L’objet pour informer le monde de la première modernité
1Objets nomades, ouvrage dirigé par Arianne Fennetaux, Anne-Marie Miller-Blaise et Nancy Oddo, constitue le volume 5 de la série Global Matters qui appartient à la collection « Techne » consacrée au savoir, à la technique et à la culture matérielle. Soulignons-le d’emblée, c’est, en lui-même, un très bel objet offrant de magnifiques illustrations qui accompagnent tous les articles qui le constituent. L’ouvrage s’ouvre sur une très dense introduction (p. 9 à 35) composée de cinq sous-parties. La première, « L’objet au centre du décentrement », entend, par son titre paradoxal, montrer le double mouvement à l’œuvre : mouvements centripète et centrifuge de l’objet, compris donc comme sujet, support de l’étude, mais aussi comme « méthode » (p. 15), amenant à déconstruire les approches ethnographiques pour s’enrichir du regard de l’autre. L’exemple du pernambouc (qui ne manquera pas de résonner aux oreilles du lecteur de Ruy Blas1), cet arbre au bois précieux utilisé dès le xviie siècle, et encore aujourd’hui pour la fabrication des archets des instruments à cordes, sur lequel s’ouvre l’introduction, permet d’illustrer la démarche de l’ouvrage. L’histoire du mot « pernambouc » rappelle l’origine brésilienne de ce bois et la circulation dont il fit l’objet au tout début du xvie siècle lors de la conquête portugaise du Brésil. Cet exemple est intéressant à plus d’un titre : le bois circule — d’Amérique du Sud vers l’Europe —, mais la circulation est contenue aussi dans la variété des emplois de ce bois. Son écorce bouillie a servi à fabriquer des teintures pour le textile mais aussi des pigments pour la peinture (dont témoigne le tableau figurant Sainte Cécile par Pietro da Cortona reproduit p. 8). Par ailleurs, son exploitation par les Indiens, qui s’occupent de couper, de transporter et de charger ce bois sur les navires européens en échange d’objets divers, est aussi décrite dans le récit de Jean de Léry Histoire d’un voyage faict en la terre du Brésil ([1578] 1994), ce qui ouvre encore un champ supplémentaire, celui de la littérature. Le livre même, d’après les dires de Jean de Léry, fut rédigé à partir de notes prises sur place à l’aide d’une encre obtenue par l’écorce de ce même bois. La boucle est bouclée. À l’issue de cet exemple exemplaire, pourrait-on dire, les autrices concluent : « L’ambition du présent volume est de suivre les pérégrinations d’objets nomades, qui, comme le bois du Brésil, en parcourant les hémisphères, sont au centre d’appropriations inédites et contribuent à façonner techniques autant qu’identités » (p. 14).
2Le cadre spatio-temporel de l’étude s’inscrit dans la première modernité « identifiée par un certain nombre d’historiens comme la première mondialisation » (p. 14) qui voit l’« émergence d’une nouvelle économie globalisée », l’ouvrage s’appuie donc sur les récents travaux concernant l’histoire globale et notamment ceux de l’historien, spécialiste de l’histoire connectée, Sanjay Subrahmanyam2. Mais le projet des autrices a ceci d’original qu’elles entendent proposer des « récits particuliers d’objets » (p. 15). Pas de grand ensemble, pas de vaste fresque donc, mais « la construction d’identités multiples qui interagissent entre elles par et à travers les objets » (p. 15). L’idée est de mettre l’objet au cœur de cette histoire globale envisagée comme un kaléidoscope d’histoires singulières.
3La deuxième sous-partie (« Pour une histoire matérielle des identités ») et la troisième (« Les modalités de la rencontre ») poursuivent l’entreprise d’explicitation du projet en posant que faire l’histoire de la circulation matérielle, c’est aussi, bien sûr, faire l’histoire des identités. L’objet a une histoire, une vie, une biographie (p. 19) qui amènent à s’interroger sur les frontières géographiques, politiques, identitaires. L’ouvrage s’inscrit donc dans une approche dynamique de l’histoire, celle qui, se méfiant du point de vue européo-centré, cherche à interroger d’autres sources que celles des archives en s’attachant à la matérialité — l’étude de l’objet permettant de s’intéresser à l’autre et de décentrer le regard. Il s’agit donc d’examiner comment l’étude de la circulation des objets permet d’approcher la construction des identités.
4L’idée fondamentale de l’ouvrage est d’échapper à une vision essentialiste de la culture, l’intérêt de l’objet, dans cette perspective, étant de lier (dans l’effet de circulation) mais aussi de remettre en cause (les rencontres entre les peuples ayant souvent été marquées par les violences de la spoliation et de l’exploitation).
5La quatrième sous-partie de l’introduction (« Les modalités de l’étude », p. 23) met en avant le travail interdisciplinaire qu’implique un tel projet, la nécessité de renouveler les approches (par exemple avec les subaltern studies) pour regarder l’objet autrement. Il ne s’agit plus de chercher l’exception, l’objet rare, mais de se pencher sur la « valeur anthropologique et sociale » de l’objet (p. 24).
6Un certain nombre de propos liminaires de chapitres viennent de manière très heureuse faire écho à l’introduction, par exemple le prélude de Benjamin Schmidt (p. 115-116) qui propose un point historiographique sur les théories de l’objet et le développement de son étude dans les sciences humaines et sociales ou encore l’introduction d’Emily Teo (p. 143) sur les évolutions complexes de l’étude de la culture matérielle. Les auteurs des contributions se réclament des travaux fondateurs d’Arjun Appadurai3 (p. 81, p. 116) de Jean Baudrillard4 (p. 60, p. 133), de Serge Gruzinski5 (p. 174), d’Homi Bhabha6 (p. 187).
Diversité des objets et variété des situations d’échange
7La plupart des objets étudiés dans l’ouvrage sont précieux par leur rareté, leur technique sophistiquée de fabrication, leur matériau — les trois d’ailleurs pouvant se combiner. Mais il est aussi question d’objets plus banals comme les pipes ou encore les tabatières (encore que ces dernières puissent également ressortir de la première catégorie). Ils peuvent relever du vêtement ou de la parure qu’ils soient amérindien, indien, ou européen (les wampum, les gants évoqués p. 222-235, les plumes, les mouches, les chapelets qui sortent ainsi de la sphère religieuse), être des objets de décoration (les tissus, les tentures appelées « indiennes » et « perses », les tapis de soie et les carreaux de faïence), des meubles (conçus par des marchands-merciers à partir de laques chinois ou japonais). Ce sont encore parfois des objets périssables, ainsi du foie de taureau consommé à Madagascar lors de négociations de paix par exemple (p. 64-79), ou des lychees venus de Chine, de produits alimentaires variés (café, parmesan, oranges) qui étaient commandés pour la table du duc Léopold de Lorraine (p. 236-251). Ce sont encore parfois des objets très spécifiques comme les reliques thérésiennes (chapitre XX). Les échanges ont lieu dans des cadres très variés : cadre diplomatique — pour l’entretien de relations, pour négocier la paix ou encore monnayer des accords —, cadre commercial — mais le vol est aussi évoqué dans le cas des tabatières (p. 276-287) — cadre rituel de cérémonies funèbres... Parfois les échanges ressortissent à des situations tout à fait particulières comme la fondation du Carmel en France (chapitre XX), le discours stratégique de Monluc au Palazzo Pubblico à Sienne (chapitre XIX) ou bien encore pour forcer l’apostasie des chrétiens dans le cas de l’utilisation des fumi-e au Japon (chapitre VI).
Circulations internes
8La dernière sous-partie de l’introduction (« Suivre les objets ») présente les différents chapitres et indique que l’ouvrage est composé de trois grandes parties (invisibles dans la table des matières qui, fidèle au principe énoncé dans le titre de l’ouvrage et dans l’introduction, met en œuvre une circulation fluide sans frontières entre les différents objets traités) : les chapitres I à VII s’intéressent plus particulièrement aux fonctions politiques et religieuses de l’objet, les chapitres VIII à XIII aux transferts esthétiques et techniques tandis que les chapitres XIV à XXI, dont le champ géographique se restreint à l’Europe mais dont l’approche interdisciplinaire s’élargit davantage à la littérature, mettent en avant le rôle des objets dans la construction des identités.
9Les contributions se croisent, se font écho, et, à ce titre, répondent bien au maître-mot de l’ouvrage : circulation. Ainsi l’évocation des poupées de mode évoquées par Antoinette Gimaret (p. 309) — par ailleurs détournement, à des fins religieuses, d’une pratique mondaine —, ne manque-t-elle pas de faire penser aux propos tenus par Rebecca Unsworth qui réfléchit aux moyens de diffuser la mode à une époque où descriptions et images sont, somme toute, assez rares (p. 231). Les contributions de Benjamin Schmidt et de Noémie Etienne se répondent sur la présence étrangère au Japon au xviie siècle, très strictement encadrée (p. 123, p. 183). Deux contributions, plus spécifiquement littéraires, s’appuient sur des mémorialistes (p. 252-263 ; p. 288-301). Les échanges de cadeaux diplomatiques entre la France et le Siam sont évoqués dans trois contributions. Le chapitre premier, de Giorgio Riello « La culture matérielle de la diplomatie » (p. 37-49) s’intéresse en effet à des échanges de cadeaux très luxueux entre la France de Louis XIV et le Siam de Phra Narai. Ces échanges d’objets (dont il faut préciser qu’il ne reste rien), fondés sur la notion de réciprocité mais aussi d’incommensurabilité, témoignent de visées politiques et religieuses puisque Louis XIV espérait tirer profit des ambassades au Siam — la France étant, à l’époque, à la traîne dans les relations commerciales avec ce pays — en misant sur une possible conversion au catholicisme de Phra Narai. Les visées siamoises sont plus mystérieuses, les documents à ce sujet faisant défaut, mais il est certain que l’idée d’une moindre considération des cadeaux français par leurs destinataires est à battre en brèche. Phra Narai était très sensible à la beauté des objets, à leur rareté et à leur savoir-faire, et il semblerait qu’il ait pu meubler et décorer de manière très luxueuse certains de ses palais grâce à ces cadeaux diplomatiques confondus plus ou moins avec des commandes. Des laques faisaient partie des cadeaux, c’est ce qu’indique la contribution de Noémie Etienne (p. 183) ; il y avait aussi des livrets, comme le souligne Marie-Claude Canova-Green (p. 60). Enfin, l’iconoclasme protestant, évoqué par Benjamin Schmidt l’est aussi par Nancy Oddo (p. 314-327) qui étudie le chapelet en France au xviie siècle, à travers la littérature de piété catholique, comme objet au nomadisme horizontal (circulation entre espace privé et espace public, circulation aussi entre Europe et lieux de missions étrangères où l’objet est exporté) mais aussi nomadisme vertical (circulation entre l’humain et le divin). Attestant de l’identité catholique et anti-protestante de celui qui le porte, le chapelet qui, d’après François de Sales doit être porté avec ostentation, est bien ainsi un objet nomade.
De l’objet nomade à l’objet immobile : les cabinets de curiosités
10La comparaison de l’ouvrage avec le cabinet de curiosités est clairement assumée par l’ouvrage qui présente en couverture un tableau de Domenico Remps figurant l’objet et qui en établit les correspondances en introduction. Les contributions, elles, montrent que l’introduction de l’objet dans le cabinet de curiosités n’est pas seulement un point d’arrêt, une station terminale, elle est aussi un détournement de la trajectoire de l’objet qui répond dès lors à des « visées [...] taxinomiques, pédagogiques et politiques » (p. 181).
Domenico Remps, Cabinet de curiosités, c. 1690, Huile sur toile (99 × 137 cm)
Museo dell’Opficio delle Pietre Dure di Firenze.
11La référence aux cabinets de curiosités est constante : le deuxième chapitre (« Le récit de la fête. Du livret-programme au livre cadeau » de Marie-Claude Canova-Green) est consacré à deux objets-livres d’une certaine manière complémentaires : le livret, programme des divertissements de cour en France, dont la publication est le privilège de Ballard, distribué gratuitement au spectateur le jour même puis proposé à la vente à un prix relativement modeste, donne des indications sur la distribution, « précis[e] le sens des entrées dansées et donn[e] le texte des airs et des récits chantés » (p. 52). Objet utile, éphémère par voie de conséquence, il se distingue de son pendant, l’autre livre qui fait la relation de la fête. Celui-ci est un objet commémoratif, plus volumineux et plus coûteux car plus luxueux. Il a par ailleurs comme caractéristique d’être possiblement manuscrit, ce qui renforce sa valeur par son caractère unique. Instrument au service du rayonnement de la France, il est aussi un cadeau que l’on fait aux Grands particulièrement en faveur à la cour ou aux souverains étrangers (le roi Phra Narai dit Ramathibodi III dont il est largement question dans le chapitre I de l’ouvrage fut le destinataire d’un de ces livres richement ornés et illustrés) pour renforcer le prestige de la France. L’objet circule donc avec des visées particulières mais passe du statut d’objet nomade au statut de « curiosit[é] immobil[e] » (p. 62) ; il devient ainsi un objet de collection que l’on peut ensuite admirer dans les bibliothèques.
12Ce point d’aboutissement, au sein d’une collection, est aussi celui des objets religieux, notamment les reliquaires ou les composants de la vaisselle liturgique, fabriqués en argent et ornant les chapelles et les églises de Naples au xviie siècle, alors sous domination espagnole. L’autrice du chapitre V (p. 98-113), Helen Hills, retrace le parcours complexe de ce « métal nomade », parcours non seulement géographique mais aussi politique et social, puisqu’elle souligne les terribles conséquences de son extraction, tant sur le plan humain (pratique de l’esclavage, utilisation du mercure) que sur le plan écologique. L’autrice montre bien le sens (compris comme direction et signification) des circulations de l’argent, tout à la fois objet d’enrichissement (pour l’empire espagnol) mais aussi source d’appauvrissement, non seulement pour les colonies exploitées mais encore pour le royaume d’Espagne, assoiffé de puissance et conséquemment lourdement endetté.
13Ann Rosalind Jones pour sa part, au chapitre IV (p. 80-97), montre comment les plumes (de l’autruche d’Afrique, de l’ara rouge du Pérou et enfin de l’ibis rouge du Brésil) ont envahi les cours européennes et ont participé aux ornements des parures pour aussi investir les vitrines des cabinets de curiosités ; Emily Teo (p. 142-157) affirme que les récits de voyages — ceux de trois missionnaires ayant séjourné plus ou moins longuement en Chine servent de corpus d’étude à son propos — constituent eux aussi, par la description des objets qu’ils font, en l’occurrence des soies, des laques et des lychees, des cabinets de curiosités. Néanmoins pour Sabine du Crest (p. 158-167), qui réserve un traitement aux objets extra-européens détournés (par exemple le nautile hanap Rotschild issu des collections du Musée national de la Renaissance), valorisés (le phénix de porcelaine Qing), transformés (la paire de pots-pourris réalisés à partir de coupes en porcelaine de Chine céladon exposée au Musée Cognacq-Jay à Paris), et qui envahissent les Wunderkammern, ces objets sont loin d’avoir perdu leur nomadisme. Ces « objets frontière », comme elle les nomme, « font pérégriner le regard qui se porte sur eux » (p. 166). Et elle ajoute significativement : « Une phénoménologie de la perception de l’autre se matérialise dans les diverses modifications européennes des objets extra-européens en objets frontière encore et toujours nomades. »
14Quelques chapitres occupent une place à part par la singularité de leur sujet : ainsi celui de Benjamin Schmidt (p. 114-128) qui, s’intéressant à la pratique du e-fumi (le piétinement des images), présente l’exemple d’un objet, le fumi-e (« image à piétiner »), recherché, et même fabriqué, non pour être exposé et admiré mais au contraire pour être abîmé, piétiné. Le chapitre revient sur cette pratique japonaise attestée depuis le début du xviie siècle et encore en cours au xix siècle qui consistait à faire marcher les hommes sur des icônes, pratique doublement utile puisqu’elle permettait de recenser la population mais aussi de débusquer les chrétiens pourtant interdits au Japon. Cette pratique, sous le régime des Tokugawa, était une manière pour le shogun d’imposer son autorité, et un instrument de contrôle vis-à-vis des jésuites notamment. Le chapitre de Claire Boulard-Jouslin (p. 264-275) se singularise également par son objet d’étude : les mouches, ces minuscules bouts de papier noir que les hommes et les femmes se collaient sur le visage. Ce « maquillage » fut très en vogue en Angleterre aux xviie et xviiie siècles, mais aussi très critiqué. Son usage esthétique, pour cacher des cicatrices ou pour rehausser le teint, se transforma au cours du xviie siècle et fut soupçonné de se muer, sur le visage des femmes, en langage galant et pire encore, en prise de position politique.
Affiner les concepts et déconstruire l’idée d’exotisme
15Si l’introduction de l’ouvrage, sur le plan méthodologique, annonce les concepts liés à la circulation des objets mis en œuvre dans cette étude de l’histoire globale — appropriation, hybridation, interaction, métissage, créolisation, acculturation — les différents chapitres qui composent l’ouvrage se chargent d’en établir les nuances. Ainsi, le phénomène d’appropriation est illustré par l’exemple des pipes européennes exportées en masse dans le Golfe de Guinée (p. 129-141). Ces objets, dont l’essentiel a été produit en Hollande et au Royaume-Uni, ont connu à leur arrivée en Afrique d’autres usages : monnaie d’échange, rétribution pour service rendu, cadeau diplomatique, transaction matrimoniale, usage pédagogique. La contribution de Sébastien Pautet (p. 168-179), qui porte sur les meubles en laques chinois fabriqués en France au xviiie siècle, s’intéresse explicitement au concept d’hybridation. L’auteur cherche en effet à savoir « de quoi l’hybride [est] le nom » (p. 170). En remontant le temps et en retournant à l’origine du mot, il pointe le caractère monstrueux attribué à l’hybride, mais souligne aussi la connotation positive du concept dans le contexte actuel en retraçant sa généalogie. Le concept d’hybridation, par son histoire liée à celle de la biologie, a ceci d’intéressant qu’il renvoie non seulement au caractère composite de l’objet mais encore au processus dynamique de sa création. C’est ce qu’examine également Noémie Etienne au chapitre XI dans sa contribution intitulée « Les objets retouchés. Adam Weisweiler et la vie des laques asiatiques en Europe à l’époque moderne » (p. 180-193). Celle-ci préfère toutefois parler d’« objets retouchés » plutôt que de recourir au terme d’hybridité. Mais en choisissant de s’intéresser aux « rapports de force inscrits dans les objets eux-mêmes » (p. 182), l’autrice cherche à se défaire de l’idée d’exotisme qui a eu cours pendant longtemps — Aziza Gril-Mariotte rappelle d’ailleurs le travail des chercheurs à ce sujet (p. 209). Noémie Etienne, pour sa part, cite l’Encyclopédie et l’article consacré au « Vernis du Japon » en rappelant que l’exotisme « est toujours le produit d’un regard » (p. 182), ce que confirment les derniers propos de la contribution de Giorgio Riello (p. 47). « L’hybridité des formes et des savoir-faire » (p. 205) est également évoquée par Céline Ventura Teixeira (p. 194-207) à l’occasion d’une étude sur les modèles ornementaux des azulejos. C’est au détournement, pour une part, que s’intéresse Alicia Viaud dans sa contribution sur « la toilette de Monluc » (p. 288-301). Le capitaine gascon Blaise de Monluc, lors d’un discours décisif, se frotta le visage de vin pour se donner bonne mine et ainsi gagner la confiance des Siennois lors du siège de la ville en 1555. L’acculturation est au cœur du chapitre d’Antoinette Gimaret (p. 302-313) qui étudie par le prisme de l’objet — vestimentaire, dévotionnel et liturgique — les difficultés d’implantation du Carmel réformé en France au début du xviie siècle, mais aussi la construction d’une nouvelle identité propre au Carmel français.
Appadurai Arjun, The Social Life of Things : Commodities in Cutural Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.
Baudrillard Jean, Le Système des objets, Paris, Gallimard, 1968.
Bhabha Homi, « Signs Taken for Wonders : Questions of Ambivalence and Authority under a Tree outside Dehli, May 1817 », Critical Inquiry, vol. 12, n° 1, 1985, p. 144-165.
Gruzinski Serge, La Pensée métisse, Paris, Fayard, 1999.
de Léry Jean, Histoire d’un voyage faict au Brésil, éd. Frank Lestringant, Paris, Librairie Générale Française, 1994.