1Apprentissages, usages, histoires de la langue et des langues – tout ceci au pluriel, dénotant les multiplicités, diversités, des entrées et récits par lesquelles se constituent des espaces de créations littéraires dont la vocation, après que les temps et leurs mots, leurs balbutiements, leurs heurts et leurs transformations, les échecs et les succès, les reconnaissances et leurs effacements, les vivants et les morts, aient fait œuvres, est une quête d’être, de construction subjective et de liberté – nous enseigne qu’à travers « lalangue »1, ce qui est rencontré dès la naissance, et, souvent bien avant elle, est bien un moment d’histoire fait de bruits, de notations étranges, imaginaires et corporelles, intimes et venues d’ailleurs, d’un autre coté de soi, d’un autre lieu que celui où je vis à peine en corps et en pensée, sans langue appropriée, immergé dans les bruits de langues parlées, chantées, dites, autour de soi, dans l’émerveillement, la frayeur, ou, la simple rumeur, bruits palpables et impalpables à la fois, présents et lointains, que je perçois mais ne sais pas nommés, bruits en attente de leur éclaircissements, élucidations, voyages, perturbations, souhaits, désirs, envies, jalousies, émotions, bruits intimes et éloignés, se maintenant et s’effaçant, se produisant et s’atténuant, bruits nuancés, continus et discontinus, ouvrant la voie à des étonnements, des interrogations, des inventions sérieuses et ludiques qui définiront un espace chaleureux ou terrible, favorable ou non à cette quête, construction subjective de soi et des autres en un récit, des récits, précisément multiples, qui se rapporteront à l’histoire, aux histoires, qui auront été vécues par soi et, effectivement, « les autres » de soi, que soi, parents et autres, intimes et étrangers qui auront participé, accueilli, rejeté, aimé, ignoré, cette quête et nouvelle construction subjective de « la-langue. »
2Sujet de « lalangue » et langue du sujet font corps.
3En quel sens ?
4Je cours après « lalangue » et la langue court…
5Le récit lui, va chez l’autre
6L’autre de « lalangue »
7Celui qui doit naître à la langue de l’autre en soi
8N’être à la langue de soi en l’autre : telle est l’énigme.
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9Source du voyage à travers toutes les intempéries, accalmies, orages des temps et des histoires. Poésies de « lalangue » que cette ouverture à l’autre de « lalangue » : vous lisez Daniel Maximin et prenez « L’isolé soleil » comme l’anagramme de l’une et de l’autre, tissage entre voyelles et consonnes, sonorité de l’âme, de la terre, isolée île, il et elle, ensemble, lectrice, lecteur, langue et récit attendant une histoire qui ne serait plus l’histoire d’un passé sans histoire, sans langue : la francophonie ?
10Territoires des Sans Langues qui inventent de « lalangue »
11Nouvelle langue multiple dans ses territoires d’appartenance et de non-appartenance qui définit l’épreuve de l’étranger, de langue étrangère comme langue de soi et de l’autre : intimité de la lecture ; étrangeté de l’écriture là où le récit, le poème, court…
12Le Je s’éloigne de soi-même pour revenir autre éveillé autrement à lui-même : récit de la Calle-Basse chez Édouard Glissant immergé dans l’aventure périlleuse du dieu Dogon.
13Tout comme la décolonisation, la colonisation est une histoire intime et étrangère ; les merveilleuses et malheureuses histoires, tragiques et drôles, dérisoires et infinies, qui parcourent les territoires de la francophonie, autre singulier pluriel qui marque bien l’étrangeté et l’intimité de la langue française à elle-même et en elle-même, langue d’histoires et de transformations subjectives qui porte cette énigme : je n’écris pas la même langue et ce n’est pas la même langue qui s’écrit et pourtant ?
14« Eppure, Si moeve… »Comme la terre, pour Galilée, « lalangue » bouge, s’émancipe d’un territoire obscur d’échanges et de malheurs, s’élance et joue dans la liberté de soi et de l’ailleurs.
15Le sous-titre du livre d’Abdelkebir Khatibi, La Mémoire tatouée, est : « autobiographie d’un décolonisé ».
16En d’autres mots, dans la même langue se trouve hébergée une autre signification de l’histoire de soi et de l’autre.
17Si toute langue est coloniale, la décolonisation intéresse bien celle de « lalangue » qui serait prise comme un tout totalitaire alors que précisément ce « lalangue » est fait de tous les bruits sonores, attitudes, gestes, musicalités qui entourent – pour écrire ce mot très opportun de Philippe Sollers – « l’élangue », l’ouverture aux autres langues, ce qui manifestement existe dans les récits poétiques, littéraires, des textes francophones.
18Étrangeté de soi, intimité de l’autre…
19Une éthique se dessine, se nomme, se déploie, au-delà d’une histoire mauvaise, tumultueuse, destructrice des récits autres
20Portés par l’usage, l’invention francophone.