). À propos du retour de Munich, la mémoire a donc privilégié une formule amalgamant une réaction rugueuse, puissamment portée par Le Sursis, et une atténuation qui participe du mythe de la « défaite glorieuse », Daladier devenant un perdant lucide contre l’avis de la foule.